Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelant: E. N.
  • Avocat de l’appelant: Norman Rosenbaum
  • Avocat de l’intimé: Hasan Junaid
  • Interprètes: Penny Schincariol, Angela Tippett, Jeanette Nicholson

Introduction

[1] L’appelant soutient que, lorsqu’il a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, il était invalide à cause des blessures qu’il avait subies lors d’un accident de la route. L’intimé a rejeté la demande de l’appelant initialement et après réexamen. L’appelant a porté en appel la décision concernant le réexamen devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. En septembre 1999, un tribunal de révision a rejeté l’appel.

[2] Le 14 juin 2010, le médecin de l’appelant a écrit au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision pour l’informer sur l’état de santé mentale de l’appelant. Le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a jugé que cette lettre correspondait à une demande d’annulation ou de modification de la décision rendue en 1999 et que la demande était fondée sur des faits nouveaux, au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada (tel qu’il était alors libellé). Le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision n’a pu être saisi de l’affaire avant la fin de son mandat. L’affaire a été renvoyée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013, conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Le 9 décembre 2014, la division générale a rejeté la demande d’annulation ou de modification de la décision rendue en 1999 au motif qu’elle était prescrite.

[3] L’appelant a demandé une permission d’appeler de la décision de la division générale. La permission d’en appeler a été accordée au motif que certaines règles de droit peuvent être appliquées et permettre à l’appel de se poursuivre.

[4] L’appelant soutient que sa demande ne devrait pas être prescrite pour de nombreuses raisons. Il soutient notamment que la division générale n’aurait pas dû rejeter sa demande sans avoir d’abord entendu le bien‑fondé de la demande, que la règle du moment où le préjudice aurait pu être découvert et la notion de circonstances exceptionnelles s’appliquent, et que le fait d’interpréter les lois de manière à ce que la demande soit prescrite donne des résultats absurdes. À l’opposé, l’intimé soutient que, bien que le résultat puisse sembler dur à accepter, les lois sont claires à cet égard et leur application aux faits de la présente affaire fait en sorte que la demande doit être rejetée. Il allègue aussi qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les règles de droit au vu de ces lois claires.

[5] Je dois décider si, compte tenu de l’existence de faits nouveaux, la demande de l’appelant concernant le réexamen de la décision rendue par le tribunal de révision en 1999 est prescrite en vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, et de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Les articles pertinents de ces lois sont présentés en annexe de la décision.

[6] L’audience a eu lieu en personne pour les raisons suivantes :

  1. a) La complexité des questions en litige;
  2. b) Le fait que plusieurs personnes participent à l’audience à titre de témoins et/ou de parties mises en cause;
  3. c) Ce mode d’audience permet toute mesure d’adaptation exceptionnelle requise par les parties.

Norme de contrôle

[7] Les avocats des deux parties ont convenu qu’en l’espèce, la norme de contrôle à appliquer à la décision de la division générale est celle de la décision correcte, puisque l’appel porte sur une pure question de droit. Les tribunaux n’ont pas encore établi précisément quelle norme de contrôle la division d’appel du Tribunal devrait appliquer à une décision de la division générale. Le jugement de principe auquel il faut se référer pour déterminer la norme de contrôle applicable est l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick 2008 CSC 9. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada avait conclu que, lorsqu’il faut examiner une décision concernant des questions de fait, des questions mixtes de droit et de fait, et des questions de droit se rapportant à la loi constitutive du tribunal, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable; c’est‑à‑dire qu’il faut déterminer si la décision du tribunal appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La norme de la décision correcte doit être appliquée aux questions de compétence, et aux questions de droit qui sont importantes pour le système juridique dans son ensemble et étrangères au domaine d’expertise de l’arbitre. La Cour d’appel fédérale a adopté ce raisonnement dans l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187 qui portait sur une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

[8] L’intimé soutient que le modèle de la division d’appel s’appuie sur celui des anciens juges‑arbitres de l’assurance‑emploi, lequel appliquait la norme de la décision correcte aux questions de droit [voir Stone c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 27].

