Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Dans une décision rendue 2 juillet 2015, un membre de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») a rejeté l’appel de la demanderesse à l’encontre d’une décision en révision qui concluait qu’elle ne satisfaisait pas aux critères de paiement d’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada.

[3] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale en déposant une demande à cet effet (la « Demande »).

Moyens invoqués à l'appui de la demande

[4] L’avocat de la demanderesse a énuméré les moyens invoqués à l’appui de l’appel comme étant ceux prévus aux alinéas 58(1)a), b) et c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »). L’avocat a plaidé ce qui suit :

[Traduction]

  1. 1. Le tribunal de révision a fait erreur en ne prenant pas en considération la totalité de la preuve et des éléments portés à sa connaissance lorsqu’il a conclu que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité.
  2. 2. La division générale a erré dans son examen de la Demande, car de nombreux rapports médicaux indiquaient que la demanderesse était incapable de travailler en raison de ses problèmes de santé.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[6] La demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.Note de bas de page 1 Pour accorder cette permission, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 2 Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, ainsi que dans Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès à une cause défendable. Dans Canada (Procureur général) c. CarrollNote de bas de page 3, la Cour fédérale a émis l’opinion qu’« un demandeur présentera une cause défendable s’il […] soulève une question qui n’a pas été examinée [...] ou démontre que la décision […] est entachée d’une erreur. »

[7] Il n’y a que trois moyens sur lesquels un appelant peut porter une décision en appel. Ces moyens, stipulés à l’article 58 de la Loi sur le MEDS, sont un manquement à la justice naturelle, une erreur de droit ou une erreur de fait.Note de bas de page 4 Cependant, pour accorder une permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès. Cela signifie que la division d’appel doit d’abord déterminer, dans le cas où l’affaire appellerait la tenue d’une audience, qu’au moins l’un des moyens invoqués à l’appui de la Demande se rattache à un moyen d’appel admissible et que ce moyen confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[8] Pour les motifs exposés ci‑après, la division d’appel n’est pas convaincue que cet appel aurait une chance raisonnable de succès.

Analyse

[9] L’avocat de la demanderesse a affirmé que la division générale était saisie d’une foule de renseignements médicaux qui permettaient de conclure que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2010, ou avant. Ainsi, de l’avis de l’avocat, la décision de la division générale a reposé soit sur une erreur de droit soit sur une erreur de fait. Il a cité trois rapports médicaux qui, selon ses observations, établissent clairement que la demanderesse est invalide. Ces rapports étaient les suivants :

  1. 1. le rapport du médecin de famille de la demanderesse daté du 3 août 2011. L’avocat de la demanderesse a fait valoir que le Dr G. S. Grewal a fourni un pronostic « réservé » et a déclaré que la demanderesse était atteinte d’une incapacité totale et permanente de détenir une quelconque occupation véritablement rémunératrice. La division générale a fait mention de ce pronostic au paragraphe onze de sa décision. L’avocat a déclaré en outre que le Dr G. S. Grewal indique, tout au long de ses notes cliniques, que la demanderesse est nerveuse et anxieuse, ce qui établit l’existence d’un problème psychologique à l’approche de la date de fin de la PMA de la demanderesse;
  2. 2. le rapport du Dr Koponen daté du 3 avril 2012, dans lequel ce médecin indique que la demanderesse a des engourdissements aux mains et diagnostique la présence d’un syndrome bilatéral du canal carpien qui exige d’immobiliser les poignets au moyen d’attelles;
  3. 3. le rapport du Dr Dhaliwal, dans lequel ce médecin a diagnostiqué à la demanderesse un stress causé par de l’anxiété et des symptômes de dépression et déclare que la demanderesse est incapable de composer avec ses problèmes, de sorte qu’elle ne peut pas retourner au travail.

[10] L’avocat de la demanderesse a aussi plaidé que la demanderesse avait un score très faible sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement et que le Dr Dhaliwal continue d’affirmer cela dans son opinion au sujet de la capacité de la demanderesse de travailler et de retourner au travail.

[11] Cependant, les rapports sur lesquels s’appuie l’avocat de la demanderesse n’étaient pas les seuls rapports médicaux dont la division générale était saisie. Aux paragraphes onze à trente‑quatre de la décision, le membre de la division générale a fait état en détail des divers rapports médicaux, y compris les diagnostics qui ont été posés et les traitements suggérés ainsi que de tout commentaire sur les progrès de la demanderesse. Nonobstant le commentaire du médecin de famille de la demanderesse, le membre a conclu, après avoir soigneusement pris en considération la preuve médicale et le témoignage de l’appelante, qu’il n’était pas convaincu que l’invalidité de la demanderesse correspondait à la définition que donne le Régime de pensions du Canada (le « RPC ») d’une invalidité grave et prolongée dont elle aurait été atteinte à la fin de sa PMA ou avant.

