Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur affirmait qu’il était invalide en raison de lésions physiques et du syndrome de la douleur chronique lorsqu’il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de réexamen. Le demandeur a porté en appel la décision de réexamen devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013 en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tranché l’appel sur la foi du dossier écrit le 15 juin 2015.

[2] Le demandeur a présenté à la division d’appel du Tribunal une demande de permission d’en appeler. Il fait valoir que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle et d’équité en ne tenant pas d’audience dans cette affaire, qu’elle a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des observations écrites du demandeur et en ignorant des éléments de preuve importants qui appuyaient sa demande, et qu’elle a commis des erreurs de fait.

[3] L’intimé n’a pas présenté d’observations concernant le présent appel.

Analyse

[4] Pour qu’on lui accorde la permission d’en appeler, le demandeur doit présenter un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines), [1999] ACF 1252 (CF). De plus, la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’un litige ayant une cause défendable en droit revient à se demander si la partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63.

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi) régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de la Loi énonce quels sont les seuls moyens d’appel pouvant être considérés pour accorder la permission de porter en appel une décision de la division générale (voir l’annexe de la présente décision). Par conséquent, je dois décider si le demandeur a soulevé un moyen d’appel qui correspond à l’article 58 de la Loi et si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[6] Le demandeur a tout d’abord fait valoir que la division générale n’avait pas observé les principes de justice naturelle et de l’équité en ne tenant pas une audience orale dans la présente affaire. L’avocate du demandeur a fait observer qu’elle avait demandé deux fois la tenue d’une audience orale, indiquant que c’était important en l’espèce, car l’invalidité invoquée était le syndrome de la douleur chronique, une condition grandement subjective, et parce que la crédibilité et le témoignage du demandeur seraient importants pour que la division générale puisse statuer comme il se doit sur l’affaire. Elle a aussi soutenu que le demandeur avait l’attente légitime que l’affaire soit entendue oralement, et que cette partie de la procédure était requise en application de l’obligation d’équité.

[7] Les principes de la justice naturelle consistent à s’assurer que les parties à une instance ont une occasion suffisante de présenter leurs arguments, de prendre connaissance des arguments contre eux, et à faire en sorte que la décision soit rendue par un décideur impartial en se fondant sur le droit et les faits. Il est clair dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale que la division générale a la discrétion de décider comment un appel sera instruit, que ce soit par écrit, par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne. Toutefois, cette discrétion doit être observée de manière judicieuse. Il n’est pas apparent à l’examen de la décision de la division générale que celle-ci a tenu compte des arguments du demandeur lorsqu’elle a décidé de la forme que prendrait l’audience. Il se peut que la division générale n’ait pas observé les principes de justice naturelle dans cette décision. Ce moyen d’appel peut avoir une chance raisonnable de succès.

[8] Le demandeur a de plus fait valoir que la division générale avait commis une erreur en ne tenant pas une audience, car le demandeur avait une attente légitime que l’affaire soit instruite ainsi. De nombreuses décisions des tribunaux ont examiné le concept d’attentes légitimes. Il est clair dans ces décisions que ce concept est lié à l’équité procédurale, et non aux droits fondamentaux. Autrement dit, une partie à une demande soumise au Tribunal de la sécurité sociale (TSS) peut s’attendre à certaines garanties en matière de procédure, mais pas à une issue spécifique à sa cause (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817). Récemment, la Cour fédérale a traité de la question des attentes légitimes dans le contexte d’un appel devant la division d’appel du TSS, dans l’affaire Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100. Dans cette affaire, la demanderesse sollicitait le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du TSS. La demanderesse avait porté en appel une décision de la Commission d’appel des pensions, qui n’a pas instruit la cause avant la fin de son mandat. L’affaire a donc été transférée à la division d’appel du TSS. Le Tribunal a instruit l’affaire selon la législation en vigueur avant que le TSS n'amorce ses travaux, en raison des attentes légitimes de la demanderesse au moment du dépôt de son appel. Dans sa décision, la Cour fédérale a conclu que le TSS avait commis une erreur de procéder ainsi; la législation qui était en vigueur au moment de l’audience aurait dû être appliquée, non pas celle qui était en vigueur lorsque la demande a été présentée à la Commission d’appel des pensions.

