Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Introduction

[1] L’appelant interjette appel d’une décision de la division générale datée du 4 juin 2015 rejetant de façon sommaire sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, la division générale ayant conclu que l’appelant touchait déjà une pension de retraite du Régime de pensions du Canada et qu’il était trop tard pour lui pour la faire annuler. La division générale a rejeté l’appel de façon sommaire, étant convaincue que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L’appelant a déposé un appel le 12 août 2015 (l’avis d’appel). Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit maintenant être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle norme de contrôle s’applique lors de la révision de décisions de la division générale?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a choisi de rejeter l’appel de l’appelant de façon sommaire?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que l’appelant ne pouvait faire annuler sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada pour la faire remplacer par une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada?

Résumé des faits

[4] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 28 février 2013. À l’appui de sa demande, il a joint divers documents médicaux remontant à avril 2012. L’un des rapports mentionne que l’appelant avait une cardiomyopathie non ischémique pour laquelle on lui a inséré un système de défibrillation en 2007; ce défibrillateur a ensuite fait l’objet d’une mise à niveau en 2010. On lui a diagnostiqué une insuffisance cardiaque congestive et une tachycardie ventriculaire récurrentes. Dans le questionnaire accompagnant sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, l’appelant a énuméré bon nombre de limitations et de restrictions fonctionnelles.

[5] L’intimé a rejeté la demande, initialement et après révision. Dans la lettre informant l’appelant de la décision de révision, laquelle est datée du 13 juin 2013, l’intimé a écrit ce qui suit [traduction] « une personne ne peut pas demander des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada 15 mois ou plus après avoir commencé à recevoir une pension de retraite du Régime de pensions du Canada. » L’intimé a informé l’appelant que puisqu’il avait présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada plus de 15 mois après avoir commencé à toucher une pension de retraite, il ne pouvait remplacer la pension de retraite par une pension d’invalidité. L’intimé a souligné que l’appelant bénéficiait d’une pension de retraite depuis avril 2010 et avait présenté une demande de pension d’invalidité plus de 15 mois après cette date. L’appelant a appelé de cette décision de révision au Tribunal de la sécurité sociale le 10 juillet 2013, au motif que son invalidité est légitime. Il n’a pas abordé le fait qu’il touche une pension de retraite du Régime de pensions du Canada.

[6] Le 12 mai 2015, dans un avis envoyé à l’appelant, la division générale a indiqué son intention de rejeter l’appel de façon sommaire pour les raisons suivantes :

[Traduction]
Dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada

L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada énonce les critères d’admissibilité de la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, un requérant ne doit pas recevoir une pension de retraite du RPC.

Aux fins de l’application du Régime de pensions du Canada, en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b).

L’exigence selon laquelle le requérant ne doit pas être une personne à qui une pension de retraite du RPC est versée est également énoncée au paragraphe 70(3) du Régime de pensions du Canada, qui précise qu’une personne n’est en aucun cas admissible à demander ou à redemander une pension d’invalidité si elle a commencé à recevoir une pension de retraite du RPC. Une exception existe à cet égard, qui est énoncée à l’article 66.1 du Régime de pensions du Canada.

En vertu de l’article 66.1 du Régime de pensions du Canada et de l’article 46.2 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, un bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation en présentant une demande écrite à cet effet dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé.

Application des dispositions du Régime de pensions du Canada

Ces dispositions ont pour effet que le Régime de pensions du Canada ne permet pas qu’une pension de retraite soit annulée et remplacée par une pension d’invalidité lorsque la demande d’invalidité est présentée quinze mois ou plus après que le paiement de la pension de retraite a commencé.

L’appelant a commencé à recevoir une pension de retraite du RPC en avril 2010, et il n’en a pas demandé l’annulation dans les six mois suivant la date où les paiements ont commencé. Il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 23 février 2013, soit plus de quinze mois après avoir commencé à toucher la pension de retraite.

Le Tribunal a tenu compte de la position de l’appelant selon laquelle il avait « un dossier légitime d’incapacité de travailler » en raison d’un important problème cardiaque, et que ses médecins lui avaient dit en 2007 d’arrêter de travailler (voir l’avis d’appel).

Le Tribunal est toutefois lié par les dispositions du Régime de pensions du Canada. Il n’est pas habilité à invoquer un principe d’équité, quel qu’il soit, à l’égard des appels dont il est saisi pour passer outre à ces dispositions. À titre de décideur prévu par la loi, le Tribunal est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le Régime de pensions du Canada : Ministre du Développement social c. Kendall (le 7 juin 2004), CP 21690 (CAP).

