Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] L’appelante porte en appel une décision de la division générale datée du 15 juillet 2015, dans laquelle celle-ci rejetait de façon sommaire son appel en vue d’obtenir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, en raison du fait qu’elle ne considérait pas que son invalidité était prolongée au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2014, aux fins du Régime de pensions du Canada. La division générale a rejeté de façon sommaire l’appel, étant donné qu’elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L’appelante a déposé un appel le 22 juillet 2015 (l’avis d’appel). Il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable au moment d’examiner des décisions de la division générale?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur en choisissant de rejeter de façon sommaire la demande de prestations de l’appelante?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que l’invalidité de l’appelante n’est pas prolongée selon la définition du Régime de pensions du Canada?

Aperçu des faits

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en avril 2013. L’intimé a refusé la demande initialement et après un réexamen, dans ce dernier cas le 7 janvier 2014 (GD1A-3 à GD1A-5).

[5] Dans sa lettre de refus du 7 janvier 2014, l’intimé a fait savoir à l’appelante qu’il ne considérait pas qu’elle était atteinte d’une invalidité qui soit à la fois grave et prolongée, selon la définition du Régime de pensions du Canada. L’un des facteurs dont il avait tenu compte était le fait que, selon les rapports médicaux et une lettre reçue en décembre 2013, elle était atteinte d’un lymphome et attendait toujours des nouvelles de la BC Cancer Agency. L’intimé concluait qu’il était trop tôt à ce moment pour déterminer si sa condition médicale continuerait de l’empêcher de faire toute forme de travail dans le futur, puisqu’elle attendait toujours une évaluation et des options de traitement de l’organisme de lutte contre le cancer. L’intimé avait aussi déterminé que l’ensemble du plan de traitement de l’appelante et son pronostic dépendraient des résultats d’examens additionnels.

[6] L’appelante a porté la décision de réexamen en appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Par erreur, elle a envoyé l’avis d’appel à l’intimé aux environs de février 2014 mais, en découvrant son erreur, elle a promptement réacheminé l’avis au Tribunal de la sécurité sociale. L’avis d’appel était alors en retard. Comme l’appelante a fourni une explication raisonnable pour ce retard et a démontré une intention constante de poursuivre l’appel, et puisque l’intimé ne subirait aucun préjudice, le 28 mai 2015, la division générale a accordé une prorogation du délai pour déposer l’avis d’appel.

[7] Le 10 juin 2015, la division générale a avisé l’appelante par écrit qu’elle envisageait de rejeter l’appel de façon sommaire pour les raisons suivantes :

[Traduction]
L’appelante présente un cas récurrent de thrombose veineuse profonde secondaire à un lymphome. Cependant, dans une lettre datée du 31 juillet 2013, le médecin traitant de la travailleuse, le Dr Podavin, indique qu’il s’attend à ce que ce ne soit pas une invalidité permanente mais plutôt que l’appelante serait aux prises avec cette condition pendant 6 à 9 mois.

Pour qu’un appelant soit considéré invalide au sens du RPC, sa condition médicale doit être à la fois grave et prolongée. La définition de « prolongée » est que l’invalidité doit être d’une durée indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Dans le cas de l’appelante, son médecin était d’avis que la condition se règlerait probablement en 6 à 9 mois. À ce titre, cela ne serait pas considéré comme prolongé au sens du RPC. Le Tribunal ne considère donc pas qu’il s’agit d’une cause défendable.

[8] La division générale a invité l’appelante à fournir par écrit des observations détaillées au plus tard le 9 juillet 2015 si elle était d’avis que l’appel ne devait pas être rejeté de façon sommaire, en expliquant pourquoi son appel avait une chance raisonnable de succès. L’appelante n’a pas fourni d’observations en réponse à la lettre du 10 juin 2015 de la division générale.

