Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’appeler de la décision de la division générale datée du 26 août 2015. La division générale a refusé de proroger le délai pour interjeter appel devant elle, après avoir conclu que la demanderesse n’avait pas respecté les délais prévus pour déposer un avis d’appel et demander un délai supplémentaire. L’avocate de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler le 20 novembre 2015, essentiellement au motif que la division générale avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Contexte factuel

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 3 août 2012. L’intimé a rejeté sa demande lorsqu’elle a été soumise initialement, et l’a rejetée également à l’étape de la révision, dans une lettre datée du 6 mai 2013. La demanderesse a retenu les services d’une avocate aux environs de cette date. L’avocate de la demanderesse affirme qu’elle a déposé un avis d’appel en juin 2013 en l’envoyant par la poste ordinaire, pour faire appel de la décision rendue à l’issue de la révision. Il y a un certain désaccord quant à la date à laquelle l’avocate aurait déposé l’avis d’appel. L’avocate affirme qu’elle a aussi soumis le formulaire « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée ». La date qui figure sur le formulaire de consentement signé fait aussi l’objet d’un désaccord.

[4] Au paragraphe 5 de sa décision, la division générale a écrit ce qui suit :

[Traduction]

L’appelante affirme qu’elle a déposé un appel daté du 26 juin 2013. Toutefois, l’appel n’a jamais été reçu par le Tribunal. L’appelante allègue avoir envoyé une lettre de suivi le 4 mars 2014, mais le Tribunal n’a pas reçu cette lettre non plus. La conversation téléphonique entre un employé du Tribunal et la représentante de la requérante le 7 avril 2014 a clairement montré à la représentante que la correspondance antérieure n’avait pas été reçue.

[5] Le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas reçu l’avis d’appel qui, d’après l’avocate, a été déposé en juin 2013. L’avocate affirme avoir écrit au Tribunal le 4 mars 2014 pour faire un suivi, en utilisant encore une fois la poste ordinaire.

[6] Je remarque que la division générale a signalé au paragraphe 7 de sa décision que les lettres de l’avocate datées du 26 juin 2013 et du 4 mars 2014 contenaient une erreur dans l’adresse du Tribunal de la sécurité sociale. La case postale indiquée dans les deux cas était « 981 » au lieu de « 9812 ». L’avocate reconnaît avoir fait des coquilles dans ses premières lettres, mais soutient que, malgré cela, le Tribunal de la sécurité sociale avait dû recevoir sa lettre du 4 mars 2014.

[7] L’avocate fait valoir que le Tribunal de la sécurité sociale l’a contactée par téléphone le 2 avril 2014 en réponse à sa lettre du 4 mars 2014. Le Tribunal l’aurait informée qu’il n’avait pas reçu l’avis d’appel déposé en juin 2013 au nom de la demanderesse.

[8] L’avocate allègue qu’il y a eu d’autres communications téléphoniques entre le Tribunal de la sécurité sociale et elle‑même le 7 avril 2014. Le Tribunal aurait confirmé que rien ne prouvait qu’il avait reçu la lettre originale du 26 juin 2013 envoyée par l’avocate.

[9] En réponse à l’appel téléphonique que le Tribunal de la sécurité sociale aurait fait le 7 avril 2014, l’avocate a soumis un affidavit au Tribunal dans une lettre datée du 13 mai 2014. Elle a envoyé cette troisième lettre par la poste ordinaire. La division générale a écrit que les lettres subséquentes que l’avocate avait envoyées au Tribunal de la sécurité sociale portaient la bonne adresse, mais que le mauvais numéro de case postale (981) avait aussi été indiqué sur la lettre du 13 mai 2014. Le Tribunal a néanmoins reçu, le 20 mai 2014, la lettre du 13 mai 2014 envoyée par l’avocate.

[10] Dans son affidavit daté du 13 mai 2014 (GD1A-12), l’avocate a déclaré que, puisqu’elle n’avait pas reçu de réponse du Tribunal de la sécurité sociale, ni de copie du dossier de la demanderesse, elle avait envoyé une lettre datée du 4 mars 2014 pour faire le suivi. Toutefois, aucun autre élément de preuve que l’affidavit ne fait mention d’une lettre datée du 4 mars 2014.

[11] Bien que, selon l’avocate, des communications téléphoniques avec le Tribunal de la sécurité sociale en avril 2014 prouvent que celui‑ci a reçu sa lettre du 4 mars 2014, il est à noter qu’elle ne mentionne pas ces communications dans son affidavit.

[12] Dans l’affidavit, il est indiqué que le document a pour but de [traduction] « demander un délai supplémentaire pour interjeter appel devant le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail », mais il s’agit probablement d’une erreur.

