Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 23 avril 2015. La division générale a tenu audience par téléconférence le 14 janvier 2015 et déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, ayant conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2010. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler le 15 juillet 2015. Elle allègue que la division générale a commis nombre d’erreurs. Pour accueillir cette demande, il me faut être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t‑il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] L’avocate de la demanderesse plaide que la division générale a erré en droit et a aussi fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. En particulier, l’avocate soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes (pour faciliter les renvois, j’utiliserai les mêmes descriptions et plan de numérotation des rubriques que l’avocate, quoique j’ai renuméroté les rubriques dans la partie « Erreurs de droit ») :

i. Erreurs de fait

  1. 1. a fait une mauvaise interprétation de la preuve;
  2. 2. n’a pas tenu compte de la preuve de la demanderesse;
  3. 3. n’a pas tenu compte d’opinions d’expert.

i. Erreurs de droit

  1. 1. n’a pas appliqué Villani;
  2. 2. n’a pas tenu compte de tous les problèmes de santé;
  3. 3. n’a pas évalué l’invalidité de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité;
  4. 4. n’a pas tenu compte d’Inclima;
  5. 5. a assimilé un employeur « philanthropique » à un employeur « réaliste »;
  6. 6. a assimilé la capacité de fréquenter l’école à la capacité d’occuper un emploi rémunéré.

[4] L’avocate affirme en outre que la division d’appel a certaines obligations en lien avec la décision rendue par la division générale.

[5] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[6] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de lEmploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant que je puisse accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1 300.

i. Erreurs de fait

[8] L’avocate plaide que la division générale a fondé sa décision sur les conclusions de fait erronées suivantes qu’elle a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :

1. A fait une mauvaise interprétation de la preuve :
  1. i. en omettant de reconnaître la nature véritable des invalidités de la demanderesse lorsque le membre a fait fi d’importants éléments de preuve, a substitué sa propre opinion à celles des fournisseurs de soins médicaux et a fait une mauvaise interprétation de la preuve;
  2. ii. au paragraphe 51 de sa décision, en concluant qu’il n’existait aucune opinion médicale concernant la gravité de l’état psychologique de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, alors qu’il existait un rapport confidentiel daté du 1er avril 2008 et un rapport psycho-professionnel daté du 21 décembre 2008. L’avocate soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la totalité de la preuve médicale de la demanderesse relative à sa santé mentale et que le membre a substitué sa propre opinion à celle des médecins traitants de la demanderesse, en particulier pour la période antérieure à la date de fin de la période minimale d’admissibilité;
  3. iii. au paragraphe 53, en notant que le témoignage de la demanderesse décrivait principalement son invalidité après la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. L’avocate affirme que c’est inexact puisque le dossier indique que la demanderesse a confirmé qu’elle souffrait de nombreux problèmes de santé à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, que ses problèmes médicaux étaient persistants et que son état de santé se détériorait alors. L’avocate fait remarquer que la demanderesse avait dû subir une opération de remplacement du genou gauche le 15 avril 2015 et qu’elle prévoyait qu’une chirurgie de remplacement du genou droit serait bientôt prévue;
  4. iv. de façon générale, en faisant erreur lorsqu’elle a conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave, et ce, en négligeant de prendre en considération l’ensemble des invalidités physiques et mentales de la demanderesse.

[9] Certains de ces motifs devraient à proprement parler se retrouver sous la rubrique des « erreurs de droit ». Je les aborderai dans ce contexte lorsque l’avocate les considère à juste titre comme de possibles motifs d’appel.

[10] L’avocate plaide que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait aucune preuve médicale confirmant que la demanderesse souffrait d’une grave dépression en 2008.

[11] La division générale a passé en revue la preuve médicale dans la partie « Preuve » de sa décision. La preuve consistait en un rapport daté du 1er avril 2008 émanant de la travailleuse sociale et en un rapport sommaire des résultats de l’évaluation psycho-professionnelle établi le 21 décembre 2008 (paragraphes 22 et 23 de la décision). À l’évidence, la division générale était au courant qu’il existait au moins deux rapports médicaux qui abordaient la question de la gravité de l’invalidité de la demanderesse, puisque cela concernait son état psychologique, si bien que l’on ne saurait prétendre que la division générale a conclu qu’il n’existait pas de preuve médicale selon laquelle la demanderesse ne souffrait pas d’une grave dépression en 2008.

[12] Au paragraphe 51 de sa décision, la division générale a écrit ceci :

[Traduction]

Il n’y a pas, au sujet de l’état psychologique de l’appelante, d’opinion médicale indiquant que cet état était une invalidité grave qui rendait l’appelante régulièrement incapable d’occuper une occupation véritablement rémunératrice à la date du 31 décembre 2010 ou avant. [C’est moi qui souligne.]

[13] La division générale ne semble pas avoir rejeté le fait que la demanderesse ait pu avoir une condition psychologique avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, mais elle a déterminé que la preuve médicale datant de la période minimale d’admissibilité qui était relative à la condition psychologique de la demanderesse ne pouvait porter à conclure que l’invalidité était grave.

