Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 2 juin 2015. La division générale a tenu une audience en personne le 29 mai 2015 et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, étant donné qu’elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » au  moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin, le 31 décembre 2010. L’avocate du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler le 20 août 2015. Pour accueillir sa demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique de la procédure

[3] Le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 17 août 2011 (GT1-17 à GT1-20). L’intimé a rejeté sa demande, dans sa décision initiale et lors du réexamen. Le demandeur a interjeté appel de la décision rendue à l’issue du réexamen devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[4] En vertu de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, tout appel présenté avant le 1er avril 2013 au titre du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, est réputé avoir été présenté le 1er avril 2013 à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 1er avril 2013, le BCTR a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la décision rendue à l’issue du réexamen.

[5] Le 2 avril 2014, l’avocate a présenté un Avis de préparation – Appelant et le 14 avril 2014, un Formulaire de renseignements sur l’audience. Le 11 juin 2014, l’avocate a présenté un rapport médico-légal daté du 5 août 2013 préparé par le Dr Sundeep Thinda, un psychologue agréé (GT4) et le 17 juin 2014, l’intimé a présenté un addenda aux observations du ministre (GT6).

[6] Le 9 décembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a informé les parties que le membre du Tribunal de la sécurité sociale avait l’intention de tenir une audience en personne (GT0). Le 14 janvier 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a fait savoir aux parties que l’audience avait été reportée (GT0A). Le Tribunal de la sécurité sociale a indiqué aux parties qu’elles avaient jusqu’au 29 janvier 2015 pour présenter des documents ou des observations supplémentaires et jusqu’au 28 février 2015 pour produire des documents en réponse à ceux de l’autre partie.

[7] L’audience a eu lieu le 29 mai 2015 et la division générale a rendu sa décision le 2 juin 2015. La division générale s’est montrée sceptique à l’égard du témoignage et des observations écrites du demandeur, et a estimé qu’il avait tendance à amplifier et à exagérer ses symptômes et l’effet de son état de santé sur ses capacités fonctionnelles. Elle a observé des incohérences dans ses observations orales et écrites. La division générale a déterminé que la preuve médicale n’étayait pas la conclusion selon laquelle le demandeur était atteint d’une invalidité grave avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. La division générale a également constaté qu’il n’existait que peu de preuves objectives démontrant l’existence d’une pathologie grave qui expliquerait les douleurs extrêmes et la perte de capacités fonctionnelles rapportées par le demandeur. La division générale a estimé que le Dr Thinda et le Dr Tarazi, un chirurgien orthopédiste, défendaient les intérêts du demandeur et que l’on ne pouvait se fier à leur avis médical. Comme elle a établi que le demandeur avait une certaine capacité résiduelle de travailler, la division générale en est également venue à la conclusion que le demandeur n’avait pas déployé assez d’efforts pour trouver et conserver un emploi, puisqu’il avait donné son ordinateur neuf à quelqu’un et qu’il n’avait fait aucun effort pour utiliser des logiciels commandés par la voix.

Observations

[8] L’avocate fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur diverses conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] L’avocate fait valoir que la division générale a mal interprété le témoignage et les documents médicaux du demandeur. Il soutient que les documents et les rapports médicaux de spécialistes, comme ceux du Dr Thinda et du Dr Tarazi, ont été ignorés, ce qui, en fin de compte, a fait en sorte que des inférences défavorables ont été tirées au sujet du demandeur. L’avocate mentionne, par exemple, que lorsque le demandeur a témoigné qu’il s’occupait de ses trois enfants pendant que sa femme était au travail, la division générale a estimé que cela signifiait qu’il s’occupait seul des enfants, tout en ignorant le rôle joué par sa femme et le fait que deux des enfants sont en grande partie autonomes. L’avocate fait valoir que le demandeur a essayé d’expliquer tout ceci pendant son audience, mais que la division générale a discrédité son témoignage à maintes reprises.

[10] L’avocate fait valoir que la division générale a commis une erreur en tirant des conclusions au sujet de la crédibilité du demandeur sans examiner les multiples rapports médicaux, dont ceux du Dr Thinda et du Dr Tarazi.

