Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

J. T. : Appelant

Peter Beaudin : Représentant

C. A. : Personne présente aux fins de soutien

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité du Régime de pension du Canada (RPC) de l’appelant a été approuvée par l’intimé, et l’appelant a commencé à recevoir une pension d’invalidité en 1996. En 2013, l’intimé a effectué une réévaluation du dossier d’invalidité de l’appelant. La preuve obtenue dans le cadre de la réévaluation de son dossier a montré que, en 2006, l’appelant a commencé à exploiter un service de nourriture pour animaux de compagnie depuis son domicile. L’intimé a conclu que l’appelant ne respectait plus les critères relatifs à l’invalidité grave et prolongée au sens du RPC depuis la fin d’avril 2006. Par conséquent, l’intimé a rendu une décision exigeant à l’appelant de rembourser ses prestations d’invalidité versées d’avril 2006 à février 2013.

[2] L’appelant a présenté une demande de révision de cette décision. La décision découlant de la révision a confirmé la décision initiale selon laquelle l’appelant n’était plus invalide depuis avril 2006 et selon laquelle il devait donc rembourser l’intimé pour la période d’avril 2006 à février 2013. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[3] L’audience relative à l’appel a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelant sera la seule partie qui participe à l’audience;
  2. le mode d’audience est celui qui permet le mieux à plusieurs personnes de participer;
  3. le mode d’audience permet d’accommoder les parties ou les participants;
  4. un service de vidéoconférence est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelant;
  5. la complexité des questions en litige;
  6. ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[6] L’alinéa 42(2)b) prévoit qu’une personne doit être réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée de la manière prescrite.

[7] L’alinéa 7(1)a) du RPC prévoit qu’une pension d’invalidité a cessé d’être payable avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

[8] Si un appelant conteste la décision du ministre de cesser le versement d’une prestation d’invalidité, il incombe au ministre de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant n’est plus invalide au moment où le versement des prestations a cessé.

Maria Tesone c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP03981, 20 février 1997.

Question en litige

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelant a cessé d’être invalide au sens du RPC.

[10] À titre de question préliminaire, le représentant de l’appelant a soulevé pendant l’audience la question relative à l’étendue de la compétence du Tribunal en l’espèce. Le représentant a laissé entendre que le Tribunal devrait interpréter la compétence de façon étroite de façon à ce que la seule question à prendre en considération soit celle de savoir si l’appelant a cessé d’être invalide en avril 2006. Cependant, le Tribunal estime que sa compétence s’étend au-delà des limites étroites proposées par le représentant. En examinant la décision rendue par l’intimé de cesser le versement de prestations, il est plutôt clair que la décision tient compte de l’ensemble de la période allant d’avril 2006 à février 2013. Cette constatation est appuyée par le fait que le remboursement des sommes versées à l’appelant par l’intimé a été demandé pour l’ensemble de cette période. Par conséquent, le Tribunal estime que sa compétence comprend l’examen de la question de savoir si l’appelant a cessé d’être invalide à tout moment entre avril 2006 et février 2013.

Preuve

[11] En janvier 2013, le revenu d’entreprise brut exempté du RPC et inscrit dans le T1 (emploi autonome) a entraîné une réévaluation du dossier d’invalidité de l’appelant. Un examen du dossier a fait état que, en 2006, l’appelant a lancé un service de nourriture pour animaux de compagnie depuis son domicile appelé GemPals Dog and Cat Food. L’appelant était le seul propriétaire et n’avait aucun employé.

[12] L’appelant a expliqué en détail dans une lettre à l’intention de l’intimé qu’il achetait de la nourriture pour animaux de compagnie d’un fournisseur qui était livré à son entrepôt où il la réemballait en format de 10, 20 et 40 livres en y apposant son étiquette. L’appelant livrait ensuite les produits chez ses clients. Il a souligné qu’il travaillait à son propre rythme et lorsqu’il se sentait assez bien pour le faire.

