Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Contexte

[1] Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la division générale datée du 27 mars 2015 qui rejetait de façon sommaire l’appel de l’appelant concernant une demande d’admissibilité rétroactive à octobre 2000 au paiement d’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « Régime »). La division générale a rejeté sommairement l’appel car elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L’appelant a déposé un appel à l’encontre de la décision de rejet sommaire datée du 26 juin 2015. Il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), puisqu’il y a appel de plein droit lorsque l’on traite d’une décision de rejet sommaire rendue par la division générale.

[3] Les parties ont déposé des observations par écrit. Ayant déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience, l’instruction de l’appel dont je suis saisie s’effectue en conformité avec l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[4] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable à la révision de décisions de la division générale?
  2. La division générale a‑t‑elle fait erreur en décidant de rejeter sommairement la demande d’admissibilité rétroactive au paiement d’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada présentée par l’appelant?
  3. S’il est conclu que l’appel devant la division générale n’aurait pas dû être rejeté de façon sommaire, la décision de la division générale peut‑elle quand même être maintenue?

Aperçu des faits

[5] L’appelant allègue qu’il a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime dans le courant de l’année 2005. Il n’a pas reçu de réponse officielle à sa demande, et l’intimé n’a pas de dossier indiquant qu’il ait jamais reçu cette demande. L’appelant n’a pas cherché à se renseigner auprès de l’intimé au sujet de cette première demande alléguée. L’appelant a présumé que sa demande avait été rejetée.

[6] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime le 16 avril 2012, à la suite d’un accident cérébrovasculaire qu’il a eu le 30 décembre 2011 (GT1‑73). L’intimé a approuvé la demande de pension d’invalidité. L’intimé a accordé la rétroactivité maximale permise de quinze mois et, sur la foi de la date de la demande du demandeur d’avril 2012, a accordé une pension d’invalidité prenant effet en janvier 2011, le versement de la prestation devant commencer quatre mois plus tard, soit en mai 2011.

[7] Le 16 novembre 2012, l’appelant a demandé une révision de la date de prise d’effet de sa pension d’invalidité. En décembre 2012, l’intimé a rejeté la demande de révision que l’appelant avait présentée en vue de rendre rétroactifs à 2005 les paiements d’une prestation d’invalidité (GT1‑10). L’intimé a écrit ceci :

[Traduction]
En vertu de la législation relative au Régime, nous nous pouvons payer une prestation d’invalidité de façon rétroactive à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle nous avons reçu votre demande. Nous avons reçu votre demande en avril 2012. La date la plus antérieure à laquelle vous avez été réputé être devenu invalide est janvier 2011. Veuillez noter qu’il y a un délai de carence de quatre mois durant lequel aucune prestation n’est payable; par conséquent, la date de prise d’effet du versement de votre prestation d’invalidité était mai 2011.

[8] En mars 2013, l’appelant a fait appel de la décision en révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) (GT1‑06). Il a déclaré qu’il avait eu son premier accident cérébrovasculaire en octobre 2000 et qu’il n’avait pas été capable de retravailler depuis. Il a déclaré avoir suivi, jusqu’en 2005, un programme de recyclage auquel la Commission des accidents du travail (CAT) l’avait adressé, mais qu’il ne l’a pas terminé en raison de son état de santé. Il a déclaré qu’il touchait des prestations de pension de la CAT.

[9] Aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (la « LECPD »), tout appel interjeté avant le 1er avril 2013 en application du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada (le « RPC »), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229 de la LECPD, est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013. Le 1er avril 2013, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel de l’appelant à l’encontre de la décision en révision.

[10] Chacune des parties a déposé un avis de procéder en 2014. Début janvier 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a jugé que l’on était prêt à procéder à l’instruction de l’appel.

[11] Le 13 janvier 2015, la division générale a signifier par écrit à l’appelant son intention de rejeter l’appel de façon sommaire pour les motifs suivants :

[Traduction]
L’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada stipule qu’une personne ne peut en aucun cas être réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité.

Dans votre cas, la demande de prestation d’invalidité au titre du Régime a été reçue en avril 2012. La première date à laquelle vous pouviez être considéré comme étant invalide était janvier 2011. Aux termes de l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date à laquelle vous êtes réputé être devenu invalide. La date la plus hâtive de prise d’effet du versement de votre prestation est donc mai 2011.

