Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 28 mai 2015. La division générale a tenu l’audience au moyen de questions et réponses écrites. La division générale n’a pas été convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur avait une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2011, et a donc conclu qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 28 juillet 2015. Il a déposé des observations additionnelles le 10 novembre 2015, en réponse à une demande de précisions de la division d’appel. Pour accéder à cette demande de permission, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Dans sa demande de permission déposée le 28 juillet 2015, le demandeur a allégué que la division générale avait omis d’aborder le caractère prolongé de son invalidité. Il a soutenu que, si la division générale s’était penchée sur cet aspect, elle aurait nécessairement conclu que son invalidité était également grave, au sens du Régime de pensions du Canada.

[4] Le demandeur a plaidé en outre que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a conclu, compte tenu de la preuve documentaire, que son invalidité ne pouvait pas être prolongée si elle n’était pas grave. Il a écrit ceci :

[Traduction]

Mon historique médical complet démontre la constance et la continuité dans tout ce qui est prolongé, et j’affirme qu’il ne peut en être ainsi SANS que l’invalidité soit grave.

[5] Le demandeur a déclaré de plus que des renseignements médicaux supplémentaires et à jour viendraient corroborer la gravité de son invalidité. Il a indiqué qu’il attendait actuellement de recevoir des rapports et opinions émanant de divers médecins, y compris des spécialistes.

[6] Le demandeur s’est également fié à une lettre de soutien datée du 15 juillet 2015 et émanant du député de sa circonscription. Dans cette lettre, il est indiqué que le demandeur verrait son spécialiste dans les deux à trois mois et que celui‑ci enverrait un surcroît de renseignements médicaux.

[7] Le 19 août 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit au demandeur. The lettre du 19 août 2015 se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

Le 28 juillet 2015, vous avez déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel. Dans la pièce jointe intitulée « À qui de droit », vous avez indiqué que vous attendiez divers rapports médicaux.

Tout nouveau dossier ou rapport produit doit se rattacher ou correspondre à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, soit l’un des moyens suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Si vous avez l’intention de déposer des rapports supplémentaires et de vous appuyer sur ces documents, il faut qu’ils se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, à défaut de quoi ces documents ne seront pas pris en considération aux fins d’une demande de permission d’en appeler à la division d’appel.

En d’autres termes, en quoi chacun de ces rapports étaiera‑t‑il toute allégation que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle a commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait erronée?

[8] Le Tribunal a demandé à recevoir tout renseignement additionnel abordant les moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS au plus tard le 20 novembre 2015, ou encore à ce que le demandeur sollicite un délai supplémentaire au cas où il en aurait besoin.

[9] Le demandeur a transmis des observations supplémentaires le 2 novembre 2015 (AD1A-1 et AD1A-4 à AD1A-5). Il a apporté des précisions à ses observations déposées antérieurement. Il a affirmé que la division générale n’avait pas observé les principes de justice naturelle de deux façons :

  1. i) en tirant une conclusion erronée sur les caractères grave et prolongé de son invalidité, en [traduction] « ne reconnaissant pas la gravité de [ses] problèmes de santé à la lumière de l’abondant dossier médical » et que l’aspect prolongé avait démontré que [traduction] « [ses] problèmes médicaux et son historique avaient changé pour atteindre le degré de gravité d’aujourd’hui; »
  2. ii) en ne reconnaissant pas que des renseignements additionnels sont produits lorsque la santé d’une personne se détériore et après que des médecins se forment une opinion sur le pronostic et le traitement. Le demandeur est actuellement suivi par de nombreux fournisseurs de soins de santé et soumis à de nombreux examens diagnostiques. Il a déclaré qu’il n’avait pas de contrôle sur les rendez-vous et sur la date à laquelle les dossiers seraient produits.

[10] Le demandeur a déclaré que son historique physique change constamment [traduction] « pour le pire et que, chaque jour, son état empire littéralement. » Il a indiqué que les nouveaux dossiers médicaux joints à ses observations confirment sa détérioration. Ces dossiers comprennent les suivants :

  1. a. une lettre datée du 12 février 2014 dans laquelle le Dr G.F. Garrioch indique que le patient ne sera pas capable de travailler à compter du 31 janvier 2014 en raison d’une arthrose sévère (AD1A-6);
  2. b. une lettre datée du 9 juillet 2015 émanant d’un travailleur social agréé (AD1A-7 à AD1A-8);
  3. c. une lettre datée du 2 novembre 2015 émanant d’un chirurgien orthopédiste confirmant le diagnostic d’arthrose et de neuropathie, affections qui sont incurables et qui s’attaquent à la motricité fine et à la mobilité du demandeur (AD1A-9);
  4. d. une lettre du Réseau universitaire de santé datée du 7 octobre 2015 qui confirme les résultats d’une IRM (AD1A-10);
  5. e. une radiographie du bassin et des hanches prise le 15 juin 2015 (AD1A-11).

[11] La division générale ne disposait pas de copies de ces dossiers.

