Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Z. R. : Appelante
  • Domenic Romeo : Représentant de l'appelante

Introduction

[1] L’intimé a estampillé, le 20 juin 2013, la demande de pension d’invalidité de l’appelante présentée en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). L’intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. Le 8 avril 2014, l’appelante a interjeté appel, auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), de la décision découlant de la révision.

[2] L’audience de cet appel a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelante sera la seule partie qui participe à l’audience;
  2. ce mode d’audience permet d’accommoder les parties ou les participants;
  3. un service de vidéoconférence est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelante;
  4. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, l’invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] Le Tribunal est d’avis que, compte tenu du registre des gains de l'appelante et des clauses d'exclusion pour élever des enfants, la PMA prend fin le 31 décembre 2017.

[7] Puisque cette date se situe dans l’avenir, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante ait été atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l'audience, ou avant cette date.

Contexte

[8] Au moment de présenter sa demande de pension d'invalidité, l'appelante était âgée de 37 ans. Elle a maintenant 39 ans. Elle est née au Pakistan, et a déménagé en Australie avec sa famille en 1995. Elle a immigré au Canada en 2002. Elle a obtenu, en Australie, un diplôme en technologies de l'information. En Australie, elle travaillait dans une garderie alors qu'elle était étudiante. Elle a occupé un poste administratif comportant l'entrée de données au ministère des Anciens Combattants. Elle a travaillé dans un centre d'appel où l'on fournissait le soutien pour un logiciel relatif à une nouvelle méthode de taxation. À son arrivée au Canada, et pendant les cinq ans qui ont suivi, elle a travaillé comme directrice de magasin.

[9] Le 20 janvier 2009, elle s'est blessée dans un accident d'automobile. Elle n'est jamais retournée travailler depuis. Elle s'est divorcée en 2011 et vit maintenant dans une maison avec ses deux enfants (de 6 et 12 ans), sa sœur, le mari de sa sœur et leur petit garçon.

Documents relatifs à la demande

[10] Dans le questionnaire afférent à la demande de pension d'invalidité du RPC, qu'il a signé le 29 mai 2013, l'appelante a indiqué qu'elle avait terminé sa 12e année et qu'elle allait au collège ou à l'université. Elle a déclaré qu'elle avait travaillé pour la dernière fois en tant que gérante adjointe (caisse, expédition et réception, paie, etc.) chez International Clothiers de 2004 à janvier 2009. Elle a déclaré qu'elle avait cessé de travailler parce qu'elle a été impliquée dans un accident de la route. L'appelante n'a pas précisé la date à laquelle elle est devenue invalide. Les maladies ou les troubles dont elle souffrait et qui l'empêchaient de travailler sont les suivants : douleurs au cou et au dos, maux de tête, incapacité à demeurer dans la même position en raison de la douleur.

[11] Elle a décrit ses difficultés et ses limitations fonctionnelles comme suit : possibilité d’être assise ou debout pendant au plus deux heures à cause de la douleur; difficulté à marcher pendant plus de 15 à 20 minutes; difficulté à s'étirer; difficulté avec ses besoins personnels lorsque la douleur surgit; constipation fréquente; problèmes avec les activités ménagères et aide constante de sa sœur; certains problèmes de mémoire et de concentration; capacité à conduire pendant 15 à 20 minutes lorsque nécessaire (doit aller conduire les enfants à l'occasion).

[12] La demande de prestations du RPC est accompagnée du rapport du 5 avril 2013 du Dr Melvish, médecin de famille de l’appelante. Le Dr Melvish y indique que l'appelante a reçu des traitements à la clinique pendant quatre ans et que sa dernière visite remonte au 25 septembre 2012. Le rapport fait état du diagnostic de douleur au bas du dos. Selon le pronostic, on s'attend à ce que l'état de santé de l'appelante s'améliore grâce à d'autres traitements médicaux et à plus de traitements de physiothérapie.