[11] L’avocate soutient qu’il était raisonnable pour le demandeur d’obtenir des avis médicaux pour appuyer son appel, et que la division générale en a pourtant fait peu de cas et a jugé qu’ils avaient [traduction] « été obtenus pour aider à défendre les intérêts [du demandeur] ». L’avocate fait valoir que les deux médecins ont effectué un examen médical indépendant et qu’ils ne défendaient pas les intérêts du demandeur. L’avocate fait valoir qu’il s’agit là d’une conclusion de fait erronée que la division générale a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’avocate soutient qu’il était déraisonnable pour la division générale de se contenter de prendre acte de l’opinion du Dr Thinda et du Dr Tarazi  et de passer outre leur expertise médicale.

[12] L’avocate demande que la preuve et le témoignage fassent l’objet d’un nouvel examen devant la division d’appel et soutient que la question de l’admissibilité du demandeur à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada devrait être instruite à nouveau.

[13] L’intimé n’a pas présenté d’observations écrites en réponse à la demande de permission d’en appeler.

Analyse

[14] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[15] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès pour accorder la permission d’en appeler.

a) Responsabilités à l’égard des soins aux enfants

[17] Au paragraphe 14 de sa décision, la division générale a écrit ce qui suit :

[Traduction]
[14] Au cours de l’audience, il a témoigné que sa femme s’occupait de toutes les tâches ménagères, mais il a ensuite reconnu qu’il s’occupait seul de leurs trois enfants (nés en 2013, en 2009 et en 2008), pendant le jour, pendant que sa femme travaillait dans un supermarché du secteur, de 3 à 4 fois par semaine.

[18] Au paragraphe 36, la division générale s’est exprimée en ces termes :

[Traduction]
[36] […] Il affirme que sa femme effectue l’ensemble des tâches ménagères, mais il a également reconnu qu’il s’occupe seul de leurs trois jeunes enfants pendant que sa femme travaille durant la journée.

[19] L’avocate soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a interprété à tort le témoignage du demandeur quant à l’étendue des soins qu’il prodigue à leurs trois enfants pendant que sa femme travaille. L’avocate fait valoir que la division générale a déterminé qu’il s’occupait seul de leurs trois enfants, sans tenir compte du fait que sa femme assume une partie de cette responsabilité puisqu’elle fait la cuisine et le ménage et prépare la nourriture, sans compter que deux de leurs enfants sont autonomes et capables de s’occuper d’eux‑mêmes (les enfants du demandeur sont nés en 2008, en 2009 et en 2013). L’avocate soutient que le demandeur a tenté d’expliquer tout ceci à l’audience, mais que la division générale a discrédité son témoignage à maintes reprises.

[20] L’avocate n’a fourni aucune preuve pour étayer l’allégation selon laquelle le demandeur avait livré un témoignage sur l’étendue de ses responsabilités quant aux soins prodigués aux enfants. Elle n’a pas fait référence à une partie précise de l’enregistrement de l’audience. L’avocate soutient que le demandeur a tenté d’expliquer en quoi consistaient ses responsabilités lors de l’audience devant la division générale, mais il est difficile de déterminer s’il a bel et bien fourni des éléments de preuve à cet égard, et si c’est le cas, en quoi ces éléments consistaient, ou encore si la division générale a refusé d’entendre la preuve sur ce point. Toutefois, je constate à la lecture du rapport médical du  Dr Tarazi que le demandeur a indiqué que [traduction] « sa femme s’est toujours occupée de toute la cuisine, l’entretien ménager et la lessive et continue de le faire » et que le Dr Tarazi était d’avis que le demandeur continuerait de confier à sa femme la responsabilité de faire toute la cuisine, le ménage et la lessive puisqu’il était incapable d’effectuer ces tâches en raison de son état de santé et des symptômes connexes qu’il éprouvait à la cheville droite et au poignet gauche. Le Dr Tarazi croyait également que si la femme du demandeur n’était pas en mesure d’accomplir ces tâches, celui-ci devrait embaucher quelqu’un d’autre pour les faire à sa place (GT2).