[12] La division générale a invité l’appelant à présenter par écrit, au plus tard le 13 février 2015, des observations détaillées s’il croyait que l’appel ne devrait pas être rejeté de façon sommaire, afin d’expliquer pourquoi l’appel avait une chance raisonnable de succès.

[13] Par lettre datée du 13 février 2015, l’avocate de l’appelant a répondu à l’avis d’intention de rejeter sommairement l’appel de l’appelant (GT4). L’avocate a plaidé que l’on ne devrait pas rejeter l’appel au motif que l’appelant n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada depuis la première hémorragie cérébrale qu’il avait eue en 2000. L’avocate a fait valoir que l’appelant n’avait pas la capacité requise de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande au moment de sa demande de prestation présentée en 2012. De fait, l’appelant est demeuré hospitalisé au centre de réadaptation G. F. Strong, étant dépendant d’autrui pour les activités de sa vie quotidienne. La famille du demandeur a rempli en son nom la demande de pension d’invalidité au titre du Régime présentée en 2012.

[14] L’avocate a cité et invoqué le paragraphe 60(8) du Régime de pensions du Canada qui, plaide‑t‑elle, autorise la division générale à réputer une demande de prestation avoir été reçue à la date à laquelle l’incapacité est survenue, dans le cas d’une personne qui était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. L’avocate a fait valoir que la division générale aurait donc dû conclure que l’invalidité réputée de l’appelant était survenue bien avant la date de janvier 2011 indiquée dans la lettre du Tribunal de la sécurité sociale datée du 13 janvier 2015.

[15] L’avocate a écrit que l’appelant voulait avoir la possibilité de faire valoir ses arguments sur le fondement des dispositions relatives à la capacité que renferme l’article 60 du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») ainsi que des décisions que les tribunaux de révision, la Commission d’appel des pensions et les cours et tribunaux fédéraux ont rendues dans des causes fondées sur le RPC.

[16] Le 27 mars 2015, la division générale a rendu sa décision. Pour en arriver à sa décision, la division générale s’est fondée et s’est reportée aux dispositions et aux faits suivants :

  1. i. le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS, qui stipule que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès;
  2. ii. l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui stipule qu’avant de rejeter de façon sommaire un appel, la division générale avise l’appelant par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observations;
  3. iii. le paragraphe 60(8) du RPC, les « dispositions relatives à l’incapacité » du RPC, qui prévoient que le ministre peut réputer une demande avoir été faite antérieurement à sa date de présentation s’il est convaincu que le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle‑ci a été faite;
  4. iv. l’arrêt Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, dans lequel il est dit, en partie, que les activités de la personne en cause entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de la demande peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente de former ou d’exprimer l’intention requise et devraient donc être examinées.

[17] Le 26 juin 2015, l’avocate de l’appelant a interjeté appel de la décision de la division générale. Le 7 août 2015, l’avocat de l’intimé a déposé des observations.

Observations

[18] L’avocate de l’appelant plaide que la division générale a commis un certain nombre d’erreurs. Elle affirme que le fait qu’une demande ait été déposée ne permet pas de se prononcer sur la capacité d’un demandeur lorsqu’il ressort de la preuve que le demandeur avait très peu ou aucunement participé au processus de présentation de la demande et qu’il éprouvait d’importantes difficultés liées à son état de santé, y compris des difficultés au chapitre de la capacité à communiquer ou à s’exprimer verbalement. L’avocate avance que, bien que la division générale ait pu se pencher sur la question de savoir si l’appelant avait la capacité de travailler [traduction] « avant son accident cérébrovasculaire de 2011/au moment où a été présentée la demande de 2005, la division générale ne s’est pas demandée s’il avait cette capacité durant la période de décembre 2011 à avril 2012. »

[19] L’avocate de l’appelant plaide que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence lorsqu’elle n’a pas donné à l’appelant la possibilité de présenter des observations exhaustives et de fond.