Preuve testimoniale

[13] L’appelante a dressé un compte rendu détaillé de ses études et de ses antécédents professionnels. Elle a décrit son accident de la route du 20 janvier 2009 et a mentionné qu'elle était enceinte à cette époque. L'accident a eu une des répercussions émotives importantes pour l'appelante. Elle s'inquiétait du bébé. Le bébé se portait bien à la naissance, mais il a démontré un certain retard dans son développement et avait des besoins particuliers. L'enfant a maintenant six ans, mais se comporte comme une enfant de deux ans et demie. Il est difficile pour l'appelante de s'occuper de cet enfant étant donné la douleur dont elle souffre. Sa sœur l'aide dans 60 % des tâches liées « aux soins à l'enfant ».

[14] Elle a décrit ses problèmes physiques comme suit :

  • Maux de tête : Elle souffre de maux de tête en moyenne une fois par semaine, la douleur dure jusqu'à 24 heures. Elle prend du Tylenol et du Advil contre les maux de tête, et parfois elle se frictionne avec du Vicks. Elle ressent les maux de tête dans toute sa tête. Elle ressent de la douleur dans les yeux et ne peut se concentrer sur un point précis. Elle n'arrive pas à se rappeler si elle a consulté un spécialiste pour ses maux de tête. Actuellement, son seul traitement pour ces maux consiste à voir le Dr Kahlon, son médecin de famille, et à prendre des médicaments.
  • Cou : Elle ressent une douleur constante au cou, particulièrement du côté du dos. La douleur s'intensifie selon les activités qu'elle pratique (environ une fois par mois). Si la douleur est sévère, elle prend du Tylenol #3 et de l'Ibuprofène que lui a prescrit le Dr Kahlon. Sinon, elle prend du Tylenol extra-fort. Lorsque la douleur est sévère, elle irradie jusque dans la tête, et dans son épaule droite et dans son bras droit. Elle tente d'éviter les activités qui accentuent la douleur, mais elle ne peut les éliminer à cause des enfants.
  • Dos : Elle ressent quotidiennement de la douleur partout dans le dos. La douleur s'accentue lors de ses activités. Lorsqu'elle est trop vive, elle se soulage à l'aide de Naproxen.
  • Bras droit : Elle ressent de la douleur et des engourdissements au bras droit jusque dans les doigts. Elle cesse toute activité lorsque la douleur devient trop intense.
  • Jambes : La douleur irradie dans ses jambes depuis son dos (particulièrement dans la jambe gauche). Son genou gauche est douloureux et raide. Elle ressent de la douleur quotidiennement.

[15] Au début, elle a reçu des traitements de physiothérapie, puis elle a participé à un programme sur la douleur chronique en 2011. Ces essais ne l'ont pas aidée, elle s'est habituée à vivre avec la douleur. Outre les massages qu'elle recevait de sa sœur et les médicaments contre la douleur, elle n'a reçu aucun autre traitement pour soulager sa douleur.

[16] Sa situation soulève des questions émotives parce que la douleur l'empêche de faire des choses, ce qui la fâche. Elle ne consulte plus personne pour sa dépression. Tous les jours elle prend les antidépresseurs que lui a prescrits le Dr Kahlon. Elle ne se rappelle pas à quel moment elle a terminé sa psychothérapie. Elle souligne qu'elle a suivi une psychothérapie uniquement avec les Drs Pilowsky et Tingling's. Ses problèmes émotifs nuisent à sa capacité de travailler puisqu'elle éprouve des difficultés à se concentrer.

[17] Le Dr Hussain était son médecin de famille lorsqu'elle a présenté sa demande de pension d'invalidité du RPC. Puis elle a commencé à voir aussi le Dr Kahlon il y a environ deux ou trois ans. Elle a reconnu que le dossier d'audience ne contenait ni de rapport du Dr Hussain ni de rapport du Dr Kahlon. Lorsqu'on a fait référence au rapport du 5 avril 2013 du Dr Melvish qui accompagnait la demande de pension du RPC (voir paragraphe 12, plus haut), elle a déclaré qu'elle ne connaissait pas le Dr Melvish.