[13] Le 5 juin 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a accusé réception de l’avis d’appel. Le Tribunal a informé l’avocate que l’appel était incomplet et a aussi écrit ceci : [traduction] « L’appel n’est pas dûment déposé avant que le Tribunal ait reçu tous les renseignements nécessaires ». Le Tribunal de la sécurité sociale a précisé qu’il avait besoin d’une copie de la décision de révision faisant l’objet de l’appel et qu’il fallait lui communiquer les moyens d’appel, le numéro d’assurance sociale et les coordonnées de la demanderesse [traduction] « sans délai ».

[14] Le Tribunal de la sécurité sociale a aussi informé l’avocate que, à défaut de lui transmettre les renseignements requis sans tarder, elle devrait demander un délai supplémentaire pour déposer un avis d’appel complet, et devrait aussi préciser ce qui suit :

  1. (a) si elle avait maintenu l’intention de poursuivre l’appel;
  2. (b) si la cause était défendable;
  3. (c) s’il y avait une explication raisonnable pour le retard;
  4. (d) si le fait de prolonger le délai porterait préjudice aux autres parties.

[15] L’avocate dit qu’elle a reçu le 12 juin 2014 la lettre du 5 juin 2014 envoyée par le Tribunal, et qu’elle a envoyé une réponse ainsi qu’une liste de documents additionnels au Tribunal le 18 juin 2014 (GD1A-1). Le Tribunal a reçu cet envoi de l’avocate le 25 juin 2014. Celle‑ci avait fourni l’information demandée dans la lettre du 5 juin 2014 du Tribunal.

[16] Dans l’avis d’appel déposé le 25 juin 2014 (GD1A-10), l’avocate a énoncé les raisons pour lesquelles l’appel était en retard :

[Traduction]
La lettre de la représentante au TSS datée du 26 juin 2013 a été envoyée par Postes Canada, mais n’a jamais été reçue aux bureaux du Tribunal. Nous n’étions pas au courant de cette situation avant que des appels de suivi soient faits en mars 2014. Nous avons envoyé un affidavit daté du 13 mai 2014, attestant que nous avons déposé un appel et que [la demanderesse] avait clairement l’intention de faire appel de la décision de révision.

[17] Le 18 février 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à l’avocate et à la demanderesse pour dire que l’avis d’appel semblait avoir été déposé plus de 90 jours après la date de réception de la décision de révision par la demanderesse. Le Tribunal a informé l’avocate et la demanderesse que [traduction] « la [division générale] a le pouvoir de prolonger la période d’appel dans certaines circonstances, mais ne peut en aucun cas accorder un délai supplémentaire si plus d’une année s’est écoulée depuis que [la demanderesse] a reçu la décision de révision ».

[18] L’avocate dit qu’elle a reçu une autre lettre du Tribunal de la sécurité sociale, datée du 24 juin 2015. La lettre contient certaines questions formulées par la division générale à l’intention des deux parties :

[Traduction]
Question(s) pour l’appelante :

  1. Il est écrit dans l’avis d’appel que c’est le 30 mai 2013 que l’appelante a reçu la décision de révision datée du 6 mai 2013. Toutefois, le 30 mai 2013 est aussi la date à laquelle l’appelante a fourni la décision de révision à sa représentante. Veuillez confirmer la date à laquelle l’appelante (et non sa représentante) a reçu la décision de révision.
  2. Veuillez fournir une copie de votre lettre au Tribunal datée du 26 juin 2013, si possible, ainsi que des pièces jointes.
  3. Veuillez fournir une copie de votre lettre au Tribunal datée du 4 mars 2014, si possible, ainsi que des pièces jointes.
  4. Veuillez fournir des détails sur toute autre communication entre la représentante de l’appelante et le Tribunal de la sécurité sociale (avant le 18 juin 2014) qui n’est pas mentionnée dans l’affidavit de la représentante de l’appelante.

Question(s) pour l’intimé

  1. 1.      Veuillez fournir des détails sur toute communication avec l’appelante (ou sa représentante) après l’envoi de la décision de révision le 6 mai 2013.

[19] Le Tribunal de la sécurité sociale a indiqué qu’il devait recevoir les renseignements additionnels demandés au plus tard le 14 août 2015.