[12] La division d’appel ne relève pas d’erreur dans cette conclusion. La PMA de la demanderesse a pris fin le 31 décembre 2010. Les rapports médicaux qui sont antérieurs à cette date n’étayent pas clairement la conclusion qu’il existait une invalidité grave. Le rapport médical établi par le médecin de famille était antérieur de sept mois à la date de fin de la PMA, et ses notes cliniques pour 2010 n’étayent pas clairement une telle conclusion.

[13] Quant à l’argument selon lequel la division générale soit aurait fait abstraction de rapports médicaux, soit aurait tiré de la preuve médicale des conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire, la division d’appel estime que ces allégations ne sont pas étayées par le dossier du Tribunal et la décision. Dans la décision, le membre de la division générale a abordé chacune des affections qui, selon les dires de la demanderesse, la rendaient invalide, comme il était tenu de le faire selon la jurisprudence. Il a notamment mentionné les maux suivants : anxiété et dépression; ménopause; hypothyroïdie; hypertension; douleurs thoraciques au côté gauche survenant à l’effort; douleurs bilatérales à l’épaule et douleurs au majeur et à l’annulaire de la main gauche; engourdissement et douleurs au dos, aux jambes et à tout le corps. Sauf pour les maux à l’épaule droite après le travail dont la demanderesse se plaignait le 16 février 2006, le membre de la division générale a jugé qu’on ne lui avait pas présenté d’éléments de preuve, de rapports médicaux ou de résultats d’analyse qui étaient contemporains de la fin de la PMA et qui auraient étayé une conclusion que la demanderesse souffrait de douleurs invalidantes au dos, aux jambes et dans tout le corps à la date de fin de sa PMA ou avant.

[14] De plus, le membre de la division générale n’a pas été convaincu que la preuve permettait de conclure que l’hypertension, les symptômes de ménopause et l’angine de la demanderesse la rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[15] Le membre de la division générale a tiré des conclusions de fait semblables au sujet des autres affections de la demanderesse. En particulier, eu égard à l’observation que la demanderesse souffrait depuis longtemps d’un problème de santé mentale, le membre de la division générale a conclu que les antécédents de traitement et la capacité d’occuper un emploi de la demanderesse, conjugués à la tardiveté du diagnostic, ne militaient certes pas en faveur d’une conclusion selon laquelle la demanderesse souffrait d’un grave problème de santé mentale à la fin de sa PMA ou avant. À ce sujet, le paragraphe 83 de la décision est éclairant.

[Traduction]
[83] Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appelante souffrait de troubles très invalidants d’anxiété et de dépression qui la rendaient, à la date de fin de sa PMA ou avant, régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Nonobstant les observations du Dr Grewal, qui, dans son rapport daté du 19 mars 2012, indiquent que l’appelante souffrait depuis longtemps d’anxiété et de dépression, en l’occurrence depuis août 1992, le Tribunal note qu’elle a été capable de travailler malgré ces affections jusqu’en septembre 2007 (voir le questionnaire de l’appelante).

[16] En outre, le membre de la division générale a formulé des commentaires sur les dates auxquelles la demanderesse a consulté un psychiatre, faisant les observations suivantes :

[Traduction]
[84] De façon significative, l’appelante n’a vu le Dr Dhaliwal, psychiatre, pour la première fois qu’en 2012. Bien que le Dr Dhaliwal ait déclaré que l’appelante présentait des douleurs depuis 10 ans, conjuguées à un état dépressif s’étant développé avec le temps, il n’a pas vu l’appelante à la date de fin de sa PMA ou vers cette date et n’était pas en mesure d’émettre une opinion contemporaine de la PMA au sujet de la nature invalidante du ou des troubles psychologiques de l’appelante.

[85] Le Tribunal a tenu compte de la liste de médicaments fournie par l’appelante. Il ne semble pas qu’on lui ait prescrit des médicaments pour l’anxiété et la dépression aux alentours de la date de fin de sa PMA. Lors de la consultation du 20 avril 2006 pour la thyroïde, le Dr Dharmalingam a déclaré qu’elle ne prenait pas de médicaments. Selon son rapport daté du 29 avril 2010, l’appelante prenait de la levothyroxine. Le Dr Qureshi, dans son rapport daté du 28 février 2011 (établi juste après la date de fin de la PMA), a déclaré que l’appelante prenait de l’aténolol, de l’Atacand, du synthroïde et de l’aspirine.

[86]  Le Tribunal a aussi tenu compte des notes cliniques du Dr Grewal et il n’est pas convaincu que ces notes corroborent l’existence de symptômes dépressifs ou anxiolytiques très invalidants qui, aux alentours de la date de fin de la PMA, rendaient l’appelante gravement invalide au sens du RPC. Bien qu’il ait noté qu’elle était anxieuse, dans une note clinique datant de 2006, et ait aussi déclaré qu’elle était nerveuse et anxieuse, dans une note datant du 20 janvier 2010, le Dr Grewal n’a pas signalé de symptômes permanents entre la date de ces notes et la date de fin de la PMA, ni de prescription continue de médicaments pour traiter ces affections.

