Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 17 juin 2015. La division générale a tenu une audience en personne le 15 avril 2015 et a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en application du Régime de pensions du Canada parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2011. La demanderesse n’a pas précisé à quel moment elle pourrait avoir reçu la décision de la division générale, mais il semble qu’elle a présenté la demande de permission d’en appeler après l’expiration du délai prévu, soit le 2 octobre 2015. La demanderesse fait valoir que la division générale a commis un certain nombre d’erreurs. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue qu’il est justifié de proroger le délai de dépôt de la demande et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[2] Voici les questions dont je suis saisie :

  1. i. Si la demanderesse a déposé la demande de permission d’en appeler après l’expiration du délai, devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de dépôt de la demande de permission d’en appeler?
  2. ii. La cause est-elle défendable, c.-à-d. est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] La demanderesse semble avoir déposé sa demande de permission d’en appeler après les 90 jours suivant le jour où la décision lui a été communiquée, ce qui est après l’expiration du délai prévu pour déposer une demande de permission d’en appeler en application de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi). La demanderesse n’a pas abordé la question de savoir si je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire et accorder une prorogation du délai pour déposer la demande de permission d’en appeler si elle a déposé sa demande après l’expiration du délai prévu.

[4] La demanderesse fait valoir que l’appel a une chance raisonnable de succès pour les motifs suivants :

  1. a) la division générale n’a pas pris en compte le fait qu’elle n’était pas en mesure de [traduction] « travailler adéquatement ». Elle explique qu’elle avait été congédiée par son employeur précédent et ne cherchait pas d’autre emploi parce qu’elle n’était pas capable de « travailler adéquatement »;
  2. b) la demanderesse ne conteste pas les conclusions de fait concernant le conseil qu’elle a reçu de son médecin au sujet d’un retour au travail, mais elle explique qu’elle avait des besoins financiers et qu’elle avait informé son médecin qu’elle souhaitait essayer un retour au travail graduel. Même si elle prenait des médicaments contre la douleur, la demanderesse a jugé qu’elle était incapable d’accomplir son travail;
  3. c) toute pension d’invalidité qu’elle pourrait recevoir du Régime de pensions du Canada sera maigre en comparaison des revenus qu’elle touchait auparavant. Elle était très contente et fière de travailler pour son ancien employeur, mais elle a été congédiée puisqu’elle était incapable de satisfaire aux exigences de rendement en raison de ses invalidités;
  4. d) au paragraphe 41 de sa décision, la division générale a commis une erreur en concluant qu’elle [traduction] « devrait être capable de détenir une autre occupation rémunératrice » en respectant ses [traduction] « limitations ou de suivre une formation de recyclage »; elle a des limitations physiques et mentales et souffre de plusieurs types de douleur. Elle affirme que n’importe quel emploi exigerait qu’elle [traduction] « travaille essentiellement de façon continue pendant près de huit heures et [elle n’est] pas capable de rester continuellement en position debout ou assise pendant de très longues périodes ». Elle déclare qu’elle souffre de de maux de tête importants et d’étourdissements;
  5. e) la division générale ne devrait pas accorder beaucoup de poids, voire pas de tout, à tous les avis médicaux qui minimisaient la gravité de son état puisque les experts qui ont fourni ces avis médicaux n’étaient pas impartiaux – ils avaient été engagés par des compagnies d’assurance;
  6. f) la division générale a commis une erreur en affirmant qu’elle avait été employée par Dicom System pendant six à sept mois. La demanderesse affirme plutôt qu’elle avait été employée par cet employeur pendant environ cinq ans.

[5] L’intimé n’a pas présenté d’observations écrites.

Analyse

i. Dépôt tardif d’une demande

[6] Selon l’alinéa 57(1)b) de la Loi, une demande de permission d’en appeler doit être déposée devant la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[7] La division générale a rendu sa décision le 17 juin 2015. Même si la demanderesse ne précise pas à quel moment elle aurait reçu communication de la décision, selon l’alinéa 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le Règlement), une décision est présumée avoir été communiquée à la partie si elle est transmise par la poste ordinaire « le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste ». La lettre du Tribunal de la sécurité sociale qui accompagne la décision est datée du 19 juin 2015. La lettre et la décision ont probablement été envoyées le 19 juin 2015.

[8] En application de l’alinéa 19(1)a) du Règlement, on estime donc que la demanderesse a reçu communication de la décision rendue par la division générale le 28 juin 2015. La période de 90 jours après cette date se termine le 28 septembre 2015, ce qui est un dimanche.

[9] En vertu des articles 26 et 35 de la Loi d’interprétation, L.C.R. 1985, ch. I-21, lorsque le délai prévu pour accomplir un acte ou une formalité expire ou tombe un jour férié, l’acte ou la formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant qui n’est pas un jour férié; le dimanche correspond à la définition de « jour férié ». Ainsi, je calcule que la demanderesse devait avoir déposé sa demande de permission d’en appeler au plus tard le 29 septembre 2015. La demanderesse a déposé sa demande avec un retard de trois jours.

[10] Le paragraphe 57(2) de la Loi prévoit que la « division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler ».

[11] Dans le jugement Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a énoncé les quatre critères que la division d’appel devrait prendre en considération et évaluer pour déterminer si le délai de 90 jours dont dispose un requérant pour déposer une demande de permission d’en appeler peut être prorogé. Ces critères sont les suivants :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[12] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a statué que la considération primordiale est celle de savoir si l’intérêt de la justice serait servi, mais elle a également statué qu’il n’était pas nécessaire de répondre de manière favorable au requérant aux quatre questions liées à l’exercice du pouvoir discrétionnaire afin d’accorder une prorogation de délai.