[7] La division générale a invité l’appelant à lui fournir par écrit des observations détaillées au plus tard le 15 juin 2015, pour expliquer en quoi son appel avait une chance raisonnable de succès.

[8] Le 17 mai 2015, l’appelant a présenté un formulaire de renseignements sur l’audience et une autorisation pour la communication de renseignements. Dans sa lettre d’accompagnement, il a fourni le nom de certains de ses médecins et a invité le Tribunal de la sécurité sociale à communiquer avec eux pour vérifier son état de santé (document GD5).

[9] Le 26 mai 2015, l’appelant a déposé des observations, expliquant qu’il n’aurait pas présenté de demande de pension de retraite du Régime de pensions du Canada s’il avait pu prévoir que son état de santé allait se détériorer à ce point. Il a indiqué que la première fois qu’il a reçu un diagnostic d’insuffisance cardiaque était en 2007, et qu’il avait été encouragé à demander des prestations d’invalidité, mais ne l’avait pas fait parce que son état s’était amélioré. Sa santé a toutefois décliné depuis, et cela s’est répercuté sur ses activités quotidiennes et sur sa capacité de travailler. L’appelant dit souffrir d’insuffisance cardiaque et d’autres complications cardiaques. Il souligne que toute son équipe médicale appuie sa demande de pension d’invalidité (document GD6).

[10] Le 4 juin 2015, la division générale a rendu sa décision. Elle s’est fondée sur les dispositions suivantes pour en arriver à sa conclusion :

  1. a) [Traduction]
    Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui porte que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès;
  2. b) L’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui prévoit qu’avant de rejeter de façon sommaire un appel, la division générale avise l’appelant par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observations;
  3. c) L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada, qui énonce les critères d’admissibilité de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette disposition énonce qu’un requérant ne doit pas toucher une pension de retraite du Régime de pensions du Canada.
  4. d) L’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, qui énonce qu’en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation à l’intimé d’une demande de pension d’invalidité.
  5. e) Le paragraphe 70(3) du Régime de pensions du Canada, qui énonce qu’une personne n’est en aucun cas admissible à demander ou à redemander une pension d’invalidité si elle a commencé à recevoir une pension de retraite du Régime de pensions du Canada.
  6. f) L’article 66.1 du Régime de pensions du Canada et l’article 46.2 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, qui prévoient une exception au paragraphe 70(3) du Régime de pensions du Canada, puisqu’ils permettent à un bénéficiaire de demander la cessation d’une prestation en présentant une demande écrite à cet effet dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé.
  7. g) Le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada, qui porte que si une personne n’a pas demandé la cessation d’une prestation dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé, sa pension de retraite ne peut être annulée et remplacée par une prestation d’invalidité que si cette personne est réputée être devenue invalide avant le mois où elle a commencé à toucher sa prestation de retraite.

[11] La division générale a conclu que l’appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada puisqu’il a commencé à recevoir une pension de retraite du Régime en avril 2010 et n’a pas demandé à annuler cette pension dans les six mois qui ont suivi. La division générale a déterminé que l’appelant avait présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en février 2013, soit plus de quinze mois après avoir commencé à recevoir la pension de retraite. La division générale a également déterminé que, compte tenu du fait que l’appelant avait présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en février 2013, la date la plus antérieure à laquelle il pouvait être réputé invalide était novembre 2011, soit après avoir commencé à toucher sa pension de retraite.

[12] Le 12 août 2015, l’appelant a déposé un appel à l’encontre de la décision de la division générale rejetant son appel de façon sommaire.

[13] Le 24 septembre 2015, l’avocat de l’intimé a déposé des observations.

Observations

[14] Dans l’avis d’appel déposé le 12 août 2015, l’appelant fait valoir que son conseiller financier lui avait recommandé de demander une pension de retraite du Régime de pensions du Canada, sans l’informer que cela pouvait le rendre non admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. L’appelant soutient, en outre, qu’il a désespérément besoin d’une pension d’invalidité car il est incapable de travailler et de subvenir aux besoins de sa famille. Il a confirmé qu’il a fourni des avis en ce sens de la part de ses médecins et spécialistes. Il a indiqué qu’il est en attente d’une greffe de cœur. Il a demandé que l’appel soit pris en considération pour des motifs d’ordre humanitaire. L’appelant a joint une copie de son consentement au traitement et de sa récente admission au Toronto General Hospital.

