Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelant : S. C.
  • Représentante de l’appelant : Sherry Miller
  • Représentant de l’intimé : Luc Bélanger

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) rendue le 6 février 2015 qui rejetait l’appel d’une décision de révision confirmant le refus d’accorder une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a établi qu’à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2009, ou avant cette date, l’appelant ne satisfaisait pas au critère d’une invalidité « grave et prolongée » aux termes du Régime de pensions du Canada

Motifs de l'appel

[3] La permission d’en appeler a été accordée au motif restreint que la division générale pourrait avoir appliqué le mauvais critère lorsqu’elle a établi le fardeau de la preuve requis.

Question en litige

[4] La division d’appel doit trancher la question suivante :

La division générale a-t-elle appliqué le bon critère au moment de déterminer que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée?

Droit applicable

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi) ne prévoit que trois moyens d’appel, à savoir les dénis de justice naturelle, les erreurs de droit et les erreurs de fait au titre desquelles un appelant peut interjeter appel. Les dispositions législatives applicables figurent à l’article 58 de la Loi et sont ainsi libellées :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Norme de contrôle

[6] Avant de décider si l’appel devrait être accueilli, la division d’appel doit déterminer la norme de contrôle qui s’applique à l’égard de la décision de la division générale. Bien que l’appelant n’a fait aucune observation relative à la norme de contrôle, l’avocat de l’intimé a fait valoir que la division d’appel devrait appliquer la norme de contrôle de la « raisonnabilité » parce que l’appel est lié à une question mixte de fait et de droit. L’avocat de l’intimé a aussi proposé ce qu’il a appelé une analyse de la norme de contrôle modifiée, qui prendrait en compte les éléments suivants :

  1. i. L’expertise et les rôles respectifs des deux divisions du Tribunal;
  2. ii. L’intention du Parlement concernant la nature de l’appel devant la division d’appel;
  3. iii. Le degré de déférence à accorder à la division générale, et
  4. iv. La nature de la question en litige.

[7] L’avocat de l’intimé a affirmé que selon l’analyse de la norme de contrôle modifiée qu’il a présentée et la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale, la division d’appel devrait appliquer la norme de la décision correcte aux décisions de la division générale relativement aux questions de droit. Pour ce qui est des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, la division d’appel devrait examiner les décisions de la division générale selon la norme de la « raisonnabilité » (AD3-16)Note de bas de page 1.

La jurisprudence

[8] Lors de toute révision, il faut d’abord déterminer si la question en litige est une question de droit, de fait ou mixte de fait et de droit.Note de bas de page 2  Dans le contexte juridictionnel, qu’elle fasse l’objet d’un appel ou d’un contrôle judiciaire, la décision sur une question de fait commande toujours la déférence.Note de bas de page 3

[9] La division d’appel estime que la question portée en appel est une question mixte de fait et de droit. Elle exige que la division d’appel détermine le critère utilisé ainsi que le caractère approprié du critère. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la « raisonnabilité ».

Observations

[10] L’avocat de l’intimé a fait valoir que la division générale n’a pas commis d’erreur quant au motif sur lequel elle s’est fondée pour accorder la permission d’en appeler. L’avocat de l’intimé a affirmé que la division générale a appliqué correctement le fardeau de la preuve requis pour établir que l’appelant n’était pas invalide au sens du Régime de pensions du Canada. L’avocat a déclaré que le paragraphe 34 de la décision de la division générale établit le fardeau de la preuve approprié, à savoir la « prépondérance des probabilités ». En outre, dans des observations détaillées sur divers aspects de la preuve présentée à l’audience, l’avocat de l’intimé a affirmé que la division générale a appliqué de façon appropriée le fardeau de la preuve en ce qui a trait à la crédibilité de l’appelant, à la preuve médicale et à la capacité de l’appelant de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[11] L’appelant a déposé un avis indiquant qu’il n’avait aucune observation à présenter (AD3).

Analyse

[12] Le Tribunal a accordé la permission d’en appeler en ce qui concerne la question visant à déterminer si la division générale a utilisé le critère juridique approprié pour établir que l’appelant n’avait pas convaincu le Tribunal qu’il était atteint d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada.

