Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur sollicite la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 10 juillet 2015. La division générale a tenu une audience en personne le 24 juin 2015 et a établi que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada après avoir conclu que son invalidité n’était pas « grave » au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2000. Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler le 16 octobre 2015. Il allègue que la division générale a commis plusieurs erreurs. Pour que je puisse accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le demandeur soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

Erreurs de droit

  1. (a) La division générale n’a pas appliqué correctement les paragraphes 42(2) et 44(1) du Régime de pensions du Canada lorsqu’elle a établi que l’invalidité du demandeur n’était ni grave ni prolongée; elle a plus précisément omis de clarifier toute ambiguïté concernant les éléments de preuve en faveur du demandeur;
  2. (b) La division générale n’a pas appliqué correctement les principes établis dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 en ne tenant pas compte de la capacité du demandeur à être embauché dans [traduction] « un marché du travail concurrentiel »;
  3. (c) En ce qui concerne les efforts déployés par le demandeur pour trouver du travail, la division générale s’est appuyée uniquement sur l’arrêt Inclima c. Canada, 2003 CAF 117, sans prendre en considération la jurisprudence sur laquelle le demandeur s’était appuyé ni sans s’y reporter. Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que l’absence d’efforts déployés pour trouver d’autres types d’emploi rend automatiquement un prestataire non admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada;
  4. (d) La division générale a commis d’autres erreurs de droit [traduction] « qu’il présenterait lors de l’audience » d’appel;

Conclusions de fait erronées

  1. (e) La division générale a accordé trop de poids aux éléments de preuve défavorables au demandeur et n’a pas donné assez d’importance aux éléments en sa faveur;
  2. (f) La division générale n’a pas dûment examiné les renseignements d’ordre médical [traduction] « en tenant compte des principes énoncés dans l’arrêt Villani »;
  3. (g) La division générale a rendu une décision manifestement déraisonnable et n’a pas examiné ou dûment pris en compte les renseignements qui lui avaient été fournis, plus particulièrement la décision de la Commission des accidents du travail (la « Commission ») selon laquelle le demandeur n’était pas capable d’occuper un emploi dans un marché du travail concurrentiel, une décision que la division générale juge non [traduction] « convaincante ». Le demandeur soutient que, bien que le régime législatif et la définition de l’invalidité sur lesquels la Commission s’est fondée pour rendre sa décision aient été différents, celle‑ci a mené un examen approfondi de la preuve. Le demandeur soutient que la Commission a conclu qu’il était incapable d’occuper quelque type d’emploi que ce soit, à temps partiel ou à temps plein. Il soutient aussi que, en vertu du Régime de pensions du Canada, il faut prendre en considération l’invalidité totale d’un prestataire. Il soutient enfin que la division générale aurait dû accepter le raisonnement de la Commission;
  4. (h) La division générale a rendu d’autres conclusions erronées du genre et n’a également pas tenu compte d’éléments pouvant être présentés par le demandeur lors de l’audience d’appel;

[4] Le demandeur sollicite aussi la permission d’assister à l’audience d’appel et de présenter des éléments de preuve.

[5] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite concernant la présente demande de permission d’en appeler.

Analyse

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant que je puisse accorder une permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel cadrent avec les moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette démarche récemment dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

Erreurs de droit

[8] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas appliqué correctement les paragraphes 42(2) et 44(1) du Régime de pensions du Canada. L’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada définit les circonstances dans lesquelles une personne est considérée comme invalide, et le paragraphe 44(1) du Régime de pensions du Canada décrit le moment à partir duquel des prestations sont payables. Outre le fait d’avoir indiqué que la division générale aurait dû clarifier toute ambiguïté relevée dans les éléments de preuve en faveur du demandeur, ce dernier n’a fourni aucun détail à cet égard. On ne connaît pas vraiment la nature des ambiguïtés qui, selon le demandeur, auraient dû être clarifiées en sa faveur. Étant donné qu’aucun détail n’a été fourni, je ne suis pas convaincue que ce motif a une chance raisonnable de succès.

[9] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas appliqué correctement les principes énoncés dans l’arrêt Villani, parce qu’elle n’a pas pris en considération le contexte « réaliste » dans lequel se trouvait le demandeur. La Cour d’appel fédérale a soutenu que l’examen du contexte « réaliste » suppose qu’un décideur tient compte des caractéristiques personnelles d’un prestataire, comme son âge, ses aptitudes linguistiques, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. La division générale a cité l’arrêt Villani, puis a examiné les caractéristiques personnelles du demandeur, lesquelles sont présentées au paragraphe 65 de sa décision.

[10] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a également indiqué qu’il ne fallait pas intervenir dans l’appréciation que le décideur a formulée au sujet des caractéristiques personnelles d’un prestataire, car il faut faire preuve de retenue à cet égard. Je ne suis pas convaincue que le motif selon lequel la division générale n’a pas appliqué correctement les principes énoncés dans l’arrêt Villani a une chance raisonnable de succès.