[15] Dans des observations déposées le 24 septembre 2015, l’avocat de l’intimé soutient que la division générale a correctement énoncé et appliqué le critère juridique relatif au rejet sommaire en vertu de l’article 53 de la Loi. L’avocat de l’intimé soutient, en outre, que la division générale a aussi correctement énoncé le droit applicable à l’annulation d’une pension de retraite et son remplacement par une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada. De même, l’avocat de l’intimé soutient que compte tenu des faits, qui ne sont pas contestés, et du droit applicable, une seule issue était possible. L’appel étant [traduction] « sans aucun espoir de succès », il a, de bon droit, été rejeté de façon sommaire.

Première question : Norme de contrôle

[16] L’appelant n’a pas abordé la question de la norme de contrôle.

[17] L’avocat de l’intimé a fourni des observations à ce sujet. Il soutient que la norme de contrôle est la norme de la raisonnabilité pour les questions de fait et mixtes de fait et de droit. L’avocat soutient que pour les questions de droit, la division d’appel n’a pas à faire preuve de déférence à l’égard de la décision de la division générale et doit appliquer la norme de la décision correcte.

[18] L’avocat de l’intimé soutient que la principale question en litige dans cet appel, soit la question de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès, est une question mixte de fait et de droit. L’avocat soutient que la division d’appel devrait réviser la décision de la division générale selon la norme de la raisonnabilité, mais qu’elle ne devrait manifester aucune déférence envers la division générale sur la question du critère applicable à un rejet sommaire et du droit applicable au remplacement d’une pension de retraite par une pension d’invalidité.

[19] Dans l’ensemble, je suis d’accord avec ces observations. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il y avait seulement deux normes de contrôle en common law au Canada : la raisonnabilité et la décision correcte. Pour les questions de droit, la norme est généralement celle de la décision correcte et pour les questions de fait et mixtes de fait et de droit, la norme est celle de la raisonnabilité. La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle substitue son appréciation quant à l’issue correcte.

[20] La norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées.

[21] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[22] D’après ce que j’ai pu établir, l’appelant n’a soulevé aucun des moyens d’appels prévus au paragraphe 58(1) de la Loi. L’appelant ne conteste aucune des conclusions de fait ou de droit tirées par la division générale; de même, il n’allègue pas que la division générale a manqué à un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence. Si, au terme de mon analyse, je déterminais que la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier, la norme de la décision correcte s’appliquerait.

Deuxième question : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a choisi de rejeter l’appel de l’appelant de façon sommaire?

[23] Bien que l’appelant n’ait pas remis en cause la pertinence d’un rejet sommaire, je me pencherai sur cette question avant d’évaluer la décision de la division générale.

[24] L’avocat de l’intimé soutient que la division générale se devait, en tout premier lieu, de citer le droit applicable à un rejet sommaire en vertu de l’article 53 de la Loi. L’avocat soutient que la division générale n’a commis aucune erreur à cet égard, ayant invoqué qu’en vertu de l’article 53 de la Loi, elle doit rejeter de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. L’avocat soutient que la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel ne renferme aucune erreur susceptible de contrôle qui permettrait à la division d’appel d’intervenir, et qu’il s’agit d’une décision raisonnable.

[25] Selon le paragraphe 53(1) de la Loi, la division générale se doit de rejeter de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale n’a pas indiqué le critère approprié pour déterminer s’il y a lieu de prononcer un rejet sommaire ou encore si elle a mal énoncé le critère, elle aurait alors commis une erreur de droit; si tel est le cas, selon la norme de la décision correcte, je me dois de faire ma propre analyse et de substituer mon appréciation quant à l’issue correcte (Dunsmuir et Housen c. Nikolaisen, [2002] R.C.S. 235, 2002 CSC 33 (CanLII) au paragraphe 8.

[26] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le critère juridique applicable en invoquant, aux paragraphes 3 et 20 de sa décision, le paragraphe 53(1) de la Loi.

[27] Cependant, il ne suffit pas d’énoncer le critère juridique applicable à un rejet sommaire tel que libellé dans le paragraphe 53(1) de la Loi; il faut aussi l’appliquer correctement. Après avoir déterminé correctement le critère à appliquer, il convenait ensuite à la division générale d’appliquer le droit aux faits. Si le droit pertinent était appliqué correctement, la décision de rejeter l’appel de façon sommaire se devait aussi d’être raisonnable. Cela nécessite une évaluation selon la norme de la raisonnabilité, puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit.

