Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelante : M. K.
  • Avocat de l’intimé : Luc Bélanger

Introduction

[1] Le présent appel porte sur la décision rendue le 5 février 2015 par la division générale qui a rejeté la demande de pension d’invalidité de l’appelante parce que cette dernière n’avait pas démontré que son invalidité était grave, au sens du Régime de pensions du Canada, au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2011. Une permission d’en appeler a été accordée le 23 juin 2015 au motif qu’il se peut que la division générale ait commis une erreur en ayant peut‑être omis d’examiner l’une des principales questions ou l’un des principaux moyens d’appel portés à sa connaissance concernant la commotion et le syndrome post‑commotionnel de l’appelante.

Aperçu des faits et historique de l'instance

[2] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mars 2009 ou vers cette date. Dans son questionnaire, elle a mentionné les nombreux troubles et maladies qui l’empêchaient de travailler. Elle a indiqué qu’elle souffrait entre autres d’un syndrome post‑commotionnel (elle a subi cinq commotions en sept ans) (de GT1‑44 à GT1‑50).

[3] Dans le rapport médical joint au questionnaire, le Dr J. Lorne, qui agissait à titre de remplaçant du médecin de famille de l’appelante, a indiqué qu’il avait diagnostiqué un syndrome post‑commotionnel, une douleur au bas du dos, une sténose du canal rachidien, une lésion méniscale au genou droit et une lésion possible de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite. Les antécédents médicaux pertinents se rapportant au syndrome post‑commotionnel faisaient état de maux de tête, de confusion, d’une mémoire défaillante, d’une mauvaise concentration et de fatigue. Le Dr Lorne était d’avis que l’appelante était [traduction] « grandement limitée par des problèmes au dos et un syndrome post‑commotionnel » (GT1-54).

[4] L’intimé a rejeté la demande de l’appelante lors de sa présentation initiale puis après réexamen. Dans une lettre datée du 4 janvier 2010, l’appelante a interjeté appel de la décision du ministre concernant le rejet initial et a indiqué que l’un des fondements de son appel était qu’elle souffrait encore d’un syndrome post‑commotionnel (GT1‑27).

[5] L’appelante a interjeté appel de la décision découlant du réexamen auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision le 8 octobre 2010 (de GT1‑07 à GT1‑08). Elle a porté cette décision en appel en partie parce que [traduction] « la décision initiale ainsi que la décision d’appel ne font nullement référence au syndrome post‑commotionnel qui [l]’empêche aussi de travailler ».

[6] En vertu de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, tout appel interjeté avant le 1er avril 2013, au titre du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, est réputé avoir été interjeté le 1er avril 2013 à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 1er avril 2013, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel de l’appelante à l’encontre de la décision découlant du réexamen.

[7] L’appelante a déposé des renseignements additionnels auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 3 avril 2014 (de GT3‑02 à GT3‑05). Dans une lettre non datée, elle a expliqué les répercussions qu’avait le syndrome post‑commotionnel sur elle. Le mari de l’appelante a aussi exposé ses observations dans une courte lettre (GT3‑06). L’appelante a également joint un certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées; son médecin, la Dre Eadie, a rempli la partie B du certificat, probablement au début de 2014. La partie manuscrite est pour la plupart illisible, mais on peut y lire que l’appelante [traduction] « a besoin de supervision et d’une constante réorientation […], elle n’est pas indépendante ». La Dre Eadie fait également référence aux troubles de la mémoire de l’appelante et indique qu’elle a diagnostiqué un traumatisme crânien (GT3‑14).

[8] Le 6 juillet 2014, l’appelante a déposé auprès du Tribunal de la sécurité sociale d’autres renseignements sur l’état de sa commotion (GT5‑04). Elle a écrit :

[Traduction]
J’ai remarqué quelques améliorations (mais pas beaucoup) après ma commotion, mais ces améliorations ont disparu après mon opération. Mon mari et ma famille m’ont dit que je semblais avoir de la difficulté à porter attention aux petits détails et que je perdais la mémoire et la notion du temps, comme après l’accident. Il y a eu quelques améliorations depuis, mais je ne paye pas encore les factures, je ne cuisine pas beaucoup et je ne surveille pas mes petits‑enfants quand je suis seule avec eux. Ma fille ne les laisse me visiter que s’il y a un autre adulte avec moi, car je deviens facilement distraite.

