Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 27 juillet 2015. La division générale a conclu que la demanderesse avait déposé tardivement un avis d’appel de la décision en révision de l’intimé. La division générale a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur d’une prorogation de délai qui aurait permis à la demanderesse de déposer un avis d’appel au‑delà du délai de 90 jours prescrit par l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), ayant conclu que la demanderesse n’avait pas de cause défendable en ce qu’elle n’avait pas suffisamment cotisé au Régime de pensions du Canada (le « Régime »). La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 28 août 2015. Pour accueillir cette demande de permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique des procédures

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime. L’intimé a rejeté la demande au stade initial, puis, ultérieurement, en révision. La décision en révision a été envoyée à la demanderesse par lettre datée du 27 février 2014. La demanderesse a déposé un avis d’appel de la décision en révision le 9 juin 2014.

[4] La division générale a rendu sa décision le 27 juillet 2015. La demanderesse a déclaré avoir reçu la lettre renfermant la décision en révision le 20 février 2014. la division générale a reconnu que la demanderesse ne pouvait pas avoir reçu la décision en révision avant que celle‑ci ne fût rendue.

[5] Nonobstant le fait qu’il n’existe pas de dispositions légales de présomption applicables à la réception des décisions en révision, la division générale a entrepris de déterminer la date à laquelle la demanderesse était susceptible d’avoir reçu la décision en révision en appliquant de facto l’alinéa 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a présumé un délai raisonnable de mise à la poste de dix jours après la date de la décision en révision et a présumé que la demanderesse devait donc l’avoir reçue le 9 mars 2014. La division générale a aussi calculé que la demanderesse avait jusqu’au 6 juin 2014 pour déposer un appel en application de l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le MEDS. Donc, elle avait trois jours de retard dans le dépôt de son appel.

[6] La division générale a pris en considération les quatre facteurs énoncés dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, pour déterminer s’il y avait lieu de proroger le délai pour permettre le dépôt de l’avis d’appel. La division générale a estimé que, bien que la demanderesse eût démontré une intention persistante de poursuivre l’appel de la décision en révision, qu’elle eût raisonnablement expliqué le retard et qu’une prorogation du délai n’eût pas causé de préjudice à l’intimé, la demanderesse n’avait pas de cause défendable. La division générale a jugé que ce dernier facteur militait très fortement contre une prorogation de délai.

Observations

[7] La demanderesse déclare qu’elle a décidé de rester à la maison pour élever ses six enfants. Elle a déclaré qu’elle [traduction] « n’a pas cotisé au [Régime] et [...] ne [savait] pas [qu’elle] aurait pu y cotiser de façon séparée. » Elle mentionne qu’elle ne peut pas conduire et qu’elle est très limitée dans ses capacités fonctionnelles. Son mari a pris sa retraite pour s’occuper d’elle, sinon il aurait continué à travailler. Elle déclare être actuellement en attente d’une opération chirurgicale au dos et estime être très handicapée de façon générale et avoir besoin d’aide pour ses besoins de tous les jours.

[8] Dans sa lettre au Tribunal de la sécurité sociale datée du 13 septembre 2015, la demanderesse déclare être en très mauvaise santé et souffrir aussi de la maladie de Crohn, qui exige une surveillance à temps plein. Elle qualifie d’insupportables ses douleurs lombaires.

[9] La demanderesse n’a pas allégué d’erreur de la part de la division générale.

[10] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Droit applicable

[11] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[12] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou s’est abstenue d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c)  elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

[14] La Cour d’appel fédérale a statué qu’il y a exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire lorsque le décideur n’accorde pas suffisamment d’importance à des facteurs pertinents, se fonde sur un mauvais principe de droit ou apprécie mal les faits ou lorsqu’une injustice évidente en résulterait (Oyenuga c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 230.

