Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 12 septembre 2014. La division générale a tenu audience par vidéoconférence le 26 mai 2014 et déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2003 ou à la date calculée au prorata du 31 janvier 2005. La demanderesse a reçu la décision de la division générale le 26 septembre 2014. Elle a déposé une demande incomplète sollicitant la permission d’en appeler le 4 mai 2015, plusieurs mois après l’expiration du délai imparti pour déposer une demande de permission. La demanderesse a retenu les services d’un représentant qui a déposé d’autres observations le 11 mai 2015. Pour faire droit à cette demande, il me faut être convaincue qu’il y a une raison de proroger le délai imparti pour le dépôt et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[2] Il me faut trancher les questions suivantes :

  1. i. Devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai imparti pour le dépôt de la demande de permission?
  2. ii. L’affaire révèle-t-elle une cause défendable? En d’autres termes, l’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Historique des procédures

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime le 2 août 2012 (GT1-10 à GT-13). L’intimé a rejeté la demande au stade initial ainsi que lors du réexamen. La demanderesse a interjeté appel de la décision de réexamen de l’intimé devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision le 27 novembre 2012.

[4] Aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (la « LECPD »), tout appel interjeté avant le 1er avril 2013 en application du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada (le « RPC »), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229 de la LECPD, est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013. Le 1er avril 2013, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel de la demanderesse à l’encontre de la décision de réexamen.

[5] En novembre 2013 ou vers cette date, la demanderesse a déposé un avis de procéder. Le 28 février 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a informé les parties que le membre de la division générale avait l’intention de procéder par vidéoconférence le 19 mars 2014. Le 5 mars 2014, la demanderesse a écrit au Tribunal de la sécurité sociale pour demander un ajournement de l’audience, vu qu’elle serait à l’extérieur jusqu’à la fin avril 2014. Le 14 mars 2014, la division générale a accordé un ajournement de l’audience. Le 2 mai 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a fixé la nouvelle date de l’audience au 26 mai 2014.

[6] La division générale a tenu audience par vidéoconférence le 26 mai 2014 puis rendu sa décision le 12 septembre 2014. Bien que la division générale ait noté les importants problèmes de santé qu’avait la demanderesse, elle a aussi noté que la preuve médicale au dossier laissait planer un doute quant à la gravité des symptômes de la demanderesse à la date de fin de sa PMA. La division générale a cité un certain nombre de diagnostics faisant état de résultats normaux ou d’infections légères. La division générale a aussi noté que la demanderesse n’avait eu que trois rendez‑vous avec un infirmier praticien entre janvier 2008 et décembre 2011, qu’il n’y avait aucune [traduction] « constatation préoccupante au sujet de son dos », qu’elle avait une amplitude de mouvement normale de la colonne vertébrale et qu’on s’attendait à ce que son niveau de douleur demeure stable s’il était adéquatement géré. La division générale a aussi noté que la demanderesse avait travaillé à temps plein, accomplissant des tâches physiques, du 9 mai au 2 juin 2011, puis du 7 juin au 14 août 2011, quoiqu’avec une certaine difficulté durant cette dernière période. La division générale a également noté qu’après août 2011 la demanderesse a commencé à occuper à temps partiel un emploi de type sédentaire en 2013 et a continué d’exercer ce travail jusqu’à l’audience devant elle. La division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2003 ou du 31 janvier 2005.

Observations

[7] La demanderesse a expliqué qu’elle avait déposé sa demande de permission en retard parce qu’elle est une profane, qu’elle ne comprenait pas le processus d’appel et qu’elle n’a pas cherché à obtenir une opinion juridique avant le 1er mai 2015.

[8] La demanderesse soutient qu’on devrait lui accorder la permission car elle a souffert toute sa vie d’une invalidité et que cela lui a causé un niveau réduit de jouissance de la vie. Le représentant de la demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.

[9] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

i. Dépôt tardif de la Demande

[10] La demanderesse a déposé sa demande de permission avec environ quatre mois de retard.

[11] Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») stipule que « [l]a division d’appel prorogeait d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler. »

[12] Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a énoncé les quatre critères que la division d’appel devrait prendre en considération et apprécier pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai de 90 jours qui est imparti à un demandeur pour déposer sa demande de permission d’en appeler. Ces critères sont les suivants :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[13] Dans Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale (CAF) a statué que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi fait observer qu’il n’est pas nécessaire de répondre, en faveur du requérant, aux quatre questions pertinentes à l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation de délai.

[14] En soupesant chacun de ces quatre facteurs, on constate qu’une prorogation du délai ne cause aucun préjudice à l’intimé en l’espèce. La demanderesse explique qu’elle ne comprenait pas le processus d’appel, mais cela n’explique pas raisonnablement son retard à déposer la demande, pas plus que cela ne prouve nécessairement l’existence d’une intention persistante de poursuivre l’appel. Il reste donc le quatrième facteur – si la cause est défendable – à prendre en considération. Ce quatrième facteur mérite qu’on lui attribue une plus grande force probante dans la question générale de savoir s’il serait dans l’intérêt de la justice que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation de délai pour permettre le dépôt de la demande. S’il apparaît évident, par exemple, que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, pas même une mince chance de succès, il semblerait contraire à l’intérêt de la justice que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation de délai. Si, en revanche, l’affaire révèle une solide cause défendable, ou s’il existe quelques circonstances atténuantes, alors il serait dans l’intérêt de la justice que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire en faveur d’une prorogation du délai pour permettre le dépôt.