[28] Lorsqu’un décideur est appelé à déterminer le caractère opportun d’un rejet sommaire et à établir si l’appel has une chance raisonnable de succès, il doit déterminer s’il existe une question litigieuse ou si la demande est fondée. Dans A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social et P.P., (le 12 août 2015), SSTAD-15-297 (actuellement non publié), j’ai employé les expressions « affaire sans aucun espoir de succès » et « affaire dont le fondement est faible » pour déterminer si un appel se devait d’être rejeté de façon sommaire. Pour autant que l’appel soit fondé sur des faits adéquats et que l’issue ne soit pas manifeste, il n’y a pas lieu de prononcer un rejet sommaire. J’ai déterminé qu’il ne conviendrait pas de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est « faible », lequel exige forcément d’évaluer le bien-fondé de l’affaire, d’examiner la preuve et de déterminer la valeur de celle-ci. Essentiellement, « aucune chance raisonnable de succès » a été interprété comme voulant dire « absolument aucune chance de succès ».

[29] La division générale a compris la distinction entre une affaire « sans aucun espoir » de succès et une affaire au fondement « faible », et a su reconnaître qu’il s’agissait d’un appel qu’il était approprié de rejeter de façon sommaire. La division générale a conclu que le Régime de pensions du Canada et son règlement d’application ne permettent que dans des situations très limitées à un appelant de remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a conclu que, compte tenu des faits en l’espèce, l’appelant n’était pas visé par l’exception à la règle générale selon laquelle un requérant qui touche une pension de retraite du Régime de pensions du Canada ne peut pas demander et recevoir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a également conclu qu’elle n’était pas habilitée à exercer un quelconque pouvoir discrétionnaire et d’invoquer un principe d’équité à l’égard des appels dont elle est saisie, et qu’elle se devait d’interpréter et d’appliquer les dispositions du Régime de pensions du Canada.

[30] La division générale a examiné si, à la lumière des faits portés à sa connaissance, l’appel satisfaisait au critère très exigeant énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi. La division générale n’a pu conclure à un fondement adéquat ou factuel à l’appui de l’appel. Étant convaincue que l’appel était sans fondement, la division générale a, de bon droit, conclu qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès et l’a rejeté de façon sommaire pour cette raison.

Troisième question : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que l’appelant ne pouvait faire annuler sa pension de retraite du régime de pensions du canada?

[31] Mis à part la question du caractère approprié de la procédure sommaire employée en l’espèce, pour qu’un appel puisse avoir gain de cause en appel, il faut qu’il soulève au moins un des moyens d’appel valides énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi. Bien que l’appelant n’a pas présenté un moyen d’appel prévu ni n’a allégué d’erreurs de la part de la division générale, en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi, je pourrais néanmoins conclure que la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[32] L’avocat de l’intimé soutient que la division générale a correctement énoncé le droit en ce qui a trait à l’annulation d’une pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité et qu’elle n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle à ce sujet. L’avocat de l’intimé se fonde sur les mêmes dispositions que celles citées par la division générale.

[33] L’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada est ainsi libellé :

  1. (2) Personne déclarée invalide – Pour l’application de la présente loi :
  2. b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne — notamment le cotisant visé au sous-alinéa 44(1)b)(ii) — n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite.

[34] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada est ainsi libellé : Prestations payables – (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie :

[. . .]

  1. b) une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans, à qui aucune pension de retraite n’est payable, qui est invalide et qui :
  2. (i) soit a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité,
  3. (ii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d’invalidité avait été reçue avant le moment où elle l’a effectivement été, […]

(Je souligne)

[35] L’article 66.1 du Régime de pensions du Canada permet à un bénéficiaire de demander la cessation d’une prestation, pourvu que la demande soit présentée de la façon prescrite et dans le délai prévu après que le paiement de la prestation a commencé, sauf exception prévue au paragraphe 66.1(1.1). Un requérant ne peut faire annuler une pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada s’il est réputé être devenu invalide au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite. Le paragraphe 46.2(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada prescrit comment et quand une personne peut demander l’annulation d’une prestation.

[36] Le paragraphe 70(3) du Régime de pensions du Canada porte notamment ce qui suit : « Une personne n’est en aucun cas admissible à demander ou à redemander une pension d’invalidité en application de la présente loi, si elle a commencé à recevoir une pension de retraite conformément à la présente loi ou à un régime provincial de pensions, sauf selon ce qui est prévu à cet égard à l’article 66.1 ou aux termes d’une disposition en substance semblable d’un régime provincial de pensions, selon le cas. »

[37] L’avocat de l’intimé soutient que, lorsque les alinéas 42(2)b) et 44(l)b), les paragraphes 66.l(1.1) et 70(3) du Régime de pensions du Canada et le paragraphe 46.2(2) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada sont interprétés conjointement, il en découle qu’une pension de retraite ne peut être annulée en faveur d’une pension d’invalidité si la demande de pension d’invalidité est présentée plus de quinze mois après le début du versement de la pension de retraite. L’avocat se fonde sur Ramlochan v. Canada, FC, T-148-13, le 22 octobre 2013 (non publié) pour faire valoir qu’en pareil cas, il n’existe aucune cause défendable. Je suis d’accord avec ces observations.

