Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] L’appelante interjette appel d’une décision rendue le 12 juin 2015 par la division générale qui a rejeté de façon sommaire sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) au motif qu’elle touchait déjà une pension de retraite dans le cadre de ce même régime et parce qu’elle ne pouvait plus annuler sa pension de retraite. La division générale a rejeté son appel de façon sommaire, puisqu’elle était convaincue que l’appelante n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L’appelante a déposé un appel le 2 juillet 2015 (l’« avis d’appel »). Aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter un appel au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), car un rejet sommaire prononcé par la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. 1. Quelle est la norme de contrôle applicable lorsqu’on examine des décisions de la division générale?
  2. 2. La division générale a‑t‑elle commis une erreur en décidant de rejeter l’appel de l’appelante de façon sommaire?
  3. 3. La division générale a‑t‑elle commis une erreur en établissant que l’appelante ne pouvait pas remplacer sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité du même régime?

Aperçu des faits

[4] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 4 septembre 2013. L’intimé a rejeté la demande au moment du dépôt initial, puis après réexamen. Dans sa lettre de réexamen datée du 26 février 2014, l’intimé a informé l’appelante que personne ne peut recevoir simultanément une pension de retraite et une pension d’invalidité du RPC. L’intimé l’a également informée qu’une pension de retraite du RPC ne peut être remplacée par une pension d’invalidité du RPC que si le requérant est réputé être devenu invalide avant qu’il commence à toucher la pension de retraite. L’intimé l’a aussi informée que [traduction] « la date la plus antérieure à laquelle [elle était] réputée être devenue invalide, selon la loi, est juin 2012 » et qu’elle ne pouvait pas recevoir une pension d’invalidité, puisque cette date se situe après le mois au cours duquel elle a commencé à toucher une pension de retraite.

[5] Le 6 mai 2014, l’appelante a porté en appel la décision découlant du réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale parce qu’elle estimait qu’elle avait satisfait aux exigences prévues pour recevoir une pension d’invalidité. Au début, elle espérait pouvoir retourner au travail, ce qu’elle n’a pas pu faire, même après avoir suivi une thérapie. Elle a décrit les divers problèmes auxquels elle avait été confrontée lors de ses échanges avec la Commission des accidents du travail, notamment : les évaluations et les renseignements qu’elle recevait étaient erronés; et elle se sentait victime d’intimidation de la part de la Commission des accidents du travail. L’appelante a expliqué que depuis sa blessure à la tête, elle avait de la difficulté à assurer le suivi des appels qu’elle avait interjetés, de ses rendez‑vous, de sa demande déposée auprès de la Commission des accidents du travail et de presque tout, en général.

[6] Bien que l’appelante ait été informée par écrit par l’intimé que la date la plus rapprochée à laquelle elle pouvait être considérée comme invalide était juin 2012, elle soutient que cette date devrait être le 11 mai 2012, soit le jour où elle a atteint l’âge de 60 ans. Elle affirme aussi qu’elle a présenté une demande de pension de retraite du RPC avant mai 2012 et qu’elle n’a commencé à recevoir cette pension qu’en juin 2012.

[7] L’appelante a joint à son avis d’appel des renseignements médicaux additionnels pour démontrer la façon dont elle avait été traitée par la Commission des accidents du travail ainsi que les répercussions de ce traitement sur elle, notamment le fait qu’elle n’était pas capable de s’occuper de sa paperasse, y compris sa demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. L’appelante n’a rien ajouté au sujet de l’observation de l’intimé selon laquelle elle ne pouvait pas remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité, conformément au Régime de pensions du Canada.

[8] Le 20 mai 2015, la division générale a avisé par écrit l’appelante pour l’informer qu’elle envisageait de rejeter l’appel de façon sommaire pour les raisons suivantes :

[Traduction]

Selon le paragraphe 66.1(1) du Régime de pensions du Canada, un bénéficiaire ne peut demander que sa pension de retraite soit remplacée par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher la pension de retraite.

L’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada prévoit qu’une personne ne peut être considérée comme invalide à une date antérieure de plus 15 mois à la date de la présentation de la demande de prestation d’invalidité. Se reporter aussi à Quiring c. Canada (P.G.), 2005 CAF 294.

Dans votre cas, vous avez commencé à recevoir une pension de retraite en juin 2012. Votre demande de cessation de votre pension de retraite afin qu’elle soit remplacée par une prestation d’invalidité a été reçue par le ministre le 4 septembre 2013; la date la plus antérieure de la période de 15 mois précédant la date de présentation de la prestation d’invalidité est juin 2012. Tel qu’il est expliqué ci‑dessus, pour que votre pension de retraite soit remplacée par une prestation d’invalidité, vous auriez dû être considérée comme invalide au plus tard en mai 2012. Étant donné que la date la plus antérieure à laquelle vous auriez pu être considérée comme invalide est juin 2012, vous ne pouvez pas présenter une demande de cessation.