[15] Bien qu’ordinairement on ne devrait pas déterminer s’il y a lieu d’accorder ou de refuser la permission d’en appeler avant qu’une demande de prorogation de délai ait été accueillie aux fins du dépôt de la demande de permission, il semblerait que la façon la plus rapide de trancher les demandes tardives de permission consiste à déterminer, dès le départ, si la cause est défendable, c.‑à‑d. si l’appel a une chance raisonnable de succès. La réponse à la question de savoir si une cause est défendable, dans la plupart des cas, répond simultanément à deux questions : si l’on devrait accorder une prorogation de délai et si la permission d’en appeler devrait être accordée.

[16] Si, en bout de ligne, la division d’appel n’est pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès et est donc susceptible de refuser la permission d’en appeler, alors il semblerait qu’elle pourrait s’épargner l’effort de déterminer s’il lui est opportun d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai imparti en vue du dépôt de la demande de permission. Si, en revanche, la division d’appel est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, alors il lui faut revenir à l’appréciation des considérations énoncées dans Gattellaro est Larkman afin de déterminer s’il lui faut exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai aux fins du dépôt avant de se pencher sur la question de savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée.

ii. La cause est-elle défendable?

[17] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[20] La demanderesse plaide qu’on devrait lui accorder la permission d’en appeler au motif qu’elle a souffert toute sa vie d’une invalidité et que cela a abaissé son niveau de jouissance de la vie. Je dois me limiter à la prise en compte des seuls moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. L’impact de l’invalidité de la demanderesse n’est pas une considération pertinente au regard du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et cette disposition de la loi ne me permet pas davantage de procéder à une réappréciation de la preuve.

[21] Le représentant de la demanderesse plaide que la division générale a commis une erreur en ce qu’elle n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.

[22] Il n’est pas suffisant de faire une affirmation générale selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence lorsqu’elle en est arrivée à sa décision si l’on ne précise pas en quoi la division générale a pu manquer à un principe de justice naturelle ou en quoi elle a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, de même qu’en quoi ce manquement ou cette erreur a pu influer le résultat de la décision, car, sans une telle précision, la demande de permission d’en appeler ne me fournit aucune orientation ni indication sur la façon dont il me faut déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[23] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel pour les fins d’une demande de permission, il devrait à tout le moins fournir quelques détails sur l’erreur ou omission commise par la division générale qui se rattache aux moyens d’appel admissibles énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La demande est lacunaire à cet égard et je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce motif.

[24] Bien que la demanderesse n’ait pas invoqué les moyens d’appel admissibles, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS permet quand même à la division d’appel de déterminer s’il y eu erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[25] En se penchant sur la preuve médicale qui lui a été soumise, la division générale a écrit, dans sa décision, que la preuve médicale au dossier [traduction] « laisse subsister un doute quant à la gravité de ses symptômes à la date de fin de sa PMA. » Cela porte à croire que la division générale a pu commettre une erreur et appliquer une norme de preuve plus stricte lorsqu’elle a indiqué qu’elle nourrissait « un doute » quant à la gravité des symptômes de la demanderesse. Pourtant, dans le même temps, la division générale a aussi écrit, au paragraphe 34 de sa décision, qu’il incombait à la demanderesse de prouver « selon la prépondérance des probabilités » qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée, puis, a écrit ceci au paragraphe 39 :

[Traduction]

[39] Ayant pris en considération la totalité de la preuve et l’effet cumulatif des affections de l’appelante, le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante souffrait d’une invalidité grave au sens des critères prévus au RPC en date du 31 décembre 2003 ou du 31 janvier 2005.

[C’est moi qui souligne.]

[26] Si la division générale n’avait pas énoncé la norme légale de preuve à laquelle la demanderesse devait satisfaire et ne s’était pas non plus reportée à cette norme lorsqu’elle a résumé ses conclusions de fait, j’aurais peut‑être été encline à conclure que l’affaire soulevait une cause défendable. Il semble que la division générale était consciente de la norme de preuve à laquelle il incombait à la demanderesse de satisfaire et que son emploi de l’expression « un doute » était un regrettable lapsus.

[27] Comme les motifs d’appel de la demanderesse ne soulèvent en fait aucun moyen d’appel que je puis prendre en considération et comme la demanderesse n’a pas précisé avec suffisamment de détails les éventuelles erreurs que la division générale aurait commises en rendant sa décision, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. En conséquence, je rejette tant la demande de prorogation de délai aux fins du dépôt que la demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[28] La demande de prorogation de délai pour le dépôt et la demande de permission d’en appeler sont toutes deux rejetées.

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