[20] Le 20 juillet 2015, l’intimé a fourni les détails requis, et a demandé à la division générale de ne pas accorder de délai supplémentaire et de rejeter l’appel. L’intimé a demandé le rejet de l’appel au motif que les critères permettant d’accorder un délai supplémentaire n’avaient pas été respectés, qu’il s’agissait d’un appel hors délai et qu’il était donc prescrit. L’intimé a aussi fait valoir que la division générale n’avait pas compétence pour déroger à l’application de la limite de temps fixée au paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi). L’intimé a indiqué qu’il avait cherché dans ses dossiers et qu’aucune communication entre lui et la demanderesse ou sa représentante n’avait été consignée après l’envoi de la décision de révision le 6 mai 2013.

[21] Le 11 août 2015, l’avocate de la demanderesse a fourni des copies de ses lettres du 26 juin 2013 et du 4 mars 2014 dans une lettre datée du 7 août 2015 (GD4‑1). (En fait, la lettre du « 4 mars 2014 » est datée du 3 mars 2014.) L’avocate n’a pas pu dire la date précise à laquelle la demanderesse avait reçu la décision de révision, mais selon les notes de son bureau, c’était probablement entre le 13 et le 16 mai 2013.

Observations

[22] L’avocate de la demanderesse affirme que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’avocate fait valoir que la demanderesse est atteinte d’une invalidité à la fois grave et prolongée, et que des éléments de preuve non soumis aux évaluateurs de Service Canada doivent être présentés. L’avocate précise que la demanderesse n’a pas été représentée avant d’avoir reçu la décision de révision. Elle mentionne qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter des éléments de preuve au nom de la demanderesse.

[23] L’avocate conteste la conclusion tirée par la division générale quant à la date qui figure sur le formulaire « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée ». Dans ce document, il est écrit « 2013 05 30 » à la ligne de la signature du client, et « 13 05 30 » à l’endroit réservé pour le représentant. La division générale a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Étant donné que la représentante de l’appelante a daté du 13 mai 2013 le « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée », le Tribunal conclut que la décision de révision a été reçue par l’appelante le 13 mai 2013.

[24] L’avocate fait valoir que les deux dates sur le formulaire correspondent [traduction] « au 30 mai 2013 et non au 13 mai 2013 », contrairement à ce qu’a conclu la division générale. Néanmoins, l’avocate convient que la date limite pour interjeter appel de la décision de révision était le 12 août 2013.

[25] L’avocate affirme que l’appel a été interjeté dans une lettre datée du 26 juin 2013 envoyée par la poste ordinaire, et que l’affidavit en témoigne. Elle soutient que la division générale aurait dû considérer que l’intention de faire appel était ainsi exprimée. L’avocate fait valoir qu’elle a envoyé une lettre de suivi datée du 4 mars 2014, encore une fois par la poste ordinaire, et que cette lettre devait avoir été reçue par le Tribunal de la sécurité sociale, étant donné que le Tribunal l’aurait alors contactée, apparemment en réponse à sa lettre.

[26] L’avocate affirme qu’elle a envoyé au Tribunal une troisième lettre, datée du 13 mai 2014, dans laquelle elle a fourni une copie de l’avis d’appel et un affidavit pour prouver qu’elle avait déjà déposé un avis d’appel. Bien que le Tribunal lui ait écrit le 5 juin 2014 et le 24 juin 2015 pour demander des renseignements additionnels, l’avocate soutient qu’alors, la lettre exprimant [traduction] « l’intention de faire appel » (vraisemblablement sa lettre de mars 2014) avait été reçue avant l’expiration du délai d’un an.

[27] L’avocate fait valoir que, même si les documents complétant l’appel étaient datés du 18 juin 2014 et avaient été postés la même journée (mais n’avaient pas été reçus ou déposés avant le 25 juin 2014), l’appel [traduction] « devrait être considéré complet et dûment déposé dans le délai d’un an ». L’avocate demande de conclure que le délai a été respecté étant donné l’intention de faire appel et les communications subséquentes avec le Tribunal de la sécurité sociale.

[28] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[29] Selon Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF), la demande de permission d’en appeler doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel. La Cour d’appel fédérale a établi que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[30] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[31] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel énoncés dans la Loi et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[32] Pour dire qu’une conclusion de fait erronée a été tirée, il doit s’agir d’une conclusion sur laquelle la division générale a fondé sa décision. Habituellement, le dépôt du formulaire « Consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée » ne constituerait pas un élément de preuve concernant la date où une décision de révision a pu être reçue par un demandeur, mais dans ce cas, la division générale a accepté la date sur le formulaire de consentement à ce titre. La division générale pourrait avoir fondé sa décision en partie sur la date (erronée) du formulaire de consentement signé, mais au bout du compte cela n’aurait pas été déterminant, puisque l’avocate accepte que la date limite pour interjeter appel de la décision de révision était le 12 août 2013. Je ne suis pas convaincue que l’argument selon lequel la division générale a fondé sa décision sur cette conclusion de fait erronée constitue un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès.