[9] Pour les motifs présentés ci‑après, je suis convaincue que la décision de la division générale est déraisonnable et incorrecte. Je n’ai donc pas à déterminer si la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable.

Analyse

[10] Les parties ont présenté de nombreux arguments pour étayer leur position en ce qui a trait à la présente affaire. Ces arguments sont examinés ci‑après.

La décision de rejeter la demande est prématurée

[11] L’appelant a invoqué comme premier argument que la décision de la division générale de rejeter sa demande était prématurée. Cette décision a été rendue avant que la preuve concernant sa santé mentale (soit le fondement de sa demande étayée par des faits nouveaux) soit déposée ou qu’elle soit examinée par le Tribunal. L’appelant soutient que la division générale aurait dû d’abord entendre et examiner les éléments de preuve portant sur les faits nouveaux, et qu’elle aurait dû ensuite déterminer si la demande était prescrite et si l’appelant avait satisfait au critère juridique qui permet d’établir si des faits nouveaux ont été présentés, au sens où la loi l’entend dans le cadre d’une demande de prestations du RPC. L’intimé n’a pas répondu à cet argument.

[12] Je comprends que l’appelant aurait préféré présenter l’ensemble de sa cause à la division générale avant qu’une décision soit rendue. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit cependant que les appels doivent être instruits de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Cela étant dit, il est raisonnable de la part de la division générale de rejeter les demandes qui ne peuvent être examinées parce qu’elles ne remplissent pas les conditions nécessaires.

[13] L’appelant allègue aussi qu’on ne l’a pas informé à l’avance qu’il perdrait son droit légal de poursuivre la demande. En fait, ce n’est que plus d’un an après le début du mandat du Tribunal de la sécurité sociale que l’appelant a appris que sa demande serait rejetée parce qu’elle était prescrite. Il est de droit constant que le Parlement peut abolir des droits à tout moment à condition de le faire en adoptant des lois claires. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est certainement pas tenu d’informer les parties de leurs droits ou du moment à partir duquel ces droits cessent d’être en vigueur.

Présomption d’atteinte aux droits

[14] Aucune partie n’a présenté d’observations concernant la présomption selon laquelle les lois ne doivent pas porter atteinte aux droits acquis sous le régime antérieur d’un texte abrogé. Il faut toutefois se pencher sur cette question avant de rendre une décision en l’espèce.

[15] L’alinéa 43c) de la Loi d’interprétation prévoit que l’abrogation n’a pas pour conséquence de porter atteinte aux droits acquis sous le régime du texte abrogé. En l’espèce, le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada garantit le droit de demander que la décision antérieure d’un tribunal de révision soit réexaminée en raison de faits nouveaux. Selon l’alinéa 44c) de la Loi d’interprétation, la procédure engagée sous le régime du texte antérieur se poursuit conformément au nouveau texte, dans la mesure de la compatibilité avec celui‑ci.

[16] J’ai examiné ces dispositions, et il me semble évident que le Tribunal de la sécurité sociale devrait, dans la mesure du possible, se prononcer sur les demandes qui ont été dûment entamées, conformément au paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Si le Tribunal n’agit pas ainsi, ses actions pourraient contrevenir aux articles 43 et 44 de la Loi d’interprétation, et il pourrait y avoir présomption d’atteinte aux droits.

[17] L’article 261 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable visait également à s’assurer que le Tribunal de la sécurité sociale disposait de l’autorité nécessaire pour se prononcer sur les procédures qui avaient déjà été entamées, mais qui n’avaient pu être terminées avant la fin de son mandat. Lorsque l’interprétation de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi) donne lieu à un déni du droit de poursuivre ces demandes, elle porte atteinte à ce droit acquis.

Le résultat était absurde

[18] L’appelant soutient que l’application de la Loi à la présente affaire, telle que le laisse entendre l’intimé, conduit à une absurdité. Il a entamé le processus d’appel comme il se doit, en déposant la demande d’annulation ou de modification de la décision rendue en 1999. Il avait un droit acquis de poursuivre cette demande et c’est ce qu’il a fait. Il est absurde d’abolir [traduction] « en cours de route » le droit de l’appelant de poursuivre la demande.

