Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est accordée.

Introduction

[2] Le 25 mai 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a rendu une décision dans laquelle elle refusait de proroger le délai pour interjeter appel devant la division générale, au motif que le demandeur n’avait pas manifesté l’intention constante de poursuivre l’appel. Le 26 mai 2015, l’avocate du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (la demande).

Motifs de la demande

[3] L’avocate n’a pas rattaché la demande à un moyen d’appel. Elle a plutôt affirmé que l’appel avait une chance raisonnable de succès pour la raison suivante :

[Traduction]

Dans la décision refusant de proroger le délai pour interjeter appel, il est écrit : « le fait que l’appelant n’a pas manifesté l’intention constante de faire appel et l’absence d’explication raisonnable pour son retard ».

Au nom de Monsieur N. N, notre bureau a envoyé une lettre datée du 5 juin 2014 pour faire appel devant le TSS. Nous avons ensuite reçu de la part du TSS une lettre datée du 5 juillet 2014 et demandant des renseignements additionnels. Notre bureau a envoyé les renseignements en question dans une lettre datée du 24 août 2014. Notre bureau a aussi reçu une lettre du 8 décembre 2014 où le TSS demandait d’autres renseignements. Notre bureau a écrit au TSS le 1er janvier 2015 et a inclus dans cet envoi toutes les lettres qui avaient été envoyées au Tribunal ainsi que les renseignements demandés.

Il est clair que, au nom de Monsieur N. N, notre bureau a manifesté l’intention de poursuivre l’appel et a fourni les renseignements demandés par le TSS.

[4] La division d’appel déduit, d’après la nature des observations de l’avocate, que la demande est fondée sur l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi).

Question en litige

[5] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[6] Pour interjeter appel devant la division d’appel, il faut d’abord demander la permission d’appeler d’une décision de la division générale du TribunalNote de bas de page 1. La division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès pour accorder cette permissionNote de bas de page 2. Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès à une cause défendable.

[7] Il n’y a que trois moyens qui peuvent être invoqués par un appelant pour interjeter appel. Ces moyens, énoncés à l’article 58 de la Loi, sont les suivants : manquements à la justice naturelle, erreur de droit et erreur de faitNote de bas de page 3. Toutefois, pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès. Cela signifie que la division d’appel doit d’abord établir qu’au moins un des motifs invoqués

à l’appui de la demande correspond à un moyen d’appel et que l’appel aurait une chance raisonnable de succès s’il était instruit dans le cadre d’une audience sur le fondement de ce moyen.

Observations

[8] La division d’appel a donné aux parties l’occasion de présenter des observations sur la pertinence d’accorder la permission d’en appeler. L’intimé ne s’est pas prononcé sur la question, alors que l’avocate du demandeur a fait référence aux lettres qu’elle avait envoyées les 5 juin et 21 août 2014, ainsi que les 15 janvier et 1er mai 2015, pour les porter à l’attention de la division d’appel. Ces lettres réitèrent l’opinion du demandeur, soit qu’il a respecté le délai pour le dépôt de l’avis d’appel.

Analyse

[9] Une question fondamentale qui se pose dans cette affaire est si la division générale a commis une erreur en concluant que le demandeur ne s’était pas conformé aux instructions du Tribunal et si cette lacune de sa part montrait qu’il n’avait pas eu l’intention constante de poursuivre l’appel. Le Tribunal juge utile, à cet égard, d’établir l’historique de l’instance devant la division générale.

Historique

[10] Le 1er février 2013, le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC, qui a été rejetée par l’intimé. Le demandeur a demandé une révision, à la suite de laquelle l’intimé a maintenu sa décision. La décision de révision est datée du 26 mars 2014.

[11] Le 5 juin 2014, l’avocate du demandeur a déposé un avis d’appel, sous forme de lettre, auprès du Tribunal. L’avis d’appel était incomplet, mais lorsque l’avocate du demandeur l’a déposé, le délai de 90 jours prévu pour déposer un appel n’était pas terminé. Voici ce que contenait l’avis d’appel incomplet :

[Traduction]

Nous vous informons que nous représentons Monsieur N. N pour son appel relatif à l’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC. Vous trouverez ci-joint une autorisation signée par Monsieur N. N.

Par la présente, nous faisons appel de la décision de révision de RHDSC datée du 26 mai 2014. Dans cette décision, la conclusion est que Monsieur N. N a des limitations, mais n’a pas montré que ses limitations l’auraient empêché de façon continue d’effectuer un travail. Nous ne sommes pas d’accord avec cette conclusion.

Monsieur N. N a des problèmes de santé chroniques qui interfèrent constamment avec ses activités quotidiennes, de sorte qu’il est régulièrement incapable de détenir ou de maintenir tout type d’emploi véritablement rémunérateur.