[38] La division générale a invoqué et appliqué chacune de ces dispositions relatives à l’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a correctement énoncé le droit dans son analyse et appliqué le droit aux faits.

[39] L’appelant recevait une pension de retraite du Régime de pensions du Canada depuis avril 2010.

[40] Si l’appelant voulait faire annuler sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada, il lui aurait fallu, en vertu de l’article 66.1 du Régime de pensions du Canada le faire par écrit dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation. Comme l’appelant n’en a pas fait la demande durant la période de temps prescrite, il ne pouvait se prévaloir de cette disposition.

[41] Si l’appelant voulait faire remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, il aurait fallu, en vertu du paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada, qu’il ait été réputé invalide au plus tard au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite du Régime de pensions du Canada.

[42] Or, le plus tôt que l’appelant peut être réputé invalide aux termes du Régime de pensions du Canada est novembre 2011, c’est‑à‑dire quinze mois avant d’avoir présenté la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en février 2013. Cette date est clairement postérieure au mois où la pension de retraite du Régime de pensions du Canada est devenue payable. L’appelant ne peut non plus se prévaloir de la disposition contenue dans le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada.

[43] En appliquant le droit à ces faits particulier, je suis d’avis que la division générale a, à bon droit, tiré la conclusion que l’appelant ne pouvait pas faire remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[44] Dans sa décision, la division générale laisse entendre que l’appelant ne peut d’aucune autre façon faire remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Un appelant pourrait invoquer les paragraphes 60(8) à 60(11) du Régime de pensions du Canada. Ces paragraphes prévoient que si un demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite en son nom, le ministre peut réputer cette demande de prestation comme ayant été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé.

[45] En d’autres termes, si l’appelant avait une incapacité sur une période continue, c’est‑à‑dire s’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation, et ce, à partir de la date du début de l’incapacité jusqu’à la date à laquelle la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a été faite, il aurait peut-être pu être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, pourvu qu’il satisfasse à tous les autres critères énoncés dans le Régime de pensions du Canada. En l’espèce, le délai en cause devrait être très précis, étant donné qu’il faudrait que l’appelant ait été atteint d’incapacité de façon continue d’octobre 2010 (six mois après le début du paiement de la pension de retraite du Régime de pensions du Canada) au 28 février 2013, date à laquelle la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a été présentée.

[46] S’il avait été allégué ou si un élément de preuve avait laissé entendre dans la moindre mesure que l’appelant aurait pu être atteint de façon continue d’incapacité entre octobre 2010 et le 28 février 2013 aux fins de l’application du Régime de pensions du Canada, le fait que la division générale n’en ait pas fait l’analyse ni tiré de conclusions à ce sujet aurait pu constituer une erreur de droit susceptible de contrôle.

[47] Il n’est pas tout à fait clair si la division générale a tenu compte des dispositions du Régime de pensions du Canada relatives à l’incapacité ni si elles auraient eu une incidence sur l’appelant, mais à la lumière des éléments de preuve et des observations portés à la connaissance de la division générale, la question de l’incapacité était, en somme, non pertinente puisque rien ne laissait supposer que l’appelant aurait pu être atteint d’incapacité de façon continue d’octobre 2010 au 28 février 2013.

[48] Enfin, la division générale a également reconnu à bon droit qu’elle n’a pas compétence, en ce qui concerne le principe d’équité, pour accorder à l’appelant le recours demandé. Elle se devait de respecter les dispositions du Régime de pensions du Canada et de son règlement d’application relatives à l’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Que l’état de santé de l’appelant se soit détérioré à un degré qui ne lui permet plus de travailler, après qu’il a commencé à recevoir une pension de retraite du Régime de pensions du Canada, n’est pas une considération pertinente, puisqu’un demandeur ne peut recevoir les deux pensions en même temps et qu’il n’est possible, que dans des situations très précises, de faire remplacer la pension de retraite par la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[49] Même si l’appelant avait pu faire annuler sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada et la faire remplacer par une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, il aurait fallu qu’il soit réputé être invalide, tel que défini dans la loi, à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité. En l’espèce, il faudrait qu’il ait été réputé invalide en date du 31 décembre 2009 et, bien qu’il avait alors déjà des problèmes de santé, cela ne signifie pas nécessairement qu’il aurait été admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Conclusion

[50] Compte tenu des considérations susmentionnées, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.