[9] Le 15 juillet 2015, la division générale a rendu sa décision. La division générale a fondé sa décision sur les dispositions suivantes :

  1. Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.
  2. L’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le Règlement) dispose qu’avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit aviser l’appelant par écrit et lui donner un délai raisonnable pour présenter des observations.
  3. L’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, qui définit l’invalidité. On peut lire dans l’alinéa qu’une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application de l’alinéa :
    1. a) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,
    2. b) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

[10] La division générale a constaté  que le médecin traitant de l’appelante avait fourni un avis médical en juillet 2013 selon lequel le cas récurrent de thrombose veineuse profonde liée à un lymphome de l’appelante n’était pas permanent mais risquait de persister pendant les six à neuf prochains mois. La division générale concluait donc que l’invalidité de l’appelante ne pouvait être considérée comme prolongée au sens du Régime de pensions du Canada et que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[11] Le 22 juillet 2015, l’appelante a déposé un appel à l’encontre de la décision de rejet sommaire rendue par la division générale. L’appelante a déposé des observations additionnelles le 14 août 2015 et le 1er octobre 2015, ainsi que certains dossiers médicaux, y compris une lettre de son physiothérapeute.

[12] L’avocat de l’intimé a déposé des observations écrites le 29 septembre 2015.

Observations

[13] Dans l’avis d’appel déposé le 22 juillet 2015, l’appelante faisait valoir qu’elle avait mentionné qu’elle pourrait fournir des renseignements additionnels, mais qu’elle ne l’avait pas fait, car personne ne lui avait demandé de le faire. Elle indique qu’elle a maintenant vu un nouveau médecin et a obtenu des rapports qui manquaient peut-être auparavant concernant le diagnostic original d’octobre 2011. Elle dit qu’elle attendait pour les envoyer d’avoir vu son oncologue en août 2015. Elle indique qu’elle essayerait d’obtenir davantage de rapports de son physiothérapeute. L’appelante affirme qu’elle a des thromboses veineuses profondes depuis octobre 2011 et a maintenant des lymphoedèmes, et elle fait valoir que la division générale avait clairement eu tort de conclure que la thrombose veineuse profonde guérirait en six à neuf mois à compter de juillet 2013.

[14] L’appelante a déposé les documents suivants à l’appui de son appel :

  1. (a) rapport de consultation daté du 30 mai 2013 par le Dr Michael Delorme, hématologue clinicien (AD1A-10 à AD1A-11);
  2. (b) rapport de consultation daté du 13 novembre 2013 par le Dr Jeremy Harris (AD1A-19);
  3. (c) examens échographiques datés du 19 octobre 2011, 26 avril 2012, 7 février, 9 août et 28 octobre 2013 (AD1A-12 à AD1A-AD1A-18 et AD1A-20 à AD1A-21); et,
  4. (d) dossiers cliniques de Sun City Physiotherapy (AD1A-21 à AD1A-27) et opinion du physiothérapeute datée du 22 septembre 2015 (AD3).

[15] L’avocat de l’intimé fait valoir que la division générale a énoncé correctement le critère permettant de savoir quand elle doit rejeter de façon sommaire un appel. L’avocat affirme en outre que, comme la preuve dont était saisie la division générale le démontrait, la thrombose veineuse profonde de l’appelante n’était pas permanente mais que l’appelante serait aux prises avec cette condition au cours des six à neuf mois suivants, et que cette condition médicale ne correspondait pas à la définition d’une invalidité prolongée à l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, la division générale n’avait d’autre choix que de rejeter de façon sommaire l’appel puisqu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. L’avocat affirme que la décision de la division générale ne contient aucune erreur susceptible de révision qui permette l’intervention de la division d’appel et qu’elle est raisonnable. L’avocat fait valoir que la division générale a correctement énoncé le droit et l’a raisonnablement appliqué aux faits.

Question 1 : Norme de contrôle

[16] L’appelante n’a pas abordé la question de la norme de contrôle.

[17] L’avocat de l’intimé fait valoir que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit. L’intimé affirme que pour les questions de droit, la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence pour la décision de la division générale et devrait appliquer la norme de la décision correcte.

[18] L’avocat affirme que la division d’appel ne devrait montrer aucune déférence à l’égard de l’énoncé de la division générale concernant le critère du rejet sommaire et de son exposé du droit par rapport à l’application de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada.