[11] Le demandeur soutient que, en ce qui concerne les efforts qu’il a déployés pour trouver un emploi, la division générale a commis une erreur en se fondant uniquement sur l’arrêt Inclima. Il soutient que la division générale aurait dû se reporter et se conformer aux précédents jurisprudentiels sur lesquels il s’était appuyé. Le demandeur soutient qu’un de ces précédents confirme le droit d’un prestataire de toucher une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada et qu’un prestataire n’est pas automatiquement déclaré non admissible à cette pension parce qu’il n’a déployé aucun effort pour trouver et garder un emploi.

[12] Je présume que le demandeur fait référence à la décision Daly v. MEI (CP 2919 CAP 1984), dont il a fait mention dans les observations qu’il a présentées à la division générale (de GD3‑3 à GD3‑5). Dans cette affaire, la Commission d’appel des pensions avait conclu ce qui suit : [traduction] « Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, nous ne sommes pas convaincus qu’il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que M. Daly soit en mesure de suivre une formation afin d’occuper un emploi n’exigeant pas d’efforts physiques ». Dans les faits de cette décision, il a été admis que M. Daly ne pouvait entreprendre aucun type de formation ni aucune autre forme de réadaptation professionnelle sans avoir d’abord amélioré ses capacités de lecture et d’écriture, mais cette option ne semblait également pas raisonnable. Il semble que la décision Daly reposait en grande partie sur les faits.

[13] Bien qu’il eût été utile que la division générale examine la décision Daly ou tout autre précédent jurisprudentiel sur lequel le demandeur s’était fondé, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’est pas nécessaire d’exposer des motifs exhaustifs pour toutes les questions que doit trancher un décideur : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62. Au nom de la Cour suprême du Canada, la juge Abella s’est ainsi exprimée :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391).

[14] Dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation et Liard Plywood and Lumber Manufacturing Inc., 2012 CAF 165, le juge Stratas a écrit :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[15] Quoi qu’il en soit, la décision Daly ne constitue pas un précédent, car il s’agit d’une décision de la Commission d’appel de pensions qui a été rendue après l’arrêt Inclima, lequel est exécutoire. Selon le principe établi dans l’arrêt Inclima, lorsque la preuve démontre une capacité de travail, un demandeur doit prouver que les efforts qu’il a déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. En l’espèce, la division générale a conclu que le demandeur avait démontré sa capacité de travailler, et qu’il devait donc prouver que les efforts qu’il avait déployés pour chercher et garder un emploi s’étaient avérés infructueux pour des raisons de santé. Enfin, la division générale a conclu que les éléments de preuve se rapportant au moment où la période minimale d’admissibilité du demandeur a pris fin le 31 décembre 2000 ne permettaient tout simplement pas d’établir que ce dernier était capable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[16] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif.

Conclusions de fait erronées

[17] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Cette observation repose sur deux conclusions de fait erronées selon lui qui se rapportent notamment aux points suivants : (1) le poids à accorder aux éléments de preuve et (2) la décision de la Commission.

[18] La Cour d’appel fédérale s’est déjà penchée sur ce genre d’observation dans d’autres affaires où le juge des faits n’avait pas accordé le poids qu’il convenait à la preuve. Dans l’arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir au sujet du poids qu’un décideur doit accorder à la preuve, soutenant que cette question relevait probablement du « juge des faits ». Je ne vois aucune raison de m’écarter de cette pratique. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur le motif selon lequel la division générale n’a pas accordé le [traduction] « poids qu’il convient » aux éléments de preuve présentés par le demandeur. Je ne suis donc pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif.

[19] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas examiné la preuve médicale comme il se doit, c’est-à‑dire en tenant compte des principes établis dans l’arrêt Villani. Cette observation manque de précision, mais quoi qu’il en soit, elle semble sous‑entendre que la preuve mérite un nouvel examen. Comme la Cour fédérale l’a confirmé dans l’arrêt Tracey, il n’appartient pas à la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si une permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif.

[20] Le demandeur soutient que la division générale aurait dû s’en tenir au raisonnement de la CAT, puisque cette dernière avait mené un examen approfondi de la preuve et qu’elle avait finalement conclu que le demandeur n’était pas capable d’occuper un emploi dans un marché du travail concurrentiel. Bien que la Commission ait établi que le demandeur était incapable d’occuper un emploi dans un marché du travail concurrentiel, le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas lié par les décisions de la Commission ni d’ailleurs par celles rendues par toute autre entité administrative. En ce qui concerne les questions qui nous occupent, le fait que le demandeur puisse avoir été l’objet d’un examen rigoureux dans le cadre d’un régime administratif différent n’a pratiquement aucune valeur probante. Le Régime de pensions du Canada donne une définition stricte de l’invalidité, et le demandeur doit quand même prouver qu’il était invalide, au sens de cette loi. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce moyen d’appel précis.

Conclusion

[21] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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