[20] L’avocate plaide aussi que la division générale a entaché sa décision d’une erreur de droit [traduction] « en assimilant l’établissement d’une demande par les membres de la famille et la signature du nom d’une personne sur cette demande à la capacité de cette personne d’exprimer l’intention de faire une demande. »

[21] L’avocate plaide en outre que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, lorsqu’elle n’a pas pleinement tenu compte de la gravité des blessures de l’appelant et des soins qu’il a reçus ni du fait qu’il existait une confusion quant à ce qui avait pu être accompli par l’appelant directement ou, en son nom, par les membres de sa famille. L’avocate affirme qu’il n’y avait aucune preuve qui permettait à la division générale de conclure que c’était l’appelant qui, là encore, avait décidé de présenter une demande de pension d’invalidité au titre du Régime.

[22] L’avocat de l’intimé plaide que la division générale a correctement énoncé le critère relatif au rejet sommaire que renferme l’article 53 de la Loi sur le MEDS, de même que les dispositions législatives régissant l’incapacité, et qu’elle a raisonnablement tenu compte des éléments de preuve pertinents lorsqu’elle a déterminé que l’appelant n’avait pas droit à une période plus longue de rétroactivité et que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. L’avocat de l’intimé soutient que la décision de la division générale de rejeter sommairement l’appel de l’appelant ne renferme aucune erreur susceptible de contrôle qui justifierait l’intervention de la division d’appel et que l’appel devrait donc être rejeté.

Question en litige 1 : Norme de contrôle

[23] L’avocate de l’appelant n’a pas abordé la question de la norme de contrôle.

[24] L’avocat de l’intimé a présenté de brèves observations sur cette question. L’avocat de l’intimé fait valoir que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la raisonnabilité. Il affirme que, pour les questions de droit, la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence envers la décision de la division générale et devrait appliquer la norme de la décision correcte. L’avocat de l’intimé plaide que la division d’appel devrait réexaminer la décision de rejet sommaire de la division générale selon la norme de la raisonnabilité.

[25] Je souscris aux principes de droit que l’intimé a reformulés au sujet de la norme de contrôle. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a déterminé qu’il n’y a que deux normes de contrôle en common law au Canada, celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. Les questions de droit sont généralement tranchées selon la norme de la décision correcte, tandis que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont tranchées selon la norme de la décision raisonnable. Et, en appliquant la norme de la décision correcte, une cour de révision n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle peut substituer sa propre conclusion pour rendre la décision qu’elle considère comme la bonne.

[26] La norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées.

[27] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS énonce comme suit les moyens d’appel admissibles :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[28] Cependant, je ne retiens pas les observations de l’avocat de l’intimé selon lesquelles il faudrait réexaminer la décision de rejet sommaire de la division générale selon la norme de contrôle de la raisonnabilité.

[29] Il me faut d’abord déterminer si la division générale a correctement indiqué à quel moment il est opportun de rendre une décision par voie sommaire. Cela suppose que je détermine si la division générale a énoncé le bon critère juridique et l’a correctement appliqué. Il s’agit d’une question de droit qui commande un contrôle selon la norme de la décision correcte.

[30] Et, si je devais retenir les prétentions de l’avocate de l’appelant selon lesquelles la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, cela aussi appelle un contrôle selon la norme de la décision correcte.

[31] La jurisprudence est moins catégorique sur la question de savoir si une question de droit commande nécessairement la norme de contrôle de la décision correcte, vu que cela dépend de la nature de la question de droit. Dans Dunsmuir (précité), la Cour suprême du Canada a également statué que la norme de la décision correcte est généralement réservée aux questions de compétence ou constitutionnelles, ou aux questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et sont étrangères au domaine d’expertise du tribunal.

[32] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Smith c. Alliance Pipeline, [2011] CSC 7, [2011] RCS 160, au paragraphe 26, a aussi précisé le champ d’application de la norme de la décision raisonnable pour y inclure les questions qui 1) se rapportent à l’interprétation de la loi « constitutive » du tribunal administratif ou à une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, 2) soulèvent des questions touchant les faits, le pouvoir discrétionnaire ou des considérations d’intérêt général et 3) soulèvent des questions de droit et de fait intimement liées.

[33] Ainsi, la norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées.

Question en litige 2 – La division générale a-t-elle fait erreur en décidant de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelant?

