Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 15 juin 2015. La division générale a tenu audience par vidéoconférence le 3 juin 2015. Elle a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), ayant conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2005. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») le 16 septembre 2015. Pour accéder à cette demande, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] La demanderesse allègue que la division générale a entaché sa décision d’une erreur de droit et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, elle soutient que la division générale a fait fi d’un facteur important qui méritait qu’on lui attribue un poids significatif; elle affirme que cela constitue une erreur de droit et que c’est un abus du pouvoir discrétionnaire de la division générale. La demanderesse affirme en outre que la division générale a fait un certain nombre de déclarations contradictoires, mais elle n’est pas allée jusqu’à préciser lesquelles.

[4] La demanderesse affirme qu’il ressort très clairement de la preuve que la dépression et l’anxiété – qui se sont [traduction] « grandement intensifiées » depuis 2004 et 2005 – étaient les principales raisons pour lesquelles elle est invalide. Elle allègue que, malgré cette preuve, la division générale s’est plutôt concentrée sur ses crises. À titre subsidiaire, elle plaide que la division générale devrait accepter le fait que, souvent, les personnes souffrant de dépression ou de problèmes de santé mentale ne cherchent pas tout de suite à obtenir de l’aide ou ne poursuivent pas de thérapie.

[5] La demanderesse déclare que jusqu’à récemment, il y a de cela quelques mois, elle ignorait qu’elle pouvait obtenir ses dossiers de santé de l’Alberta Health (le régime d’assurance-santé de l’Alberta). Elle a l’intention d’obtenir ces dossiers et de les produire car, plaide‑t‑elle, ils permettront d’établir davantage l’existence de son invalidité au sens du Régime de pensions du Canada (le « RPC »).

[6] La demanderesse affirme que la division générale n’aurait pas dû prendre en considération les observations de l’intimé pour les raisons suivantes :

  1. a) elle a sollicité de l’aide en Alberta et a essayé, au cours des deux dernières années, de trouver ses dossiers;
  2. b) le rapport du Dr Hartford sur le score qu’elle a obtenu en mai 2008 sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement ne dénote pas son état de santé mentale, puisque ce score est une indication de la façon dont elle se sentait à un moment isolé dans le temps. Elle soumet que la division générale n’aurait pas dû accorder trop de poids à ce score, d’autant plus qu’il lui a été attribué trois ans après la fin de sa période minimale d’admissibilité;
  3. c) ce ne sont pas ses crises qui l’empêchent de travailler. En d’autres termes, il était déplacé que la division générale centre son attention sur ses crises;
  4. d) bien qu’elle ne soit pas retournée voir le Dr Moll entre décembre 2007 et 2012, elle a cru comprendre que le médecin lui a dit de s’abstenir de conduire si elle avait d’autres crises;
  5. e) bien qu’elle ait fait des études collégiales en 2007 et ait obtenu un certificat en administration des affaires avec distinction, la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il s’agissait d’un cours en ligne qu’elle a pu suivre à son propre rythme.

[7] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[8] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c)  elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

i. Problèmes de santé mentale

[11] La demanderesse soutient que la division générale a fait abstraction d’un facteur important qui méritait qu’on lui attribue beaucoup de poids; elle affirme que cela constitue une erreur de droit et que c’est un abus du pouvoir discrétionnaire de la division générale. Elle allègue aussi que la division générale a fait un certain nombre de déclarations contradictoires. Cependant, elle ne précise pas de quel facteur important la division générale n’aurait pas tenu compte, ni ne précise ce que sont les déclarations contradictoires alléguées. Je ne puis que présumer que la demanderesse fait allusion à son autre allégation selon laquelle la division générale s’est concentrée davantage sur ses crises que sur sa dépression ou son anxiété. À ce sujet, je remarque que la division générale a écrit qu’aucun document médical datant de la fin de la période minimale d’admissibilité de la demanderesse n’a été produit pour étayer la prétention de la demanderesse que son invalidité était grave à cette date. En fait, la demanderesse semble confirmer cette déclaration lorsqu’elle indique qu’à cette période elle effectuait des démarches en vue d’obtenir ses dossiers médicaux du régime d’assurance-santé de l’Alberta.

[12] Malgré l’absence de tout document médical pour 2005, la division générale a en fait examiné le dossier traitant des problèmes de santé mentale de la demanderesse. Au paragraphe 42 de sa décision, la division générale a fait mention du rapport du Dr Hartford qui disait que la demanderesse n’avait pas été évaluée par [traduction] « les services de santé mentale ». La division générale a aussi mentionné le témoignage de la demanderesse selon lequel il lui fallait encore voir [traduction] « un genre de psychologue ».