[13] Lors de l’audience, la représentante de l’appelant a présenté la position selon laquelle, en raison de son alcoolisme, l’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche ou le rend incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Elle a fait valoir que bien que l’appelant soit capable de gérer ses problèmes d’alcool, il a d’autres problèmes de santé et elle soutient qu’il fait l’objet de discrimination en raison de son alcoolisme. La représentante de l’appelant n’a pas abordé la question ayant servi de fondement pour que la permission soit accordée; elle a affirmé qu’on ne lui avait pas demandé de présenter de documents, ce qui est une affirmation contraire à l’avis déposé le 8 juin 2015. L’avis, qui se trouve sur le papier à correspondance officielle de la clinique juridique de la communauté de Simcoe-Haliburton-Kawartha Lakes, est bref et signé par l’appelant. Il y est indiqué : [traduction] « J’accuse réception de votre correspondance datée du 20 mai 2015. C’est mon avis vous informant que je n’ai aucune observation à présenter. »

[14] L’avocat de l’intimé a maintenu sa position, qui est établie dans les observations écrites, selon laquelle la division générale n’a pas commis d’erreur. Il a affirmé que dans la décision, le membre de la division générale a examiné et pris en compte huit éléments, parmi lesquels figurent la crédibilité, le niveau d’autonomie de l’appelant, sa capacité de travailler, la recommandation en matière de traitement, la preuve médicale ainsi que le trouble de la parole de l’appelant.

[15] L’avocat de l’intimé a affirmé que la division générale avait énoncé adéquatement le critère dans plusieurs paragraphes de la décision et que lorsqu’elle a examiné la preuve devant elle, elle avait appliqué le bon critère, à savoir la prépondérance des probabilités. Il a fait valoir que les mots contestés « n’a pas convaincu » avaient un faible impact général sur le résultat de la décision puisque la division générale avait mené son analyse au moyen du bon critère. Selon les observations de l’avocat, la décision de la division générale était une décision raisonnable.

[16] Comme nous l’avons déjà mentionné, la représentante de l’appelant n’a pas formulé d’observation sur la question visant à déterminer si la division générale avait appliqué le bon critère. Elle s’est concentrée sur l’état de santé de l’appelant et a fait valoir qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée. Étant donné le mandat conféré par la loi dans l’article 58 de la Loi, l’appel devant la division d’appel a été décrit comme étant un appel assimilable à un examen judiciaire. Par conséquent, le rôle de la division d’appel n’est pas de réévaluer la preuve déjà évaluée par la division générale, mais de vérifier si la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle à la lumière de la preuve dont elle était saisie.

[17] L’obstacle qu’un demandeur doit franchir dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler est inférieur à celui auquel il doit faire face lors de l’audition de l’appel. Il incombait à l’appelant d’établir qu’une erreur avait été commise. La division d’appel estime qu’il n’a pas rempli son obligation. Qu’il demeure convaincu qu’il est invalide ne suffit pas pour déterminer que la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle. Sur ce seul fondement, la division d’appel estime que l’appel peut être rejeté. La division d’appel choisit de ne pas clore l’examen à ce stade.

[18] La division d’appel avait accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale pourrait avoir appliqué le mauvais critère. L’avocat de l’intimé est d’avis qu’outre l’énoncé contesté au paragraphe 45, à savoir l’utilisation des mots « n’a pas convaincu », la division générale a appliqué le bon critère tout au long de la décision. La division d’appel souscrit à ce point de vue. Après avoir examiné la décision dans son ensemble, la division d’appel conclut ce qui suit :

  1. 1) l’énoncé contesté se trouve au dernier paragraphe de la discussion portant sur l’« invalidité grave ». La division générale avait déjà énoncé et appliqué le bon critère à la preuve;
  2. 2) la décision, lue dans son ensemble, n’établit pas que l’appelant était assujetti à une norme de preuve plus élevée que celle de la « prépondérance des probabilités ».

Conclusion

[19] L’appelant avait demandé et obtenu la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale rejetant son appel de la décision de révision. La permission d’en appeler lui a été accordée au motif que la division générale pourrait avoir appliqué le mauvais critère afin de déterminer l’admissibilité de l’appelant à une pension d’invalidité du RPC. En fonction des observations, du droit applicable et du dossier du Tribunal, notamment de la décision de la division générale, la division d’appel conclut que la division générale n’a pas commis d’erreur. En outre, la décision de la division générale respecte le critère établi dans DunsmuirNote de bas de page 4en ce que le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ainsi que des exigences du Régime de pensions du Canada.

[20] L’appel est rejeté.

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