Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

V. A. : appelante

Domenic Romero : représentant de l’appelante

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité présentée par l’appelante au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) a été estampillée par l’intimé le 12 février 2013. L’intimé a rejeté sa demande au départ et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 2 décembre 2013.

[2] L’audience de cet appel a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. cette façon de procéder tient compte des mesures d’adaptation nécessaires aux parties ou participants;
  2. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, une personne est réputée invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] Le Tribunal conclut que la date à laquelle a pris fin la PMA est le 31 décembre 2012.

[7] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date à laquelle sa PMA a pris fin ou avant cette date.

Contexte

[8] L’appelante était âgée de 45 ans le 31 décembre 2012, date où a pris fin sa PMA; elle est maintenant âgée de 48 ans. L’appelante est née au Sri Lanka, où elle a obtenu un diplôme d’études secondaires de même qu’un diplôme d’études collégiales en aménagement paysager. Elle a immigré au Canada en 2003 et a terminé une formation d’un an de travailleuse des services alimentaires au Collège Centennial. Au Sri Lanka, elle exploitait une quincaillerie de même qu’une entreprise de services de transport qui livrait du blé et des fleurs à différents magasins gouvernementaux. Elle avait commencé à travailler comme chef pâtissière chez Highland Farms en juin 2004. Avant cet emploi chez Highland Farms, elle avait occupé différents postes d’ouvrière à court terme.

[9] L’appelante a commencé à suivre des cours à un centre d’apprentissage pour adultes pour obtenir un équivalent du cours secondaire; néanmoins, elle n’a pas terminé cette formation puisqu’elle a été impliquée et blessée dans un accident de la route, le 18 août 2010. L’appelante n’a pas travaillé depuis l’accident en question.

Documents relatifs à la demande

[10] Dans son questionnaire de pension d’invalidité du RPC signé le 24 février 2013, l’appelante a indiqué avoir terminé des études secondaires et travaillé pour la dernière fois du 7 juin 2004 au 17 août 2010 comme chef pâtissière chez Highland Farms; elle a noté avoir cessé de travailler en raison d’un accident de la route. Elle a prétendu être devenue invalide le 18 août 2010. L’appelante a indiqué ce qui suit pour décrire les affections ou les déficiences qui l’empêchaient de travailler : [traduction] « Il m’est très difficile de demeurer debout ou assise pendant [une] longue période. J’ai mal au cou et aux épaules. » Elle a ajouté ce qui suit pour décrire comment ces affections ou ces déficiences l’empêchaient de travailler : [traduction] « Je dois être debout pour mon quart de travail. J’ai très mal lorsque je bouge le cou [et] je ne peux pas glacer les gâteaux ou les décorer avec une douille. Je ne peux pas soulever de boîtes, m’étirer pour agripper des ingrédients rangés en hauteur ou remplir les étagères. Pousser ou tirer des supports [sic]. » L’appelante a également indiqué souffrir de dépression.

[11] Voici comment l’appelante a décrit ses limitations physiques, en partie : demeurer assis ou debout (20 minutes), marcher (35 minutes), soulever et déplacer des charges, s’étirer (avec la main gauche), se pencher, effectuer l’entretien ménager (incapable seule, doit recourir à l’aide de son époux et de sa fille), et conduire (courtes distances nécessaires). Elle a également déclaré souffrir de troubles du sommeil et avoir [traduction] « certains problèmes » de mémoire ainsi qu’une [traduction] « certaine difficulté » à se concentrer.

[12] Sa demande de pension du RPC était accompagnée d’un rapport produit en date du 15 mars 2013 par son médecin de famille, le docteur Bawangoanwala. Le rapport diagnostiquait une masse / un angiolipome au sein droit; un nodule thyroïdien; une tendinopathie du supraépineux modérément sévère à l’épaule droite; une légère arthrose acromio-claviculaire; une déchirure latérale anormale totale du complexe biceps-bourrelet; une grave tendinose du tendon bicipital; une douleur à l’articulation de la cheville – épine calcanéenne; un trouble anxieux et une dépression; de l’arthrose aux deux genoux; un syndrome du canal carpien bilatéral; et une légère discopathie dégénérative de la colonne lombaire.

[13] Le pronostic pour l’épaule de l’appelante était satisfaisant. Le docteur Bawangoanwala était d’avis que l’appelante souffrait de certains problèmes psychologiques qui créaient chez elle beaucoup d’anxiété et de dépression, et qu’elle n’avait pas essayé différentes options de traitement parce qu’elle avait de la difficulté à accepter le diagnostic.

[14] C’est la seconde fois que l’appelante présente une demande de pension d’invalidité du RPC. Sa première demande avait été estampillée par l’intimé le 9 mars 2012, et rejetée le 11 juillet 2012. L’intimé a ensuite refusé la demande de révision de l’appelante le 29 janvier 2013 puisque celle-ci avait été présentée au-delà du délai de 90 jours pour faire appel.

[15] La première demande était accompagnée d’un rapport du docteur Bawangoanwala, daté du 29 décembre 2011. Ce rapport faisait état d’un diagnostic de douleur à la hanche droite, de douleur – tendinose, d’une douleur au cou et au haut du dos, de dépression et d’anxiété (stress psychosocial). Le pronostic était satisfaisant. Il était conclu dans le rapport que l’appelante manquait de motivation à s’améliorer, a une personnalité très angoissée, est convaincue qu’elle est invalide à vie, et ne prenait pas ses antidépresseurs comme prescrits.

