Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 16 juin 2015. La division générale a tenu audience par comparution en personne le 11 mai 2015 et déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), ayant conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas « grave » au moment où a pris fin sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2013. L’avocat de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler  (la « Demande ») le 15 septembre 2015. Pour accorder cette permission, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] L’avocat de la demanderesse plaide que la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit et/ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en ce qu’elle n’a pas mesuré l’importance de l’opinion que le Dr Cooper, psychiatre, a formulée dans son rapport daté du 23 octobre 2013 ou n’a accordé aucun poids à cette opinion. L’avocat affirme que ce rapport abordait les facteurs que le Tribunal était tenu de prendre en considération dans sa décision, mais que la division générale n’a fait qu’une simple allusion à ce rapport, au paragraphe 66 de sa décision. L’avocat soutient que la division générale n’a pas reconnu ou cité d’une manière assez approfondie l’opinion du psychiatre. Il plaide que ce manquement de la part de la division générale l’a amenée à conclure de façon erronée que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave.

[4] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[5] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1259 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou s’est abstenue d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c)  elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[8] La division générale a mentionné et résumé le rapport médical du Dr Cooper daté du 23 octobre 2013 au paragraphe 48, où elle a écrit ceci :

[Traduction]

[48] Dans un rapport médical daté du 23 octobre 2013, le Dr J. Cooper, psychiatre, déclare qu’il a examiné l’appelante pour la première fois le 11 juin 2012. Il l’a décrit comme étant encore déprimée et mentionne qu’elle prend du Ciprolex à une dose de 20 mg par jour. Il souligne qu’elle est fatiguée, qu’elle continue de se concentrer sur la douleur et qu’elle a de la difficulté à dormir en raison de la douleur. Il souligne aussi que « ses douleurs s’aggravent par temps froid et humide et lors de variations climatiques. »

[9] Dans son analyse et ses conclusions concernant la capacité de travailler de la demanderesse, la division générale a écrit que [traduction] « [le Dr Cooper] lui prescrit simplement du Cymbalta pour ses crises de panique, ses problèmes liés au stress et sa dépression » et que [traduction] « le Dr Cooper a jugé que [la demanderesse] est déprimée, fatiguée et épuisée, qu’elle se concentre toujours sur la douleur et que son sommeil est perturbé. »

[10] Le Dr Cooper a passé en revue les antécédents médicaux de la demanderesse. Il lui a fait passer un examen médical le 11 juin 2012, la première fois qu’il l’a vue. Il a aussi indiqué qu’il l’avait vue pour la dernière fois le 17 octobre 2013. Lorsqu’il l’a vue le 28 août 2013, son affect semblait déprimé même si elle était médicamentée quotidiennement au Cipralex 20 mg. Le Dr Cooper lui a diagnostiqué un syndrome de la douleur chronique, un trouble dépressif majeur avec dépression situationnelle et des aspects d’un trouble anxieux généralisé. Il était aussi d’avis qu’elle souffrait d’un trouble chronique de l’adaptation et avait des lésions aux tissus mous après avoir fait une chute accidentelle en glissant le 3 novembre 2011, ce qui lui a causé un syndrome de la douleur qui était devenu maintenant un syndrome de la douleur chronique. Il a estimé que le niveau de fonctionnement de la demanderesse, selon le score obtenu sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement, se situait dans la fourchette de 45 à 50 %. Il a conclu que la demanderesse [traduction] « a été affectée sur les plans professionnel, familial et social. »

[11] L’avocat affirme que la division générale n’a pas mesuré l’importance de l’opinion du psychiatre (le Dr Cooper) ou n’y a pas accordé de poids. Il affirme que le rapport aborde les facteurs que le Tribunal doit prendre en considération pour rendre sa décision. L’avocat soutient que la division générale aurait dû reconnaître ou citer l’opinion du psychiatre d’une manière plus approfondie : on ne sait pas exactement de quel(s) passage(s) la division générale, selon l’avocat, a fait abstraction, ni quels facteurs elle aurait dû prendre en considération.

[12] S’il s’agissait simplement de questions d’attribution de force probante, je rejetterais d’emblée cette demande. La Cour d’appel fédérale s’est déjà penchée, dans d’autres décisions, sur cette observation selon laquelle le décideur a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve ou ne lui a pas attribué l’importance voulue. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse faisait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. La Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir dans le poids que le décideur accorde à la preuve, statuant que cela « relève du juge des faits. » Je ne suis pas convaincue que cette question soulève une cause défendable ou que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

[13] Toutefois, à la lecture de la décision de la division générale, je remarque qu’il n’y est fait aucune mention des diagnostics posés par le Dr Cooper ni de son estimation du résultat de la demanderesse sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement. Bien qu’un seul diagnostic ne suffise pas à établir la gravité d’une affection, il y avait, dans la décision de la division générale, peu d’analyse, voire aucune, de l’état mental de la demanderesse qui aurait pu être lié aux affections qu’on lui a diagnostiquées. En bout de ligne, il se peut que la division générale ait jugé que l’opinion du Dr Cooper n’aurait pas d’impact sur le résultat final et qu’elle ait continué de considérer que les problèmes psychiatriques de la demanderesse sont surmontables, mais cela relève de la spéculation. La preuve soumise à la division générale comportait relativement peu de documents médicaux, et le Dr Cooper était le seul médecin spécialiste dont le rapport faisait partie de la preuve. Il semblerait donc que la division générale ait pu omettre de mesurer l’importance de l’opinion du Dr Cooper quant aux diagnostics concernant la demanderesse et à l’impact que ses invalidités ont eu sur sa capacité globale. Je suis convaincue que cela soulève une cause défendable et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Appel

[14] Si les parties ont l’intention de déposer des observations, elles pourraient vouloir aborder les questions suivantes :

  1. i. L’appel peut-il être instruit sur la foi du dossier, ou est‑il nécessaire de tenir une autre audience?
  2. ii. La division générale a‑t‑elle rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
  3. iii. Dans l’affirmative, quelle est la norme de contrôle applicable et quels sont les éventuels redressements appropriés?

[15] Au cas où je déterminerais qu’une autre audience est nécessaire, les parties devraient faire part du mode d’audience qu’elles désirent et présenter aussi des observations sur le caractère approprié de ce mode d’audience (c.‑à‑d. si cela devrait se faire par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses par écrit). Si une partie demande à ce qu’il soit tenu audience autrement qu’au moyen de questions et réponses par écrit, j’invite cette partie à donner une estimation préliminaire du temps qu’il lui faudra pour déposer ses observations et à faire part de ses dates de disponibilité.

Conclusion

[16] La Demande est accueillie.

[17] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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