[19] L’appelant allègue aussi que les dispositions transitoires de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable ont été conçues pour veiller à ce que le Tribunal de la sécurité sociale dispose de la compétence nécessaire pour trancher les appels qui lui ont été renvoyés. L’élimination de la demande de l’appelant simplement en raison du fait qu’il n’y a pas eu d’audience avant une date précise est un résultat absurde.

[20] J’accepte l’argument selon lequel les lois ne devraient pas être interprétées de manière à produire des résultats absurdes. Je suis également convaincue qu’en l’espèce, la façon dont l’intimé a interprété l’article 66 de la Loi a conduit à un résultat absurde. On avait dit à l’appelant que sa demande allait se poursuivre. Lorsque sa demande a été renvoyée au Tribunal de la sécurité sociale en avril 2013, l’appelant avait fait tout ce qui était nécessaire pour qu’elle se poursuive. L’affaire n’a pas été instruite sur le fond pour des raisons entièrement indépendantes de sa volonté.

[21] Je souscris également à l’argument avancé par l’avocat de l’appelant selon lequel le but de l’article 261 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable était de s’assurer que le Tribunal de la sécurité sociale disposait de la compétence nécessaire pour se prononcer sur les affaires qui n’avaient pas été instruites par les tribunaux précédents. L’article 261 confère cette compétence au Tribunal de la sécurité sociale. Il est absurde d’interpréter ce même article de cette même loi de manière à dénier aussi à l’appelant son droit de poursuivre sa demande.

Interprétation des lois

[22] L’avocat de l’intimé s’est fondé sur la décision de la Cour fédérale dans l’arrêt Tabingo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2013 CF 377 pour étayer son argument selon lequel le Parlement peut abolir des droits existants en adoptant des lois destinées clairement à cette fin. Je constate cependant que, dans cette affaire, les lois qui abolissent des droits dans un contexte d’immigration prévoient une date ultérieure à partir de laquelle ces droits cessent d’être en vigueur. Bien que je souscrive à l’argument selon lequel le Parlement peut abolir des droits en adoptant des lois destinées clairement à cette fin, je ne suis pas convaincue que les faits de l’affaire Tabingo sont similaires, de quelques façons que ce soit, à ceux portés à ma connaissance. En l’espèce, la lettre médicale de l’appelant a été admise à titre de demande d’annulation ou de modification de la décision rendue en 1999. L’appelant n’a eu à prendre aucune autre mesure pour poursuivre sa demande. Il n’a pas été informé à l’avance qu’il n’avait plus le droit d’un point de vue légal de poursuivre sa demande ou de demander qu’elle soit tranchée sur le fond. J’accorde donc peu de poids à cette décision.

[23] L’avocat de l’intimé allègue aussi que la Loi prévoit un régime exhaustif pour rendre des décisions concernant les demandes de pension d’invalidité du RPC. Il n’est donc ni nécessaire ni obligatoire d’examiner les règles d’interprétation des lois, comme la règle du moment où le préjudice aurait pu être découvert ou la notion de circonstances exceptionnelles. L’appelant soutient que la Loi ne prévoit pas un tel régime exhaustif. Les questions relatives aux demandes de pension d’invalidité du RPC sont tranchées conformément aux lois et à la jurisprudence abondante établie dans ce domaine. Je suis d’accord avec l’appelant. Cette conclusion est étayée par un examen du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui prévoit expressément au paragraphe 3(2) que le Tribunal résout par analogie avec le présent règlement toute question de nature procédurale qui, n’y étant pas réglée, est soulevée dans le cadre de l’instance. Cela signifie clairement que la Loi n’a pas prévu un régime exhaustif pour trancher les affaires dont est saisi le Tribunal de la sécurité sociale.