Preuve testimoniale

[16] L’appelante a témoigné qu’elle avait essayé de continuer à perfectionner ses compétences mais qu’elle avait arrêté de suivre des cours en 2012. Elle a affirmé avoir arrêté de suivre les cours en raison de la douleur généralisée constante (dos, cou, bras, mains et jambes), ainsi que de ses problèmes auditifs. Elle avait essayé de suivre un cours en 2015 mais avait dû arrêter après une journée en raison de la douleur. L’appelante a décrit les problèmes de santé dont elle était atteinte avant son accident de la route et a affirmé qu’elle n’avait pas travaillé pendant environ deux semaines en 2008 en raison d’une blessure au doigt, et de nouveau pour un mois ou deux en 2010 (avant l’accident) en raison d’une enflure aux jambes. Elle avait aussi de problèmes de canal carpien de même qu’une épine calcanéenne.

[17] Elle a affirmé qu’elle était surtout ennuyée à l’heure actuelle par la douleur constante due à l’accident de la route qui l’accablait. Elle a indiqué avoir mal aux endroits suivants : des deux épaules jusqu’au bout des doigts; cou; oreilles et tête; front engourdi; deux clavicules; sous les deux bras; hanches; jambes, davantage celle de gauche. Elle a affirmé que ses problèmes aux épaules, au cou, à l’oreille gauche et aux deux mains étaient ceux qui l’affectaient le plus – elle ressentait de la douleur à tous ces endroits en 2012 et la douleur s’était aggravée depuis. Elle se réveillait parfois à cause de la douleur. Interrogée sur son humeur, elle a affirmé être [traduction] « malheureuse » et qu’elle se [traduction] « sentait triste » en raison de la douleur.

[18] Quand on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas suivi le traitement recommandé par le docteur Bawangoanwala pour ses ennuis psychologiques (voir les paragraphes 12 et 15, supra), elle a affirmé ne pas être suicidaire et que c’était la douleur qui était son véritable problème. Elle essaie elle-même de prendre en charge sa douleur en ayant recours à des techniques comme la méditation. Elle a soutenu que les problèmes rapportés par le docteur Bawangoanwala relativement à sa thyroïde et à son sein n’affectaient pas sa capacité à travailler.

[19] Elle possède des compétences en informatique pour le travail de bureau mais est incapable de travailler à l’ordinateur pendant longtemps parce qu’elle a mal. Quand elle avait suivi un cours d’anglais gratuit à la maison après son accident de la route, elle était seulement capable d’étudier par tranches de 30 minutes (une ou deux fois par jour) à cause de la douleur, et les jours où elle n’allait pas bien, elle n’étudiait pas du tout. Elle a suivi pendant 10 semaines un programme multidisciplinaire antidouleur et a participé à au moins 18 séances de psychothérapie; aucune de ces démarches ne l’a aidée. Elle a également consulté auprès d’une clinique antidouleur, où elle a reçu [traduction] « beaucoup d’aiguilles ». Elle a un nouveau médecin de famille qui lui prescrit du naproxène et de la gabapentine. Toutes les réclamations relatives à l’accident de la route ont été réglées en 2015 et elle n’a plus de demande d’indemnisation en cours auprès de la CSPAAT. Elle ne reçoit aucune prestation. Elle peut uniquement conduire sur de courtes distances. Pendant une journée habituelle, elle fait [traduction] « de petites choses », mais doit s’arrêter fréquemment en raison de la douleur. Elle fait un peu d’exercice et va se promener à pied. Sa fille l’aide avec les tâches ménagères parce qu’elle (l’appelante) est incapable de soulever des choses.

[20] Elle n’a pas essayé de reprendre un emploi depuis son accident de la route (à l’exception d’une seule journée où elle a tenté d’aider une personne qui arrangeait des fleurs). Interrogée sur les raisons la rendant incapable de travailler depuis décembre 2012, elle a affirmé que la douleur l’empêchait de travailler – elle a énormément mal après avoir fait quelque chose. Elle a besoin d’aide pour prendre soin d’elle-même et ne peut même pas s’habiller seule ou brosser ses cheveux. Elle prend beaucoup d’analgésiques et a consulté pour la maîtrise de la douleur, mais cela ne l’a pas aidée.

Preuve médicale

[21] Le Tribunal a examiné attentivement l’ensemble des éléments de preuve médicale contenus au dossier d’audience. Les extraits qui suivent en sont ceux jugés les plus pertinents par le Tribunal.

[22] Quatre rapports ont été produits par le docteur Gozlan, psychologue, entre le 22 mars 2011 et le 13 avril 2012. Dans son rapport du 22 mars 2011, le docteur Gozlan a noté que l’appelante présentait une anxiété sévère, une dépression grave et une grave détresse post-accident. Il a également noté qu’elle continuait de ressentir une importante douleur physique en dépit des interventions de réadaptation. Le docteur Gozlan a diagnostiqué un trouble dépressif majeur, un trouble anxieux généralisé, et un trouble de la douleur chronique. Il lui a donné une note de 65 à l’Évaluation globale du fonctionnement (EGF). Il a recommandé 12 séances de psychothérapie.