[18] Elle n'est pas retournée au travail depuis son accident de la route en janvier 2009 et elle a admis qu'elle n'avait fait aucun effort depuis pour trouver un autre emploi ou améliorer ses compétences. Lorsqu'interrogée à ce sujet, elle a déclaré qu'elle était trop souffrante et que la douleur l'empêchait de faire quoi que ce soit. Elle a déclaré que pendant sa psychothérapie elle devait aussi composer avec des problèmes conjugaux et avec les problèmes de santé de sa fille. Elle était convaincue que sa douleur était son plus gros problème et qu'elle aurait pu surmonter les autres difficultés, n'eût été cette douleur. Elle est allée au Pakistan à trois reprises depuis son accident de la route. Elle y est restée environ sept semaines à chaque fois. La durée du vol est d'environ 12 heures. Elle a eu besoin d'assistance pour embarquer dans l'avion et en débarquer. Sa famille au Pakistan l'a défrayée de ses frais de voyage (elle, ses deux enfants, sa sœur et son neveu) parce qu'elle savait qu'elle (l'appelante) éprouvait des problèmes de santé physique et émotionnelle.

Preuve médicale

[19] Le Tribunal a examiné attentivement tous les éléments de preuve médicale figurant au dossier d’audience. Voici les extraits les plus pertinents selon le Tribunal.

[20] L'évaluation psychiatrique du 29 avril 2009 de la part du Dr Azadian, a fait ressortir un diagnostic de trouble de l'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Il lui a attribué un résultat de 55 sur l’échelle d’évaluation globale de fonctionnement (EGF). Il lui a recommandé des antidépresseurs, des anti-inflammatoires, des évaluations par un psychiatre afin d'exclure les atteintes nerveuses, et par un neurologue pour ce qui est des étourdissements et des maux de tête. Le Dr Azadian a aussi recommandé 12 à 14 séances de psychothérapie.

[21] L'imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 17 décembre 2009 a révélé un tout petit renflement discal en C3-C4 et C4-C5, mais n'a rien révélé de la colonne cervicale par ailleurs. Pour ce qui est de la colonne lombaire, l'IRM a révélé une légère dégénérescence des facettes à plusieurs niveaux, sans hernie discale ni atteinte du canal rachidien ou sténose spinale.

[22] Le 21 mars 2010, le Dr West, chirurgien orthopédiste, a évalué l'appelante à la demande de son avocat. Les symptômes de l'appelante consistaient en une douleur au cou, une douleur au bas du dos qui irradie dans les jambes, de fréquents maux de tête sévères, de l'insomnie, un sentiment de dépression, du stress et des inquiétudes. Le Dr West a diagnostiqué chez l'appelante une entorse myofasciale de la colonne cervicale, une entorse myofasciale de la région lombo-sacrée de la colonne vertébrale et des céphalées cervicogéniques post-traumatiques. Son pronostic à l'égard d'un rétablissement complet était à ce moment substantiellement réservé. Le Dr West était d'avis que l'appelante était, de manière substantielle, incapable d'effectuer les tâches essentielles de son emploi et qu'il était "fort possible" que cette incapacité persiste de façon continue et pour une durée indéterminée.

[23] Le 26 mars 2010, la Dre Pilowsky, psychologue, a diagnostiqué chez l'appelante un trouble dépressif majeur modérément grave, un trouble de stress post-traumatique et un trouble de la douleur associé aux facteurs psychologiques et à l'état de santé général. Elle lui a attribué un résultat de 50 sur l'EGF. Elle lui a recommandé une douzaine de séances de psychothérapie.

[24] Le 3 mars 2011, le Dr Debora, chiropraticien au Professional Chronic Pain Associates, a fait état, dans un rapport de fin de réadaptation, de son diagnostic de douleur cervicale chronique de nature mécanique, de radiculopathie cervicale, de douleur thoracique chronique de nature mécanique, de douleur chronique de nature mécanique au bas du dos, de radiculopathie lombaire et de céphalées cervicogéniques chroniques. Il a énuméré les traitements qu'il a rendus à l'appelante et a mentionné que cette dernière avait fait des progrès légers à modérés dans le cadre du programme de gestion de la douleur. Les traitements qu'elle a reçus lui ont permis d'accomplir ses activités de la vie quotidienne et d'accroître sa mobilité.

