Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 14 juillet 2015. La division générale a tenu audience par téléconférence le 24 juin 2015. Elle a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2010. Le représentant de la demanderesse, un parajuriste, a déposé une demande de permission d’en appeler le 24 septembre 2015. Pour accueillir cette demande, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le représentant de la demanderesse plaide que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, qu’elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier, et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le représentant de la demanderesse a présenté de nombreuses observations se rattachant à chacun de ces moyens d’appel.

Analyse

[4] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel proposé : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

a. Entreprise de confection de gâteaux

[7] Au paragraphe 35 de sa décision, la division générale a écrit que le Dr Basile, un neurologue, avait indiqué que la demanderesse ne travaillait pas et avait [traduction] « démarré une entreprise de pâtisseries et de confection de gâteaux à domicile deux ans auparavant. » Le représentant de la demanderesse affirme qu’il s’agit là d’une erreur et qu’en fait le Dr Basile a écrit [traduction] « [La demanderesse] a antérieurement occupé un emploi administratif et, il y a deux ans, elle a démarré une entreprise et une entreprise de confection de gâteaux. » La demanderesse nie avoir démarré une entreprise de confection de gâteaux et affirme que ses déclarations au Dr Basile ont été mal comprises. Le représentant soutient que la demanderesse a clairement dit, dans son témoignage, qu’elle n’avait jamais confectionné de gâteaux, si ce n’est deux ou trois fois par an, avec l’aide de sa mère, pour sa famille immédiate. Le représentant fait valoir que la demanderesse a aussi expliqué pourquoi elle achète sa farine d’un grossiste et que, comme la farine n’est pas vendue au grand public, elle a dû fournir une raison sociale (un nom d’entreprise). Le représentant avance que la demanderesse a produit des documents prouvant qu’elle ne gérait pas d’entreprise ni n’effectuait de transactions qui portent à croire qu’elle tirait un quelconque revenu d’une entreprise de pâtisseries. Le représentant a produit des photos de la cuisine de la demanderesse qui, soutient‑il, montrent qu’elle n’est pas équipée pour abriter une entreprise productrice de revenus. Le représentant affirme que la preuve démontre que la demanderesse ne dirigeait pas d’entreprise.

[8] La mention du rapport du Dr Basile fait partie de la preuve, plutôt que des conclusions de fait de la division générale. Bien qu’elle ait fait mention du rapport du Dr Basile, la division générale ne s’est pas appuyée sur cela et a conclu, au paragraphe 140, que [traduction] « Compte tenu de la preuve, selon la prépondérance des probabilités, le Tribunal n’est pas en mesure de conclure que l’appelante gérait et exploitait une entreprise à domicile à la date de fin de sa PMA ou avant […]. » En d’autres termes, la division générale n’a pas fondé sa décision sur le rapport du Dr Basile selon lequel la demanderesse exploitait une entreprise de confection de gâteaux à domicile. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

b. État psychologique

[9] Le représentant affirme que la division générale n’a pas tenu compte de tous les renseignements. Il cite le paragraphe 64 de la décision, dans lequel la division générale a écrit que la demanderesse [traduction] « n’a pas décrit son état psychologique dans le questionnaire. » Le représentant plaide que la demanderesse a rempli le questionnaire du mieux qu’elle le pouvait, mais qu’elle ne savait pas comment y répondre. Il avance en outre que, même si la demanderesse n’a pas décrit son état psychologique, il ressort du questionnaire qu’elle a été traitée pour de la dépression et des crises d’anxiété. Le représentant a fourni des renseignements sur un antidépresseur dans le cadre des documents produits pour les fins de la demande de permission.

[10] Il semble, à partir de ces observations, que le représentant laisse entendre que, du fait que la demanderesse ait pu ne pas avoir décrit son état psychologique, la division générale a conclu on ne sait comment que la demanderesse ne pouvait pas avoir souffert d’une invalidité mentale.

