Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale datée du 28 mai 2015. La division générale a tenu une audience par téléconférence le 15 avril 2015 et a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada parce qu’elle a conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2013. Le 31 août 2015, le représentant de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler, en alléguant que la division générale a commis de nombreuses erreurs de droit et qu’elle a fondé sa décision sur de nombreuses conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour que la demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique de la procédure

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 11 avril 2011 (pièces GT1-25 à GT1-28). L’intimé a rejeté la demande, initialement et après révision. La demanderesse a interjeté appel de la décision de révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité économique de 2012 prévoit que tout appel déposé avant le 1er avril 2013 au titre du paragraphe 81(1) du Régime de pensions du Canada tel qu’il était libellé immédiatement avant l’entrée en vigueur de l’article 229 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité économique est considéré comme ayant été déposé le 1er avril 2013 auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 1er avril 2013, le BCTR a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de la décision de révision.

[5] Le 24 mars 2014, le représentant de la demanderesse a déposé un Avis de procéder – Appelant et le 13 mai 2014, un formulaire de renseignements sur l’audience.

[6] Le 13 novembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a informé les parties que le membre de la division générale avait l’intention de procéder en tenant une audience par comparution en personne des parties le 24 février 2015 (GT0). Le Tribunal de la sécurité sociale a avisé les parties qu’elles avaient jusqu’au 29 décembre 2014 pour déposer des documents ou des observations supplémentaires et jusqu’au 26 janvier 2015 pour déposer des documents ou observations en réponse à l’autre partie. Tout document déposé après cette date serait pris en considération uniquement à la discrétion du membre du Tribunal.

[7] Le 28 janvier 2015, le représentant de la demanderesse a déposé des lettres provenant des employeurs de la demanderesse (GT6) et, le 11 février 2015, l’intimé a déposé un addenda aux observations du ministre (GT7).

[8] L’audience a été tenue le 24 février 2015, mais il a été nécessaire de l’ajourner en raison de problèmes relatifs aux services d’interprétation (GT0A). Une autre audience par comparution en personne a été mise au rôle pour la date du 23 mars 2015, mais cette audience a également dû être ajournée en raison d’un conflit d’horaire imprévu concernant la salle d’audience. Une audience par téléconférence a été mise au rôle pour la date du 15 avril 2015 (GT0B).

[9] L’affaire a été instruite à l’audience du 15 avril 2015 et la division générale a rendu sa décision le 28 mai 2015. La division générale a conclu que la preuve médicale était insuffisante pour faire établir que la demanderesse était incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice en 2013. La division générale a pris en considération les caractéristiques personnelles de la demanderesse dans un contexte réaliste et a conclu que celle-ci avait des difficultés d’ordre linguistique ainsi qu’une scolarité et une expérience de travail limitées, mais a aussi conclu que la preuve était insuffisante pour démontrer qu’il était irréaliste ou difficile de surmonter ces obstacles. La division générale a également conclu que même si les avis médicaux excluaient la possibilité de travaux manuels, ils n’excluaient pas la possibilité d’occuper un emploi sédentaire. La division générale s’est exprimée en ces termes [traduction] : « Sans preuve médicale établissant la nature des limitations physiques et psychologiques [de l’appelante], le degré de son invalidité demeure imprécis. »

Observations

[10] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur diverses conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il fait valoir, plus particulièrement, que la division générale a commis les erreurs suivantes :

Erreurs de droit

  1. a) Elle a conclu erronément que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait être grave et prolongée aux termes du Régime de pensions du Canada, et ce, malgré les conclusions énoncées au paragraphe 56 de sa décision;
  2. b) Elle a mal appliqué le critère établi dans l’arrêt Villani (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248);
  3. c) Elle n’a pas conclu que l’invalidité de la demanderesse était grave et prolongée ou qu’elle était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice;

Conclusions de fait erronées

  1. d) Elle a conclu que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait être grave à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité si elle n’avait pas de médicaments prescrits pour traiter la douleur et si elle n’était pas vue par des spécialistes;
  2. e) Elle a mal appliqué le critère établi dans l’arrêt Villani en n’ayant pas tenu compte des facteurs sociaux.

[11] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas pris en considération la preuve globale [traduction] « selon une perspective pratique » lorsqu’elle a rendu sa décision.

[12] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites en réponse à la demande de permission d’en appeler.

Analyse

[13] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il doit exister un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie à un litige a une cause défendable en droit revient à se demander si la partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[14] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, la demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel correspondent à l’un des moyens d’appel prévus et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Erreurs de droit

a) Paragraphe 56

[16] Au paragraphe 56 de sa décision, la division générale a écrit ce qui suit :

[Traduction]
[56] Le Tribunal est d’avis que même si la preuve médicale permet de conclure que l’appelante ne pouvait faire aucun travail physique véritablement rémunérateur, la preuve médicale ne fournit pas de preuve suffisante d’une raison d’ordre médical qui empêcherait l’appelante de faire un travail véritablement rémunérateur.