[9] La division générale a instruit l’appel par téléconférence le 6 janvier 2015.

Décision de la division générale

[10] Lorsqu’elle a appliqué le critère relatif à une invalidité grave aux termes du Régime de pensions du Canada, la division générale a conclu qu’il y avait un [traduction] « manque troublant d’éléments de preuve médicale » en ce qui concerne les traitements qu’aurait pu suivre l’appelante. Le rapport le plus récent datait du 24 novembre 2009 et avait été rédigé par un neurochirurgien. Il y était indiqué que l’appelante n’était pas totalement handicapée et qu’elle était capable de mener des activités sédentaires, y compris occuper un emploi sédentaire. Le neurochirurgien a indiqué que l’appelante avait de la difficulté à soulever des charges et à marcher, mais qu’elle pouvait participer à des activités où elle peut rester assise. Le neurochirurgien n’a produit aucun autre rapport à ce sujet ni présenté aucun rapport révisé.

[11] La division générale a pris en considération le fait que l’appelante avait été impliquée dans un grave accident de la route, mais elle a cependant fait observer que l’appelante avait déclaré que, après son opération au dos, ses genoux s’étaient améliorés et qu’elle pouvait maintenant avoir une arthroplastie aux deux genoux.

[12] La division générale a également pris en considération la déclaration de l’appelante selon laquelle elle devait consulter un spécialiste afin de subir une opération à l’épaule gauche. Cependant, outre l’élément de preuve subjectif présenté par l’appelante, la division générale a constaté qu’aucun rapport médical n’avait été présenté par le spécialiste en question.

[13] La division générale estimait également que l’appelante n’avait pas exploré toutes les possibilités de traitement, car elle n’avait pas encore commencé à suivre, chez elle, un programme comprenant des exercices d’amélioration de l’amplitude des mouvements et de renforcement. La division générale était d’avis que, sans rapport faisant état du traitement continu suivi par l’appelante, elle ne pouvait pas établir l’existence d’une invalidité grave.

[14] La division générale estimait que, sans ces rapports, elle ne pouvait pas examiner adéquatement certaines questions essentielles, comme les traitements que l’appelante avait effectivement suivis, les médicaments essayés, les recommandations qui lui avaient été faites, le suivi des recommandations par l’appelante et les résultats des traitements, le cas échéant. La division générale a indiqué qu’elle ne disposait de l’avis d’aucun spécialiste concernant la capacité de travailler de l’appelante.

[15] La division générale a reconnu que l’appelante avait raison d’être frustrée par le fait qu’il faut attendre longtemps avant d’obtenir des rendez‑vous médicaux, et qu’elle devait toujours attendre. Elle a cependant confirmé qu’elle a pour devoir et responsabilité de s’appuyer sur des éléments de preuve crédibles et probants et non sur des spéculations. La division générale s’est fondée sur la décision Ministre du Développement des ressources humaines c. S.S. (3 décembre 2007) CP 25013 (CAP).

[16] La division générale était également d’avis que l’appelante était relativement jeune; celle‑ci était âgée de 57 ans à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Elle a aussi remarqué que l’appelante était titulaire d’un diplôme d’études postsecondaires et qu’elle possédait une expérience de travail très utile qui lui avait permis d’acquérir de nombreuses compétences transférables. La division générale a fait observer que, bien que l’appelante devait composer avec des limitations et qu’elle ne pouvait peut‑être pas reprendre l’emploi exigeant qu’elle occupait précédemment, elle n’avait fait aucun effort pour trouver un emploi moins exigeant ou pour se recycler afin de trouver un tel emploi, même à temps partiel.