[9] La division générale a demandé à l’appelante de présenter des observations écrites détaillées au plus tard le 23 juin 2015 afin d’expliquer les raisons pour lesquelles elle croyait que son appel avait une chance raisonnable de succès.

[10] Le 9 juin 2015, l’appelante a présenté ses observations et a expliqué que, lorsqu’elle a déposé sa demande de pension de retraite anticipée en juin 2012, elle était certaine qu’elle pourrait se remettre de ses blessures et retourner au travail. Son état ne s’est toutefois pas amélioré, et elle est demeurée incapable de travailler. Elle affirme qu’elle continue de voir ses médecins et de recevoir des traitements pour soigner ses multiples blessures. La requérante a pris connaissance des dispositions du paragraphe 66.1(1) du Régime de pensions du Canada exposées dans la lettre du Tribunal de la sécurité sociale datée du 20 mai 2015 et soutient qu’elle devrait pouvoir remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité, puisqu’elle n’est plus capable de travailler depuis juin 2011, soit bien avant qu’elle ait commencé à recevoir une pension de retraite (document GD4).

[11] Le 12 juin 2015, la division générale a rendu sa décision en se fondant sur les dispositions suivantes :

  1. i. l’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès;
  2. ii. l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon lequel, avant de rejeter l’appel de façon sommaire, la division générale avise l’appelant par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observations;
  3. iii. le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada qui dispose qu’un bénéficiaire ne peut remplacer une pension de retraite par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher la pension de retraite;
  4. iv. l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada selon lequel la date à laquelle une personne est réputée être devenue invalide ne peut être antérieure à la période de 15 mois précédant la date de la présentation de la demande de pension d’invalidité. La division générale s’est également fondée sur l’arrêt Quiring c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 294.

[12] La division générale a expliqué que le relevé de prestations de Service Canada indiquait que l’appelante avait commencé à recevoir une pension de retraite du RPC le 1er juin 2012 et qu’elle avait présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 4 septembre 2013.

[13] La division générale est d’avis que l’appelante n’a pas le droit de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité. Elle a indiqué que l’appelante a commencé à recevoir une pension de retraite en juin 2012 et que sa demande de cessation de la pension de retraite au profit d’une pension d’invalidité a été reçue par l’intimé le 4 septembre 2013. La division générale a également précisé que la date plus antérieure de la période de 15 mois précédant la date de la présentation de la demande de prestations d’invalidité est juin 2012.

[14] La division générale a fait remarquer que, selon l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, une personne ne peut être considérée comme invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de la présentation de la demande de prestation d’invalidité et que, en vertu du paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada, un bénéficiaire ne peut remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide avant le mois au cours duquel la pension de retraite lui est devenue payable. En l’espèce, la division générale a soutenu que l’appelante ne pouvait être considérée comme invalide avant qu’elle ait commencé à toucher sa pension de retraite, car la date la plus antérieure de la période de 15 mois précédant septembre 2013 ne se situe pas avant juin 2012.

[15] Le 2 juillet 2015, l’appelante a porté en appel la décision de la division générale de rejeter son appel de façon sommaire. Le 17 août 2015, l’appelante a présenté d’autres observations qui consistaient en grande partie de rapports médicaux rédigés par différents spécialistes. Certains, voire la totalité de ces rapports médicaux avaient été présentés à la division générale. L’appelante a écrit ce qui suit :

[Traduction]

J’étais âgée de 59 ans le jour de mon accident, le 22 juin 2011, soit une année complète avant je commence à recevoir une pension de retraite en juin 2012. J’estime que, parce que mon accident est survenu en juin 2011et que vous avez établi que le mois de juin 2012 était la date la plus antérieure à laquelle je pouvais être considérée comme invalide, vous avez sous‑estimé le fait qu’il s’est écoulé une année entière entre le 22 juin 2011 et juin 2012, d’où la confusion.

[16] L’avocat de l’intimé a aussi présenté des observations le 17 août 2015.