[21] J’ai examiné la décision de la division générale et je ne crois pas que les conclusions de cette dernière sont incompatibles avec les observations de l’avocate. Cette dernière fait valoir que la femme du demandeur s’occupe de la cuisine, du ménage et de la préparation de la nourriture. La division générale n’a pas écarté cette affirmation et n’a pas laissé entendre que le demandeur était le seul responsable des enfants et qu’il effectuait ces tâches ménagères tout seul. La division générale a écrit qu’il s’occupait seul des trois enfants pendant que sa femme travaillait durant la journée. Il existait des preuves à cet égard. La division générale n’a pas donné de détails sur ce que le demandeur faisait ou ne faisait pas en l’absence de sa femme. Il va de soi que le rôle de son épouse était restreint aux moments où elle se trouvait à la maison, et qu’en son absence, il revenait au demandeur de s’occuper des enfants. Par conséquent, on ne peut pas affirmer qu’il n’existait aucun fondement probatoire sur lequel la division générale pouvait se fonder pour arriver à la conclusion que le demandeur s’occupait seul des enfants pendant que sa femme était au travail. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès à cet égard.

b) Crédibilité

[22] L’avocate fait valoir que la division générale a commis une erreur en tirant des conclusions sur la crédibilité du demandeur sans examiner de multiples rapports médicaux, dont ceux du Dr Thinda et du Dr Tarazi.

[23] Essentiellement, l’avocate demande que la crédibilité du demandeur soit évaluée de nouveau en tenant compte des rapports médicaux. Cet élément ne relève pas des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi, et ne constitue pas une conclusion de fait erronée tirée par la division générale sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour évaluer la crédibilité, un décideur peut examiner les contradictions dans la preuve d’un témoin et entre les éléments de preuve présentés à des moments différents, ainsi que les écarts entre le témoignage du témoin et les déclarations faites à d’autres personnes, entre autres. Le membre de la division générale peut alors accorder à l’élément de preuve visé le poids qu’il estime approprié.

[24] L’avocate souligne que la division générale n’a pas tenu compte d’une partie de la preuve lorsqu’elle a évalué la crédibilité du demandeur. La Cour d’appel fédérale a déjà abordé cet argument dans d’autres affaires, dans lesquelles la Commission d’appel des pensions n’avait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve ou n’avait pas accordé un poids approprié à la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a établi qu’« un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve ». L’avocate n’a attiré mon attention sur aucun élément de la décision de la division générale qui me porterait à m’interroger sur la nécessité de réfuter cette présomption.

[25] La division générale a en bonne partie fondé ses conclusions au sujet de la crédibilité de la demanderesse sur ce qu’elle a perçu comme des incohérences dans son témoignage oral et ses observations écrites. La division générale a évalué la preuve dont elle était saisie et y a accordé le poids qu’elle estimait approprié, lorsqu’elle a déterminé la crédibilité du demandeur. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

c) Avis médicaux

[26] L’avocate soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a déterminé que le Dr Thinda et le Dr Tarazi défendaient nécessairement les intérêts du demandeur. L’avocate soutient que la division générale a commis une erreur en rejetant ces avis médicaux sous prétexte qu’ils étaient partiaux. L’avocate fait valoir qu’il était raisonnable pour le demandeur d’obtenir des avis médicaux pour appuyer son appel. Il affirme également que les deux médecins ont effectué un examen médical indépendant et qu’ils ne défendaient pas les intérêts du demandeur.

[27] Aux paragraphes 44 et 45 de sa décision, la division générale s’est exprimée en ces termes :

[Traduction]

[44] Le Tribunal estime que les avis médicaux présentés par le Dr Thinda en 2013 et par le Dr Tarazi en 2014 ne sont pas fiables. Ces rapports ont été préparés à la demande de l’avocate du demandeur et il semble que leurs avis ont été obtenus pour aider à défendre les intérêts de l’appelant, plutôt que pour traiter ce dernier. L’appelant a été examiné plusieurs années après son arrêt de travail et la fin de sa PMA. Les limitations rattachées à ses capacités physiques ne sont étayées que par bien peu de résultats médicaux objectifs et les indications quant à la douleur semblent s’appuyer en majeure partie sur les plaintes de l’appelant, auxquelles on ne peut se fier. Les deux médecins ont eu à faire des hypothèses sur la cause des résultats médicaux et des plaintes continues de l’appelant en raison de la période écoulée depuis les blessures au travail.