[25] Le 26 mars 2012, le Dr Wong, psychiatre, a procédé à une évaluation de l'appelante à la demande de son avocat. Le diagnostic qui en a résulté comportait : une lésion myofaciale modérée des muscles paravertébraux la colonne cervicale, des céphalées cervicogéniques, une lésion myofaciale modérée des muscles de la colonne lombaire avec douleur projetée dans les épaules et les bras, une lésion myofaciale modérée des muscles paravertébraux de la colonne lombaire et des muscles fessiers de la région sacro-iliaque avec douleur projetée dans les jambes, une insomnie post-traumatique et des troubles psychologiques. Selon le Dr Wong, l'appelante était tout à fait incapable d’effectuer les tâches essentielles de l'emploi qu'elle occupait avant son accident. Il a expliqué que le travail de l'appelante nécessitait qu'elle soit souvent debout et qu'elle marche beaucoup, qu'elle effectue des mouvements répétés des bras et qu'elle soulève de lourdes charges, ce en quoi elle était incapable. Selon le Dr Wong, l'appelante était aussi incapable d'effectuer les tâches essentielles de tout emploi lié à sa formation et à ses compétences. Il a expliqué qu'elle souffrait de lésions multiples au cou et au dos, auxquelles s'ajoutent de l'insomnie et du stress. Il a laissé entendre que la durée de l’incapacité était « indéterminée pour le moment ». Il a recommandé à l'appelante de suivre un programme sur la douleur chronique, d'obtenir des soins psychologiques et de consulter un neurologue.

[26] Le 27 avril 2012, le Dr Kagal, rhumatologue, a évalué l'appelante à la demande de son avocat. Il a diagnostiqué une entorse cervicale myofaciale, une entorse lombaire myofaciale, des maux de tête post-traumatiques et une fibromyalgie post-traumatique. Selon le Dr Kagal, l'appelante n'était pas en mesure d'occuper l'emploi qu'elle occupait avant son accident en raison de ses troubles musculosquelettiques. La durée de ces limitations était, selon lui, indéterminée.

[27] Les notes du 1er novembre 2012 du Doctor-R-Us indiquent trois visites en 2012 (la dernière ayant eu lieu le 25 septembre), cinq visites en 2011, six visites en 2010 et 11 visites en 2009 après l'accident de janvier. Plusieurs de ces visites avaient pour objet les douleurs continuelles au cou et au dos. Les notes ne révèlent rien au sujet d'une dépression ou de problèmes psychologiques importants.

[28] Le 15 octobre 2013, le Dr Vitelli, psychologue, a fait un rapport de son évaluation de l'appelante à la demande de son avocat. Il a déclaré que l'appelante souffrait toujours de douleurs et qu'elle éprouvait des problèmes émotionnels, qui l'empêchaient de travailler. L'appelante a relaté ses problèmes de mémoire et de concentration occasionnels, mais il ne s'agissait pas, selon elle, de problèmes préoccupants. Elle n'a subi aucun examen formel à cet égard, mais elle ne démontrait aucun problème d'orientation spatio-temporelle. Elle ne démontrait pas non plus de problème manifeste de langage, en expression ou en compréhension. Elle s'est exprimée clairement et de façon appropriée au cours de la rencontre. À part l'anxiété qu'elle ressent au volant, elle n'a pas relaté de symptôme post-traumatiques, sauf pour ce qui est de son pessimisme à l'égard de son rétablissement futur. Le Dr Vitelli a diagnostiqué un trouble de l'adaptation avec anxiété et humeur dépressive, et une douleur chronique liée aux facteurs psychologiques et à l'état de santé général. Selon lui, il est peu probable que l'appelante soit en mesure de retourner travailler sans traitement contre la douleur ni soutien psychologique. Il est aussi peu probable selon lui que l'état de l'appelante s'améliore sans autre traitement, étant donné le temps qui s'est écoulé depuis l'accident.

[29] Le 29 octobre 2013, le Dr Devlin, physiatre, a fait un rapport de son évaluation de l'appelante à la demande de l'assureur. Il a souligné que l'appelante n'était pas retournée travailler en raison d'une douleur chronique continuelle. Il n'était pas convaincu qu'elle était totalement incapable d’occuper tout type d’emploi qui lui convient raisonnablement compte tenu de son niveau de scolarité, de sa formation et de son expérience. Le rapport mentionne : « Dans le passé, l'appelante a surtout occupé des emplois de type administratif. L'examen ne me donne aucun indice qu'elle ne pourrait plus occuper ce genre d'emploi si elle le souhaite. »