[17] Le représentant de la demanderesse soutient que cette déclaration démontre que la division générale a conclu que l’invalidité de la demanderesse était grave et prolongée aux fins de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, selon lequel « une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[18] Bien qu’il soit vrai que la division générale a conclu que la demanderesse était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, cela était limité à un emploi véritablement rémunérateur comportant des travaux manuels. Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

b) Critère Villani

[19] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement le critère établi dans l’arrêt Villani.

[20] Il aurait été utile que le représentant de la demanderesse me fournisse des précisions relativement à l’allégation que la division générale a mal appliqué le critère établi dans Villani. Selon ce que je peux déterminer, la division générale a énoncé le critère Villani au paragraphe 57 de sa décision, lorsqu’elle a indiqué que le critère du caractère grave de l’invalidité doit être évalué dans un contexte réaliste et que la division générale se devait de prendre en considération des facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. La division générale a alors passé en revue les caractéristiques personnelles de la demanderesse.

[21] Au paragraphe 49 de Villani, le juge d’appel Isaac a dit : « L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. » À moins que l’avocat ne précise l’erreur de droit dont il s’agit ou qu’une erreur ressorte à la lecture du dossier, il n’y a pas de fondement sur lequel m’appuyer pour intervenir dans l’évaluation faite par la division générale en application de Villani. Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

c) Reformulation du critère

[22] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en ce qu’elle n’a pas tiré la conclusion que l’invalidité de la demanderesse était grave et prolongée ou qu’elle est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Bien que le représentant de la demanderesse allègue que cela équivaut à une erreur de droit, il ne s’agit pas d’un moyen d’appel recevable en ce que cela a trait au critère auquel la demanderesse doit satisfaire pour être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et à la conclusion finale tirée par la division générale. Un demandeur se doit de démontrer en quoi la division générale pourrait avoir commis une erreur en tirant sa conclusion finale concernant la question de savoir si le demandeur est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Conclusions de fait erronées

d) Absence de médicaments d’ordonnance

[23] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait être grave à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité compte tenu d’une absence de médicaments sur ordonnance pour le traitement de la douleur et de consultations auprès de spécialistes.

[24] Formulé de cette manière, l’on ne peut dire qu’il s’agit d’une conclusion de fait erronée puisqu’il existe des éléments de preuve sur lesquels la division générale pouvait fonder sa décision et étant donné qu’elle pouvait tirer cette conclusion à partir des éléments portés à sa connaissance. Le critère n’est pas de savoir si une conclusion de fait différente aurait pu être tirée. Je ne suis pas convaincue que ce motif d’appel, tel que formulé, présente une chance raisonnable de succès en appel.

[25] Si la division générale avait tiré sa conclusion concernant la question de savoir si la demanderesse pouvait être déclarée invalide aux termes du Régime de pensions du Canada uniquement à partir de ces deux éléments, j’aurais pu être portée à estimer que l’appel pourrait avoir une chance raisonnable de succès, mais il est manifeste que la division générale a tiré ses conclusions à partir de bon nombre d’autres considérations.

e) Villani

[26] Le représentant de la demanderesse soutient, en outre, que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en ce qu’elle a mal appliqué le critère établi dans l’arrêt Villani en ne tenant pas compte des facteurs sociaux.

[27] La division générale semble avoir défini les « facteurs sociaux » (dans le contexte de sa décision) comme étant les caractéristiques personnelles de la demanderesse. La division générale a examiné les caractéristiques personnelles de la demanderesse, comme son âge, ses aptitudes linguistiques, son niveau d’instruction et son expérience de travail. La division générale a indiqué la date de naissance de la demanderesse et a conclu que, compte tenu de son âge, un emploi ou un programme de recyclage n’étaient pas exclus. La division générale a souligné l’avis de deux médecins différents; l’un a écrit en novembre 2011 que, vu le niveau d’instruction de la demanderesse, celle‑ci ne pourrait trouver que des emplois comportant des travaux manuels et ne pourrait faire aucune tâche nécessitant de se pencher, de pousser, de tirer, de soulever ou de transporter. Un autre médecin a écrit qu’il serait difficile pour la demanderesse de trouver un emploi, compte tenu de ses problèmes de mobilité et son manque de compétences en emploi. La division générale a accepté ces avis médicaux lorsqu’elle a conclu que la demanderesse est effectivement aux prises avec des limitations fonctionnelles et n’a qu’une scolarité limitée. De même, la division générale a conclu que la demanderesse a des difficultés d’ordre linguistique, un faible niveau d’instruction et une expérience de travail limitée. Par conséquent, l’on ne peut dire que la division générale n’a pas tenu compte de « facteurs sociaux ».

[28] Si le représentant de la demanderesse nous demande de réévaluer les caractéristiques personnelles de la demanderesse dans un contexte réaliste et de tirer une conclusion favorable à celle‑ci, pareille demande outrepasse la portée d’une demande de permission d’en appeler.

[29] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès au motif que la division générale aurait omis de tenir compte de « facteurs sociaux » ou des caractéristiques personnelles de la demanderesse.

Conclusion

[30] La demande est rejetée.

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