[17] La division générale a également indiqué que l’appelante avait déclaré que [traduction] « sa mémoire dans l’instant présent » était bonne. Elle a conclu que la preuve médicale ne permettait pas d’établir que l’appelante n’avait pas la capacité résiduelle d’occuper un autre emploi, et que l’appelante n’avait pas réussi à satisfaire le critère établi dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

[18] Enfin, la division générale a écrit qu’elle a examiné attentivement [traduction] « l’ensemble de la preuve testimoniale et de la preuve médicale » et qu’elle a établi que l’appelante n’avait pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada.

[19] Étant donné que la division générale a établi que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave, elle n’a pas eu à déterminer si elle était prolongée.

Questions en litige

[20] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. 1. Quelle est la norme de contrôle applicable lorsqu’on examine des décisions de la division générale?

Moyens d’appel

  1. 2. La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit, ou a‑t‑elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
  2. 3. Si la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, la décision de la division générale est‑elle raisonnable? Si la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, quelle aurait dû être l’issue de la décision rendue par la division générale?

Réparation

  1. 4. Dans le cas où la division générale aurait commis une erreur, quelle est la réparation qui s’impose, le cas échéant?

Question 1 : Norme de contrôle

[21] Dans ses observations du 7 août 2015, l’appelante a soutenu que [traduction] « la norme de contrôle applicable devrait reposer sur un examen des problèmes [qu’elle] éprouve à cause du syndrome post‑commotionnel ». Ces observations n’abordent pas adéquatement les questions relatives à la norme de contrôle.

[22] L’avocat de l’intimé soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit. Il soutient également que, en ce qui concerne les questions de droit, la division d’appel ne devrait pas faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la division générale et qu’elle devrait appliquer la norme de la décision correcte. L’avocat de l’intimé allègue que, puisque l’appel porte sur des questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel doit examiner la décision de la division générale en se fondant sur la norme de la décision raisonnable.

[23] L’avocat de l’intimé soutient que, étant donné qu’il s’agit d’un appel devant la division d’appel, et non d’une demande de contrôle judiciaire, la division d’appel devrait entreprendre ce que l’avocat appelle [traduction] « une analyse modifiée de la norme de contrôle ». Il affirme que cette approche implique un examen des rôles respectifs de la division d’appel et de la division générale, de l’intention du Parlement concernant la nature de l’appel de la division d’appel, telle qu’elle est énoncée dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, et de la nature de la question qui se pose. L’avocat de l’intimé soutient que, une fois que cette analyse aura été entreprise, il sera alors possible de déterminer la norme de contrôle applicable. Enfin, il déclare que, à la lumière de cette analyse modifiée de la norme de contrôle, la division d’appel devrait appliquer la norme de la décision correcte aux décisions de la division générale portant sur des questions de droit, et la norme de la décision raisonnable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit.

[24] En tout respect, « l’analyse modifiée de la norme de contrôle » proposée par l’intimé semble en grande partie porter sur la détermination de la nature de l’audience devant la division d’appel. Il semble être bien établi au sein de la division d’appel que les audiences qu’elle mène correspondent à un  « contrôle circonscrit » (Canada (Procureur général) c. Merrigan, 2004 CAF 253, au paragr. 9) et qu’elles sont essentiellement des contrôles judiciaires. Autrement, la seule partie pertinente de « l’analyse modifiée de la norme de contrôle » qui permet de déterminer la norme de contrôle applicable est celle relative à la nature des questions en litige.

[25] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a établi qu’il existe seulement deux normes de contrôle en common law au Canada : la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte. La norme de la décision correcte est généralement réservée aux questions de compétences ou aux questions constitutionnelles, ou aux questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du tribunal. Les questions de droit qui font partie de cette catégorie sont tranchées selon la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont tranchées en fonction de la norme de la décision raisonnable. La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur mais entreprend plutôt sa propre analyse, ce qui suppose qu’elle pourrait substituer sa propre conclusion et rendre la décision qui s’impose.
[26] La Cour suprême du Canada énonce la démarche qui permet de déterminer le caractère raisonnable d’une décision au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir :

Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[27] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[28] La norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées en cause.