[30] Le 11 décembre 2013, le Dr Frank, psychologue, a fait un rapport de son évaluation de l'appelante à la demande de l'avocat de l'assureur. À la suite d'un examen détaillé de la documentation médicale, d'une entrevue approfondie et de tests psychométriques, le Dr Frank était d’avis que l'appelante répondait aux critères relatifs à un trouble dépressif majeur. Elle ne répondait toutefois pas aux critères relatifs à un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elle souffrait de symptômes importants liés au TSPT et elle satisfaisait aux critères relatifs à un trouble de symptômes somatiques (douleur). Le pronostic était pessimiste et les traitements qu'elles devaient suivre comprenaient la pleine conscience fondée sur la diminution du stress, la thérapie cognitivo-comportementale et les médicaments contre les troubles psychiatriques. Le Dr Rosenblat était d'avis que l'appelante souffrait d’une invalidité complète qui l’empêcherait d’occuper un emploi pour lequel elle posséderait le niveau de scolarité, la formation et l’expérience.

[31] Le 20 août 2013, Jeff Ford, ergothérapeute, a fait un rapport de son évaluation de l'appelante à la demande de l'avocat de l'assureur. En ce qui concerne la capacité à travailler de l'appelante, il a déclaré : « Devant l'évidence d'un effort incohérent ou sous-optimal de la plaignante le 12 août 2013, cet auteur ne peut affirmer qu'on m'a fourni une preuve objective et vérifiable des limitations fonctionnelles de la plaignante qui l'empêcheraient de retourner travailler en raison des blessures qu'elle a subies lors de son accident de la route le 19 janvier 2009. »

[32] Le 2 octobre 2013, le Dr Wong a fait un rapport de son évaluation de l'appelante à la demande de l'avocat de l'appelante. Selon lui, les problèmes physiques et psychologiques de l'appelante l'empêchaient d'occuper tout emploi qui tiendrait compte de son niveau de scolarité, de sa formation et de son expérience. Il recommandait à l'appelante de participer à un programme sur la douleur chronique, d'obtenir des soins d'un psychologue et d'être évaluée par un psychiatre pour une dépression.

[33] Le 13 novembre 2013, le Dr Frank, psychologue, a fait un rapport de son évaluation à la demande de l'avocat de l'assureur. Le Dr Frank a diagnostiqué chez l'appelante un trouble dépressif majeur chronique modérément grave, un trouble de la douleur associé aux facteurs psychologiques chroniques et à l'état de santé en général, et un trouble de l'adaptation. Il lui a attribué un résultat de 51 à 55 à l’EGF. Pour ce qui est de la capacité de l'appelante à travailler, il est d'avis que :

D'un point de vue purement psychologique, je suis d'avis que le trouble de la douleur et le trouble dépressif majeur de madame Z. R. ont entraîné une baisse d'énergie, de l'endurance et des ressources lui permettant de s'adapter à la douleur, à un point tel qu'en ce moment elle serait effectivement incapable d'occuper l'emploi qu'elle occupait dans un magasin de vêtements avant son accident. Le fait que sa fille démontre un retard dans son développement et exige beaucoup d'énergie physique et mentale ne fait que compliquer la situation...

Il est difficile de se prononcer sur les capacités futures de madame Z. R. puisque la réaction aux traitements dépend de plusieurs facteurs. D'un côté, elle a pris part à plusieurs séances de psychothérapie et ressent toujours des symptômes après plusieurs années. De l'autre, je comprends que la psychothérapie à laquelle madame Z. R. a participé était centrée sur des aspects généraux, et accordait un peu d'attention aux problèmes de sa fille. Elle a mentionné qu'elle n'avait participé à aucun programme de gestion de la douleur chronique. Il est fort possible que son état s'améliore de façon significative si elle participait à une psychothérapie intensive centrée sur la gestion de la douleur, idéalement dans le contexte d'un programme interdisciplinaire de traitement de la douleur. Elle serait amplement capable de retourner travailler après avoir participé à un tel programme.