[23] Le 9 mai 2011, le docteur Silverman, psychologue, a fait rapport de son évaluation de l’appelante, menée pour TD Assurance. Le docteur Silverman a rapporté que l’appelante avait été bien orientée dans les trois sphères; qu’aucun problème n’était manifeste et n’avait été détecté relativement à l’attention, à la concentration, au jugement, à la mémoire ou au contrôle mental, même si elle se plaignait souvent de déficits; qu’elle déviait souvent, mais pouvait facilement être ramenée à l’ordre; et qu’elle racontait ses histoires de façon plutôt vague et décousue. Il a également indiqué qu’elle ne montrait aucun signe ou symptôme de trouble psychiatrique grave, ni d’hallucinations, de délire, d’idées de référence, d’obsessions ou de compulsions, ou d’idées suicidaires. Le docteur Silverman a conclu que l’autodéclaration de l’appelante n’était pas tout à fait appuyée par des constats psychométriques objectifs, ce qui laisse croire à une exagération de ses symptômes et à des efforts moins qu’optimaux, n’invalidant pas ce dont elle se plaignait sur le plan psychologique. Voici ce qui était ensuite indiqué dans le rapport :

[traduction]

Cela dit, les autres composantes de l’évaluation, comme les résultats à l’entrevue clinique, des observations du comportement et un examen de la documentation, donnent à croire que madame V. A. a éprouvé des difficultés d’adaptation consécutives à la douleur engendrée par son accident, des limitations fonctionnelles, des problèmes de santé et une perturbation de la routine qu’elle avait avant son accident, ce qui comprend son congé prolongé. Son état psychologique semble également avoir été affecté par des agents stressants situationnels qui, en grande partie, n’ont rien à voir avec l’accident, notamment un conflit perpétuel et une tension accrue dans sa relation avec son fils de 16 ans.

[24] Compte tenu de la preuve psychométrique d’une exagération de ses symptômes et d’efforts réduits, le docteur Silverman a provisoirement conclu que l’appelante satisfaisait aux critères diagnostiques d’un trouble d’adaptation accompagné d’anxiété et d’une humeur dépressive.

[25] Dans un rapport daté du 10 mai 2011 et destiné à TD Assurance, le docteur Silverman a noté que les problèmes dont l’appelante se plaignait alors, soit une douleur au dos, au cou et aux deux épaules qui irradiait dans ses bras, ainsi que des maux de tête. Il a noté qu’elle disait souffrir, sur le plan psychologique, de difficultés d’adaptation, de difficultés cognitives, et de perturbation de l’humeur. Bien que l’appelante ait nié avoir des idées suicidaires, elle a insisté sur le fait qu’elle [traduction] « en avait assez de sa vie » et qu’elle avait un jour voulu [traduction] « mettre sa tête au frigo ». Le docteur Silverman était d’avis, d’un point de vue psychologique, que l’appelante n’était pas présentement considérée comme significativement incapable d’effectuer les tâches essentielles que supposait l’emploi qu’elle occupait avant d’avoir été impliquée dans l’accident.

[26] Le 13 mai 2011, le docteur Karabatsos, chirurgien orthopédiste, a fait rapport de son évaluation de l’appelante pour TD Assurance. Les plaintes formulées par l’appelante comprenaient alors une douleur au dos, au cou, aux deux bras et au deux mains, ainsi qu’à la jambe gauche et à la hanche. Il a noté qu’une IRM de la colonne cervicale réalisée le 12 février 2011 révélait une discopathie dégénérative à C5-6 et C6-7; une moelle épinière intacte; et un léger pincement à la racine nerveuse gauche C7. Le docteur Karabatsos a diagnostiqué des lésions du tissu mou consécutives à l’accident de la route, touchant la colonne cervicale et la colonne lombaire. Il a indiqué que de nombreux aspects non organiques avaient été soulevés durant l’examen, ce qui porte à croire que les symptômes rapportés par l’appelante comportent une dimension psychogène. Voici le résumé qu’il en a fait :

[traduction]

En résumé, je n’ai pas l’impression que cette dame souffre d’une pathologie due à l’accident qui l’empêcherait de mener à bien les activités liées à l’emploi qu’elle occupait ou les tâches d’entretien ménager qu’elle effectuait avant l’accident, précisément en raison de la collision automobile. Il est fort probable que cette dame ait décidé, consciemment ou inconsciemment, que cet accident l’avait endommagée gravement et de façon permanente et elle en est arrivée à se sentir être une victime. La source de sa détérioration initiale n’est certainement pas la même que celle de sa propagation. Il est extrêmement probable que des facteurs qui ne sont pas liés à l’accident exercent une influence considérable sur le niveau de fonctionnement dont elle fait elle-même état.

[27] Le docteur Karabatsos était d’avis que l’appelante ne souffre pas d’une incapacité importante qui l’empêche de mener à bien ses activités liées à l’emploi qu’elle occupait avant son accident de la route et qui découle directement des blessures qu’elle a subies dans cet accident.