[12] Le demandeur a déclaré qu’il allait passer une IRM le 29 novembre 2015 en lien avec sa neuropathie pour les douleurs au côté gauche et au cou. Il a indiqué que la neuropathie affecte gravement ses mains et ses pieds. Il a fourni le nom de quelques-uns de ses fournisseurs de soins de santé.

[13] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[14] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

Manquement à la justice naturelle / erreur de droit

[16] Le demandeur affirme que la division générale ne s’est pas penchée sur le caractère prolongé de son invalidité.

[17] Au début de son analyse, la division générale a précisé le critère juridique auquel le demandeur devait satisfaire en application de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada pour déterminer s’il était admissible à une pension d’invalidité. La division générale a alors entrepris une analyse sous l’angle du volet du critère relatif à la gravité. S’il est vrai que la division générale ne s’est pas penchée sur l’aspect du critère portant sur le caractère prolongé, il reste que le critère relatif à l’invalidité comporte deux volets et que si un demandeur ne satisfait pas à l’un ou l’autre des aspects de ce critère à deux volets, il n’aura pas satisfait aux exigences relatives à l’invalidité en vertu de la législation. Comme la division générale l’a indiqué avec justesse, il n’était alors pas nécessaire, dans les circonstances du cas du demandeur, de procéder à une analyse sous l’angle de l’aspect du critère relatif au caractère prolongé. Dans Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a déclaré ceci :

[10] Le fait que la Commission se soit essentiellement concentrée sur le volet « grave » du critère, et qu’elle ne se soit pas prononcée quant au volet « prolongé » ne constitue pas une erreur. Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du RPC sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du RPC sera rejetée.

[18] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur le moyen que la division générale aurait omis de prendre en considération le caractère prolongé de l’invalidité du demandeur.

[19] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas reconnu que son invalidité s’aggravait avec le temps. Même si c’était le cas, la division générale n’en demeurait pas moins tenue de déterminer si le demandeur pouvait être déclaré invalide à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2011. Après avoir tenu compte de la preuve médicale et des autres éléments de preuve qui lui ont été soumis – y compris du fait que le demandeur avait touché une rémunération après l’expiration de sa période minimale d’admissibilité, en 2012 et 2013, ce qui dénotait, selon la division générale, que le demandeur détenait une occupation véritablement rémunératrice –, la division générale a déterminé que l’on ne pouvait juger que le demandeur était atteint d’une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Par conséquent, il n’est pas pertinent de déterminer si l’invalidité du demandeur s’aggravait depuis la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[20] Les observations du demandeur appellent essentiellement une réévaluation et une réappréciation des éléments de preuve, ce qui sort du cadre d’une demande de permission. Le rôle de la division d’appel est de déterminer si la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et, si tel est le cas, de fournir un redressement pour corriger cette erreur. En dehors de ce cas de figure, la division d’appel n’a aucune compétence pour intervenir ou reprendre de novo l’audition de l’appel.

Nouveaux dossiers

[21] Le demandeur a déposé des opinions et dossiers médicaux additionnels. Dans une demande de permission, les faits nouveaux éventuels devraient se rattacher aux moyens d’appel. Le demandeur n’a pas indiqué en quoi les opinions et dossiers supplémentaires pouvaient correspondre ou se rattacher à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. S’il demande à ce que je prenne en considération ces faits additionnels, réentende la preuve et réévalue la demande en sa faveur, il s’agit de quelque chose qu’il m’est impossible de faire à cette étape, en raison des limitations qu’impose le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ni la demande de permission ni l’appel ne donne la possibilité de réévaluer ou d’examiner à nouveau la demande en vue de déterminer si le demandeur est invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[22] Dans Tracey, la Cour fédérale a déterminé qu’il n’y a aucune obligation de tenir compte de tout nouvel élément de preuve. À ce sujet, le juge Roussel s’est ainsi exprimé :

[Traduction]

En vertu de l’actuel régime législatif, cependant, la production de faits nouveaux n’est plus un motif d’appel (Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 108).

[23] Si le demandeur a produit ces dossiers supplémentaires dans l’intention de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il lui faut maintenant se conformer aux exigences stipulées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et en outre déposer une demande d’annulation ou de modification auprès de la division qui a rendu la décision. Des exigences et des délais stricts prévus par l’article 66 de la Loi sur le MEDS doivent être respectés pour faire infirmer ou modifier une décision. Le paragraphe 66(2) de la Loi sur le MEDS stipule que la demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date à laquelle la partie en cause reçoit communication de la décision, et l’alinéa 66(1)b) de cette même Loi exige d’un demandeur qu’il démontre que les faits nouveaux sont essentiels et n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Aux termes du paragraphe 66(4) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel, en l’espèce, n’a pas compétence pour infirmer ou modifier une décision à la lumière de faits nouveaux, puisque seule la division ayant rendu la décision en cause est habilitée à le faire.

[24] Les faits nouveaux présentés par le demandeur ne soulèvent pas ni ne font intervenir de moyens d’appel admissibles, et je suis donc dans l’impossibilité de les prendre en considération aux fins d’une demande de permission.

Conclusion

[25] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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