[13] La demanderesse n’a abordé aucun de ces quatre critères. Néanmoins, il est évident que l’intimé ne subira aucun préjudice si une prorogation du délai est accordée étant donné que le retard n’est que de trois jours. Il n’est pas totalement évident que la demanderesse avait une intention persistante de poursuivre l’appel ou avait une explication raisonnable pour le retard, ou si des circonstances particulières devaient être prises en compte pour que l’intérêt de la justice soit servi, de sorte qu’une prorogation pourrait être accordée.

[14] Le dernier critère susmentionné – à savoir si la cause est défendable –- mérite qu’on y accorde plus de poids afin de déterminer de façon générale s’il serait dans l’intérêt de la justice que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et que j’accorde une prorogation de délai de dépôt la demande. Par exemple, s’il semble évident que l’appel n’a pas de chance raisonnable, ni même faible ou légère de succès, ce serait contraire à l’intérêt de la justice d’exercer mon pouvoir discrétionnaire et d’accorder une prorogation de délai. Par contre, s’il y a une cause défendable solide ou des circonstances atténuantes, il est plus probable qu’improbable qu’il serait dans le meilleur intérêt de la justice que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire afin de proroger le délai de dépôt de la demande.

ii. La cause est-elle défendable?

[15] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[16] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la Loi sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[17] Pour que la permission soit accordée, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent à l’un des moyens précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

a) Preuve

[18] La demanderesse affirme que la division générale n’a pas pris en compte la preuve relative au fait qu’elle aurait voulu travailler si elle en avait été capable. Elle explique aussi pourquoi son médecin l’a conseillée à propos d’un retour au travail. Elle fait valoir que la division générale n’aurait pas dû accorder autant de poids aux avis médicaux des experts engagés par les compagnies d’assurance. Elle affirme que dans l’ensemble, la division générale n’a pas évalué adéquatement sa demande.

[19] La Cour d’appel fédérale a déjà traité de cet argument dans d’autres cas où il était allégué que le juge des faits n’avait pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve. Dans la décision Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse faisait mention d’un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire dont elle était saisie, en affirmant qu’« un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve ». La Cour d’appel fédérale a également refusé d’intervenir par rapport au poids que le décideur avait accordé à la preuve, en statuant que cela « relève du juge des faits ». J’appuie cette approche, mais s’il y a une question ou un fait essentiel, le décideur doit l’aborder.

[20] La demanderesse se plaint de maux de tête et d’étourdissements. La division générale a mentionné précisément ces deux plaintes dans son analyse. La division générale a aussi abordé les autres blessures de la demanderesse ainsi que ses capacités, ses limitations fonctionnelles et ses restrictions. Par conséquent, on ne peut pas dire que la division générale ignorait ces aspects.

[21] Par ses observations, la demanderesse se trouve essentiellement à demander une réévaluation et une nouvelle appréciation de la preuve, ce qui est au-delà de la portée d’une demande de permission d’en appeler. Le rôle de la division d’appel est de déterminer si la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle en application du paragraphe 58(1) de la Loi et, le cas échéant, de corriger cette erreur. La division d’appel n’a pas la compétence pour intervenir d’une autre manière ou pour instruire l’appel de novo.

b) Conclusion de fait erronée

[22] La demanderesse fait valoir que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée en affirmant qu’elle avait été employée par Dicom System pendant environ six à sept mois. Elle affirme qu’elle a été employée par cet employeur pendant environ cinq ans.

[23] Il est possible que la division générale ait mal énoncé la preuve dont elle était saisie, mais elle ne semble pas avoir fondé sa décision sur la durée de l’emploi de la demanderesse chez Dicom System. En effet, son emploi antérieur n’est pas mentionné dans son analyse. Je ne suis donc pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

c) Norme de preuve

[24]   Bien que la demanderesse n’ait soulevé aucun moyen d’appel approprié, le paragraphe 58(1) de la Loi permet à la division d’appel de déterminer si une erreur de droit a été commise, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[25] En mentionnant la preuve médicale devant elle, la division générale a écrit que la preuve médicale au dossier [traduction] « laisse un doute quant à la gravité de ses symptômes avant la fin de sa PMA ». Cela laisse entendre que la division générale pourrait avoir commis une erreur et appliqué une norme de preuve plus stricte lorsqu’elle a indiqué qu’elle avait « un doute » quant à la gravité des symptômes de la demanderesse. Pourtant, la division générale a également écrit au paragraphe 35 que la demanderesse doit prouver « selon la prépondérance des probabilités » qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée et, au paragraphe 40 :

[Traduction]

[39]   Après avoir pris en compte l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des affections médicales de l’appelante, le Tribunal n’est pas convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’elle était atteinte d’une invalidité grave avant la fin de sa PMA. (Caractères gras ajoutés.)

[26] Si la division générale n’avait pas établi la norme de preuve juridique que la demanderesse devait respecter et ne l’avait pas mentionnée au moment de résumer ses conclusions, j’aurais pu être prête à conclure qu’il y avait une cause défendable. Il semble que la division générale était au courant de la norme de preuve que la demanderesse devait respecter et que c’est par mégarde qu’elle a dit avoir un « doute ».

[27] Puisque les motifs d’appel de la demanderesse ne présentent aucun moyen d’appel et que la demanderesse n’a pas ciblé de façon suffisamment précise une erreur que la division générale aurait pu commettre dans sa décision, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, ni qu’il soulève une cause défendable. Ainsi, nonobstant le fait que la durée du retard n’est que de trois jours, j’estime qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’exercer mon pouvoir discrétionnaire et de proroger le délai de dépôt de la permission d’en appeler.

Conclusion

[28] Étant donné ce qui précède, les demandes de prorogation du délai pour présenter une demande et de permission d’en appeler sont rejetées.

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