[13] Les gains d’entreprise bruts et nets déclarés à l’Agence du revenu du Canada précisent les gains ayant la valeur suivante :

  1. 2006 Brut : 43 724 $ Net : 2 186 $
  2. 2007 Brut : 72 078 $ Net : 3 698 $
  3. 2008 Brut : 91 914 $ Net : 3 548 $
  4. 2009 Brut : 83 815 $ Net : 9 788 $
  5. 2010 Brut : 63 272 $ Net : 3 240 $
  6. 2011 Brut : 52 942 $ Net : 1 655 $
  7. 2012 Brut : 59 831 $ Net : 13 926 $

[14] En plus du T1 pour des revenus d’emploi autonome de l’appelant, celui-ci avait également des revenus sur un T4 en 2013 totalisant 7 723 $.

[15] Dans un sommaire d’hospitalisation daté du 9 septembre 2009, il est précisé que l’appelant a été admis au service d’urgence de l’Hôpital Vancouver General en raison de vertiges migraineux compliqués par une dépression. Il était précisé que l’appelant avait déclaré souffrir de vertiges et d’ataxie depuis trois jours. Il a été souligné qu’il a également déclaré avoir eu des idées suicidaires.

[16] Dans une note au dossier datée du 8 août 2012, le Dr Vipler a précisé que l’appelant avait commencé à subir des traitements de prolothérapie donnés par le Dr Panet pour ses problèmes au cou et que cela était très utile pour son problème de santé. Par conséquent, l’appelant n’avait plus besoin de subir des traitements de chiropractie.

[17] Dans une note au dossier datée du 8 octobre 2012, le Dr Vipler a précisé que l’appelant semblait bien se porter à l’heure actuelle et qu’il n’avait subi aucune blessure récente au cou.

[18] Dans un avis médicojuridique, le Dr Parker, chiropraticien, a précisé qu’il traitait l’appelant depuis 2010 et que, au cours de cette période de trois ans, il avait vu l’appelant 123 fois. Le Dr Parker a précisé que l’appelant s’est toujours présenté à ses rendez-vous en souffrant de douleurs au cou et de maux de tête débilitants.

[19] Le Dr Parker a également précisé qu’il n’y a aucune tendance quant au moment où l’appelant a besoin d’un traitement, mais qu’il a généralement besoin de deux visites en une seule journée lorsqu’il se rend à sa clinique, car son cou est trop hypertonique pour permettre un traitement complet au cours d’une seule visite.

[20] Le Dr Parker a formulé d’autres commentaires relativement aux tentatives faites par l’appelant pour retourner travailler et la façon dont ces tentatives ont aggravé les poussées actives de douleurs de l’appelant et ainsi détérioré sa capacité de fonctionner.

[21] Le Dr Parker était d’avis que l’Appelant n’était pas capable de conserver un emploi stable depuis son agression en raison de maux de tête et d’inconfort.

[22] Dans un avis médical daté du 16 juillet 2013 (la date du 16 juillet 2012 était initialement inscrite à tort), le Dr Panet, naturopathe, a précisé qu’il avait initialement reçu l’appelant en consultation en juillet 2012 en raison de douleurs chroniques au cou et de douleurs au haut du dos. Le Dr Panet a également précisé qu’il avait fourni des soins à la colonne cervicale et thoracique de l’appelant en ayant recours à la prolothérapie et à la prolothérapie neuronale.

[23] Le Dr Panet a formulé un avis selon lequel l’appelant était probablement capable de travailler à temps partiel avec l’aide de mesures d’adaptation.

[24] Dans une lettre médicale datée du 18 juillet 2013, le Dr Vipler, médecin de famille, a précisé son avis selon lequel l’appelant était capable de travailler à temps partiel dans un environnement à faible niveau de stress avec l’aide de mesures d’adaptation dans le cadre desquels il pourrait prendre des pauses et travailler à son propre rythme afin de s’adapter aux poussées de ses symptômes.

[25] Dans une observation datée du 29 août 2013, le représentant de l’appelant a précisé que, entre 2006 et 2012, les coûts de l’appelant représentaient 70 % de ses gains bruts.

Témoignage de l’appelant

[26] L’appelant a été questionné relativement à sa mémoire. Il a déclaré que, au cours de l’année précédente, il a développé une forme très grave de vertiges. Il est presque mort de déshydratation. En raison des vertiges, il a de la difficulté à se souvenir de certaines choses.

[27] L’appelant a été questionné relativement à l’incident qui a initialement donné lui au début de ses symptômes. Il a précisé qu’il a été attaqué par un collègue en 1994.