[24] L’avocat de l’intimé fait également référence à des articles universitaires qui confirment qu’en common law, les lois sont primordiales et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours aux principes de common law, si les lois sont claires. Il soutient que le droit est clair et que le sens évident de l’article 261 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et de l’article 66 de la Loi est que toute demande de réexamen d’une décision antérieure qui a été présentée plus d’un an après que le demandeur en a reçu communication et qui est réputée avoir été déposée le 1er avril 2013, conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, est prescrite en raison des dispositions législatives.

[25] Je ne souscris malheureusement pas à l’argument selon lequel les lois sont claires. Ni la Loi ni la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable n’énoncent clairement que toute demande existante entamée en droit, conformément aux lois en vigueur, prendra fin à une date précise pour la simple raison que le Tribunal qui devait trancher l’affaire a été modifié. La Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable prévoit que ces demandes doivent se poursuivre sous le régime de la Loi. Celle‑ci énonce la façon de poursuivre ces demandes, mais elle abolit aussi le droit de le faire. Cet énoncé est contradictoire et, donc, vague.

[26] L’appelant soutient aussi que la Loi n’est pas claire. La Loi n’est pas [traduction] « entièrement dissociée » de la common law, et il n’est pas inscrit dans les lois que les règles d’interprétation ne s’appliquent pas aux affaires instruites par le Tribunal. Il allègue en fait que l’affirmation selon laquelle la Loi est un régime exhaustif est, en soi, une interprétation de cette loi. Les règles d’interprétation des lois doivent donc être prises en compte. On présume aussi  que le Parlement connaît le droit (y compris la common law), ainsi que les règles d’interprétation des lois. J’estime donc qu’il convient d’examiner ces règles pour interpréter les lois.

[27] L’appelant fait plus particulièrement référence à la règle du moment où le préjudice aurait pu être découvert. La Cour suprême du Canada a examiné cette règle en détail dans l’affaire M.(K.) c. M.(H.), [1992] 3 R.C.S. 6. Dans ce jugement, elle a statué qu’une période de prescription ne devrait pas commencer tant qu’un prestataire ne sait pas ou n’a pas découvert qu’il peut poursuivre sa demande. Par conséquent, à titre d’exemple, une personne qui a été victime d’abus sexuels durant son enfance pourrait ne pas présenter de demande pendant les années suivant ces abus, tant qu’elle ne sait qu’ils sont la cause de ses préjudices. L’appelant soutient que cette règle d’interprétation des lois s’applique aussi aux demandes de prestations d’invalidité du RPC, comme dans la présente affaire, où l’appelant n’a découvert qu’après que la décision a été rendue en 1999 que son incapacité était attribuable aux abus sexuels qu’il avait subis pendant son enfance.

[28] Pour les mêmes raisons, l’appelant allègue que la notion de circonstances exceptionnelles peut être appliquée à la présente affaire. L’appelant et l’avocat de l’intimé se sont tous les deux fondés sur les décisions des tribunaux qui concluent que cette notion peut être appliquée lorsque des demandes ou des parties doivent être ajoutés à un litige après la date à laquelle la période de prescription a pris fin. Je souscris à cet argument.

[29] L’intimé soutient qu’on ne peut toutefois pas s’appuyer sur cette notion pour permettre à un prestataire d’entreprendre une action en justice après l’expiration d’une période de prescription (voir Joseph v. Paramount Canada’s Wonderland, 2008 ONCA 469). Il affirme qu’en l’espèce, l’appelant ne peut se fonder sur la notion de circonstances exceptionnelles étant donné qu’il a voulu commencer sa demande après l’expiration du délai prévu pour le faire. Je ne souscris malheureusement pas à cet argument. Selon les faits qui m’ont été présentés, il est évident que l’appelant a commencé sa demande avant l’expiration de toute période de prescription. Il n’y avait aucun délai fixé pour commencer une demande d’annulation ou de modification d’une décision au moment où la lettre de son médecin a été déposée auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision et où elle était réputée être une demande d’annulation ou de modification de la décision rendue en 1999. Si la demande n’avait pas été dûment entamée en 2010, elle n’aurait pas été renvoyée au Tribunal de la sécurité sociale, conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Par conséquent, l’affaire qui nous occupe porte sur une demande qui devait se poursuivre ou être modifiée après l’expiration de la période de prescription, et non d’une demande qui commençait après cette période.