[12] Le 5 juillet 2014, le Tribunal a envoyé une lettre au demandeur pour l’aviser que son avis d’appel était incomplet. Voici les parties pertinentes de cette lettre :

[Traduction]

Renseignements requis pour compléter votre avis d’appel

Pour que l’appel puisse être déposé, le Tribunal doit recevoir, sans tarder, les renseignements suivants par écrit :

une copie de la décision de révision qui fait l’objet de l’appel (remarque : il est possible que vous n’ayez pas demandé à Service Canada de rendre une telle décision; vous devez en faire la demande avant d’interjeter appel devant le Tribunal);

l’adresse et le numéro de téléphone de l’appelant et, s’il y a lieu, son numéro de télécopieur et son adresse de courriel;

une déclaration attestant que les renseignements fournis sont, à la connaissance de l’appelant, véridiques. L’appelant peut faire parvenir une déclaration au Tribunal en indiquant sur une feuille vierge :

son nom complet;

le numéro du Tribunal (c’est-à-dire le numéro mentionné en objet);

la déclaration suivante : « Je, (nom complet de l’appelant), déclare que les renseignements fournis pour l’appel no (numéro de l’appel) sont, à ma connaissance, véridiques. »

Remarque : Les coordonnées du Tribunal sont indiquées en haut de la première page de cette lettre.

[13] Le Tribunal a demandé au demandeur d’envoyer l’information sans tarder. Toutefois, environ six semaines se sont écoulées avant que le demandeur réponde. C’est là que survient le problème.

[14] Dans sa lettre, le Tribunal a également avisé le demandeur qu’il devait respecter le délai de 90 jours, faute de quoi son appel serait considéré en retard. La lettre du Tribunal contient un paragraphe portant expressément sur cette question, sous la rubrique indiquée ci‑dessous :

[Traduction]

Délai pour déposer l’avis d’appel

Un avis d’appel complet doit être reçu dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision de révision du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada a été communiquée à l’appelant.

[15] Le Tribunal précise aussi dans sa lettre les conséquences éventuelles du dépôt de l’avis d’appel au-delà du délai prévu.

[Traduction]

Dépôt de l’avis d’appel après le délai prévu

Si vous souhaitez poursuivre l’appel et ne fournissez pas les renseignements requis dans le délai mentionné ci‑dessus, vous devrez demander, sans tarder, une prolongation du délai pour déposer l’avis d’appel complet. Pour demander une prolongation, vous devez fournir une explication écrite ou remplir la section 2B du formulaire d’avis d’appel en fonction de tous les critères suivants :

  1. a. si vous aviez l’intention constante de poursuivre l’appel;
  2. b. si la cause est défendable;
  3. c. s’il y a une explication raisonnable pour le retard;
  4. d. si le fait de prolonger le délai porterait préjudice à l’autre partie.

[16] Le Tribunal a reçu une réponse de l’avocate du demandeur le 21 août 2014. Les renseignements additionnels reçus par le Tribunal comprenaient une copie de la décision de révision; une déclaration de l’avocate du demandeur selon laquelle les renseignements fournis par le demandeur étaient véridiques à sa connaissance; une autorisation signée désignant l’avocate à titre de représentante du demandeur et incluant les coordonnées du demandeur (GD1A). La déclaration n’était pas conforme aux exigences que le Tribunal avait communiquées au demandeur dans sa lettre, en ce sens que ce n’était pas le demandeur qui l’avait faite.

[17] Dans une lettre du 8 décembre 2014, le demandeur a été informé que le Tribunal considérait que l’avis d’appel avait été déposé en retard. Il était aussi précisé dans la lettre que le demandeur devait demander un délai supplémentaire pour déposer l’appel au plus tard le 7 janvier 2015.

[18]  Le 15 janvier 2015, l’avocate du demandeur a répondu au Tribunal. Elle affirmait que, puisque le demandeur avait répondu à la demande du Tribunal le 21 août 2014, l’avis d’appel n’était pas en retard (GD3). Voici ce qui était indiqué dans la lettre :

[Traduction]

Nous avons reçu votre lettre du 8 décembre 2014, dans laquelle il est indiqué que notre appel était en retard.

Notre bureau a reçu une décision de révision datée du 26 mars 2014, selon laquelle Monsieur N. N n’avait pas droit aux prestations (ci‑jointe). Nous avons fait appel de cette décision auprès du TSS dans une lettre datée du 5 juin 2014 (ci-jointe).

Notre bureau a aussi reçu une lettre du TSS datée du 5 juillet 2014 et demandant plus d’information concernant l’appel de Monsieur N. N. Une lettre datée du 21 août 2014 (ci-jointe) a été envoyée comme réponse au TSS, avec les renseignements demandés.

Notre bureau a donc transmis l’appel à temps, et nous ne devrions pas avoir à demander un délai supplémentaire pour déposer l’avis d’appel.