[34] Bien que l’appelant n’ait pas remis en cause le caractère opportun de la procédure du rejet sommaire en l’espèce, j’aborderai cette question avant d’évaluer la décision de la division générale.

[35] L’avocat de l’intimé fait valoir que, dans un premier temps, la division générale devait énoncer le droit applicable en ce qui a trait aux rejets sommaires fondés sur l’article 53 de la Loi sur le MEDS, ce qu’elle a fait au paragraphe 4 de sa décision. Il plaide que la division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard, puisqu’elle a correctement indiqué qu’aux termes de l’article 53 de la Loi sur le MEDS elle doit rejeter de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[36] L’avocat de l’intimé affirme que la décision de la division générale de rejeter sommairement l’appel ne renferme aucune erreur susceptible de contrôle qui autorise l’intervention de la division d’appel. Il soutient que la division générale a cité le droit applicable avec exactitude et l’a raisonnablement appliqué aux faits de l’espèce.

[37] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS exige de la division générale qu’elle rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale avait omis de préciser le critère ou l’avait carrément mal formulé, il se serait agi d’une erreur de droit qui, selon la norme de la décision correcte, exigerait que j’entreprenne ma propre analyse et substitue ma propre conclusion pour rendre la décision que je considère comme la bonne : Dunsmuir (précité) et Housen c. Nikolaisen, [2002] R.C.S. 235, 2002 CSC 33 (CanLII), au paragraphe 8.

[38] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le critère en citant le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS aux paragraphes 4 et 18 de sa décision.

[39] Il n’est pas suffisant de citer simplement le critère relatif aux rejets sommaires qui est énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS; il faut aussi l’appliquer correctement. Ayant correctement précisé le critère, la division générale devait, dans un deuxième temps, appliquer le droit aux faits. Si les bonnes règles de droit sont appliquées, la décision de rejeter un appel de façon sommaire doit être raisonnable. Cela exige une évaluation selon la norme de la raisonnabilité, puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. Toutefois, on n’entreprend pas l’évaluation du caractère raisonnable de la décision si le droit applicable n’a pas été appliqué.

[40] Au moment de se prononcer sur la pertinence de recourir à la procédure de rejet sommaire et de déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès, le décideur doit déterminer s’il y a « matière à procès », c.‑à‑d. s’il y a une question à trancher, et s’il y a un fondement quelconque à la demande. Dans A.P. c. Ministre de l’Emploi et Développement social et P.P. (12 août 2015), TSSDA‑15‑297 (décision actuellement pas publiée), je qualifie une cause d’« absolument sans espoir » et de « faible », c.‑à‑d. aux arguments peu convaincants, pour déterminer s’il était opportun de rejeter un appel de façon sommaire. S’il y avait un fondement factuel suffisant à l’appui de l’appel et si le résultat n’était pas « manifestement clair », alors il ne serait pas opportun de rendre une décision de rejet sommaire. J’ai déterminé qu’une cause peu convaincante n’appellerait pas de décision sommaire puisqu’elle comporte nécessairement l’évaluation du fond du litige et l’examen et l’appréciation des éléments de preuve. L’évaluation de la preuve et du bien‑fondé de l’affaire signale qu’il n’y a pas lieu de rejeter la cause de façon sommaire.

[41] En l’espèce, la division générale a manifestement tenu compte de la preuve dont elle était saisie. Elle a écrit ceci :

[Traduction]

[15] La représentante de l’appelant a déclaré que l’hémorragie cérébrale que l’appelant a eue en octobre 2000 l’avait empêché de former l’intention de faire une demande de prestation d’invalidité au titre du Régime. Toutefois, cet argument ne cadre pas avec la preuve au dossier. Comme en fait état de façon détaillée la correspondance de l’appelant datée du 7 mars 2013, il a présenté une demande de prestation d’invalidité au titre du Régime en 2005. Il a présumé qu’on avait rejeté sa demande et n’a alors pas poursuivi ses démarches. Cela réfute fortement l’argument avancé par la représentante de l’appelant selon lequel l’appelant n’avait pas la capacité de former l’intention de faire une demande de prestation.