[19] L’intimé fait cependant valoir que la principale question dans le présent appel – à savoir si la décision de rejeter de façon sommaire l’appel parce qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès – comporte une question mixte de fait et de droit, et qu’à ce titre, la division d’appel devrait examiner la décision de la division générale selon la norme de la décision raisonnable.

[20] Je souscris en grande partie à ces observations. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il existe seulement deux normes de contrôle en common law au Canada : la décision raisonnable et la décision correcte. Les questions de droit sont en général tranchées selon la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont tranchées selon la norme de la décision raisonnable. La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle peut substituer sa propre conclusion et rendre la décision qui s’impose.

[21] La Cour suprême du Canada énonce l’approche du caractère raisonnable dans Dunsmuir, au paragraphe 47 :

Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[22] La norme de contrôle applicable dépendra de la nature des erreurs alléguées en cause.

[23] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[24] L’appelante conteste les conclusions de fait tirées par la division générale, puisque sa condition médicale dure depuis les quatre dernières années, et certainement plus que les six à neuf mois qui étaient prévus pour que sa thrombose veineuse profonde se résorbe. Elle fait valoir qu’elle continue d’être invalide à cause d’un lymphoedème. Elle affirme qu’elle avait fait des observations dans le passé, mais ne s’était pas procuré la documentation justificative puisque personne ne lui en avait fait la demande. Elle se fonde sur divers dossiers médicaux, qui n’avaient pas été soumis à la division générale, pour appuyer ses observations. Elle allègue que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans le cas d’une conclusion de fait erronée, la norme de la décision raisonnable s’applique.

[25] Toutefois, avant que je puisse déterminer si la division générale aurait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois établir si la division générale était fondée à rejeter de façon sommaire l’appel au point de départ. Cela appelle un examen selon la norme de la décision correcte, puisqu’il s’agit d’une question de droit.

Question 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur en choisissant de rejeter sommairement l’appel de l’appelante?

[26] Même si l’appelante ne semble pas mettre en doute la pertinence de la procédure de rejet sommaire, j’aborderai cette question avant d’évaluer la décision de la division générale.

[27] L’intimé soutient que la première tâche de la division générale consistait à cerner le droit applicable en ce qui a trait aux rejets sommaires à l’article 53 de la Loi, ce qu’elle a fait au paragraphe 3 de sa décision. L’intimé fait valoir que la division générale n’a pas commis d’erreur à ce chapitre, puisqu’elle a correctement expliqué qu’en application de l’article 53 de la Loi, elle rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[28] L’avocat de l’intimé affirme que la tâche suivante de la division générale consistait à appliquer l’article pertinent du Régime de pensions du Canada aux faits de l’affaire de l’appelante et à déterminer si l’appel de l’appelante avait une chance raisonnable de succès. L’avocat fait valoir que la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel ne contient pas d’erreur susceptible de révision qui permette à la division d’appel d’intervenir. L’intimé soutient que la décision est raisonnable.

[29] L’avocat fait observer que la division générale n’a pas commis d’erreur dans son application du droit aux faits. En examinant la preuve médicale dont elle était saisie, la division générale a déterminé que la condition médicale de l’appelante était temporaire et ne devait durer que six à neuf mois. L’avocat affirme qu’il était raisonnable pour la division générale de conclure que l’appelante ne répondait pas au critère de la durée prolongée qu’il faut remplir pour toucher une pension d’invalidité. L’avocat soutient que, comme l’appelante ne satisfaisait pas aux critères pour toucher une pension d’invalidité, la division générale était fondée à conclure que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès et qu’elle a donc rendu la décision correcte en rejetant de façon sommaire l’appel.

[30] Le paragraphe 53(1) de la Loi porte que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale avait soit omis d’identifier le critère, soit énoncé incorrectement le critère, cela constituerait une erreur de droit qui, selon la norme de la décision correcte, exigerait de moi que je procède à ma propre analyse et substitue ma propre conclusion pour rendre la décision qui s’impose : Dunsmuir et Housen c. Nikolaisen, [2002] R.C.S. 235, 2002 CSC 33 (CanLII) au par. 8.