[28] L’appelant a été questionné relativement à la raison pour laquelle il a démarré une entreprise de nourriture pour animaux de compagnie. Il a déclaré qu’il ne pouvait rien faire d’autre, car ses douleurs au cou étaient très graves. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas maintenir un horaire convenable et que c’était la seule chose utile qu’il pouvait faire. Autrement, il ne ferait que regarder la télévision toute la journée.

[29] L’appelant a été questionné quant au niveau des efforts déployés initialement pour son entreprise. Il a déclaré qu’il n’y avait aucun niveau constant d’effort et que le niveau de sa douleur contrôlait le nombre de fois qu’il était capable de travail et la durée. L’appelant a déclaré qu’il pouvait y parvenir parce qu’il n’avait pas un réel horaire. Il pouvait se reposer pour traiter son cou et sa dépression. L’appelant a affirmé qu’il y avait des journées où il était incapable de faire des livraisons ou d’effectuer les activités de son entreprise d’une manière quelconque.

[30] L’appelant a été questionné relativement au nombre d’heures pendant lesquelles il travaillait. Il a répondu qu’il ne pouvait pas se souvenir du nombre exact d’heures, mais qu’il y avait des moments où il ne pouvait pas travailler. Il demandait souvent à ses clients s’il pouvait apporter la nourriture le lendemain. Il n’a jamais respecté un horaire régulier, et cela n’était pas nécessaire. Il a déclaré que ses clients étaient ses amis et qu’ils étaient compréhensifs à l’égard de son état de santé.

[31] L’appelant a déclaré qu’il n’a pas lancé l’entreprise pour faire de l’argent. Il a affirmé qu’il voulait cesser de toucher de l’argent du gouvernement, mais qu’il voulait essayer quelque chose par lui-même étant donné qu’il était toujours dans un cycle de traitements médicaux et d’inefficacité. Il a déclaré qu’il aurait aimé y parvenir, mais qu’il ne pouvait jamais faire suffisamment d’argent de ses activités liées à la nourriture pour animaux de compagnie afin de survivre.

[32] Le représentant de l’appelant a demandé à celui-ci s’il pouvait travailler régulièrement pour un employeur en 2006. II a déclaré qu’il ne pouvait pas parce que, étant donné son invalidité, il est si limité que son corps devient peu fiable après une ou deux heures. Il doit ensuite s’étendre. S’il le fait immédiatement, il doit se reposer de 15 à 20 minutes. Il a déclaré que, en moyenne, il doit se reposer pendant environ une heure après avoir fait des activités légères pendant une ou deux heures.

[33] L’appelant a déclaré qu’il y a avait beaucoup de jours où il ne pouvait pas du tout travailler et que ces dates n’étaient ni constantes ni régulières. Il a affirmé que sa capacité de travailler était déterminée par son niveau de douleur ce jour-là.

[34] L’appelant a déclaré qu’il ne faisait que quelques livraisons par jour. Il a affirmé qu’il faisait une livraison, puis se reposait de 30 à 40 minutes et que, s’il ne se sentait pas bien, ce qui comprend une douleur grave au cou, il retournait chez lui pour s’étendre et il faisait la prochaine livraison à un moment ultérieur.

[35] Il a été demandé à l’appelant de passer en revue un tableau illustrant ses gains bruts et nets et figurant à GD-142, soit sa déclaration de revenus pour l’année 2010. Il lui a été demandé le pourcentage des gains bruts qui représentait le coût du produit. Il a déclaré qu’il ne savait pas s’il avait généré un profit avec que son teneur de livres comptabilise les reçus à la fin de l’année. L’appelant a confirmé que ses dépenses relatives à la nourriture pour chiens représentaient environ 70 pour 100 de ses revenus bruts. Il a également confirmé que ses revenus nets pour l’année représentaient son profit.

[36] Il a été demandé à l’appelant si sa tendance à travailler de façon intermittente et sans fiabilité était une tendance, et il a confirmé que cela était le cas.

[37] Il a été demandé à l’appelant s’il a connu un changement relativement à son état de santé depuis 2006. Il a déclaré que son état se dégradait constamment. Il a affirmé que, étant donné le mauvais état de son cou, son état se dégrade au cours de la journée et il a continué de se détériorer.

