Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) est accordée.

Introduction

[2] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté sa demande, dans sa décision initiale et lors du réexamen. La décision découlant du réexamen a été rendue le 24 octobre 2013. Le 29 avril 2014, la demanderesse a déposé un avis d’appel devant le Tribunal. Cependant, l’avis d’appel était incomplet et de plus il a été déposé après le délai de quatre-vingt-dix jours. L’unique explication fournie par la demanderesse est qu’elle avait [traduction] « mal classé ses documents ». Le Tribunal a donné l’occasion à la demanderesse de déposer un appel complet et de fournir une explication pour sa demande tardive. Le Tribunal a demandé à la demanderesse de remettre les renseignements supplémentaires avant le 22 juin 2015, ce qu’elle n’avait pas encore fait au moment où la décision a été rendue.

[3] Le 19 septembre 2015, la division générale du Tribunal a décidé de refuser de proroger le délai pour présenter un appel. Dans sa décision, la division générale a conclu que la demanderesse avait omis de fournir une explication satisfaisante au dépôt tardif de son appel et qu’elle n’avait pas démontré une intention constante de poursuivre l’appel. La demanderesse souhaite maintenant obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale.

Motifs de la demande

[4] La demande est fondée sur le fait que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.

[5] Au nom de la demanderesse, un parent a déclaré que le retard du dépôt de la demande d’appel de la demanderesse ou le défaut de fournir une explication complète était dû à la santé mentale et aux problèmes médicaux de la demanderesse. Le représentant de la demanderesse a déclaré qu’elle a toujours eu l’intention de poursuivre l’appel.

Question en litige

[6] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[7] La demande de permission d’appeler d’une décision de la division générale est une première étape avant l’appel devant la division d’appelNote de bas de page 1. Pour accueillir la demande, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Dans Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale affirme qu’une chance raisonnable de succès équivaut au fait à une cause défendable. Dans Canada (procureur général) c. CarrollNote de bas de page 3 la Cour fédérale affirme qu’« un demandeur présentera une cause défendable s’il […] soulève une question qui n’a pas été examinée [...] ou démontre que la décision […] est entachée d’une erreur. »

[8]   Il n’existe que trois moyens d’appel recevables. Ces moyens sont énoncés dans l’article 58 de la Loi sur l’Emploi et le Développement social (la Loi) soit : un manquement à la justice naturelle, une erreur de droit ou une erreur de faitNote de bas de page 4. Cependant, pour accorder une autorisation d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Ceci signifie que la division d’appel doit d’abord conclure que, si une audience était tenue, au moins un des motifs de la demande correspond à un des moyens d’appel prévus et qu’il existe une chance raisonnable que l’appel fondé sur ce moyen soit accueilli.

Analyse

[9] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Dans sa décision, le membre de la division générale a examiné les facteurs dans le contexte de la décision Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. Le membre a conclu que même si la demanderesse avait une cause défendable et qu’il semblait n’y avoir eu aucun préjudice causé à l’intimé découlant d’un appel déposé tardivement, le fait que la demanderesse n’ait pas démontré qu’elle avait une intention constante de poursuivre l’appel et qu’elle n’ait pas fourni une explication raisonnable pour avoir tardé à déposer l’appel était fatal à la demande de prorogation de délai.

[10] Malgré le fait que le membre de la division générale mentionne l’intérêt de la justice dans le dernier paragraphe de sa décision, la division d’appel n’est pas convaincue que le membre de la division générale a effectivement examiné si une prorogation du délai serait dans l’intérêt de la justice. La décision ne traite aucunement de cette question. 

[11] Dans la décision Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a ajouté un cinquième facteur à ceux énumérés dans la décision Gattellaro. La Cour d’appel fédérale a déclaré que le critère est souple et doit être appliqué de manière à ce que justice soit faite entre les parties. De l’avis de la Cour d’appel fédérale, ce qui importe fondamentalement dans l’examen d’une demande de prorogation c’est que justice soit faite. Ainsi, conformément à la décision Hogervorst, cette souplesse comprend le fait d’accorder le poids approprié à chacun des facteurs en fonction des circonstances de l’espèce, accorder la permission d’en appeler même si un des quatre critères juridiques n’est pas satisfait et l’exigence d’un cinquième facteur, soit tenir compte des faits propres à l’affaire. 

[12] Dans la décision ultérieure Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, la Cour d’appel fédérale a maintenu non seulement que la considération la plus importante est de servir l’intérêt de la justice, mais aussi qu’il n’est pas nécessaire, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur une demande de prorogation de délai, de répondre aux quatre questions en faveur du demandeur. La Cour d’appel fédérale a écrit, aux paragraphes 61 et 62 de sa décision, ceci :

[61]  Les parties s’entendent pour dire que les questions suivantes sont pertinentes lorsqu’il s’agit pour notre Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur une demande de prorogation de délai :

  1. (1) Le requérant a-t-il manifesté une intention constante de poursuivre sa demande?
  2. (2) La demande a-t-elle un certain fondement?
  3. (3) La Couronne a-t-elle subi un préjudice en raison du retard
  4. (4) Le requérant a-t-il une explication raisonnable pour justifier le retard?

(Grewal c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.); Muckenheim c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2008 CAF 249 (CanLII), au paragraphe 8).

[62] Ces principes orientent la Cour et l’aident à déterminer si l’octroi d’une prorogation de délai est dans l’intérêt de la justice (Grewal, précité, aux pages 277 et 278). L’importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l’espèce. De plus, il n’est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant. Ainsi, « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » (Grewal, à la page 282). Dans certains cas, surtout dans ceux qui sortent de l’ordinaire, d’autres questions peuvent s’avérer pertinentes. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (voir, de façon générale, l’arrêt Grewal, aux pages 278 et 279; Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 (CanLII), au paragraphe 33; Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195 (CanLII), 89 Admin LR (4e) 1).

[13]  Ainsi, la division d’appel a étudié les faits de cette affaire en plus des quatre facteurs de Gattellaro suivants :

  • l’intention de poursuivre l’appel était-elle constante;
  • la cause est-elle défendable;
  • le demandeur pouvait-il raisonnablement expliquer le retard du dépôt de sa demande;
  • l’intimé subirait-il un préjudice si le Tribunal décidait d’accorder une prorogation du délai pour le dépôt d’une demande d’appel.

[14] La division d’appel n’est pas convaincue que la demande de permission d’en appeler n’avait aucune chance de succès puisqu’il semble que le membre de la division générale a jugé que l’absence de deux des facteurs était fatale à la demande, plutôt que de soupeser les quatre facteurs et d’évaluer s’il était dans l’intérêt de la justice d’autoriser une prorogation de délai. Pour ce motif, la permission d’en appeler est accordée.

Conclusion

[15] La demande est accueillie.

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