[31] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le critère en citant le paragraphe 53(1) de la Loi au paragraphe 3 de sa décision.

[32] Il ne suffit pas d’énoncer le critère relatif au rejet sommaire tel qu’il figure au paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social; il faut aussi l’appliquer correctement. Après avoir correctement identifié le critère, la deuxième étape consiste pour la division générale à appliquer le droit aux faits. Si le droit correct est appliqué, la décision de rejeter de façon sommaire l’appel doit être raisonnable. Cela exige un examen selon la norme de raisonnabilité, puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit.

[33] J’ai déjà examiné la jurisprudence touchant la pertinence de la procédure de rejet sommaire énoncée dans les règles de procédure respectives des ressorts fédéral et provinciaux, et au moment de déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès (voir A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social et P.P., 2015 TSSDA 973). Dans ces contextes, les tribunaux ont utilisé les expressions « question litigieuse » et « manifestement clair » (ce qui semble s’apparenter à « manifeste et évident »), et ils ont déterminé si la demande était fondée. De là, j’ai tiré la distinction entre une affaire « sans aucun espoir » et une affaire « faible »; une affaire faible ne conviendrait pas à un rejet sommaire, car il faut nécessairement évaluer le bien-fondé de l’affaire, examiner la preuve et l’apprécier. Tant qu’il y a un fondement factuel adéquat pour appuyer l’appel et que l’issue n’est pas « manifestement claire », alors il ne s’agit pas d’un dossier permettant un rejet sommaire. Je suis arrivée à la conclusion que, essentiellement, l’expression « aucune chance raisonnable de succès » avait été plus ou moins interprétée comme « pas de chance de succès du tout ».

[34] Il aurait été sage que l’appelante réponde à la lettre datée du 10 juin 2015 du Tribunal de la sécurité sociale l’avisant que la division générale avait l’intention de procéder au rejet sommaire de l’affaire. La division générale a conclu que, comme l’appelante ne s’était pas prévalue de la possibilité de réfuter l’opinion de juillet 2013 de son médecin selon laquelle sa thrombose veineuse profonde allait probablement se résorber d’ici six à neuf mois, sa condition ne pouvait être considérée comme prolongée au sens du Régime de pensions du Canada.

[35] La division générale s’est demandé si, selon les faits dont elle était saisie, l’appel franchissait le seuil élevé énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi. La division générale n’a pas été en mesure de trouver un fondement adéquat ou factuel pour appuyer l’appel. Cependant, il semble que la division générale a négligé de tenir compte des observations de l’appelante, telles qu’énoncées dans l’avis d’appel déposé auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 23 avril 2014. L’appelante indiquait qu’elle ressentait des [traduction] « douleurs atroces » depuis trois ans et qu’elle continuait de faire face à un certain nombre de limitations. Elle écrivait : [traduction] « trois ans de ce régime devraient être considérés comme du long terme. Je suis d’avis que trois ans est une durée prolongée. » Si ces observations ou affirmations avaient été prises en considération, la position de l’appelante voulant que son invalidité se poursuivait et ne s’était pas réglée dans le délai de six à neuf mois serait devenue évidente. Autrement dit, il aurait dû être clair que la preuve demeurait très litigieuse.

[36] L’avocat de l’intimé soutient qu’il était raisonnable pour la division générale de conclure, selon la preuve dont elle était saisie, que la condition médicale de l’appelante était temporaire plutôt que prolongée. Si l’appelante avait accepté l’opinion du médecin traitant selon laquelle son invalidité se réglerait d’ici six à neuf mois, et si cela s’était avéré dans les faits, alors la division générale aurait pu être en position de rejeter l’appel de façon sommaire. En dépit des affirmations de l’appelante contenues dans l’avis d’appel indiquant qu’elle continuait d’avoir des symptômes, la division générale a procédé à l’évaluation de la preuve et a finalement rejeté ces déclarations de l’appelante. Le fait d’avoir à réaliser un pareil exercice – évaluer la preuve (sous forme des affirmations faites dans son avis d’appel) et tirer des conclusions de fait – rendait cet appel impropre à un rejet sommaire. Le fait que la décision de la division générale était raisonnablement fondée ou non sur la preuve dont elle disposait n’est pas pertinent. Le fait qu’il y ait des questions litigieuses, et en l’espèce il y en avait, signifiait que cette affaire ne pouvait faire l’objet d’un rejet sommaire.