[16] Toujours dans sa correspondance du 7 mars 2013, l’appelant a précisé que ce n’est qu’après avoir été victime d’un second accident cérébrovasculaire, lequel a également eu des répercussions négatives sur son fonctionnement, qu’il a de nouveau présenté une demande de prestation d’invalidité au titre du Régime. Là encore, ce fait porte à conclure que ce n’est que lorsque son état avait empiré, en décembre 2011, que l’appelant a décidé de faire à nouveau une demande de prestation d’invalidité au titre du Régime.

[17] Ces faits militent fortement en faveur de la thèse que l’appelant était capable de former l’intention de faire une demande de prestation d’invalidité au titre du Régime et portent donc à conclure que l’appelant n’était pas incapable de faire une telle demande. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que le paragraphe 60(8) du RPC ne s’applique pas à la présente affaire. Il en résulte que la rétroactivité des prestations appliquée à l’appelant est la rétroactivité maximale permise en vertu du RPC et que l’affaire ne soulève donc pas de cause défendable.

[42] Le fait que la division générale était tenue d’évaluer et d’apprécier la preuve dénote qu’il y avait des questions à trancher. Bien que la division générale fût en droit de tirer des conclusions de fait sur la question de savoir si l’appelant était incapable de faire une demande de prestation, cela allait au‑delà de l’application du critère relatif aux rejets sommaires. S’il fallait que la division générale analyse la preuve, lui attribue un poids et détermine si la preuve pouvait étayer une conclusion d’incapacité, on ne peut pas dire qu’il n’y avait pas de chance raisonnable de succès, qu’il n’y avait pas de question à trancher ou qu’il n’y avait aucun fondement à l’appel. Que la division générale ait correctement cité le critère relatif aux rejets sommaires n’implique pas automatiquement que le droit applicable a été appliqué. Il ne s’agissait pas tant de déterminer si l’affaire appelait une décision sommaire que de déterminer si, de façon générale, la décision en tant que telle pouvait être considérée raisonnable, puisque la considération première, dans cette deuxième étape, doit être de savoir si le bon critère a été appliqué.

[43] Ici, la division générale a brouillé la distinction que l’on fait entre une cause manifestement claire qui est « absolument sans espoir » et, en l’espèce, une cause éventuellement faible ou très faible, c.‑à‑d. aux arguments peu convaincants, et a donc qualifié à tort le rejet de l’appel comme une décision sommaire. La division générale n’aurait pas dû rejeter l’appel de façon sommaire sur la question de la date de cessation d’emploi.

Question en litige 3. S’il est conclu que l’appel devant la division générale n’aurait pas dû être rejeté de façon sommaire, la décision de la division générale peut‑elle quand même être maintenue?

[44] La division générale a qualifié à tort de décision sommaire la décision rendue dans cette affaire, mais, en fait, elle a évalué le bien‑fondé de l’appel à la lumière des documents et observations présentés, ce qui lui était permis de faire en application de l’article 28 du Règlement. Cet article permet à la division générale de rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés. Malgré cela, et même si la conclusion tirée appartient aux issues possibles acceptables, la décision de la division générale ne peut tenir car il se peut que l’appelant ait été privé des mesures que mettent à sa disposition la Loi sur le MEDS et le Règlement. L’avocate de l’appelant a clairement indiqué, dans sa lettre datée du 13 février 2015, qu’elle avait l’intention d’examiner à fond la question de l’incapacité. Il se peut que l’appelant ait été privé de la possibilité de le faire lorsque la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire.

[45] L’avocate de l’appelant a soulevé un certain nombre de moyens d’appel. Comme j’ai conclu que l’appel n’aurait pas dû être rejeté sommairement et du fait que je renvois l’affaire à la division générale pour réexamen, il en résulte que ces moyens deviennent théoriques, puisque je m’attends à ce que l’appelant ait la possibilité d’aborder les questions soulevées par ces moyens, lors du réexamen de la décision par la division générale.

Conclusion

[46] Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen de la question de savoir si l’appelant est visé par les dispositions du paragraphe 60(8) du Régime de pensions du Canada pour la période commençant en 2000 ou à une autre date que l’appelant peut avancer.

[47] Pour éviter tout risque de crainte de partialité, l’affaire devrait être confiée à un membre différent de la division générale et la décision de la division générale devrait être retirée du dossier.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.