[33] L’avocate allègue que la deuxième erreur commise par la division générale a été de fonder sa décision sur la conclusion erronée selon laquelle le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas reçu sa lettre de mars 2014, alors qu’elle soutient qu’il existe une preuve que le Tribunal l’a reçue. Cette observation est particulièrement importante pour la demande de permission d’en appeler. L’avocate a indiqué dans sa lettre du 3 mars 2014 qu’elle a joint une copie de sa lettre originale du 26 juin 2013. Si c’est le cas, cela laisse entendre que l’avocate peut avoir tenté de déposer un appel dans les 90 jours suivant la date où la décision de révision a été communiquée à la demanderesse. Rien n’indique toutefois que des moyens d’appel aient été énoncés dans la lettre du 26 juin 2013 ou celle du 3 mars 2014.

[34] Si aucun élément de preuve ne montre que la lettre du 3 mars 2014 a bel et bien été reçue par le Tribunal de la sécurité sociale, alors la lettre du 13 mai 2014 envoyée par l’avocate serait la première communication écrite indiquant que la demanderesse faisait appel de la décision de révision. Même si cette lettre est datée du 13 mai 2014, on ne peut dire qu’elle a été reçue dans le délai d’un an puisque le Tribunal ne l’a pas reçue avant le 20 mai 2014 – plus d’un an après la date de la communication de la décision à la demanderesse. La date d’un document ne suffit pas pour établir quand il a été présenté ou déposé auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[35] L’avocate envoie peut-être les documents par la poste ordinaire en général, mais il pourrait valoir la peine de remettre cette pratique en question. Il est incroyable 1) que l’avocate ait continué à recourir à la poste ordinaire pour déposer d’autres documents auprès du Tribunal de la sécurité sociale, une fois qu’il aurait dû être évident pour elle que le délai était expiré ou allait expirer, en particulier après avoir appris que le Tribunal n’avait pas encore reçu sa première lettre et alors qu’elle aurait pu utiliser d’autres moyens pour déposer les documents et protéger le droit d’appel de sa cliente, et 2) qu’elle n’ait pas eu de système de rappel approprié à son bureau pour s’assurer de l’envoi de réponses et d’un suivi en temps voulu.

[36] Il n’est pas clair si l’avocate a cherché à savoir pourquoi le Tribunal de la sécurité sociale n’aurait peut‑être pas reçu l’avis d’appel qu’elle affirme avoir posté le 26 juin 2013 ou aux alentours de cette date, ou si elle a vérifié son dossier pour savoir si la lettre avait été retournée parce qu’il n’avait pas été possible de la livrer. Il est peu probable que l’avocate ait vérifié ses lettres avant d’avoir reçu une copie de la décision de la division générale pour s’assurer que l’adresse du Tribunal était correcte, autrement l’erreur n’aurait probablement pas été reproduite à au moins deux reprises.

[37] L’avocate a présumé qu’un avis d’appel avait été déposé au moins en mars 2014, mais elle n’avait reçu aucun accusé de réception du Tribunal de la sécurité sociale le confirmant. Il n’est pas convenable que l’avocate ait attendu plus de huit mois après qu’elle ait, selon elle, déposé l’avis d’appel, pour déterminer si le Tribunal avait bien reçu un tel avis de sa part en mars 2014. Après tout, l’avocate disposait d’à peine plus d’un mois pour demander une prorogation du délai pour déposer un avis d’appel avant la fin de la période prévue, après quoi il n’était plus possible de présenter une demande de permission d’en appeler.

[38] L’avocate allègue que le Tribunal de la sécurité sociale l’a contactée au début d’avril 2014 pour lui dire qu’il n’avait jamais reçu son avis d’appel original et qu’aucun appel n’était consigné dans le système.

[39] Selon l’avocate, le Tribunal de la sécurité sociale a aussi indiqué qu’il incomberait au [traduction] « bureau du Tribunal de déterminer s’il pouvait accepter l’appel [de la demanderesse] ». Étant donné que le Tribunal pouvait avoir informé l’avocate qu’il n’avait pas reçu l’appel, il devait être présumé qu’un avis d’appel serait envoyé sous peu.

[40] Le 7 avril 2014, ayant appris que le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas reçu l’avis d’appel original, l’avocate aurait dû immédiatement lui faxer une copie de cet avis, puisqu’alors elle aurait pu recevoir une confirmation de la transmission. L’avocate aurait aussi pu déposer ou envoyer l’avis d’appel par courrier recommandé, par messager ou par un autre moyen permettant un suivi de la livraison.