[45] En 2013, le Dr Thinda a établi que ce qui empêchait l’appelant de travailler était sa tolérance limitée à la douleur et son endurance émotive. Il est difficile de dire, compte tenu de ses plaintes faisant état d’une douleur insupportable, pourquoi l’appelant n’était pas en mesure de prendre des analgésiques ou d’obtenir du counseling sur la gestion de la douleur pour améliorer sa tolérance et son endurance. Dans son rapport de 2014, le Dr Tarazi a déclaré que l’appelant était pratiquement inapte au travail, mais il n’a pas fait état des résultats d’aucun test fonctionnel et n’a pas formulé de commentaires quant à des preuves médicales objectives pour appuyer ses dires. Il semble également s’être fié aux plaintes de l’appelant en ce qui concerne la douleur que ce dernier dit éprouver et sa perte de mobilité de la cheville et du poignet. Il semble que les rapports du Dr Thinda et du Dr Tarazi visent d’abord à traiter de la capacité de l’appelant à reprendre son emploi précédent plutôt qu’à aborder les autres possibilités d’emploi qui s’offrent à lui, comme le temps partiel, puisqu’aucun des deux rapports ne renferme de commentaires à ce sujet.

[28] La division générale a estimé que les avis médicaux du  Dr Thinda et du Dr Tarazi  n’étaient pas fiables pour un certain nombre de raisons, notamment le fait qu’ils avaient été préparés à la demande de l’avocate, et qu’ils [traduction] « ont été obtenus pour aider à défendre les intérêts [du demandeur] ».

[29] Si la division générale avait établi que les deux médecins défendaient les intérêts du demandeur simplement parce que l’avocate leur avait demandé ces deux rapports médicaux, il y aurait eu erreur de droit. On ne peut conclure tout naturellement qu’il y a défense des intérêts simplement parce qu’une partie choisit d’obtenir des avis médicaux pour appuyer sa cause. En effet, il est judicieux, voire recommandé, d’avoir des avis de spécialistes, étant donné que les dossiers cliniques et les rapports diagnostiques à eux seuls ne suffisent habituellement pas à établir le diagnostic, les capacités fonctionnelles, les recommandations de traitement et le pronostic.

[30] La division générale n’a toutefois pas déterminé que les deux rapports n’étaient pas fiables simplement parce qu’ils avaient été préparés à la demande de l’avocate. Elle a plutôt fait état d’un certain nombre d’autres raisons pour lesquelles elle estimait que les deux avis médicaux n’étaient pas fiables, notamment le fait qu’ils avaient été préparés [traduction] « plusieurs années après son arrêt de travail [celui du demandeur] et la fin de sa PMA », de sorte qu’il n’était pas possible que ces rapports présentent l’état de santé du demandeur au moment de sa période minimale d’admissibilité. La division générale a déterminé qu’il n’existait que bien peu de résultats médicaux objectifs et que les deux médecins avaient eu à faire des hypothèses sur la cause des résultats médicaux et des plaintes continues du demandeur. La division générale a mentionné que le Dr Tarazai n’avait fait état des résultats d’aucun test fonctionnel et n’avait pas formulé de commentaires quant à des preuves médicales objectives pour appuyer ses dires. Pris globalement, ces facteurs semblent appuyer les conclusions de la division générale.