[29] L’appelante allègue que la division générale n’a pas pris en considération son syndrome post‑commotionnel, qu’elle décrit comme étant sa principale affection invalidante. L’avocat de l’intimé soutient que cette erreur correspond à une erreur portant sur une question mixte de fait et de droit, qui nécessite un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable. Je souscris à l’observation selon laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

Question 2 : Décision de la division générale

[30] La division générale a-t‑elle commis une erreur en rendant sa décision?

[31] Dans ses observations du 7 août 2015, l’appelante a soutenu que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de son syndrome post‑commotionnel, une affection qu’elle considère comme un aspect essentiel de ses problèmes de santé récurrents. Elle a écrit :

[Traduction]
Les problèmes associés à mon traumatisme crânien ont des répercussions sur mon quotidien de manière constante et en permanence. Comme je l’ai écrit précédemment, j’ai constamment des problèmes de perte de mémoire à court terme. Je ne différencie pas les nombres et, parfois, les mots. Je ne suis plus capable de lire un livre ou de suivre des consignes FACILES. Je ne prépare plus les soupers, car je ne suis pas capable d’accomplir plusieurs tâches simultanément. Je suis incapable de coordonner la cuisson de différents aliments de manière à ce qu’ils soient tous cuits et encore chauds, en même temps, lorsque je les apporte à la table. J’ai laissé les brûleurs à gaz allumés tellement souvent que mon mari trouve qu’il est plus sécuritaire pour nous que ce soit lui qui prépare les soupers.

Mon mari me conduit partout, car il m’est arrivé trop souvent de ne pas prendre le bon autobus ou de descendre aux mauvais arrêts.

[32] L’appelante a présenté d’autres observations verbales similaires, alléguant que l’intimé et la division générale n’ont jamais pris en considération ses [traduction] « fonctions cérébrales ». Elle a également fait le point sur son état de santé actuel, mais, étant donné que cette information ne concerne pas les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, ces observations ne sont d’aucune pertinence dans le cadre du présent appel.

[33] L’avocat de l’intimé soutient que la décision de la division générale est raisonnable dans son ensemble, car cette dernière a examiné correctement tous les éléments de preuve présentés, y compris le témoignage de l’appelante et la preuve médicale, laquelle porte sur la commotion de l’appelante et son syndrome post‑commotionnel. L’avocat se reporte aux paragraphes 15, 16, 23 et 32 de la décision, où il est question du témoignage de l’appelante où elle décrit les symptômes de sa commotion. Le Dr Stockburger aurait recommandé à l’appelante de ne pas retourner à la clinique spécialisée dans le traitement des commotions étant donné qu’il lui fallait apprendre à composer avec les symptômes. L’avocat se reporte également au paragraphe 48 de la décision, qui indique que l’appelante avait été évaluée à la Fraser Health Concussion Clinic. L’ergothérapeute a indiqué que les symptômes post‑commotionnels découlaient d’un léger traumatisme crânien. On a recommandé à l’appelante de subir une tomodensitométrie de suivi, et ses progrès devaient être évalués le 1er décembre 2008. Au paragraphe 79 de son analyse, la division générale fait référence à la déclaration de l’appelante selon laquelle sa [traduction] « mémoire dans l’instant présent » était bonne.

[34] L’avocat soutient que l’appelante n’a fourni aucun élément de preuve sur lequel la division d’appel pourrait se fonder pour conclure que la division générale n’a pas tenu compte de sa commotion et de son syndrome post‑commotionnel. Il soutient que la division générale a fait une [traduction] « analyse approfondie de la preuve testimoniale et de la preuve médicale associées aux antécédents de commotion de l’appelante » (souligné par mes soins).

