Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 16 mai 2015. La division générale a tenu une audience par comparution en personne le 4 février 2015 et déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), ayant conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas « grave » au moment où a pris fin sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2011. L’avocat de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») le 14 septembre 2015, apparemment après l’expiration du délai de 90 jours imparti pour déposer une telle demande. Pour accéder à cette demande, il me faut être convaincue que la demande de permission a été déposée dans les délais ou qu’il y a lieu que je proroge le délai pour permettre ce dépôt et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[2]  Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. a) La demande de permission d’en appeler a‑t‑elle été déposée à temps et, dans la négative, devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai afin de permettre le dépôt de cette demande?
  2. b) L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Historique des procédures

[3]  La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime le 23 mars 2011 (GT1-19 à GT1-22). L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. La demanderesse a fait appel de la décision en révision de l’intimé devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision début 2012.

[4]  Aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (la « LECPD »), tout appel interjeté avant le 1er avril 2013 en application du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada (le « RPC »), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229 de la LECPD, est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013. Le 1er avril 2013, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel de l’appelante à l’encontre de la décision en révision.

[5]  En septembre 2013 ou vers cette date, l’intimé a déposé un Avis de procéder. Le 24 mars 2014, l’avocat a déposé, au nom de la demanderesse, un Avis de procéder – Appelante et, le 30 avril 2014, une fiche de renseignements sur l’audience. Le 23 septembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») a informé les parties que le membre de la division générale avait l’intention de procéder en tenant une audience par comparution en personne. Le Tribunal a avisé les parties qu’elles avaient jusqu’au 5 décembre 2015 pour déposer des documents ou observations supplémentaires et jusqu’au 6 janvier 2015 pour déposer d’éventuelles réponses.

[6]  La division générale a tenu audience le 4 février 2015 et a rendu sa décision le 16 mai 2015. La division générale a fait un résumé complet de la preuve médicale jusqu’en date de fin 2008. La division générale a noté les multiples symptômes de la demanderesse associés à sa polysensibilité chimique. La division générale s’est appuyée sur un rapport médical du Dr Mah daté du 27 août 2008 dans lequel le médecin se dit d’avis que la demanderesse pourrait occuper un emploi sédentaire dans un lieu de travail qui ne l’expose pas aux facteurs causant sa polysensibilité. La division générale a jugé que la demanderesse manifestait une capacité résiduelle de travailler et a conclu que, bien qu’elle ait essayé d’occuper un emploi avec tâches modifiées à son ancien lieu de travail, elle n’avait pas fait d’efforts en vue d’obtenir du travail ailleurs, dans un lieu de travail sans parfum. La division générale a aussi conclu que la demanderesse n’avait pas consenti à se soumettre à une évaluation de réadaptation professionnelle.

Observations

[7]  L’avocat de la demanderesse plaide que la division générale a entaché sa décision d’une erreur de droit et a aussi fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments et témoignages portés à sa connaissance. Plus particulièrement, il soutient que la division générale a commis des erreurs en appliquant les critères des arrêts Inclima c. Canada {Procureur général), 2003 CAF 117, et Klabouch c. Ministre du Développement social, 2008 CAF 33, en ce que, en premier lieu, elle a déterminé que la demanderesse possédait une capacité de travailler de toute façon et, en second lieu, elle a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle avait fait des efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi, à la lumière de la preuve dont elle était saisie.

[8] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

a) La demande de permission a‑t‑elle été déposée dans les délais et, dans la négative, est‑il justifié, pour la division d’appel, d’accorder une prorogation de délai pour permettre le dépôt de la demande de permission?