[11] Il n’y a aucun fondement crédible dans ce que j’ai cru comprendre comme étant les observations du représentant. En fait, la division générale faisait état des éléments de preuve de la demanderesse dont elle était saisie. Dans son témoignage, la demanderesse a déclaré qu’elle n’avait pas décrit son état psychologique dans le questionnaire, que personne ne lui avait montré comment répondre à ce questionnaire et qu’elle l’avait rempli du mieux qu’elle le pouvait. Qui plus est, la division générale a accepté la thèse que la demanderesse avait une invalidité psychologique, bien qu’elle ne fût pas prête à conclure que cette invalidité était prolongée. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

c. Tentatives au travail

[12] Le représentant soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a écrit, au sous-paragraphe 107 a) de sa décision, que le médecin de la demanderesse avait dit à cette dernière qu’elle pourrait retourner travailler à temps partiel et que la demanderesse prévoyait de le faire en mai 2010, ou qu’elle n’a pas du tout essayé de se trouver un autre emploi en raison de ses problèmes de santé. Le représentant affirme qu’il y a des éléments de preuve qui réfutent ce point; il renvoie au témoignage de la demanderesse selon lequel elle s’est prêtée à de nombreuses entrevues d’emploi (au paragraphe 84). Le représentant déclare que les compétences de la demanderesse sont limitées et que même travailler à partir du domicile n’est pas viable dans son cas, étant donné la nature de ses invalidités et son besoin de prendre des médicaments, lesquels ont des effets secondaires indésirables et l’obligent à rester alitée pendant toute une journée.

[13] Le sous-paragraphe 107 a) ne fait pas état de conclusions de fait que la division générale aurait pu tirer. Ce paragraphe représente les observations de l’intimé. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

d. Actuelle recherche d’emploi

[14] Le représentant affirme que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a écrit, au sous-paragraphe 107 i) de sa décision, que la demanderesse se cherchait actuellement du travail. Le représentant énumère un certain nombre de points qui réfutent cette conclusion de fait alléguée.

[15] Ce sous-paragraphe aussi représente les observations de l’intimé, plutôt que d’éventuelles conclusions de fait que la division générale aurait pu tirer. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

e. Conclusion, par la division générale, que l’invalidité de la demanderesse n’est pas grave

[16] Le représentant soutient que la division générale a commis une erreur au paragraphe 158 de sa décision lorsqu’elle a conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave sans tenir adéquatement compte d’un certain nombre d’opinions médicales. Il affirme que tous les rapports médicaux établissent de façon concluante que la demanderesse a des allergies sévères. Il déclare que la demanderesse prend quotidiennement des médicaments pour éviter de s’étouffer, de s’évanouir ou de tomber dans le coma.

[17] Le représentant n’a pas précisé lequel de ces rapports la division générale aurait omis de prendre dûment en considération, mais, même si c’était le cas, d’après ce que je crois comprendre, il allègue essentiellement que la division générale n’a pas retenu les opinions selon lesquelles la demanderesse souffre d’allergies sévères. En fait, la division générale a retenu l’argument selon lequel la demanderesse souffre effectivement d’allergies sévères, comme on peut le constater au paragraphe 129 de sa décision, où elle a écrit ceci :

[Traduction]

[2] Tout d’abord, le Tribunal est convaincu que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice lorsqu’elle est exposée à certains éléments déclencheurs environnementaux, comme de la poussière, des parfums ou des odeurs d’aliments particulières, en raison de ses allergies alimentaires, lesquelles sont décrites dans le dossier médical.

[18] La division générale a estimé que les allergies sévères de la demanderesse, à elles seules, étaient insuffisantes en l’espèce et ne permettaient pas de conclure de façon définitive que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave, en particulier si elle évitait tout élément déclencheur de ses allergies environnementales.