[38] L’appelant a été questionné quant au début de la consultation du Dr Panet en 2012. Il a déclaré que son état était si mauvais en 2012 qu’il avait besoin de commencer à recevoir des injections dans le cadre d’une prolothérapie. L’appelant a confirmé que la prolothérapie l’a aidé relativement à sa capacité de fonctionner. Il a déclaré que, s’il fait attention et s’il évite de faire de mauvais mouvements, il ne ressent aucune douleur.

[39] L’appelant a été questionné quant au début d’un autre emploi en 2012. Il a déclaré avoir commencé à travailler dans une station-service. Il a affirmé que, grâce à la prolothérapie, il pouvait travailler de deux à cinq heures sans arrêt. Il avait une période dans la journée pendant laquelle il ne souffrait d’aucune douleur et pouvait réellement faire quelque chose. L’appelant a confirmé qu’il continue aujourd’hui d’avoir une période de 2 à 5 heures où il ne ressent aucune douleur.

[40] L’appelant a été questionné relativement au moment où il a cessé de prendre des antidépresseurs et la raison pour laquelle il l’a fait. Il a répondu qu’il ne pouvait pas se souvenir du moment, mais que, à un moment donné, les antidépresseurs ont cessé de fonctionner, et les effets secondaires étaient si intenses qu’il ne valait plus la peine de prendre les pilules.

[41] Il a été demandé à l’appelant de justifier la raison pour laquelle il n’a pas consulté un psychologue ou un psychiatre. Il a répondu qu’il s’est concentré sur le counseling, car la psychiatrie n’a pas fonctionné pour lui.

[42] Il a été demandé à l’appelant s’il avait eu l’aide d’amis lorsqu’il a lancé son entreprise. Ses clients étaient en grande partie ses amis, et ceux-ci étaient très gentils à son égard. Ils se sont également adaptés à son horaire pour les livraisons.

Observations

[43] L’appelant a soutenu qu’il continue d’être invalide parce que ses activités concernant la nourriture pour animaux de compagnie relèvent davantage d’un passe-temps qu’une entreprise et que celles-ci ne lui ont jamais permis de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’appelant a également déclaré que son invalidité demeure grave et prolongée et que, par conséquent, elle l’empêche de retourner détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[44] L’intimé a soutenu qu’une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Bien qu’il soit reconnu que le trouble médical de l’Appelant était permanent et qu’il causait des limitations fonctionnelles, il ne l’empêchait pas de lancer et de maintenir les activités d’une entreprise qu’il a continué d’opérer avec succès à temps partiel.

[45] Finalement, l’appelant a déclaré qu’il a toujours essayé de faire les bonnes choses pour les bonnes raisons dans la vie. Il a fait du mieux qu’il pouvait afin de survivre. Il espère que la prolothérapie l’aidera à retourner travailler, car il s’agit de son objectif. Il a également déclaré que ses activités concernant la nourriture pour animaux de compagnie n’étaient pas ce qu’il voulait faire dans la vie, mais que c’était tout ce qu’il pouvait accomplir. Il voulait être un bon citoyen et contribuable au lieu de boire ou de ne rien faire.

[46] L’intimé a également soutenu qu’un emploi à temps partiel est considéré comme étant [traduction] « régulier » si une personne est capable de répondre aux exigences sur une base continue. L’appelant a créé son entreprise de manière indépendante et il a été capable de maintenir les activités avec brio. Un tel succès a eu une incidence sur sa santé mentale et la conscience de sa propre valeur. Il a démontré sa capacité à soulever des sacs de nourriture pour animaux de compagnie pesant jusqu’à 40 livres, à continue un véhicule sur une distance de 20 000 kilomètres par année en moyenne et à faire jusqu’à 80 livraisons par mois.

Analyse

[47] L’intimé doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a cessé d’être invalide au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC.

[48] À cet égard, le Tribunal souligne que le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie ».

Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001] 1 R.C.S. 703, paragraphes 28 et 29

[49] Le Tribunal est également conscient que la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du demandeur d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail, c’est-à-dire « une occupation véritablement rémunératrice ».