Observations

[34] M.Roméo soutient que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Selon l’ensemble de la preuve, y compris la preuve testimoniale et les documents médicaux, l'invalidité de l'appelante répond aux critères énoncés dans le RPC selon lesquels l'invalidité doit être grave et prolongée.
  2. Elle éprouve des problèmes physiques et une douleur chronique continus, qui se sont aggravés à cause de l'activité.
  3. Bien qu'elle possède certaines compétences transférables, l'appelante ne pourrait pas occuper un emploi sédentaire en raison de ses limitations.

[35] L’intimé fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Le médecin de famille a affirmé que son diagnostic se résumait à une douleur au dos attribuable à un accident de la route survenu en 2009.
  2. Ni l'appelante ni son médecin de famille n'ont mentionné la dépression au moment de présenter la demande de pension d'invalidité de l'appelante.
  3. La preuve médicale n'a pas démontré d'affection sérieuse qui empêcherait l'appelante d'accomplir tout type de travail.
  4. L'appelante ne s'est pas présentée à un programme portant sur la douleur chronique, ne s'est pas efforcée d'essayer un autre emploi et n'a pas noté la date à laquelle elle sentait qu'elle n'était plus en mesure de travailler en raison de son état de santé.
  5. Rien n'indique qu'elle a besoin d'une intervention médicale ou psychiatrique agressive et elle a été jugée capable d'occuper un emploi sédentaire.

Analyse

[36] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Caractère grave de l'invalidité

[37] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité sont définies au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada qui prévoit essentiellement que, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Non seulement la personne doit être incapable de faire son travail habituel, mais, de plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’elle puisse le faire. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[38] Les affaires suivantes ont fourni une orientation et une aide au Tribunal afin de l'aider à trancher les questions relatives à l'appel.

[39] Il incombe à l’appelante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de l'audience ou avant cette date, elle était invalide au sens de la Loi. Le critère de gravité doit être analysé dans un contexte « réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge de la personne, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience de vie lorsqu’il détermine l’« employabilité » d'une personne par rapport à son invalidité.

[40] Cependant, cela ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d'invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[41] L’appelante doit non seulement démontrer qu’elle a un grave problème de santé, mais lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, elle doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Cependant, dans le cas où il y a incapacité de travailler, il n’y a aucune obligation de démontrer les efforts fournis pour trouver un emploi. L’incapacité peut être démontrée de diverses manières. Ainsi, elle peut être établie au moyen d’une preuve que l’appelante serait incapable d’accomplir toute activité liée à un emploi : C.D. c. MDRH (18 septembre 2012) CP 27862 (CAP).

[42] La question de savoir si le demandeur a tenté de trouver un autre travail ou manquait de motivation de le faire constituait clairement un facteur pertinent pour déterminer si son invalidité était « grave ». : Klabouch c. Ministre du Développement social, 2008 CAF 33. Les appelants doivent prouver qu’ils ont déployé des efforts raisonnables et sincères pour trouver et conserver un emploi que leurs limitations leur permettent d’occuper. Ce manquement ne joue pas en faveur de l'appelante, car il soulève un doute quant à la possibilité que celle-ci ait simplement choisi d’adopter le style de vie d’une personne invalide parce qu’elle croit être inapte au travail : F.E. c. MDRH (17 juin 2011) CP 26480 (CAP).

[43] L’appelante doit se montrer prête, en toute bonne foi, à suivre les conseils médicaux appropriés et, lorsqu’il paraît évident qu’elle ne pourra reprendre son emploi précédent, à s'inscrire à des programmes de formation ou de recyclage : Lombardo c. MDRH, (23 juillet 2001), CP 12731(CAP).

[44] Il n’est pas suffisant de conclure qu’un syndrome de douleur chronique existe; la douleur doit être telle qu’elle rend la personne atteinte régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il incombe aussi à la personne qui a demandé des prestations de démontrer qu’elle a voulu se faire traiter et qu’elle a tenté de surmonter la douleur : MSNBS c. Densmore (2 juin 1993), CP 2389 (CAP).

Application des principes directeurs

[45] Bien qu'on puisse noter certaines contradictions dans la preuve médicale, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance de la preuve, que l'appelante souffrait toujours de douleur chronique importante, de dépression et d'autres symptômes psychologiques à la fin de 2013. À cet égard, le Tribunal a souligné que les évaluations obtenues au nom de l'assureur (voir les paragraphes 30 et 33, plus haut) témoignent de la douleur chronique importante et des symptômes psychologiques.