[19] Le 21 avril 2015, le Tribunal a de nouveau avisé le demandeur qu’il devait présenter une demande de prorogation du délai pour déposer un appel.

[20] Le 1er mai 2015, l’avocate a répondu en soutenant que le demandeur avait respecté le délai du Tribunal. L’avocate a écrit ce qui suit :

[Traduction]

La lettre de refus était datée du 26 mars 2014. Dans votre lettre du 5 juillet 2014 (avis d’appel incomplet), il n’est pas indiqué que notre avis d’appel était en retard. Dans la lettre de refus, il est écrit que nous disposons de 90 jours pour faire appel. Nous avons respecté le délai.

Nous avons envoyé les renseignements demandés le 21 août 2014. Le 8 décembre 2014, nous avons reçu la lettre où vous disiez que notre appel était en retard. Nous avons répondu à votre lettre le 15 janvier 2015. Veuillez voir la confirmation et les lettres ci-jointes.

[21] Il n’y a pas eu d’autres communications entre le Tribunal et le demandeur jusqu’à ce que la division générale rende la décision où elle refusait d’accorder un délai supplémentaire. Dans la décision rendue le 25 mai 2015, le membre de la division générale a souligné ce qui suit :

[Traduction]

[6] […] l’appelant n’a pas précisé les raisons pour lesquelles le Tribunal devrait proroger le délai pour interjeter appel. D’après sa représentante, son bureau a déposé l’appel à temps et ne devrait pas avoir à demander un délai supplémentaire pour déposer l’avis d’appel.

La division d’appel devrait-elle accorder la permission d’en appeler?

[22]  Pour décider s’il fallait accorder ou non un délai supplémentaire, la division générale s’est appuyée sur la jurisprudence, notamment les décisions dans l’affaire GattellaroNote de bas de page 4. Dans cette affaire, la Cour fédérale a établi quatre facteurs qu’il faut prendre en considération pour déterminer s’il faut accorder un délai supplémentaire. Ces quatre facteurs ont été repris dans la lettre du Tribunal datée du 5 juillet 2014.

[23] Il est évident que le membre de la division générale a tenu compte de tous ces aspects dans sa décision. Elle a conclu que, d’après les faits portés à sa connaissance, la cause du demandeur était défendable, et que la prorogation du délai ne porterait pas préjudice à l’intimé.  Toutefois, le membre de la division générale a jugé que le demandeur n’avait pas fourni d’explication satisfaisante pour avoir déposé son avis d’appel en retard. Voici le paragraphe pertinent de la décision :

[Traduction]

[31] […] la seule indication d’une certaine intention de poursuivre l’appel est le fait que sa représentante a envoyé un appel incomplet dans le délai de 90 jours. En outre, l’appelant n’a pas fourni au Tribunal de raison expliquant pourquoi il n’a pas pu respecter le délai énoncé clairement dans le RPC et dans les lettres qu’il a reçues.

[24] L’avocate du demandeur affirme que la décision de la division générale est erronée. Elle soutient que le demandeur a toujours eu l’intention de poursuivre l’appel. Le dossier présenté au Tribunal a permis de voir l’imbroglio survenu en raison de la position que l’avocate du demandeur avait choisi d’adopter. En continuant à refuser de se conformer aux directives du Tribunal, l’avocate du demandeur a empêché le respect de deux facteurs énoncés dans la décision Gattellaro. Toutefois, la division d’appel n’est pas persuadée que la démarche devait nécessairement prendre fin à ce stade.

[25] Dans l’arrêt HogervorstNote de bas de page 5, la Cour d’appel fédérale a complété les critères de l’affaire Gattellaro par un cinquième critère, soit l’intérêt de la justiceNote de bas de page 6. Dans l’arrêt Larkman 2012 CAF 204, la Cour d’appel fédérale a donné des consignes claires quant au critère de l’« intérêt de la justice », en déclarant :

Le critère [Gattellaro] est souple et doit être appliqué de manière à ce que justice soit rendue entre les parties, ce qui est le principal facteur à prendre en compte dans une demande de prorogation de délai. Cette souplesse comprend le fait d’attribuer un poids approprié à chacun des facteurs, suivant les circonstances de l’octroi de l’autorisation, et ce, même si l’un des quatre critères ordinaires n’est pas présent et s’il est nécessaire de satisfaire à un cinquième facteur, celui des faits de l’espèce.

[26] La décision fait référence à l’intérêt de la justice. Toutefois, il n’est pas clair pour la division d’appel que la division générale a pris ce facteur en considération puisque la décision n’examine pas le meilleur intérêt de la justice. La division d’appel conclut que la division générale a commis une erreur en ne prenant pas en considération le meilleur intérêt de la justice. Par conséquent, la division d’appel est convaincue que la demande se rapporte à un moyen d’appel qui présenterait une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La demande de permission d’en appeler est accordée.

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