[28] Le 2 juin 2011, le docteur Gozlan a rapporté que l’appelante avait terminé six séances de psychothérapie et recommandé qu’elle en suive six de plus. Le 14 juillet 2011, le docteur Gozlan a rapporté que l’appelante avait terminé 12 séances de psychothérapie et qu’elle paraissant toujours, à la fin du traitement, très angoissée, découragée, et dépassée par les événements; qu’elle continuait à subir de près un stress constant et qu’elle avait de la difficulté à assumer sa situation actuelle; et qu’elle ressentait encore de la douleur dans tout son corps et avait fréquemment de très forts maux de tête et des étourdissements. L’appelante s’est montrée enthousiaste à continuer d’effectuer des progrès. Elle présentait une très grande fragilité émotionnelle et doit composer avec une humeur dépressive et un sevrage. Le docteur Gozlan a recommandé 12 séances de psychothérapie supplémentaires.

[29] Le 28 juin 2011, le docteur Duncan, neurologue, a recommandé un traitement symptomatique conservateur continu et a mis l’accent sur l’importante d’un programme d’entraînement pour maîtriser les symptômes de la douleur chronique. Il a affirmé qu’il n’existait aucune intervention chirurgicale qui soulagerait la douleur à son cou et à ses bras.

[30] Le 27 octobre 2011, le docteur Wong, psychiatre, a fait rapport de son l’évaluation de l’appelante, menée au nom de son représentant. En décrivant son état de santé avant l’accident, il a noté qu’elle avait été impliquée dans un accident de la route deux ou trois ans plus tôt, mais qu’elle n’avait alors subi aucune blessure; qu’elle avait souffert d’une aponévrosite au pied droit en 2011 et eu besoin d’injections; qu’elle avait subi une entorse au cinquième doigt de la main droite au travail, environ six ans plus tôt; et qu’elle souffrait depuis un certain temps du syndrome du canal carpien. L’appelante se plaignait actuellement, entre autres, de maux de tête, d’une douleur constante au cou qui irradiait dans ses omoplates et descendait dans ses bras, d’une douleur entre les omoplates et au bas du dos, d’insomnie, et de sentiments de stress et de dépression dus à la douleur perpétuelle. Le docteur Wong a diagnostiqué une blessure myofasciale de la colonne cervicale et une hernie du disque central, laquelle pinçait le côté gauche de la racine nerveuse C7; une blessure myofasciale modérée des muscles paradorsaux de la colonne lombaire et des muscles fessiers du haut de la colonne sacrée; une insomnie post-traumatique; et des problèmes psychologiques. Il était d’avis qu’elle souffrait d’une grande incapacité à effectuer les tâches essentielles requises dans le cadre de l’emploi de chef pâtissière qu’elle occupait avant son accident, ce qui était une conséquence directe de ses blessures physiques et psychologiques. Il a ajouté être d’avis qu’elle était aussi totalement incapable d’exécuter les tâches essentielles que suppose tout emploi compte tenu de son éducation, de ses aptitudes et de sa formation.

[31] Le 4 novembre 2011, le docteur Cooper, psychiatre, a fait part de son évaluation de l’état émotionnelle de l’appelante à l’avocat de celle-ci. Il a rapporté que l’appelante était incapable d’occuper un emploi rémunérateur d’une manière qui soit concurrentielle et que le pronostic était sombre en matière de réadaptation professionnelle. Il doutait fortement que l’appelante puisse être formée pour des emplois qui ne nécessitent pas d’efforts physiques, mais uniquement des efforts intellectuels. Il a noté que l’appelante peut à peine demeurer assise pour le temps que requiert l’évaluation, qu’elle a toujours mal, qu’elle a de la difficulté demeurer attentive et qu’elle souffre de problèmes de mémoire et de concentration. Son pronostic était en attente et il a indiqué qu’elle avait besoin de suivre une psychothérapie. Il s’est également exprimé comme suit : [traduction] « Je doute que des antidépresseurs soient la solution à ce type de dépression et il faut garder en tête que les antidépresseurs comportent des effets secondaires. »

[32] Le 22 février 2012, le docteur Manolopoulos, chirurgien orthopédiste, a rapporté que l’appelante souffrait d’une douleur à l’épaule gauche depuis l’accident de la route et que l’IRM confirmait une petite rupture à la coiffe des rotateurs, du côté de l’articulation. L’appelante a indiqué que la douleur qu’elle ressentait était intolérable. Le docteur Manolopoulos était d’avis que son examen clinique de l’appelante corroborait un syndrome de douleur myofasciale et qu’il était peu probable que son état s’améliore considérablement grâce à une intervention chirurgicale. Il a offert une injection de cortisone comme solution de rechange.

[33] Le 22 mars 2012, le docteur Manolopoulos a rapporté qu’une autre IRM révélait des conclusions diffuses de tendinose aux épaules ainsi que de chondromalacie dans la cavité glénoïdale même. Bien qu’une note sur l’IRM suggère qu’une intervention chirurgicale pourrait être bénéfique, il n’avancerait pas cette possibilité avant de procéder d’abord à une injection de cortisone, ce qu’il a fait ce jour-là. Il disait croire qu’une opération n’aurait probablement que 50 % de chances d’améliorer son état.