[9] De même, en l’espèce, je conclus que les attentes légitimes du demandeur ne vont pas jusqu’à inclure le droit à une audience. Cela n’est pas prévu dans la loi qui régit le TSS ni dans le règlement. C’était le droit qui était en vigueur lorsque l’affaire a été instruite. Ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[10] L’avocat du demandeur a fait valoir que la division générale avait aussi commis une erreur de droit en rendant sa décision, car elle n’avait pas examiné ou abordé ses observations détaillées, particulièrement en ce qui concerne la pertinence de tenir une audience et sur la question de la crédibilité. Il n’est pas nécessaire que la décision mentionne chacun des éléments de preuve qui ont été présentés, ou chaque argument soulevé par une partie à l’instance. Le décideur est présumé avoir examiné chacun d’entre eux. Cependant, les motifs de décision devraient démontrer que le décideur a entendu la preuve et les arguments des parties, en a tenu compte et les a soupesés au moment de rendre sa décision. En l’espèce, la décision de la division générale ne fait aucunement mention des arguments du demandeur concernant la forme que l’audience devrait prendre. De plus, le résumé des arguments du demandeur n’englobe pas la plupart des arguments avancés au nom du demandeur. Ces arguments ne sont nulle part examinés ou analysés dans la décision. En conséquence, la présomption que la division générale a entendu et examiné l’ensemble de la preuve et des observations des deux parties à la présente affaire peut être réfutée. Ce moyen d’appel aussi peut avoir une chance raisonnable de succès.

[11] L’avocate du demandeur a aussi soutenu que la crédibilité était un facteur important sur lequel il fallait statuer dans la présente affaire en raison de la nature de l’invalidité, et elle a invoqué une décision de la Commission d’appel des pensions pour appuyer cet argument. La décision de la division générale indiquait qu’aucune conclusion en matière de crédibilité n’avait été tirée. Ce moyen d’appel aussi peut avoir une chance raisonnable de succès pour les mêmes raisons énoncées précédemment.

[12] En outre, le demandeur a fait valoir que la division générale n’avait pas examiné la preuve qui appuyait sa demande. Dans R c. Sheppard, 2002 CSC 26, la Cour suprême du Canada a statué qu’il faut motiver des conclusions de fait tirées d’une preuve litigieuse et dont dépend l’issue de l’affaire. La décision de la division générale n’a pas examiné de preuve qui ne soutenait pas sa conclusion. Cet argument montre donc aussi une erreur de droit dans la décision de la division générale. Ce moyen d’appel peut avoir une chance raisonnable de succès.

[13] Enfin, l’avocate du demandeur a soutenu que la décision de la division générale contenait des erreurs de fait. La décision indique que le demandeur avait déclaré à la fois qu’il n’avait pas travaillé depuis 1999 et qu’il avait travaillé après cette date à distribuer des circulaires. De plus, l’avocate a fait valoir que la division générale avait cité la mauvaise date à laquelle le demandeur avait cessé de travailler.

[14] Pour que des erreurs de fait soient un moyen d’appel au sens de l’article 58 de la Loi, elles doivent avoir été commises de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. La nature contradictoire des déclarations de fait concernant le moment où le demandeur a cessé de travailler peut être abusive. Par conséquent, ce moyen d’appel peut avoir une chance raisonnable de succès.

[15] Je ne suis pas convaincue que l’erreur concernant la date à laquelle le demandeur a cessé de travailler a été faite de manière abusive, arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance du Tribunal. De plus, cette erreur n’était pas significative par rapport à la décision rendue. Ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[16] La demande est accueillie puisque le demandeur a soulevé au moins un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[17] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond de l’affaire.

[18] Les parties sont invitées à présenter des observations sur le mode d’audience qu’il conviendrait d’adopter pour instruire le présent appel ainsi que sur le bien-fondé de l’appel. La vidéoconférence n’est pas disponible dans la région où habite le demandeur.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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