Observations

[17] Dans son avis d’appel déposé le 2 juillet 2015,  l’appelante a soutenu que le 22 juin 2011, elle avait subi un accident de travail qui lui avait causé une blessure à la tête et d’autres blessures corporelles. Elle a expliqué qu’elle a commencé à recevoir une pension de retraite du RPC en juin 2012. Elle espérait que sa blessure à la tête s’améliorerait assez pour qu’elle puisse retourner au travail. Elle a finalement accepté le fait qu’elle ne pourrait pas retourner au travail, et elle a donc présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. Elle a fait remarquer que la Commission des accidents du travail avait évalué son degré d’invalidité récemment et qu’elle avait établi que l’appelante était atteinte d’une « invalidité totale de 78 % », mais étant donné que le traitement de son dossier n’était pas terminé, cette indemnité d’invalidité pourrait augmenter. Elle a également précisé qu’elle était admissible à une indemnité versée en raison d’une [traduction] « perte de revenus de 100 % ». Elle a ajouté que la Commission des accidents du travail reconnaissait son invalidité, et elle se demande pourquoi son appel concernant la pension d’invalidité a été rejeté. Les observations présentées en août 2015 comprennent des dossiers médicaux additionnels démontrant la gravité de ses blessures.

[18] Dans les observations qu’il a présentées le 17 août 2015, l’avocat de l’intimé a soutenu que la division générale avait énoncé et appliqué correctement le critère permettant de déterminer si celle-ci devait rejeter un appel de façon sommaire en vertu de l’article 53 de la Loi. L’avocat de l’intimé a également soutenu que la division générale avait exposé correctement le droit se rapportant à la cessation d’une pension de retraite au profit d’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. Il a de plus allégué que, compte tenu des faits non contestés et du droit applicable, une seule conclusion était possible et que, par conséquent, l’appel [traduction] « n’avait aucune chance de succès » et qu’il convenait de le rejeter de façon sommaire.

Question 1 : Norme de contrôle

[19] L’appelante n’a pas abordé la question de la norme de contrôle.

[20] L’avocat de l’intimé a présenté des observations portant sur cette question. Il soutient que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable. Il affirme également qu’en ce qui concerne les questions de droit, la division d’appel ne devrait faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la décision de la division générale et qu’elle devrait appliquer la norme de la décision correcte.

[21] L’avocat de l’intimé soutient que la principale question du présent appel, qui consiste à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès, soulève une question mixte de fait et de droit. Il soutient également que la division d’appel devrait examiner la décision de la division générale selon la norme de la décision raisonnable, mais qu’elle ne devrait faire preuve d’aucune retenue à l’égard de l’énoncé de la division générale concernant le critère applicable au rejet sommaire et de son énoncé concernant le droit applicable à la cessation d’une pension de retraite au profit d’une pension d’invalidité.

[22] Je souscris à ces observations. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a établi qu’il existe seulement deux normes de contrôle en common law au Canada : celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. Les questions de droit sont généralement tranchées selon la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont assujetties à la norme de la décision raisonnable. De plus, la cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur et doit plutôt entreprendre sa propre analyse au terme de laquelle elle peut substituer à la décision rendue son propre point de vue en tant qu’issue convenable.

[23] La norme de contrôle applicable dépendra de la nature des erreurs alléguées mises en cause.

[24] Le paragraphe 58(1) de la Loi prévoit les moyens d’appel suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[25] Je constate que l’appelante n’a exposé aucun moyen d’appel au titre du paragraphe 58(1) de la Loi. Outre le fait qu’elle laisse entendre que la division générale s’est trompée en ce qui concerne la date de son accident, l’appelante ne conteste aucune des conclusions factuelles ou juridiques tirées par la division générale et n’allègue pas que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence. Si je devais finalement arriver à la conclusion que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier, c’est alors la norme de la décision correcte qui s’appliquerait.

Question 2 – La division générale a‑t‑elle commis une erreur en décidant de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante?

[26] Bien que l’appelante n’ait pas remis en question la pertinence du rejet sommaire, je me pencherai sur cette question avant d’examiner la décision de la division générale.

[27] L’avocat de l’intimé soutient que la première tâche dont devait s’acquitter la division générale consiste à établir le droit applicable aux rejets sommaires au titre de l’article 53 de la Loi. Il affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard, car elle a dûment déclaré que, en vertu de l’article 53 de la Loi, elle doit rejeter un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Il soutient que la décision de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire ne contient aucune erreur susceptible d’un réexamen et pouvant justifier l’intervention de la division d’appel, et qu’elle est raisonnable.

[28] Selon le paragraphe 53(1) de la Loi, la division générale rejette l’appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale n’a pas indiqué le critère ou si elle l’a mal énoncé, elle a alors commis une erreur de droit qui, selon la norme de la décision correcte, m’obligerait à entreprendre ma propre analyse et à substituer à la décision rendue mon propre point de vue en tant qu’issue convenable : Dunsmuir et Housen c. Nikolaisen, [2002] R.C.S. 235, 2002 CSC 33 (CanLII) au paragr. 8.