[34] Le 13 avril 2012, le docteur Gozlan a rapport que l’appelante avait participé aux six autres séances de psychothérapie, qu’elle avait été très assidue tout au long du traitement, et qu’à la fin de celui-ci, elle paraissait encore très anxieuse, découragée et dépassée par les événements. L’appelante a exprimé son enthousiasme pour continuer à progresser comme elle l’avait fait durant les séances de psychothérapie; cependant, vu ses difficultés à prendre part au traitement, elle n’a pas voulu demander de participer à d’autres séances à ce moment-là.

[35] Le 7 mai 2012, le docteur Patel du Centre de gestion de la douleur a fait rapport auprès du docteur Bawangoanwala. Le docteur Patel croyait que l’appelante présentait de multiples petites blessures à l’épaule gauche, une possible dystrophie sympathique réflexe précoce, et une dépression. Il était d’avis que l’appelante pourrait tirer profit d’une recommandation psychiatrique urgente pour obtenir de l’aide avec sa dépression, et il a demandé au docteur Bawangoanwala de s’en charger afin de l’aider avec sa dépression. Il a indiqué qu’une recommandation pour consulter un psychiatre pourrait permettre d’obtenir une opinion sur l’usage d’antidépresseurs.

[36] Le 24 décembre 2012, le docteur Sahlas, chiropraticien, a fait rapport de son évaluation de l’appelante pour TD Assurance. Le docteur Sahlas a indiqué que, du point de vue de la chiropractie, l’appelante avait subi de lésions aux tissus mous touchant principalement sa colonne cervicale, ses épaules et sa ceinture scapulaire, ainsi que sa colonne lombaire, en raison de son accident de la route. Il a noté que l’examen de la colonne cervicale était faussé par plusieurs signes non organiques, mais a précisé que les rapports des IRM révélaient d’importants constats, notamment des déchirures partielles, des tendinopathies, une chondromalacie, des lésions de type SLAP et un système de poulies compromis, concernant les commentaires qui devraient être relayés au praticien qui convient. Il ne pensait pas que le traitement et le plan d’évaluation proposés par le docteur Debora étaient raisonnables ou nécessaires.

[37] Le 31 décembre 2012, le docteur Dancyger, psychologue, a fait état de son évaluation de l’appelante pour TD Assurance. Il a indiqué que l’appelante se situait bien sur les plans temporel, spatial et personnel; qu’elle ne présentait aucun signe manifeste d’un trouble de la pensée; et qu’elle ne semblait pas anxieuse ou dépressive. Il a également indiqué que les résultats à ses examens ne révélaient aucun problème psychologique majeur ou signe d’une exagération de ses symptômes. Il était d’avis que le traitement et le plan d’évaluation proposés par le docteur Debora n’étaient ni raisonnables ni nécessaires.

[38] Le 11 janvier 2013, la docteure Capozzi, psychologue, a fait rapport de son évaluation de l’appelante pour le représentant de cette dernière. Elle était d’avis que la douleur continuellement éprouvée par l’appelante et les limitations physiques qui en découlaient étaient des agents stressants perpétuels dans la vie de l’appelante; que sa douleur, de manière générale, avait un certain effet négatif sur ses activités quotidiennes; et qu’elle n’éprouve pas de détresse émotionnelle majeure, mis à part son manque de sommeil, une anxiété entourant les véhicules et une dépression. Elle a posé un diagnostic de douleur chronique associée à des facteurs psychologiques ainsi qu’à son état de santé général, et a évalué son score à 65-69 sur l’échelle d’EGF. Elle a recommandé un traitement psychoéducatif, préférablement dans le cadre d’un programme multidisciplinaire de gestion de la douleur, ainsi que des cours sur la respiration profonde et les techniques de relaxation musculaire.

[39] Le 22 janvier 2013, le docteur Abouali, du Athlete’s Care Sports Medicine Centre, a rapporté que la situation de l’appelante était complexe compte tenu de l’accident dans lequel elle a été impliquée et de ses problèmes de douleur chronique. Il a expliqué à l’appelante qu’une injection de cortisone pourrait être bénéfique sur le plan diagnostique comme thérapeutique; cependant, l’appelante voulait continuer de prendre des médicaments anti-inflammatoires et de faire ses propres exercices, ce qu’il a jugé raisonnable.

[40] Le 23 janvier 2013, le docteur Debora, chiropraticien, a fait état de son évaluation initiale de la douleur chronique de l’appelante, menée au nom son représentant. Le docteur Debora était d’avis que l’appelante souffrait de douleur chronique à cause de son accident de la route et qu’elle pourrait profiter d’un programme multidisciplinaire pour la douleur chronique.

[41] Le 1er mars 2013, le docteur Venkateswaran, chirurgien orthopédiste, a diagnostiqué chez l’appelante une douleur, imprécise pour l’instant, aux bras et aux épaules des deux côtés. Il avait le sentiment que l’appelante a de très gros problèmes à de nombreux endroits. Il a expliqué à l’appelante qu’il ne constate aucune pathologie claire et qu’il ne peut prédire avec certitude qu’une opération permettrait d’améliorer son état. Il lui a recommandé de consulter un algologue et d’essayer des médicaments comme Lyrica et la gabapentine.