Canada Ministre du Développement des ressources humaines c. Scott, 2003 CAF 34, paragraphes 7 et 8

[50] De plus, le Tribunal souligne que le critère prévu dans Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, au paragraphe 50, est le suivant : « Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une "invalidité grave et prolongée" qui les rend régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice. »

[51] Par conséquent, la question qui doit être tranchée en l’espèce est celle de savoir si l’appelant souffrait d’une invalidité grave ou prolongée en avril 2006 et par la suite. Pour répondre à cette question, le Tribunal doit déterminer si l’entreprise de nourriture pour animaux de compagnie de l’appelant et son rôle dans les activités de 2006 à 2013 inclusivement justifient la fin du versement de ses prestations d’invalidité. Autrement dit, l’espèce porte sur la question de savoir si l’appelant avait la capacité mentale et physique de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[52] En réponse à cette question, le Tribunal estime que l’appelant est bel et bien redevenu apte à détenir une occupation rémunératrice, mais pas en 2006. Le Tribunal estime plutôt que l’appelant est redevenu apte à détenir une occupation véritablement rémunératrice en juillet 2012.

[53] Voici les motifs de cette conclusion.

Période d’avril 2006 à juin 2012

[54] En ce qui concerne la période d’avril 2006 à juin 2012, le Tribunal convient que l’appelant n’a eu à aucun moment une occupation véritablement rémunératrice. Au cours de cette période, l’appelant a touché des gains bruts importants grâce à son entreprise de nourriture pour animaux de compagnie. Ses gains ont varié de 43 724 $ en 2006 à 91 914 $ en 2008. Cependant, au cours de la même période, l’appelant a également touché des gains nets qui étaient inférieurs à l’exemption de gains permise chaque année, sauf une. Il a subi des pertes nettes au cours de deux années. Ces faits sont expliqués dans le témoignage de l’appelant et ses déclarations de revenus, qui confirment que la majorité des gains bruts ont été dépensés dans le cadre de l’acquisition de la nourriture pour animaux de compagnie aux fins de distribution. Une grande partie des gains bruts et jusqu’à 70 % ont été dépensés dans le cadre de l’achat de nourriture pour animaux de compagnie.

[55] La question qui demeure est celle de savoir si la réception de gains bruts élevés est un facteur déterminant de la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal estime que ce n’est pas le cas. Le fait de se fonder sur les gains bruts ne tient pas compte de la vraie mesure de capacité. Afin d’évaluer la vraie mesure de capacité, il faut prendre en considération les gains nets de l’appelant conjointement avec la capacité mentale et physique de l’appelant à conserver un emploi véritablement rémunérateur.

[56] Dans la décision T.C. c. MRHDS (1er juin 2011) CP 26949 Commission d’appel des pensions (CAP), le requérant, alors qu’il recevait une pension d’invalidité, possédait et opérait un camp de chasse et pêche depuis quatre ans. Il n’a déclaré aucun revenu net, et ce malgré des gains bruts d’environ 80 000 $ par année. La CAP a conclu que l’échec à exploiter une entreprise rentable n’étayait pas l’existence d’une incapacité grave et prolongée de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur. La CAP a également conclu que la participation active du requérant aux activités de l’entreprise depuis quatre années démontrait qu’il avait conservé la capacité de travailler depuis le début de l’entreprise.

[57] Le Tribunal n’est pas lié par les décisions de la CAP, mais les mêmes principes sont utilisés aux fins d’orientation pour trancher les appels. Bien que l’affaire T.C. c. MRHDS et l’espèce comprennent des gains bruts élevés et des gains nets déclarés semblables, le Tribunal estime que les deux cas sont différents en raison des faits.

[58] Dans l’affaire T.C. c. MRHDS, le requérant travaillait de 15 à 20 heures par semaine, et plusieurs employés et entrepreneurs relevaient de lui. De plus, il existait un preuve selon laquelle le requérant occupait les fonctions de pompier volontaire au cours de la période d’invalidité visée en plus d’opérer un camp de chasse et pêche. Finalement, la preuve médicale démontrait que le requérant était reconnu comme étant en santé au cours d’une évaluation physique et qu’il pouvait lutter contre les incendies.

[59] En revanche, l’appelant en l’espèce était capable de travailler de 2 à 4 heures par semaine, il n’avait aucun employé et il n’a jamais eu un horaire régulier. De plus, en gardant à l’esprit que le fardeau de la preuve incombe à l’intimé, aucun élément de preuve ne donner à penser que l’appelant était capable de s’adonner à des passe-temps ou à des activités bénévoles comme le faisait le requérant dans l’affaire T.C. c. MRHDS. En outre, la preuve médicale selon laquelle l’appelant ne se portait pas bien et qu’il souffrait de douleurs quotidiennes au cas de 2006 jusqu’à juillet 2012 n’est pas contestée.