[29] En l’espèce, la division générale a exposé correctement le critère applicable en citant le paragraphe 53(1) de la Loi aux paragraphes 3 et 18 de sa décision.

[30] Il ne suffit pas de citer le critère prévu au paragraphe 53(1) de la Loi pour un rejet sommaire, s’il n’est pas appliqué de façon appropriée. Après avoir établi correctement le critère, la division générale doit ensuite appliquer le droit aux faits. Si les dispositions législatives pertinentes sont appliquées, la décision de rejeter de façon sommaire l’appel est raisonnable. Il faut alors procéder à une évaluation selon la norme de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit.

[31] Pour déterminer si le rejet sommaire est pertinent et si l’appel a une chance raisonnable de succès, le décideur doit déterminer s’il existe une [traduction] « question litigieuse » et si la demande est fondée. Dans la décision A.P. v. Minister of Employment and Social Development and P.P., (12 août 2015), SSTAD-15-297 (non publiée), j’ai employé les termes [traduction] « sans aucun espoir » et [traduction] « faible » pour déterminer s’il convenait de rejeter un appel de façon sommaire. Pour autant que l’appel soit fondé sur des faits adéquats et que l’issue ne soit pas [traduction] « manifeste », il n’y a pas lieu de prononcer un rejet sommaire. J’ai établi qu’il ne convenait pas non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est faible, lequel exige forcément d’évaluer le bien‑fondé de l’affaire, d’examiner la preuve et de déterminer la valeur de celle-ci. « Aucune chance raisonnable de succès » signifie essentiellement [traduction] « absolument aucune chance de succès ».

[32] La division générale a compris la distinction entre une cause « sans aucun espoir » et une cause « faible », et a établi dans quelles circonstances il convient de rejeter un appel de façon sommaire. La division générale a conclu que le Régime de pensions du Canada prévoyait très peu de circonstances dans lesquelles un appelant peut remplacer sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité du RPC. Elle a conclu que, compte tenu des faits en l’espèce, l’appelante n’était pas visée par l’exception à la règle générale selon laquelle un requérant qui touche une pension de retraite du Régime de pensions du Canada ne peut pas demander et recevoir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale a également conclu qu’elle n’était pas habilitée à exercer un quelconque pouvoir discrétionnaire et d’invoquer un principe d’équité à l’égard des appels dont elle est saisie, et qu’elle se devait d’interpréter et d’appliquer les dispositions du Régime de pensions du Canada.

[33] La division générale a examiné si, compte tenu des faits portés à sa connaissance, l’appel satisfaisait au critère très exigeant énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi. Elle n’a pu relever aucun fondement adéquat ou factuel à l’appui de l’appel. Puisqu’elle était convaincue que l’appel n’était pas fondé, la division générale a conclu à juste titre qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès et, pour cette raison, l’a dûment rejeté de façon sommaire.

Question 3 : La division générale a‑t‑elle commis une erreur en établissant que l’appelante ne pouvait pas demander la cessation de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada?

[34] Outre la question entourant la pertinence du rejet sommaire du présent appel, il doit y avoir au moins un moyen d’appel valide au titre du paragraphe 58(1) de la Loi, pour qu’un appel ait une chance de succès. Bien que l’appelante n’en ait soulevé aucun et qu’elle n’ait invoqué aucune erreur que la division générale aurait pu commettre, au titre du paragraphe 58(1) de la Loi, il m’est quand même possible de conclure que celle‑ci a commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[35] L’avocat de l’intimé soutient que la division générale a énoncé correctement le droit s’appliquant à la cessation d’une pension de retraite au profit d’une pension d’invalidité et qu’elle n’a commis aucune erreur susceptible d’un réexamen à cet égard. Il se reporte aux mêmes articles que ceux cités par la division générale.

[36] L’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada est ainsi libellé :

(2) Personne déclarée invalide – Pour l’application de la présente loi :

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne — notamment le cotisant visé au sous‑alinéa 44(1)b)(ii) — n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite.

[37] Le paragraphe 66.1(1) du Régime de pensions du Canada dispose qu’un bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation, s’il le fait de la manière prescrite et après que le paiement de la prestation a commencé. Le paragraphe 66.1(1.1) prévoit toutefois une exception. Selon ce paragraphe, un requérant ne peut remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité, au titre du Régime de pensions du Canada, s’il est réputé être devenu invalide, aux fins d’admissibilité d’une pension d’invalidité, au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite.