[42] Le 15 août 2013, le docteur Goldbach, chiropraticien, a fait état de son évaluation de l’appelante pour la Security National Insurance Company. Le pronostic du docteur Goldbach était favorable en ce qui concerne les blessures physiques de l’appelante. Il a laissé le docteur Dancyger, psychologue, faire ses commentaires sur les traitements de santé mentale proposés.

[43] Dans un examen sur dossier effectué le 15 août 2013 pour TD Assurance Habitation et Auto, le docteur Dancyger a indiqué croire que les produits et les services du plan de traitement du docteur Debora n’étaient ni raisonnables ni nécessaires d’un point de vue psychologique.

[44] Le 5 décembre 2013, le docteur Debora a rapporté que l’appelante avait terminé avec succès son programme de gestion de la douleur auprès des Professional Chronic Pain Associates. Les traitements reçus par l’appelante durant le programme comprenaient la chiropractie, la massothérapie, des échographies, la cryothérapie et l’hyperthermie, des étirements actifs et passifs, des exercices de stabilisation du tronc, des exercices proprioceptifs, des exercices à l’aide d’une bande de résistance, de l’entraînement cardiovasculaire et d’endurance, des thérapies de groupe pour la gestion de la douleur, et des séminaires éducatifs sur la gestion de la douleur. Le docteur Debora a noté que l’appelante avait fait des progrès faibles à modérés pendant ses traitements dans le cadre du programme de gestion de la douleur, et que même si elle avait amélioré sa capacité à composer avec la douleur, le niveau de douleur dont elle disait souffrir ne s’était que minimalement amélioré.

[45] Un rapport de congé pour un traitement psychologique produit en date du 31 décembre 2013 par Linda Tomas, psychothérapeute, et docteur Capozzi, psychologue responsable, indiquait que l’appelante avait pris part à toutes les séances comprises dans son traitement psychologique du 18 juin 2013 au 20 août 2013. Le rapport indiquait aussi qu’elle avait participé de façon très active au programme de gestion de la douleur chronique. Le pronostic psychologique indique que l’appelante demeurait légèrement handicapée pour ce qui est de prendre soin d’elle-même, gravement handicapée en ce qui concerne sa capacité de travailler, et modérément handicapée sur le plan des tâches ménagères.

[46] Un rapport sur une évaluation professionnelle, daté du 31 décembre 2013 et préparé par le Rehabilitation Canada Network pour l’avocat de l’appelante, concluait   qu’il avait été impossible de trouver des emplois potentiels pour l’appelante compte tenu de ses aptitudes, de son éducation, de sa formation, de son expérience, de son état émotionnel actuel et de ses déficiences physiques et psychologiques.

[47] Le 19 mai 2014, le docteur Wong a fait état de son évaluation de l’appelante. Il a noté que l’appelante avait fait de la physiothérapie jusqu’au 23 octobre, ce qui avait seulement soulagé sa douleur de façon temporaire. Ses conclusions et ses diagnostics étaient semblables à ceux de son rapport du 27 octobre 2011. Il était toujours d’avis que l’appelante était incapable d’effectuer les tâches essentielles que supposait l’emploi qu’elle occupait avant son accident. Il a noté qu’elle avait subi des blessures au cou, au haut du dos, à l’épaule gauche et dans la région du bas du dos, qui affectaient sa capacité [à travailler] en se tenant debout pendant de longues périodes, à se pencher et à soulever des charges et à faire des mouvements répétitifs avec son bras gauche, actions qui constituent toutes les tâches essentielles de son emploi. Il croyait également qu’elle était incapable d’effectuer les tâches essentielles de tout emploi compte tenu de son éducation, de ses compétences et de sa formation. Il a noté qu’elle avait subi des blessures multiples, que son parcours scolaire était limité, et qu’elle ne possédait que peu de compétences transférables.

Observations

[48] Monsieur Romeo a soutenu que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle souffre d’une grave douleur généralisée, est incapable de prendre soin d’elle-même seule, et a besoin de l’aide de sa fille pour effectuer l’entretien ménager;
  2. Il a indiqué au Tribunal de se reporter au rapport de novembre 2011 du docteur Cooper et aux rapports d’octobre 2011 et de mars 2014 du docteur Wong, lesquels confirment que l’appelante est incapable de détenir toute forme d’occupation rémunératrice vu la combinaison de ses problèmes psychologiques et physiques;
  3. Il a soutenu que les commentaires du docteur Bawangoanwala, tels qu’ils sont énoncés aux paragraphes 13 et 15, supra, ne suggèrent pas que l’appelante ne coopère pas et jettent plutôt la lumière sur sa difficulté à comprendre la dimension psychogène de ses affections; il a noté qu’elle avait déjà suivi une longue psychothérapie avec le docteur Gozlan ainsi que dans le cadre du programme de la gestion de la douleur, mais elle rattache la psychothérapie à des [traduction] « idées suicidaires » plutôt que de la concevoir comme un moyen pour l’aider à prendre en charge sa douleur;
  4. Il a ajouté qu’elle a de multiples problèmes persistants et qu’elle est incapable de travailler depuis son accident de la route d’août 2010.