[37] L’appelante a déposé des dossiers médicaux supplémentaires à l’appui de son appel. Elle se fonde sur ces documents pour prouver la nature prolongée de son invalidité, mais si ces dossiers ne doivent servir qu’à cette fin, j’aurais tendance à les rendre inadmissibles, car les dossiers devraient porter sur l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi.

[38] Ordinairement, je ne tiendrais pas compte de nouveaux éléments de preuve en appel s’ils ne portent pas spécifiquement sur un des moyens d’appel du paragraphe 58(1) de la Loi, mais dans la présente affaire, je conclus qu’ils sont admissibles à la seule fin de démontrer que la division générale a commis une erreur en rejetant de façon sommaire l’appel sans tenir compte du fait que la preuve demeurait en litige. (Je ne suis pas en train de suggérer que les dossiers déposés en août et octobre 2015 prouvent la nature prolongée de l’invalidité de l’appelante; en réalité, je souligne que le gros des dossiers est antérieur à l’opinion émise le 31 juillet 2013 par le médecin traitant de l’appelante selon lequel son invalidité se réglerait dans les six à neuf mois. Je ne vois pas comment ces dossiers plus anciens aideraient l’appelante à prouver la nature prolongée de son invalidité, mais l’appelante peut bien entendu aborder ces questions.)

[39] En définitive, si cette affaire est instruite, il se peut que l’appelante ait peu, ou n’ait rien du tout, à offrir en termes d’observations ou de preuve sur la question de savoir si elle pourrait être jugée invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2014, dans un appel devant la division générale. En pareilles circonstances, le rejet sommaire semblerait la voie appropriée. Par contre, il se peut fort bien que l’appelante ait une preuve médicale ou donne un témoignage permettant d’établir qu’elle était invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité et a été invalide de manière continue depuis lors.

[40] Si je devais rejeter maintenant le présent appel, je priverais l’appelante d’un examen complet du bien-fondé de sa demande, et de l’occasion de répondre à la question de savoir si son invalidité peut être considérée comme grave et prolongée aux fins du Régime de pensions du Canada.

Question 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que l’invalidité de l’appelante n’est pas prolongée selon la définition du Régime de pensions du Canada?

[41] L’appelante suggère que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, mais je ne peux présumer que la division générale serait arrivée à la conclusion que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée s’il y avait eu une audience en bonne et due forme, compte tenu du fait qu’elle n’a pas entendu l’ensemble de la preuve. Je refuse de conclure que l’appelante pouvait ou ne pouvait pas être considérée comme invalide au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin ou avant cette date, puisque j’usurperais le rôle de la division générale en tant que juge des faits.

[42] Le fait d’avoir déterminé que l’affaire n’aurait pas dû être rejetée de façon sommaire rend caduque la question de la nature prolongée de l’invalidité de l’appelante. Même si, finalement, la division générale pourrait être arrivée ou non à la même décision, il serait prématuré, voire déplacé, de considérer la question de la nature prolongée de l’invalidité de l’appelante sans examiner pleinement le bien-fondé de l’affaire.

Conclusion

[43] Pour les raisons précitées, l’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen complet de la question de savoir si l’appelante peut être jugée invalide aux fins du Régime de pensions du Canada au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin, et de façon continue depuis lors.

[44] Le Tribunal accorde à l’appelante la permission de déposer d’autres éléments de preuve médicale ou d’autres dossiers touchant son invalidité, ainsi que des observations à jour, sous réserve des directives ou ordonnances de la division générale.

[45] Afin d’éviter des craintes éventuelles de parti pris, l’affaire devrait être assignée à un membre différent de la division générale et la décision de la division générale devrait être retirée du dossier.

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