[38] L’avocat de l’intimé soutient que la division d’appel devrait être convaincue par les décisions Greathead c. Ministre du Développement social (14 mars 2006), CP23044 (CAP) et Ministre du Développement social c. Robert Desjardins (5 octobre 2006), CP23966 (CAP). Dans la décision Greathead, la Commission d’appel des pensions a soutenu qu’un requérant ne peut pas demander que la pension de retraite du RPC qu’il reçoit déjà soit remplacée par une pension d’invalidité du RPC, si la date à laquelle il est devenu invalide ou réputé être devenu invalide afin d’y être admissible est au cours du mois où il a commencé à toucher sa pension de retraite ou par la suite. Dans la décision Desjardins, la Commission d’appel des pensions a déclaré que le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada est clair et sans équivoque, et que les dispositions du Régime de pensions du Canada qui prévoient la cessation d’une pension de retraite au profit d’une pension d’invalidité ne sont pas souples.

[39] L’avocat de l’intimé soutient que lorsqu’ils sont lus parallèlement, l’alinéa 42(2)b) et le paragraphe 66. l(1.1) du Régime de pensions du Canada ont comme conséquence qu’une pension de retraite ne peut être remplacée par une pension d’invalidité, si la demande de pension d’invalidité a été présentée plus de 15 mois après le début du versement de la pension de retraite. Il se fonde sur l’arrêt Ramlochan v. Canada, CF, T- 148-13, le 22 octobre 2013 (non publié), pour exposer la proposition selon laquelle, dans de tels cas, il n’y a pas de cause défendable. Je souscris à ces observations.

[40] La division générale a fait référence au paragraphe 66.1(1) du Régime de pensions du Canada, mais elle se reportait manifestement aussi au paragraphe 66.1(1.1) de cette même loi,qui prévoit une exception à la règle générale selon laquelle un bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation. Elle a appliqué chacune de ces dispositions pour établir l’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. La division générale a dûment établi le droit dans son analyse et l’a appliqué aux faits.

[41] Si l’appelante voulait remplacer sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité du RPC, il aurait fallu, conformément au paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada, qu’elle soit devenue invalide au plus tard le mois précédant le mois au cours duquel elle a commencé à toucher sa pension de retraite du RPC.

[42] Le fait que l’appelante a subi un accident de travail en juin 2011 et qu’elle a été incapable régulièrement de détenir un emploi véritablement rémunérateur depuis ce moment‑là n’a aucune importance, car le Régime de pensions du Canada prévoit que la date la plus antérieure à laquelle un requérant est admissible est celle où il est devenu invalide. La date à laquelle un requérant est réputé être devenu invalide, au titre du Régime de pensions du Canada, est établie selon la date de présentation de la demande de pension d’invalidité.

[43] La date la plus antérieure à laquelle l’appelante pouvait être déclarée invalide, au titre du Régime de pensions du Canada, est juin 2012, soit quinze mois avant qu’elle présente sa demande de pension d’invalidité du RPC en septembre 2013. Malheureusement, l’appelante n’a tout simplement pas présenté sa demande de pension d’invalidité assez tôt et ne peut donc pas se prévaloir du paragraphe 66.1(1) du Régime de pensions du Canada.

[44] Compte de la façon dont la division générale a appliqué le droit aux faits particuliers de la présente affaire, elle a conclu à juste titre que l’appelante ne pouvait pas remplacer sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité du RPC.

[45] Enfin, la division générale a aussi dûment reconnu qu’elle ne possédait pas de pouvoir discrétionnaire lui permettant d’invoquer un principe d’équité pour accorder le redressement demandé par l’appelante. Lorsqu’elle établit l’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC, elle doit respecter le Régime de pensions du Canada.

[46] Dans la décision Desjardins, la Commission d’appel des pensions a conclu que les dispositions du Régime de pensions du Canada qui portent sur la cessation des prestations de retraite au profit des prestations d’invalidité ne sont pas souples, ce qui, en l’espèce, a donné lieu à une iniquité à l’endroit de M. Desjardins. La Commission a écrit ce qui suit :

Cependant, ni le tribunal de révision ni cette Commission n’ont le pouvoir d’exercer une compétence en équité. Nous sommes obligés d’appliquer les dispositions de cette loi de manière stricte.

[47]  Je suis convaincue par le raisonnement de la Commission d’appel des pensions que je suis tenue d’appliquer la loi de manière stricte.

Conclusion

[48] Compte tenu des considérations susmentionnées, l’appel est rejeté.

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