[49] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Bien que l’appelante puisse présenter des lésions aux tissus mous dues à son accident de la route et être incapable d’occuper son emploi habituel de chef pâtissière, la preuve médicale ne permet de conclure à aucune pathologie grave qui l’empêcherait de détenir un emploi adapté à ses limitations en date de la PMA;
  2. Rien n’indique que l’appelante ait cherché un emploi adapté à ses limitations auprès d’un autre employeur;
  3. Comme les conclusions des multiples évaluations menées à la demande de la compagnie d’assurance et du représentant de l’appelante sont contradictoires et semblent être en faveur de la partie d’où la demande est issue, il est impossible de tirer une conclusion sûre quant aux capacités de l’appelante;
  4. Elle a été impliquée dans un accident de la route visiblement mineur et les tests diagnostiques ne révèlent aucun dommage neurologique ni pathologie sous-jacente grave;
  5. Le Tribunal devrait accorder plus d’importance aux nombreux rapports et notes cliniques du docteur Bawangoanwala, lesquels n’appuient pas une conclusion d’invalidité grave, remettent en question la motivation de l'appelante à travailler avant la PMA, et soulignent qu’elle ne prenait pas ses médicaments conformément à leur posologie;
  6. L’appelante ne s’est pas acquittée de la charge de prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à sa PMA.

Analyse

[50] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

Caractère grave

‏[51] Les exigences légales auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité sont définies au paragraphe 42(2) du RPC, qui prévoit essentiellement qu’une personne doit être atteinte d’une invalidité « grave » et « prolongée » pour être considérée comme invalide. Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Non seulement la personne doit-elle être incapable de faire son travail habituel, mais elle doit aussi être incapable d’occuper tout travail qui serait raisonnable de croire qu’elle puisse faire. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Lignes directrices

[52] Les causes suivantes ont fourni une orientation et une aide au Tribunal pour statuer sur les questions en litige dans cet appel.

[53] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était invalide au sens de la définition prévue le 31 décembre 2012 ou avant cette date. L’exigence relative à la gravité doit être analysée selon une approche réaliste : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie pour se prononcer sur l’« employabilité » d’une personne à l’égard de son incapacité.

[54] Une loi réparatrice comme leRPCdoit faire l’objet d’une interprétation libérale qui cadre avec ses objectifs de réparation, et il faut donner un sens et donner effet à chacun des termes du sous-alinéa 42(2)a)(i). Cette disposition, lue de cette façon, indique que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248.

[55] Toutes les détériorations de l’appelante ayant une incidence sur son employabilité doivent être examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale : Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Bien que chacun des problèmes médicaux de l’appelante puisse ne pas mener, à lui seul, à une invalidité grave, l’effet cumulatif des diverses affections peut rendre l’appelante gravement invalide : Barata c. Ministre du Développement des ressources humaines, (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[56] L’appelante doit non seulement démontrer qu’elle a un sérieux problème de santé mais, où il y a des preuves de capacité de travail, elle doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Cependant, s’il n’existe aucune capacité de travail, il n’y a aucune obligation de démontrer les efforts fournis pour trouver un emploi. L’incapacité peut être démontrée de diverses manières. Ainsi, elle peut être établie au moyen d’une preuve que l’appelante serait incapable d’accomplir toute activité liée à un emploi : C.D. c. MDRH (18 septembre 2012) CP 27862 (CAP).

‏[57] On ne s’attend pas à ce qu’un appelant trouve un employeur philanthrope, compréhensif et flexible qui est disposé à lui offrir des mesures d’adaptation pour pallier ses incapacités. L’expression « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », qui figure au RPC, est fondée sur la capacité de l’appelant de se présenter à son lieu de travail au moment où cela est nécessaire, et aussi souvent que cela est nécessaire; la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement : MDRH c. Bennett (10 juillet 1997) CP 4757 (CAP).

Application des lignes directrices

[58] À la lumière de ce que le Tribunal considère comme une preuve médicale étoffée, le Tribunal accepte la preuve de l’appelante sur la douleur grave qu’elle éprouve depuis longtemps et sur l’incidence de celle-ci sur sa vie et sa capacité de travailler. Elle a constamment mal au dos, au cou, aux bras, aux mains, aux épaules et aux jambes. S’il est manifeste que sa douleur est en partie psychogène, la douleur qu’elle ressent est bien réelle et elle souffre véritablement. Il est aussi important de noter que les IRM révèlent des constats déterminants et une importante dégénérescence aux épaules de même qu’à la colonne cervicale et à la colonne lombaire de l’appelante (voir les paragraphes 30 et 36, supra).

[59] En plus de la douleur généralisée constante qu’elle ressent, l’appelante est atteinte de nombreux problèmes de santé, notamment de maux de tête, d’insomnie, d’anxiété et de dépression. Elle présentait déjà certaines blessures et affections avant son accident de la route, notamment une aponévrosite au pied droit, une entorse au cinquième doigt de la main droite, et un syndrome du canal carpien de longue date. Son médecin de famille a également diagnostiqué une masse / un angiolipome à son sein droit et un nodule thyroïdien. Bien que l’appelante ait témoigné que ces affections ne l’empêchent pas de travailler, ces pathologies ne sont pas à négliger et, compte tenu des interventions chirurgicales que l’appelante a subies en mai 2011 et en avril 2012, elles doivent avoir contribué à sa vulnérabilité émotionnelle, laquelle est une dimension importante de son invalidité. Comme l’indiquent les décisions Bungay et Barata mentionnées plus tôt, il faut examiner l’effet cumulatif de toutes les affections de l’appelante.