[60] Après avoir pris en considération la capacité fonctionnelle de l’appelant, le Tribunal est également convaincu que, entre avril 2006 et juin 2012, l’appelant est demeuré invalide au sens du RPC. Le Tribunal convient, comme il a été précisé dans le témoignage de l’appelant, que celui-ci n’a pas travaillé sur une base régulière. Il travaillait de deux à quatre jours par semaine pendant deux à quatre heures. Pendant cette période de travail, il prenait beaucoup de pauses et il avait besoin de se reposer. De plus, il était parfois incapable de travailler pendant des journées entières en raison de douleurs graves au cou. Le rythme auquel travaillait l’appelant ne donne pas à penser qu’il détenait une occupation véritablement rémunératrice. L’appelant faisait un nombre limité de livraisons par jour et il prenait des pauses allant jusqu’à 45 minutes entre deux livraisons. Lorsqu’il ne se sentait pas bien, il retournait à la maison et il se reposait.

[61] Finalement, le Tribunal convient que la preuve médicale au cours de cette période prouve que l’appelant est demeuré invalide au sens du RPC. Les trois rapports produits par les Drs Vipler, Panet et Parket ont mentionné que l’appelant recevait des traitements médicaux de manière continue pour ses symptômes permanents liés à son trouble au cou. Le Dr Parker a précisé que l’appelant a été traité à 123 reprises de 2010 à 2013. De plus, les notes au dossier du Dr Vipler font état d’un traitement continu pour le trouble de l’appelant au cou. Ces rapports confirment l’existence d’une douleur importante et de déficiences physiques, ce qui comprend le besoin de subir des traitements de professionnels de la santé alliés et des traitements d’urgence.

[62] Pour ces motifs, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas cessé d’être invalide au sens du RPC entre avril 2006 et juin 2012.

Juillet 2012 à février 2013

[63] Après avoir examiné cette période, le Tribunal convient que l’appelant a cessé d’être invalide au sens du RPC.

[64] Premièrement, dans ses déclarations de revenus pour l’année 2012, l’appelant a déclaré des gains nets de 13 926 $ relativement à son entreprise de nourriture pour animaux de compagnie. Ce montant représente une différence marquée par rapport aux années précédentes où l’appelant touchait des gains négligeables et des gains nets négatifs.

[65] Deuxièmement, selon le témoignage de l’appelant au cours de l’audience, en raison des séances de prolothérapies à partir de juillet 2012, il a été capable d’améliorer sa capacité fonctionnelle à un point tel qu’il était capable de travailler de deux à cinq heures par jours sans souffrir de douleurs et sans avoir besoin de prendre des pauses d’une durée importante. Encore une fois, cela laisse entendre que l’appelant a cessé d’être invalide. Le Tribunal souligne l’importance de la période de juillet 2012 et y accorde un poids important, car ce n’est qu’au début du traitement par prolothérapie que l’appelant a montré une amélioration de son état.

[66] Finalement, les avis médicaux des Drs Vipler et Panet en 2013 ont précisé que l’appelant était maintenant capable de travailler à temps partiel et sur une base limitée. Étant donné le fait que le Dr Vipler trait l’appelant de manière continue pendant l’ensemble de sa période d’invalidité, le Tribunal accorde un poids important à son avis.

[67] Pour ces motifs, le Tribunal estime que l’appelant a cessé d’être invalide en juillet 2012.

Conclusion

[68] Le Tribunal conclut que l’appelant a cessé d’être invalide en juillet 2012 lorsqu’il a retrouvé la capacité de travailler de deux à cinq heures sans subir de poussées actives de douleur. Il s’agit également de la période pendant laquelle l’appelant a commencé à recevoir un traitement par prolothérapie qui, selon la preuve de l’appelant, lui offre un soulagement et une capacité fonctionnelle accrue. Finalement, il s’agit également de l’année pendant laquelle l’appelant a obtenu des gains supérieurs à ceux des années précédentes grâce à l’entreprise.

[69] L’appel est accueilli en partie. L’appelant ne doit pas rembourser l’intimé pour la période d’avril 2006 à juin 2012. L’appelant est responsable du remboursement de l’intimé pour la période de juillet 2012 à février 2013.

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