[13] Il est certes bien possible que la demanderesse n’ait pas tout de suite cherché à obtenir de l’aide pour ses problèmes de santé mentale, mais il aurait fallu que quelques éléments de preuve permettant d’établir qu’elle souffrait de dépression ou d’anxiété eussent été produits, qu’il s’agisse d’observations émanant de son médecin de famille ou de ses propres déclarations à ses médecins.

ii. Observations de l’intimé présentées à la division générale

[14] La demanderesse affirme que les observations de l’intimé étaient réfutables et que la division générale n’aurait donc pas dû les prendre en considération ou leur accorder beaucoup d’importance. Lorsqu’on examine la décision, il ne semble pas que la division générale ait abordé certaines des observations de l’intimé ou qu’elle se soit appuyée sur ces observations pour trancher la question de savoir si la demanderesse pouvait être déclarée invalide. Par exemple, la division générale n’a rien dit au sujet du score de la demanderesse sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement ni n’a tiré de conclusions sur la gravité de l’invalidité de la demanderesse en lien avec le fait qu’elle avait suivi des études collégiales en 2007.

[15] La demanderesse ne conteste pas le fait qu’il lui soit arrivé de conduire un véhicule après la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ni le fait qu’elle n’ait pas vu le Dr Moll entre décembre 2007 et 2012, mais la division générale n’a tiré aucune conclusion de fait en lien avec la conduite d’un véhicule par la demanderesse. La division générale semble avoir tenu compte du fait que la demanderesse n’avait pas vu le Dr Moll pendant environ cinq ans lorsqu’elle a évalué la gravité de l’invalidité de la demanderesse sous l’angle de ses crises, mais la demanderesse n’est pas en désaccord avec cette conclusion de fait et, de toute façon, elle déclare que ce ne sont pas ses seules crises qui l’empêchent de travailler.

[16] La division générale semble avoir implicitement retenu la première observation de l’intimé selon laquelle il n’y a aucune indication que la demanderesse ait sollicité les services d’un spécialiste de la santé mentale ou ait été adressée à un tel spécialiste avant que sa période minimale d’admissibilité eût pris fin depuis longtemps, mais la demanderesse ne conteste pas l’exactitude de cela. Elle explique bel et bien, en revanche, les raisons pour lesquelles elle n’a pas tout de suite cherché à se faire traiter. Comme je l’ai indiqué plus haut, bien que la demanderesse ait pu ne pas solliciter un traitement pour un certain nombre de raisons, il reste que la division générale a jugé que la question dont elle était saisie était de savoir s’il existait une preuve suffisante de la gravité de l’état de santé mentale de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant.

[17] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

iii. Dossiers de l’Alberta Health (régime d’assurance-santé de l’Alberta)

[18] La demanderesse propose de produire ses dossiers de santé de l’Alberta Health une fois qu’elle les aura reçus. Si ces dossiers sont produits à titre de « faits nouveaux », il faut que ces faits nouveaux se rattachent aux moyens d’appel admissibles que l’on peut invoquer pour les fins d’une demande de permission. La demanderesse n’a pas indiqué en quoi ces nouveaux dossiers médicaux proposés pourraient se rattacher ou correspondre à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. Si elle demande par là à ce que je tienne compte de ces faits supplémentaires, réapprécie la preuve et réévalue la demande de pension pour me prononcer en faveur de la demanderesse, je suis dans l’impossibilité de le faire en raison des limitations qu’impose le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ni la demande de permission ni l’appel ne donne la possibilité de réapprécier la preuve ou de réentendre la demande en vue de déterminer si la demanderesse est invalide au sens du RPC.

[19] Si la demanderesse a l’intention de déposer ces dossiers médicaux supplémentaires dans le but de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il lui faudrait se conformer aux exigences énoncées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et aussi déposer une demande d’annulation ou de modification auprès de la division qui a rendu la décision. Des exigences et des délais stricts prévus par l’article 66 de la Loi sur le MEDS doivent être respectés pour faire infirmer ou modifier une décision. Le paragraphe 66(2) de la Loi sur le MEDS stipule que la demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où la partie en cause reçoit communication de la décision, et l’alinéa 66(1)b) de cette même loi exige d’un demandeur qu’il démontre que les faits nouveaux sont essentiels et n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Aux termes du paragraphe 66(4) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel, en l’espèce, n’a pas compétence pour annuler ou modifier une décision à la lumière de faits nouveaux, puisque seule la division ayant rendu la décision en cause est habilitée à le faire.

Conclusion

[20] La Demande est rejetée.

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