Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 22 juin 2015. La division générale a tenu audience par vidéoconférence le 16 juin 2015. Elle a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), ayant conclu que l’invalidité de cette dernière n’était pas « grave » au moment où a pris fin sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2013. L’avocat de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler le 22 juillet 2015. Pour accéder à cette permission, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] L’avocat plaide que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. a) elle s’est contredite;
  2. b) elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve, tant documentaire que testimoniale, lorsqu’elle a rendu sa décision.

[4] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[5] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou s’est abstenue d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c)  elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

a) Critères relatifs au caractère prolongé de l’invalidité

[8] L’avocat soutient qu’au paragraphe 53 de sa décision, la division générale s’est abstenue de tirer une conclusion sur les critères relatifs au caractère prolongé, nonobstant le fait qu’elle ait indiqué, durant l’audience, qu’il ressortait de la preuve médicale au dossier que l’invalidité de la demanderesse était prolongée et malgré le fait qu’elle ait indiqué, au paragraphe 10 de sa décision, que la preuve médicale au dossier démontrait que l’invalidité était prolongée.

[9] Le paragraphe 10 de la décision traite en grande partie de la demande de l’avocat de faire admettre en preuve les documents supplémentaires. La division générale a écrit qu’il y avait [traduction] « une preuve médicale au dossier datée du 20 février 2015 qui montre que l’invalidité de l’appelante est prolongée, » puis, au paragraphe 53, elle a écrit que, puisqu’elle avait conclu que l’invalidité n’était pas grave, il ne lui était pas nécessaire de tirer une conclusion sur le critère du caractère prolongé. L’avocat soutient que la division générale s’est contredite.

[10] Il se peut que la division générale se soit contredite lorsque, dans le contexte de la détermination de l’admissibilité d’un certain nombre de documents, elle a apparemment conclu que la preuve médicale démontrait que l’invalidité de la demanderesse était prolongée, puis que, dans ses conclusions sur le fond de l’appel, s’est abstenue de tirer quelque conclusion de fait que ce soit sur le critère du caractère prolongé.

[11] Cependant, le critère relatif à l’invalidité comporte deux volets aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada et, si un demandeur ne satisfait pas à l’un ou l’autre des deux volets de ce critère, il ne satisfait alors pas aux exigences relatives à l’invalidité en vertu de la loi. Dans Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[10] Le fait que la Commission se soit essentiellement concentrée sur le volet « grave » du critère, et qu’elle ne se soit pas prononcée quant au volet « prolongé » ne constitue pas une erreur. Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du RPC sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du RPC sera rejetée.

[12] La division générale soit a conclu que l’invalidité de la demanderesse était prolongée, soit s’est abstenue de tirer une conclusion sur les critères du caractère prolongé. En fin de compte, néanmoins, elle a conclu que l’invalidité n’était pas grave. Ainsi, la demande de pension d’invalidité de la demanderesse aurait nécessairement été rejetée. Nonobstant le fait que la division générale s’est apparemment contredite sur la question du caractère prolongé, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, car la demande aurait nécessairement été rejetée, puisque la division générale n’était pas convaincue que l’invalidité de la demanderesse pouvait être considérée grave.

b) Examen de la preuve

[13] L’avocat affirme que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve, tant documentaire que testimoniale, lorsqu’elle en est arrivée à sa décision. L’avocat donne les exemples suivants :

  1. i. La division générale a résumé le contenu du questionnaire de la demanderesse qui accompagnait sa demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, mais elle n’y a pas inclus tout renseignement selon lequel la demanderesse avait essayé de nombreuses thérapies et ne voyait aucune amélioration au chapitre de sa douleur (GT1‑42 à GT1‑48). L’avocat soutient que la division générale a omis de faire valoir que la demanderesse avait de sérieuses limitations au chapitre des activités courantes, en raison de sa douleur à l’épaule droite, et qu’elle dépendait d’autrui pour accomplir ces activités.
  2. ii. À l’audience, la demanderesse a témoigné que, lorsqu’elle est retournée travailler, son employeur a pris, pour elle, des mesures d’adaptation en lui créant un poste dans lequel elle pourrait effectuer un travail sédentaire léger. La demanderesse a remis en question l’existence d’un tel [traduction] « travail léger » (c.‑à‑d. de s’asseoir et de raccorder des fils) dans le contexte réaliste.
  3. iii. À l’audience, la demanderesse a aussi déclaré qu’elle comptait sur les autres au chapitre de ses soins personnels et de son fonctionnement à la maison et dans la collectivité, en raison d’une grave douleur à l’épaule droite. Elle a témoigné qu’elle n’était pas médicalement apte à retourner aux études ou au travail.
  4. iv. À l’audience, la demanderesse a également témoigné qu’elle ne prenait pas le transport en commun, car elle aurait été incapable de se servir de son bras droit pour se tenir aux barres. La division générale a alors demandé à la demanderesse si elle serait capable de prendre le transport en commun s’il lui fallait demander au chauffeur qu’on lui cède un siège, ce à quoi la demanderesse a répondu par l’affirmative. L’avocat plaide que le membre de la division générale a mal décrit la preuve au paragraphe 19 de la décision.

[14] Au paragraphe 19, dans la partie « preuve » de la décision, la division générale a écrit ceci :

[Traduction]
[19] L’appelante a déclaré qu’elle est capable de prendre le transport en commun pendant sa PMA si elle demande au chauffeur de l’autobus de s’assurer qu’on lui cède un siège réservé aux personnes ayant un handicap. Elle a déclaré que lorsqu’elle prenait le transport en commun, elle signalait effectivement au chauffeur qu’elle avait besoin d’un siège réservé aux personnes handicapées.

[15] Cette preuve que la division générale a sensément omis de prendre en considération traite en grande partie des limitations alléguées de la demanderesse eu égard à son épaule droite et son bras.

[16] À la lecture de la décision, il apparaît que la division générale a tenu compte des limitations fonctionnelles de la demanderesse quant à son épaule et son bras droits. La division générale s’est concentrée sur les opinions des docteurs Elmaraghy et Murthy. La division générale a discuté des limitations de la demanderesse au paragraphe 49 de son analyse.

[17] Bien que la division générale ait pu ne pas effectuer une étude et une analyse approfondies de la preuve et qu’elle n’ait pas mentionné certains éléments du témoignage ou du questionnaire de la demanderesse, cela ne signifie pas que la division générale a omis de tenir compte de cette preuve. Je fais observer que la Cour d’appel fédérale a statué qu’un décideur n’a pas l’obligation de dresser une liste exhaustive de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, puisqu’il est généralement présumé que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’« [...] un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. » Je note aussi les propos que le juge Stratas a tenus à ce sujet dans Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 :

[...] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon gras de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[18] L’avocat soutient que la division générale a mal exposé la preuve concernant l’utilisation du transport en commun par la demanderesse. Essentiellement, ce que dit l’avocat, c’est que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Bien que l’avocat n’ait pas produit de transcription de l’audience ni désigné un passage particulier de l’enregistrement de l’audience, j’accepterai ses observations sur ce point aux fins de l’évaluation de ce moyen.

[19] Bien que la division générale ait été saisie de cette preuve, je ne vois nulle part, dans sa décision, qu’elle ait fait mention ou se soit appuyée sur un élément quelconque de la preuve concernant l’utilisation du transport en commun par la demanderesse dans la partie « Analyse », si bien que l’on ne peut pas dire que la division générale a fondé sa décision sur cette preuve. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Conclusion

[20] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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