[15] La demanderesse n’allègue pas d’exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire par la division générale, mais je crois comprendre que ses observations reviennent en fait à dire qu’il en résulterait une injustice évidente, étant donné son état de santé. Hormis cela, elle n’a soulevé aucun moyen se rattachant aux moyens d’appel admissibles énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Elle n’allègue pas que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, pas plus qu’elle n’allègue que la division générale a entaché sa décision d’une erreur de droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, il faut qu’il y ait, de la part de la division générale, au moins une erreur susceptible de contrôle qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[16] Bien que la demanderesse n’ait pas invoqué de moyens d’appel admissibles, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, permet quand même à la division d’appel de déterminer si la décision rendue est entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[17] La division générale a déterminé que la demanderesse avait déposé son avis d’appel en retard. La division générale s’est demandé s’il y avait un fondement qui justifie qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai imparti pour le dépôt de l’avis d’appel. Elle a pris en considération et soupesé les quatre facteurs de Gattellaro (précité). La division générale a déterminé que la demanderesse n’avait pas de cause défendable en s’abstenant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation de délai. Cependant, la division générale n’a pas fait mention de l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, dans lequel la Cour d’appel fédérale a statué que, bien qu’il soit pertinent de prendre ces facteurs en considération pour se prononcer sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vue de l’octroi d’une prorogation de délai, la « considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. » Il est loin d’être manifeste que la division générale a tenu compte de l’intérêt général de la justice lorsqu’elle s’est demandée s’il y avait lieu qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire.

[18] Malgré cela, même si la division générale avait accordé une prorogation de délai pour permettre le dépôt d’un avis d’appel, je ne vois aucun fondement sur lequel l’appel de la décision en révision aurait pu être accueilli. Une pension d’invalidité ne doit être payée que lorsque les quatre conditions suivantes sont remplies :

  1. i. le demandeur n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. ii. aucune pension de retraite n’est payable au demandeur;
  3. iii. le demandeur est invalide;
  4. iv. le demandeur a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité, c.‑à‑d. qu’il a versé des cotisations valides suffisantes au Régime.

[19] La demanderesse n’a pas satisfait à l’ensemble de ces quatre conditions, puisqu’elle ne remplit manifestement pas la quatrième condition.

[20] La Cour d’appel fédérale, dans Miceli-Riggins c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 158 s’est penchée sur les objectifs du Régime de pensions du Canada et a déclaré ce qui suit :

[69] Certains des énoncés généraux sur le Régime sont pertinents. Le Régime n’est pas censé satisfaire les besoins de tout le monde. C’est plutôt un régime contributif qui remplace en partie des revenus dans certaines circonstances définies de façon technique. Il est conçu pour être complété par les régimes de pension privés, l’épargne privée, ou les deux. Voirl’arrêt Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 703, au paragraphe 9.

[70] En fait, on ne peut même pas dire du Régime qu’il vise à accorder des prestations à tels ou tels groupes démographiques. Il convient plutôt de le considérer comme une assurance obligatoire basée sur des cotisations et un régime de pension conçu pour fournir une certaine aide – loin d’être complète – aux personnes qui répondent à des critères de qualification techniques.

[71] Tout comme dans un régime d’assurance, les prestations sont payables en fonction de critères d’admissibilité hautement techniques.

[...]

[74] Pour reprendre les termes de la Cour suprême :

Le [Régime] est un régime d’assurance sociale destiné aux Canadiens privés de gains en raison d’une retraite, d’une déficience ou du décès d’un conjoint ou d’un parent salarié. Il s’agit non pas d’un régime d’aide sociale, mais plutôt d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité, y compris l’ampleur et la durée de la contribution financière d’un requérant.

(arrêt Granovsky, précité,au paragraphe 9)
[C’est moi qui souligne.]

[21] Le Régime de pensions du Canada fonctionne comme un régime d’assurance dans lequel l’admissibilité à des prestations est fonction des cotisations versées. Les personnes souffrant d’une invalidité n’ont pas toutes droit à une pension d’invalidité au titre du Régime. Il n’est pas suffisant de prouver l’existence d’une invalidité. Il est clair qu’un demandeur doit répondre à d’autres exigences pour être admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime.

[22] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès, de sorte que je rejette et la demande de prorogation de délai pour permettre le dépôt et la demande de permission d’appel.

Conclusion

[23] Les demandes de prorogation de délai pour permettre le dépôt et de permission d’en appeler sont rejetées.

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