[35] Il ressort à la lecture de la décision de la division générale cette dernière a mené un examen approfondi de la preuve médicale et de la preuve testimoniale portées à sa connaissance. Sa décision faisait référence au témoignage de l’appelante concernant son syndrome post‑commotionnel et les répercussions de ce syndrome sur elle. Il y était également indiqué que la mémoire à long terme de l’appelante était bonne, mais que sa mémoire à court terme l’était moins. L’appelante a perdu quelques capacités cognitives, ce qui l’empêche d’accomplir plusieurs tâches simultanément. La division générale a pris note du fait qu’il y avait eu certaines améliorations au fil du temps. Elle a cependant aussi constaté que l’appelante soutient être encore incapable de lire, et que ni son mari ni sa fille ne la croient capable de mener les activités de la vie quotidienne ou d’aider à s’occuper des enfants.

[36] La division générale a également pris en compte les examens de diagnostic ainsi que les rapports et dossiers médicaux, mais ceux‑ci semblent essentiellement faire état des nombreuses autres plaintes de l’appelante concernant ses genoux, le syndrome du canal carpien dont elle est atteinte aux deux mains et une douleur au dos qu’elle ressent plus précisément dans la région lombaire.

[37] La division générale a en outre pris en considération les lettres d’appui du mari de l’appelante, ainsi que la lettre rédigée par l’appelante elle‑même, dans laquelle elle décrit son syndrome post‑commotionnel et les symptômes connexes. Elle a pris en compte le fait que l’appelante avait présenté une demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées, et que la Dre Eadie, son médecin de famille, avait observé des limitations notables dans les activités cognitives de l’appelante, lesquelles étaient attribuables à sa mémoire défaillante, et qu’elle avait indiqué que l’appelante était incapable de fonctionner de manière autonome.

[38] L’appelante a toujours été d’avis que son syndrome post‑commotionnel constitue l’une des principales caractéristiques de son invalidité. C’est ce qu’elle a indiqué dans l’avis d’appel déposé auprès de la division générale, mais elle a soutenu malgré tout que cette dernière n’a jamais fait mention du syndrome post‑commotionnel dans sa décision. Cette affirmation aurait certainement dû alerter la division générale qu’elle devrait porter une plus grande attention à cet aspect précis (ainsi qu’à d’autres aspects médicaux qui, selon l’appelante, revêtent une grande importance et se rapportent à son invalidité).

[39] Contrairement à l’intimé, qui a été muet à ce sujet lors de l’examen initial et du réexamen, la division générale a fait référence au syndrome post‑commotionnel dans la partie de sa décision portant sur la preuve. Or, nulle part dans la partie de sa décision portant sur l’analyse (paragraphes 67 à 83) la division générale ne semble avoir tenu compte des effets des commotions de l’appelante – seuls ou combinés à ses autres incapacités – sur sa capacité de fonctionner et de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, et ce, malgré les éléments de preuve portés à sa connaissance, les observations de l’appelante concernant son syndrome post‑commotionnel et ses propres délibérations sur ce syndrome, lesquels sont exposés dans la partie de sa décision portant sur la preuve (aux paragraphes 15, 16, 23, 32, 47, 48 et 63). Elle a simplement indiqué, au paragraphe 79 de son analyse, que l’appelante avait déclaré que sa [traduction] « mémoire dans l’instant présent » était bonne.

[40] L’avocat soutient qu’on ne peut reprocher à la division générale de ne pas avoir entrepris une analyse plus exhaustive du syndrome post‑commotionnel de l’appelante et des répercussions de ce syndrome sur elle, compte tenu du peu d’éléments de preuve présentés. Par contre, cela aurait pu être le cas, si la division générale avait analysé un tant soit peu sur le syndrome post‑commotionnel. La division générale a examiné avec sérieux les éléments de preuve portant sur les problèmes de genoux et de dos de l’appelante, mais elle n’a pas analysé les éléments de preuve se rapportant au syndrome post‑commotionnel avec autant de rigueur. Elle aurait pu, par exemple, se reporter aux avis et aux recommandations présentés dans le rapport de la Fraser Health Concussion Clinic (de GT1‑101 à GT1‑106) pour déterminer si l’appelante aurait pu être déclarée invalide à la suite de son syndrome post‑commotionnel, mais elle ne l’a pas fait.