[41] Toutefois, même si elle avait appris le 7 avril 2014 que le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas encore reçu l’avis d’appel, l’avocate n’a rien envoyé au Tribunal avant cinq autres semaines – soit le 20 mai 2014. À cette date, il était trop tard pour demander de proroger le délai pour le dépôt d’un avis d’appel, plus d’un an s’étant écoulé. La question de savoir si une lettre du Tribunal avait informé ou non la demanderesse ou son avocate que l’appel n’avait pas été dûment déposé aurait été sans objet à cette date.

[42] La lettre du 13 mai 2014 de l’avocate comprenait un affidavit qu’elle avait signé le 13 mai 2014. Cet affidavit fait référence à [traduction] « l’intention de faire appel » de la demanderesse le 26 juin 2013. J’ignore si c’est un élément déterminant ou s’il existe une distinction ici pour l’avocate entre une « intention de faire appel » et un « avis d’appel ». Dans l’affirmative, l’avocate ne semble pas constante dans le choix de l’un ou l’autre de ces termes pour désigner les lettres du 26 juin 2013 et du 13 mai 2014.

[43] L’avocate s’appuie sur la lettre reçue après la révision pour avancer qu’un demandeur n’a qu’à communiquer par écrit son intention de faire appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Elle souligne que rien n’indique dans cette lettre que l’appel serait considéré incomplet ou que d’autres formulaires devaient être remplis s’il manquait certains renseignements. Elle fait valoir que, puisque sa lettre du 3 mars 2014 renfermait sa lettre du 26 juin 2013 et que le Tribunal a reçu sa lettre du 3 mars 2014 en mars ou avril 2014, l’appel [traduction] « devrait être considéré complet et dûment déposé dans le délai d’un an ».

[44] Aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi, l’appel d’une décision est interjeté devant la division générale « selon les modalités prévues par règlement et dans le délai » qui est fixé. Les articles 23 et 24 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale précisent comment il faut procéder pour interjeter appel et ce qu’il faut fournir, notamment une copie de la décision rendue et les moyens d’appel.

[45] La lettre du 3 mars 2014 de l’avocate indique qu’une copie de la lettre du 26 juin 2013 est jointe. Si, comme l’allègue l’avocate, la division générale a fondé sa décision en partie sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse n’avait pas soumis sa lettre du 3 mars 2014, alors que l’avocate soutient qu’il existe une preuve irréfutable que la lettre avait été reçue, tout compte fait selon elle le Tribunal de la sécurité sociale aurait dû alors être au courant de l’appel de la demanderesse. Même si l’avocate avait omis par inadvertance de joindre sa lettre du 26 juin 2013 à celle du 3 mars 2014, la lettre du 3 mars 2014 indique bien que la demanderesse avait l’intention de faire appel de la décision de la division générale.

[46] Toutefois, rien n’indique que le Tribunal de la sécurité sociale a reçu la lettre du 3 mars 2014 de l’avocate. Il est certain que le Tribunal n’a pas accusé réception officiellement de cette lettre, comme il l’a fait pour les lettres subséquentes. Le Tribunal n’a envoyé à aucune des parties une lettre montrant qu’il pourrait avoir reçu celle de l’avocate en mars 2014. Le dossier d’audience soumis à la division générale ne contenait pas non plus de notes témoignant de la tenue de téléconférences avec l’avocate de la demanderesse en avril 2014.

[47] Curieusement, l’avocate ne mentionne pas dans l’avis d’appel déposé le 25 juin 2014 qu’elle a envoyé une lettre datée du 3 mars 2014 au Tribunal de la sécurité sociale, ni que le Tribunal l’a contactée le 2 avril et/ou le 7 avril 2014. Comme je l’ai indiqué plus haut, il n’est pas anodin à mes yeux que l’avocate n’ait mentionné aucune communication téléphonique en avril 2014 avec le Tribunal dans son affidavit du 13 mai 2014.

[48] La division générale devait tirer des conclusions à partir des éléments de preuve portés à sa connaissance. Elle a constaté que le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas reçu la lettre du 4 mars 2014 (ou du 3 mars 2014). L’avocate aurait été informée de ce fait au début d’avril 2014. L’avocate avait encore la possibilité à ce moment d’interjeter appel selon les modalités prévues par règlement, en application du paragraphe 52(1) de la Loi. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas déposé d’avis d’appel avant le 20 mai 2014 dans ces circonstances.

[49] Je ne suis pas convaincue qu’un appel interjeté au motif que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[50] Étant donné les considérations ci‑dessus, la demande est rejetée.

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