[19] Si le représentant laisse entendre que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte de la preuve, et qu’elle a conclu à tort que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave, cela renvoie en fait à la question ultime, et cela ne constitue pas une conclusion de fait en soi.

[20] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

f. Examens médicaux

[21] Le représentant allègue que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a écrit, au sous-paragraphe 107 f) de sa décision, que les examens médicaux n’ont pas permis de déceler une quelconque pathologie grave qui empêcherait la demanderesse de se chercher un emploi adapté à ses limitations dans un différent lieu de travail. Le représentant énumère un certain nombre de points qui militent contre cette conclusion de fait alléguée.

[22] Ce sous-paragraphe aussi représente les observations de l’intimé, plutôt que d’éventuelles conclusions de fait que la division générale a pu tirer. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

g. Rapports médicaux

[23] Le représentant plaide que les rapports médicaux confirment la gravité des invalidités de la demanderesse. Il affirme que la demanderesse a des limitations physiques graves et qu’elle est [traduction] « essentiellement confinée à la maison. » Il déclare que la dépression et les affections psychologiques de la demanderesse sont graves et que la demanderesse n’arrive pas à se concentrer ni à se souvenir de choses. Il fait observer qu’elle a perdu l’appétit et est toujours très fatiguée. Le représentant a passé en revue les divers rapports médicaux.

[24] Concernant les allergies et la polysensibilité environnementale de la demanderesse, le représentant s’appuie sur le rapport du Dr Brown daté 10 novembre 2008 (GT1-56 à GT1-57). Le Dr Brown a suggéré que la demanderesse retourne à un environnement sans stress, propre, sec, exempt de parfums et où il n’y a pas de poussière, de moisissure ni de travaux effectués sur les cloisons sèches. Le représentant s’est demandé si cette recommandation revêtait le moindrement un caractère pratique.

[25] Le représentant cite également les dossiers suivants :

  1. les rapports du Dr Brown datés des 26 janvier 2009 (GT1-62), 7 mai 2010 (GT1- 43) et 12 décembre 2012;
  2. le rapport du Dr Howard Langer daté du 30 décembre 2008 (GT1-60);
  3. le rapport de Kenneth R. Keeling, psychologue agréé, daté du 18 août 2010 (GT6-2 à GT6-16). La demanderesse fait observer que le psychologue a fait état d’un score de 55 sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement et se demande comment, à lui seul, ce résultat ne saurait dénoter quelque chose de grave;
  4. le rapport de l’hôpital St. Michael’s daté du 11 janvier 2012 (GT10-11 à GT10-14);
  5. le questionnaire rempli par la demanderesse et daté du 21 mai 2010 (GT1‑35).

[26] Je vais aborder ici deux points qui ont été soulevés par le représentant. Le représentant s’appuie sur un score de 55 sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement comme preuve de la gravité. Bien que cela puisse s’avérer un outil utile, ce score représente seulement la façon dont la demanderesse se présentait au moment où l’évaluation a été faite. S’il y avait eu une série de scores sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement sur une certaine période, cela aurait pu être un indicateur plus fiable de l’invalidité de la demanderesse.

[27] Le représentant remet aussi en cause le caractère pratique de la recommandation du Dr Brown. La division générale s’est penchée sur cette question au paragraphe 153 de sa décision.

[28] Essentiellement, le représentant de la demanderesse demande à ce que nous procédions à une réévaluation de la preuve qui a été soumise à la division générale. Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS est très précis quant aux moyens d’appel qui sont admissibles. Une réévaluation de la preuve sort du cadre d’un appel et ne constitue pas un moyen d’appel admissible. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

[29] De la même façon, dans la partie « Conclusions » des observations du représentant, bien que ce dernier allègue que la division générale n’a pas tenu compte de [traduction] « faits majeurs liés à la gravité », son examen de la preuve équivaut à une demande de réévaluation.

Conclusion

[30] Compte tenu des considérations qui précèdent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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