[9]  La décision est datée du 16 mai 2015, mais la lettre du Tribunal qui accompagnait la décision est datée du 8 juin 2015. La demanderesse déclare que la décision de la division générale lui a été communiquée le 15 juin 2015. La demande de permission d’en appeler a été déposée le 14 septembre 2015, soit dans le respect du délai de 90 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquée. Je conclus que la demande de permission a été déposée dans le respect du délai imparti en vertu de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »). Il ne m’est donc pas nécessaire de me demander s’il y a lieu que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et proroge le délai aux fins du dépôt de la demande de permission.

b) L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

[10] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[11] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou s’est abstenue d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c)  elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[13] L’avocat de la demanderesse plaide que la division générale a entaché sa décision d’une erreur de droit et a aussi fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments et témoignages portés à sa connaissance. Plus particulièrement, il soutient que la division générale a fait erreur dans son application des critères d’Inclimaet de Klabouch lorsqu’elle a déterminé que la demanderesse possédait de toute façon une capacité de travailler.

[14] L’avocat affirme que, lorsqu’on arrive à l’analyse entreprise par la division générale, il semble y avoir un décalage entre la preuve et la logique. La division générale a énuméré les multiples symptômes qui affectent la demanderesse lorsqu’elle est exposée à divers agents chimiques. En ce qui touche la capacité de travailler de la demanderesse, la division générale a accordé beaucoup de poids au rapport du Dr Mah daté du 27 août 2008 dans lequel le médecin déclare que la demanderesse ne retrouvera jamais la capacité de travailler qu’elle avait avant le diagnostic de polysensibilité chimique. Le médecin était toutefois d’avis qu’elle pourrait occuper un emploi sédentaire dans un lieu de travail ne l’exposant pas aux facteurs causant sa polysensibilité.

[15] L’avocat a passé en revue la preuve abondante – tant documentaire que testimoniale – dont la division générale était saisie, et il affirme que, à la lumière de cette preuve, on ne pouvait pas tirer d’autre conclusion que celle que la demanderesse ne possédait pas de capacité résiduelle de travailler. Essentiellement, cet argument revient à demander une réévaluation, ce qui sort du cadre d’une demande de permission. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce fondement.

[16] L’avocat fait observer qu’il est intéressant que la division générale ait répété une « fausse déclaration » faite par l’intimé selon laquelle il n’y avait pas d’évaluations plus récentes faites par un allergologue ou un pneumologue après 2008, quoiqu’il n’allègue pas que la division générale ait commis par là une erreur. L’avocat mentionne que la demanderesse a vu le Dr van Olm, un pneumologue, en 2011. Il fait remarquer que la division générale était saisie du rapport du Dr van Olm daté du 14 juillet 2011 (GT3-29 à GT3-30).

[17] Le fait que la division générale ait répété une « fausse déclaration » faite par l’intimé ne signifie pas qu’elle a commis une erreur, puisqu’elle ne faisait qu’exposer ce qu’elle percevait être les observations de l’intimé. La division générale n’a pas abordé directement cette observation, mais cela ne constitue pas non plus nécessairement une erreur.

[18] Néanmoins, la division générale n’a fait aucune mention du rapport de 2011 du Dr van Olm ni des opinions formulées dans ce rapport, ni, du reste, des dossiers cliniques qui semblent provenir de la Parsons Clinic. Ces dossiers semblent couvrir la période qui va du 6 janvier 2010 au 2 mars 2011. Un décideur n’a pas l’obligation d’énumérer de façon exhaustive et d’analyser tous les éléments qui lui sont soumis, mais, comme la période minimale d’admissibilité de la demanderesse prenait fin le 31 décembre 2011, il m’apparaît que la division générale a pu ne pas prendre en considération les dossiers médicaux datant d’après 2008. Après tout, elle a bel et bien fourni un résumé très complet des dossiers jusqu’en 2008. L’avocat plaide que ce défaut apparent de prendre en compte l’ensemble des documents médicaux – en particulier ceux dont la date est plus rapprochée de la date de fin de la période minimale d’admissibilité – a pu peser lourdement sur l’issue de la décision. Je suis convaincue, sur ce fondement, que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[19] L’avocat affirme en outre que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, l’avocat soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu, à la lumière de la preuve dont elle était saisie, que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle avait fait des efforts pour trouver un emploi et le conserver. L’avocat note qu’il ressort de la preuve que la demanderesse avait en fait essayé différents emplois chez son ancien employeur et avait aussi exploré les options suggérées par la Commission des accidents du travail (CAT).