[46] Cependant, l'appelante doit composer avec la difficulté selon laquelle aucune preuve ne démontre qu'elle a participé à quelque traitement que ce soit après 2011, malgré les nombreuses recommandations à l'égard, notamment, d'un programme de gestion de la douleur chronique, de soins psychologiques, d'une évaluation psychiatrique et neurologique. Il semble que sa psychothérapie avec le Dr Pilowski se soit terminée en 2011. Rien ne démontre que l’appelante a suivi une psychothérapie par la suite. Rien ne prouve qu'elle a été traitée par un psychiatre. Tout au plus prend-elle un antidépresseur que lui a prescrit son médecin de famille. Elle a été libérée du programme sur la douleur chronique du Professional Chronic Pain Associates en mai 2011 et rien ne démontre qu'elle a plus tard assisté de nouveau au programme de gestion de la douleur chronique. Sa dernière participation à un traitement au Doctor-R-Us remonte au 25 septembre 2012. L'appelante a affirmé qu'elle était traitée par deux médecins de famille, le Dr Hussain et le Dr Khalon. Cependant, le dossier d'audience ne contient aucun rapport préparé par ses médecins. En l'absence de tels rapports, le Tribunal n'est pas en mesure de déterminer la nature et l'étendue des soins que les deux médecins prodiguaient à l’appelante.

[47] Le Tribunal a aussi souligné que le seul rapport émanant d'un médecin de famille a été préparé par le Dr Mehvich le 15 avril 2013. Ce rapport était joint à la demande de pension du RPC. Bien que l'appelante ait affirmé qu'elle ne connaissait pas le Dr Mehvish, il est médecin de famille au sein de Doctors-R-Us, là où l'appelante s'est fait soigner, depuis le jour de son accident de la route jusqu'en septembre 2012. Le rapport indique qu'on s'attend à des améliorations grâce à des soins médicaux continus et plus de traitements de physiothérapie. Cependant, aucune autre preuve de traitement ne figure au dossier.

[48] L'appelante a admis qu'elle n'avait fait aucun effort pour améliorer ses compétences ou pour trouver un autre emploi moins exigeant sur le plan physique. Elle avait seulement 33 ans au moment de son accident. Elle est maintenant âgée de 39 ans. Elle a reçu une bonne éducation, possède des antécédents professionnels variés, de bonnes connaissances en informatique et parle couramment plusieurs langues en plus de l'anglais. Elle a indiqué, dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC, qu'elle pouvait être assise ou debout pendant au plus deux heures, qu'elle pouvait marcher pendant 15 à 20 minutes et qu'elle avait « certains » problèmes de mémoire et de concentration. Le questionnaire mentionne de légères limitations qui ne devraient pas exclure quelque forme que ce soit de travail rémunérateur. En octobre 2013, l'appelante a signalé au Dr Vitelli (voir paragraphe 28, plus haut) qu'elle éprouvait « certains problèmes de mémoire et de concentration occasionnels, mais qu'il ne s'agissait pas, selon elle, de problèmes préoccupants ». Le Tribunal a aussi souligné que ni le questionnaire de l'appelante relatif aux prestations d'invalidité du RPC ni le rapport médical du Dr Mehvish qui y était joint ne faisaient état d'une dépression.

[49] Le Tribunal estime que l'appelante a une capacité résiduelle d'occuper un autre emploi convenable moins exigeant physiquement et qu'elle n'a pas satisfait au critère établi dans la décision Inclima, précitée. Le fait de ne pas avoir fourni des efforts raisonnables et sincères pour trouver un emploi que ses limitations lui permettent d’occuper soulève un doute quant à la possibilité que celle-ci ait simplement choisi d’adopter le style de vie d’une personne invalide parce qu’elle croit être inapte au travail (voir l'affaire F.E., précitée).

[50] Le Tribunal reconnaît que l'appelante éprouve des difficultés en raison de son état de santé. Cependant, le fardeau de la preuve repose sur ses épaules. Elle n'a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité au sens du RPC.

Caractère prolongé de l'invalidité

[51] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[52] L’appel est rejeté.

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