[87] Selon la prépondérance des probabilités, compte tenu de l’absence d’un traitement actif, d’une médication et d’un renvoi et d’une consultation psychiatriques en date de la fin de la PMA ou avant, le Tribunal n’est pas convaincu que l’invalidité mentale de l’appelante était grave, au sens du RPC, à la date de fin de la PMA ou avant.

[17] La division d’appel ne constate aucune erreur dans les conclusions susmentionnées. Les paragraphes précités démontrent que la division générale a soigneusement tenu compte de l’ensemble de la preuve relative aux problèmes de santé mentale de la demanderesse.

[18] Qui plus est, le membre de la division générale a jugé qu’il y avait des raisons valables de douter de la crédibilité de la demanderesse. La division d’appel conclut que la division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard. De l’avis de la division d’appel, les faux-fuyants apparents de la demanderesse au sujet de sa capacité à communiquer en anglais et de conduire un véhicule pourraient raisonnablement porter à tirer la conclusion à laquelle la division générale en est arrivée, à savoir qu’il y avait des raisons valables de douter de la franchise et de la sincérité de la demanderesse en tant que témoin et, par là même, de la fiabilité de sa preuve. C’est d’autant plus vrai que cette preuve contredisait les déclarations qu’a faites l’un des médecins traitants de la demanderesse.

[Traduction]
[116]  Son témoignage selon lequel elle peut conduire un véhicule jusqu’à deux ou trois fois par semaine porte aussi à s’interroger sur la nature, le degré et la gravité de ses problèmes de concentration et de ses douleurs aux poignets et à l’épaule. Le Tribunal saisit bien les éléments de preuve de l’appelante selon lesquels ses déplacements en voiture sont peu fréquents et de courte durée et il lui faut se déplacer avec un passager dans la voiture, il note que l’appelante a la capacité de conduire, ce qui exige qu’elle soit capable de se servir de ses mains, ses poignets, ses bras et ses épaules et qui nécessite en outre de sa part une concentration directe, qu’un passager soit ou non présent dans le véhicule. Le Tribunal remarque par ailleurs que l’explication que l’appelante a fournie de son déplacement en voiture effectué il y a deux semaines pour rendre visite à un membre de sa famille ne cadre pas avec le contenu du rapport du Dr Dhaliwal daté du 14 février 2015, dans lequel il est dit que l’appelante évite de sortir en raison de son anxiété et de son incapacité à socialiser.

[19] Une dernière chose, et non la moindre, le membre de la division générale a jugé que les tentatives passées de la demanderesse de se trouver un autre emploi n’excluaient pas la possibilité qu’elle puisse se recycler ou se mettre en quête d’un autre emploi. Le membre a conclu que le déploiement de ces efforts avait aussi nécessité des démarches répétées. Cette réalité, en soi, ne dénote pas que la demanderesse ne pouvait pas accomplir d’autres types de travail.

[20] L’avocat de la demanderesse a cité les facteurs établis dans Villani c. Canada (PG), 2001 CAF 248, en indiquant que la division générale avait le devoir de les appliquer. Ce sont là des banalités en droit. Toutefois, l’avocat de la demanderesse a poursuivi en plaidant que l’âge de la demanderesse, son niveau d’instruction, sa difficulté à s’exprimer en anglais, ses antécédents de travail et son expérience de la vie justifiaient que l’on conclue qu’elle était invalide au sens du RPC.

[21] Le membre de la division générale s’est penché sur la capacité de la demanderesse de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice ou de suivre une formation de recyclage sous l’angle des facteurs personnels de la demanderesse, lesquels comprenaient [traduction] « son âge à la date de fin de sa PMA (54 ans), son niveau d’instruction (équivalent de 10e année en Inde) et sa connaissance d’un peu d’anglais. » Toutefois, il a conclu, à la lumière de la preuve dont il était saisi, à savoir que la demanderesse avait occupé un autre emploi et avait étudié l’anglais à l’école, qu’il n’était pas convaincu que cela empêchait la demanderesse de se chercher [traduction] « un emploi aux tâches plus légères adapté à ses limitations physiques ».

Conclusion

[22] Le critère applicable à l’octroi d’une permission d’en appeler est la « chance raisonnable de succès ». La division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès. La demanderesse a soutenu que la division générale avait commis les erreurs ou manquements se rattachant aux trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division d’appel estime que la demanderesse ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait de convaincre la division d’appel que, selon la prépondérance des probabilités, l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles pouvait être invoqué. Sur le fondement de l’analyse qui précède, la division d’appel n’est pas convaincue qu’il y ait pu y avoir un manquement à la justice naturelle ou que la division générale ait entaché sa décision d’une erreur de droit ou ait fondé sa décision sur une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance

[23] La Demande est rejetée.

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