[20] En fait, la division générale a fait mention des efforts de la demanderesse à cet égard. Au paragraphe 49 de sa décision, la division générale a conclu que la demanderesse avait essayé d’accomplir des tâches modifiées chez son employeur (bien qu’il ne soit pas indiqué de quelles tâches il s’agissait) et, au paragraphe 27, dans son résumé de la preuve, la division générale a conclu que, dans le courant de l’année 2007, la demanderesse avait demandé qu’on lui accorde du temps pour qu’elle examine sa situation avant de commencer toute option de services de retour au travail que lui offrait la CAT. Également, au paragraphe 35, la division générale a mentionné un formulaire d’évaluation du retour au travail rempli en août 2008 par la CAT. La CAT avait alors évalué que la demanderesse était apte à travailler si elle exécutait des tâches modifiées et évitait de façon permanente les parfums. À l’évidence, la division générale a accepté la preuve selon laquelle la demanderesse avait travaillé avec la CAT.

[21] La division générale était consciente de cette preuve, mais elle a aussi jugé que la demanderesse n’avait pas fait d’efforts pour trouver du travail ailleurs qu’à son ancien lieu de travail, dans un environnement exempt de parfums. L’avocat n’a pas cité d’élément de preuve à l’effet du contraire et, à partir de cela, il semble qu’il existait un fondement probatoire sur lequel la division générale pouvait s’appuyer pour tirer ses conclusions de fait. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen particulier.

[22] Finalement, l’avocat soutient que la division générale a commis une erreur en accordant du poids au fait que la demanderesse a refusé de se soumettre à une évaluation de la réadaptation professionnelle. L’avocat allègue que la décision de la division générale était déraisonnable à ce titre, car la demanderesse avait déjà pris part à des séances thérapeutiques de réadaptation au Canadian Back Institute (centre de réadaptation du dos), lesquelles n’ont pas produit de bons résultats. Hormis le fait que le service de réadaptation thérapeutique du Canadian Back Institute puisse offrir différents services en plus de l’évaluation de la réadaptation professionnelle, essentiellement, l’avocat demande à ce que j’évalue le caractère raisonnable de cette conclusion de fait à la lumière de la preuve. Comme je l’ai indiqué plus haut, procéder à une réévaluation sort du cadre d’une demande de permission. Quoi qu’il en soit, je note que la division générale semble avoir abordé ce point lorsqu’elle a mentionné l’opinion médicale du Dr Mah datée du 27 août 2008 selon laquelle la demanderesse pouvait occuper un emploi sédentaire dans un lieu de travail ne l’exposant pas aux facteurs causant sa polysensibilité. La division générale a aussi examiné les préoccupations de la demanderesse quant au caractère réaliste que pouvait revêtir cette option. Dans l’ensemble, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Appel

[23] Si les parties ont l’intention de déposer des observations, elles pourraient vouloir aborder les questions suivantes :

  1. a) L’appel peut-il être instruit sur la foi du dossier, ou est‑il nécessaire de tenir une autre audience?
  2. b) Compte tenu du moyen sur lequel la permission a été accordée, la division générale a‑t‑elle rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
  3. c) Dans l’affirmative, quelle est la norme de contrôle applicable et quels sont les éventuels redressements appropriés?

[24] Au cas où je déterminerais qu’une autre audience est nécessaire, les parties devraient faire part du mode d’audience qu’elles désirent et présenter aussi des observations sur le caractère approprié de ce mode d’audience (c.‑à‑d. si cela devrait se faire par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses par écrit). Si une partie demande à ce qu’il soit tenu audience autrement qu’au moyen de questions et réponses par écrit, j’invite cette partie à donner une estimation préliminaire du temps qu’il lui faudra pour déposer ses observations et à faire part de ses dates de disponibilité.

Conclusion

[25] La Demande est accueillie.

[26] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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