[41] Il est difficile d’établir, à partir de l’analyse de la division générale, quelles sont les conclusions qu’elle a tirées concernant le syndrome post‑commotionnel de l’appelante et les répercussions de ce syndrome sur sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Par exemple, on ne sait pas si la division générale a accepté ou refusé d’admettre les éléments de preuve de l’appelante démontrant qu’elle continue de souffrir d’un syndrome post‑commotionnel et, le cas échéant, dans quelle mesure l’appelante est atteinte de déficiences cognitives et quelles sont les répercussions de son incapacité. Bien que l’une des personnes qui lui a prodigué des soins médicaux ait conseillé à l’appelante d’apprendre à accepter sa situation et à composer avec le syndrome post‑commotionnel, ce conseil ne fournit aucune indication ni ne soulève de considérations sur la capacité de l’appelante de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[42] La division générale aurait dû examiner les éléments de preuve concernant le syndrome post‑commotionnel de l’appelant de façon plus approfondie et en faire l’analyse. En ayant simplement résumé les éléments de preuve concernant ce trouble la division générale n’a pas satisfait à cette norme. Compte tenu de ces lacunes, j’estime que la division générale a commis une erreur.

Recours

[43] L’avocat de l’intimé admet que la division générale n’a pas réellement fait référence au syndrome post‑commotionnel dans la partie de sa décision portant sur l’analyse, mais est d’avis qu’elle a néanmoins évalué correctement la preuve médicale et le témoignage dans son analyse. L’avocat se reporte à la conclusion de la division générale, au paragraphe 74 de sa décision, selon laquelle il y avait un [traduction] « manque troublant d’éléments de preuve médicale », ainsi qu’à la conclusion exposée au paragraphe 77 selon laquelle il est difficile d’évaluer une invalidité lorsqu’on ne dispose pas de rapports concernant la poursuite du traitement.

[44] L’avocat soutient que la décision demeure raisonnable, dans son ensemble, malgré les lacunes relevées dans l’analyse entreprise par la division générale, lacunes qu’il ne reconnaît pas. Il affirme que la division générale a énoncé correctement le droit et qu’elle a évalué les faits de façon raisonnable. Il soutient que, lorsqu’on lit conjointement les motifs de la division générale et le résultat, on constate que le résultat fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, et que, par conséquent, la décision de la division générale peut être maintenue. Il affirme que je commettrais donc une erreur si je substituais ma décision à celle de la division générale.

[45] Malgré la norme de contrôle en cause, laquelle appelle un degré de retenue, j’estime qu’il n’est pas raisonnable que la division générale n’ait pas analysé les éléments de preuve portant sur le syndrome post‑commotionnel de l’appelante ou qu’elle ne semble pas les avoir pris en considération. Si ces éléments de preuve n’ont pas fait l’objet d’une analyse, on ne peut affirmer que la décision est défendable au regard des faits, surtout compte tenu que l’appelante a toujours déclaré que ce syndrome constituait l’une des principales caractéristiques de son invalidité.

Conclusion

[46] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale afin que cette dernière procède à un réexamen complet pour déterminer si l’appelante pouvait être déclarée invalide, au titre du Régime de pensions du Canada, au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin et si elle a continué de l’être par la suite. Cette conclusion ne détermine nullement l’issue d’une éventuelle audience devant la division générale.

[47] J’accorde à l’appelante la permission de déposer d’autres éléments de preuve médicale, ainsi que des observations à jour, sous réserve des directives ou ordonnances de la division générale.

[48] Afin d’éviter toute appréhension possible de partialité, l’affaire devrait être assignée à un autre membre de la division générale, et la décision de la division générale devrait être retirée du dossier.

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