[31] Cependant, la division générale a laissé entendre qu’il n’existait aucun fondement objectif pour expliquer les symptômes que le demandeur éprouve au poignet gauche. Or, le Dr Tarazi a indiqué qu’un examen par IRM du poignet gauche réalisé le 21 novembre 2012 aurait révélé la présence d’une ancienne fracture non consolidée du processus styloïde de l’ulna. Le Dr Tarazai était d’avis que le demandeur avait subi une fracture du processus styloïde de l’ulna au poignet gauche, probablement lorsqu’il s’est blessé au travail le 31 octobre 2008, et que cette blessure était passée presque inaperçue au départ en raison des autres blessures bien plus graves dont il souffrait. Il est probable que cette blessure est devenue plus évidente deux ans plus tard, lorsque le demandeur a commencé à devenir plus actif physiquement. À cet égard, le rapport méritait d’être pris en compte et n’aurait pas dû être jugé non fiable parce qu’il avait été préparé après la période minimale d’admissibilité.

[32] Je reconnais que le demandeur a consulté un physiatre en février 2011 pour des engourdissements et de la douleur à la main gauche, mais le demandeur avait été dirigé vers ce spécialiste parce qu’il était possible qu’il souffre de syndrome du canal carpien gauche, et il semble en effet que le physiatre se soit limité à déterminer si le demandeur était atteint ou non de ce syndrome (GT1-45 à GT1-46). En d’autres termes, le Dr Tarazi a abordé un certain nombre de questions pertinentes et importantes liées au poignet gauche du demandeur, que ni le physiatre ni aucun autre spécialiste ne semblent avoir abordées.

[33] La division générale a également déterminé que le rapport du Dr Tarazi portait principalement sur la capacité du demandeur de reprendre son ancien emploi, plutôt que sur [traduction] « les autres possibilités d’emploi qui s’offrent à lui, comme le temps partiel, puisqu’aucun des deux rapports ne renferme de commentaires à ce sujet ». Voici pourtant ce qu’a indiqué le Dr Tarazi :

[Traduction]

À mon avis, l’état de son poignet droit entraîne des limitations graves. Il ne peut désormais plus effectuer de travail physiquement exigeant. Il ne peut pas non plus occuper un emploi où il serait appelé à soulever, tordre ou tourner avec sa main gauche. Les emplois exigeant l’utilisation d’un clavier sont également à proscrire. À mon avis, M. J. L. aura de très grandes difficultés à trouver un emploi rémunérateur à la suite des multiples blessures qu’il a subies dans un accident de travail le 31 octobre 2008. Il est incapable de marcher sur son pied droit et il utilise une canne qu’il tient de la main droite. Les capacités fonctionnelles de sa main gauche sont également très limitées. Je suis d’avis qu’il est désormais pratiquement inapte au travail à la suite des blessures qu’il a subies au travail le 31 octobre 2008.

[34] Dans l’ensemble, je suis convaincue que la cause est défendable et qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel précis a une chance raisonnable de succès.

d) Redressement demandé

[35] L’avocate demande qu’une nouvelle audience soit tenue. Comme les moyens d’appel sont limités à ceux figurant au paragraphe 58(1) de la Loi, il semble que l’on envisage un « contrôle circonscrit », puisqu’il ne peut y avoir d’audience de novo et qu’il n’est pas possible de réentendre la preuve :  Canada (Procureur général) c. Merrigan, 2004 CAF 253. L’avocate peut toutefois formuler d’autres observations sur cette question.

Appel

[36] Si les parties ont l’intention de présenter des observations, elles pourraient également vouloir aborder les questions suivantes :

  1. a) L’appel pourrait-il ou devrait-il être tranché sur la foi du dossier, ou vaut-il mieux tenir une nouvelle audience?
  2. b) D’après le seul moyen d’appel en vertu duquel la permission d’en appeler a été accordée, la division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
  3. c) D’après le moyen d’appel en vertu duquel la permission d’en appeler a été accordée, quelle est la norme de contrôle applicable et quels sont les correctifs appropriés, le cas échéant?

[37] Si je détermine qu’il y a lieu de tenir une autre audience, les parties devraient indiquer le mode d’audience qu’ils privilégient et présenter des observations sur la pertinence de ce mode d’audience précis (par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses écrites). Si l’une des parties souhaite demander un mode d’audience autre que les questions et réponses écrites, je la prierais de fournir une estimation préliminaire du temps nécessaire pour présenter les observations ainsi que ses disponibilités.

Conclusion

[38] La demande est accueillie.

[39] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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