[60] L’intimé se fonde sur des rapports de spécialistes, qu’il qualifie de contradictoires, concernant la capacité de l’appelante à occuper un emploi moins exigeant sur le plan physique. Pour ce qui est des rapports sur les évaluations menées, le Tribunal préfère les évaluations du docteur Cooper et du docteur Wong (paragraphes 30, 31 et 47, supra) à celles du docteur Silverman et du docteur Karabatsos (paragraphes 23 et 27, supra). Les docteurs Cooper et Wong ont tenu compte de l’effet cumulatif des affections physiques et psychologiques de l’appelante, alors que les docteurs Silverman et Karabatsos ont paru examiner ces affections indépendamment. Le docteur Silverman a seulement examiné l’état de l’appelante d’un point de vue psychologique, et le docteur Karabatsos semble s’être strictement attardé à ce qu’il a considéré être ses blessures physiques dues à l’accident de la route, écartant ce qu’il a qualifié de [traduction] « facteurs indépendants de l’accident ». Les rapports produits par le docteur Cooper et le docteur Wong cadrent davantage avec les critères prévus au RPC, lesquels tiennent compte de l’ensemble des affections physiques et psychologiques, peu importe leur origine, pourvu que leur effet cumulatif soit grave avant la PMA, et le soit de façon permanente à partir de cette date.

[61] Le Tribunal se fonde également sur les commentaires du docteur Bawangoanwala relativement à la difficulté de l’appelante à accepter son diagnostic d’anxiété et de dépression, au fait qu’elle n’avait pas essayé les différents traitements possibles, et au fait qu’elle ne prenait pas ses antidépresseurs comme elle le devait (voir les paragraphes 13 et 15, supra). L’intimé soutient que le Tribunal devrait conclure à la non-conformité de l’appelante quant aux options de traitement recommandées.

[62] Voici pourquoi le Tribunal ne souscrit pas à ce point de vue :

  • Le Tribunal est d’accord avec monsieur Romeo que ces commentaires ne suggèrent pas que l’appelante ne coopère pas, mais qu’ils jettent plutôt la lumière sur sa difficulté à comprendre la dimension psychogène de son état de santé.
  • L’appelante a été examinée par le docteur Cooper, un psychiatre chevronné, en novembre 2011, et ce dernier doutait que des antidépresseurs soient la solution au type de dépression dont elle souffrait et a noté que ces médicaments entraînaient des effets secondaires (voir paragraphe 31, supra).
  • L’appelante a participé à de nombreuses séances de psychothérapie avec le docteur Gozlan de mars 2011 à avril 2012, et avec le docteur Capozzi de juin 2013 à août 2013. Leurs rapports indiquent que l’appelante avait participé assidûment et activement à ces séances (voir les paragraphes 22, 28, 34, 38 et 45, supra).
  • La preuve révèle que l’appelante s’est conformée et a participé aux nombreux traitements médicaux, lesquels intégraient notamment la physiothérapie, la chiropractie et la massothérapie; qu’elle a consulté de nombreux spécialistes qui n’ont pas recommandé qu’elle subisse une opération; qu’elle a pris part à un programme de gestion de la douleur chronique et reçu des injections; qu’elle a pris des analgésiques et des médicaments anti-inflammatoires; et qu’elle fait des exercices à la maison ainsi que des exercices de relaxation, comme la méditation.

[63] D’après l’ensemble de la preuve, le Tribunal a statué sur la question de la conformité en faveur de l’appelante, et est convaincu qu’elle a diligemment entrepris de multiples traitements pour ses problèmes de santé.

[64] Le Tribunal reconnaît que l’appelante est relativement jeune et instruite et qu’elle possède de précieuses compétences transférables. Néanmoins, le Tribunal est convaincu qu’elle n’est pas régulièrement capable de détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice compte tenu de la douleur grave qu’elle éprouve constamment et de l’effet cumulatif de ses affections physiques et psychologiques. Elle ne pourrait pas être une employée prévisible et fiable. Comme l’indique la décision Bennett, supra, la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement.

[65] Le Tribunal conclut que l’appelante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffre d’une invalidité grave aux termes des critères prévus au RPC.

Caractère prolongé

[66] Comme il a conclu que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave, le Tribunal doit maintenant examiner le caractère prolongé de son invalidité.

[67] Les affections continues psychologiques et physiques de l’appelante perdurent depuis son accident de la route, qui a eu lieu en août 2010. Son état ne s’est que peu, voire nullement amélioré en dépit d’un long traitement.

[68] L’invalidité de l’appelante est de longue durée et aucune amélioration ne peut raisonnablement être envisagée dans un avenir prévisible.

Conclusion

[69] Le Tribunal conclut que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis août 2010, moment où elle a été blessée dans un accident de la route. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en février 2013; l’appelante est donc réputée invalide en date de novembre 2011. En vertu de l’article 69 du RPC, la pension est payable à compter du quatrième mois qui suit le mois où le requérant devient invalide. Les prestations seront donc versées à compter de mars 2012.

[70] L’appel est accueilli.

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