[30] L’appelant soutient que les faits suivants constituent les circonstances exceptionnelles de l’affaire :

  1. a) Au moment où la demande a commencé, l’intimé était représenté, alors que l’appelant ne l’était pas;
  2. b) Il y avait peut‑être une nouvelle cause de l’invalidité;
  3. c) L’appelant n’a reçu aucun préavis l’informant que son droit de poursuivre sa demande allait prendre fin;
  4. d) Il a été victime d’abus sexuels pendant son enfance, et il a découvert que ces agressions étaient la cause de son invalidité seulement après que la décision a été rendue en 1999.

Je ne suis pas convaincue que ces facteurs constituent des circonstances exceptionnelles conformément au sens donné à ce terme. J’estime cependant que l’intimé savait que l’appelant avait déposé une demande, et qu’il a eu la possibilité de lui répondre. L’appelant a fait tout ce qu’il fallait pour que cette demande se poursuive. Rien n’indique que l’intimé subirait quelque préjudice que ce soit si l’affaire était instruite. Par conséquent, les exigences relatives à l’application de cette notion en l’espèce ont été satisfaites.

[31] Enfin, dans la décision S.M. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences (2014 TSSDA 214), mon collègue a établi que ce Tribunal possède la compétence nécessaire pour examiner et appliquer les principes de common law, et que la notion de circonstances exceptionnelles pouvait être appliquée aux demandes susceptibles d’être prescrites au titre de l’article 66 de la Loi.

[32] Compte tenu de tous ces motifs, j’estime que le Tribunal de la sécurité sociale peut appliquer les règles d’interprétation des lois de la common law, ainsi que celles qui permettraient de poursuive cette demande malgré la période de prescription prévue à l’article 66 de la Loi. Je suis donc d’avis que ces règles s’appliquent à la présente affaire.

[33] Enfin, l’appelant affirme que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte des règles d’interprétation des lois pour rendre sa décision. Je souscris à cette affirmation. La décision énonce clairement et correctement les dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Elle ne fait toutefois aucune référence à la présomption d’atteinte aux droits, à la présomption d’absurdité, aux règles d’interprétation des lois, aux dispositions pertinentes de la Loi d’interprétation ou à toute autre décision des tribunaux concernant la question en litige. Des erreurs de droit ont été commises, ce qui a donné lieu à une décision à la fois incorrecte et déraisonnable, et elles ne sont pas justifiables au regard des faits et du droit.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli pour les motifs susmentionnés.

[35] L’article 59 de la Loi prévoit certains recours possibles en appel. Au début de la présente audience, les deux avocats avaient convenu que, si l’appel était accueilli, l’affaire devrait être renvoyée à la division générale afin que celle‑ci rende une décision sur le fond à l’égard de la demande d’annulation ou de modification de la décision. J’estime que ce recours est approprié.

[36] La présente affaire est renvoyée à la division générale afin qu’ait lieu une audience sur le fond de la demande d’annulation ou de modification de la décision rendue par le tribunal de révision en 1999.

[37] Afin d’éviter toute appréhension possible de partialité, l’affaire devrait être renvoyée à un membre différent de la division générale.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

66. (1) Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière :

  1. a) dans le cas d’une décision visant la Loi sur l’assurance-emploi, si des faits nouveaux lui sont présentés ou s’il est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait;
  2. b) dans les autres cas, si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés.

(2) La demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable

261. (1) Toute demande présentée au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, et non tranchée avant le 1er avril 2013 est réputée être une demande présentée le 1er avril 2013 au titre de l’article 66 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et viser :

  1. a) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par un tribunal de révision, une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale;
  2. b) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par la Commission d’appel des pensions, une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

(2) Toute demande présentée au titre de l’article 66 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences après le 31 mars 2013 est réputée viser :

  1. a) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par un tribunal de révision, une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale;
  2. b) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par la Commission d’appel des pensions, une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Remarque : La Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences s’appelle maintenant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

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