[14] L’avocate plaide que la division générale n’a pas tenu compte de la totalité de la preuve et de la combinaison des invalidités mentales et physiques de la demanderesse. J’aborderai cette question comme il se doit sous la rubrique « Erreurs de droit », mais, à part les deux rapports respectivement datés des 1er avril et 21 décembre 2008, l’avocate n’a cité aucun autre rapport que la division générale aurait omis de prendre en considération, ainsi qu’elle l’affirme, ni expliqué les raisons pour lesquelles ces rapports avaient pu revêtir un caractère essentiel pour l’analyse de la question de savoir si la demanderesse pouvait être déclarée invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[15] La division générale a noté que la demanderesse avait recherché des possibilités d’emploi en 2010. La division générale a mentionné l’opinion d’avril 2011 du Dr Jones selon laquelle le syndrome de stress post-traumatique de la demanderesse avait été déclenché à la Noël 2010, mais elle a conclu qu’il ressortait de la preuve médicale que cet état psychologique ne s’était aggravé qu’après 2010. C’est à cette époque que le Dr Ibrahiem aurait déclaré que la demanderesse était devenue anxieuse à l’idée de sortir en 2011. Il semble que ce soit sur ce fondement en particulier que la division générale ait déterminé que l’invalidité de la demanderesse n’était devenue grave qu’après le 31 décembre 2010.

[16] L’avocate soutient que le membre de la division générale a commis une erreur lorsqu’il a substitué sa propre opinion à l’opinion d’un expert sur la question de la gravité de l’invalidité de la demanderesse. Là encore, ce point relèverait plus justement d’une erreur de droit, mais je vais traiter ici de ce motif. En règle générale, la division générale commettrait une erreur de droit si elle substituait sa propre opinion médicale à celle d’un expert, mais il est de son ressort de déterminer si un demandeur peut être jugé invalide au sens du Régime de pensions du Canada, car elle est le principal juge des faits. Cet exercice n’est pas la même chose que de formuler une opinion d’expert sur l’état de santé d’un demandeur. Le critère relatif à l’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada est très précis. Il commande une évaluation juridique, dans un « contexte réaliste », de la preuve médicale et des autres éléments de preuve produits, et ce, aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada. Cela n’écarte pas les opinions professionnelles au sujet du diagnostic, de l’historique, du traitement, du pronostic et des recommandations qu’un expert médical a la compétence de formuler, mais l’évaluation en vertu du Régime de pensions du Canada exige du juge des faits qu’il détermine si, à la lumière de la preuve médicale et des autres éléments de preuve qui lui sont soumis, l’invalidité d’un demandeur peut être considérée comme grave et prolongée au sens de la définition d’une personne invalide que donne le Régime de pensions du Canada.

[17] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ces moyens allégués d’erreurs de fait.

2. N’a pas tenu compte de la preuve de la demanderesse

[18] L’avocate affirme que la division générale a omis de prendre en considération la preuve de la demanderesse. À l’audience, la demanderesse a livré témoignage au sujet de ses divers troubles médicaux, y compris les affections dont elle était atteinte avant la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, ainsi que des répercussions négatives qu’ils avaient sur sa vie. L’avocate déclare que la demanderesse a aussi témoigné au sujet de ses diverses limitations fonctionnelles, de sa douleur constante et de son faible niveau d’énergie, lesquels l’empêchent, selon elle, d’accomplir la plupart de ses activités de la vie quotidienne ainsi que de chercher à détenir régulièrement une quelconque forme d’occupation rémunératrice. À l’examen de la décision, il semble que la division générale ait effectué une revue et une analyse de certains éléments de la preuve médicale ainsi que de certaines des restrictions physiques. La division générale a pu ne pas effectuer une analyse exhaustive, mais elle n’y était pas tenue. À ce sujet, je citerai les remarques de la Cour suprême du Canada selon lesquelles il n’est pas nécessaire, pour le décideur, de rédiger des motifs exhaustifs traitant de tous les éléments qui lui ont été soumis. Dans Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a fait la remarque suivante :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391).

[19] Également, le juge Stratas, dans Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, a écrit ceci :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[20] L’avocate soutient en outre que la division générale n’a pas accordé [traduction] « le poids qu’il convient » à la preuve de la demanderesse relative à ses limitations fonctionnelles et que la division générale a donc omis de mesurer la gravité des invalidités de la demanderesse.

[21] Hormis le fait que l’avocate n’ait pas renvoyé à des parties précises de l’enregistrement de l’audience ni produit de transcription de l’audience, la Cour d’appel fédérale s’est déjà penchée, dans d’autres affaires, sur cet argument selon lequel la Commission d’appel des pensions n’a pas accordé le poids voulu à la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse a fait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire dont elle était saisie et a refusé d’intervenir dans le poids que le décideur accorde à la preuve, statuant que cela « relève du juge des faits. » Je souscris à cette approche.

[22] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur le moyen selon lequel la division générale n’aurait pas accordé le « poids qu’il convient » à la preuve de la demanderesse ou qu’elle n’aurait pas pris en considération la preuve de cette dernière.

3. N’a pas tenu compte d’opinions d’expert

[23] L’avocate soutient que la division générale a omis d’ [traduction] « apprécier » l’opinion des experts. Elle a énuméré un certain nombre de rapports médicaux, dont les suivants :

  1. i. une évaluation initiale confidentielle datée du 1er avril 2008 et établie par une travailleuse sociale agréée dans laquelle il est indiqué que la demanderesse a déclaré des niveaux élevés de détresse sur les dimensions symptomatiques de l’anxiété, de la dépression et de la sensibilité. Sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement, son score était de 50;
  2. ii. un rapport daté du 21 octobre 2008 et établi par un chirurgien orthopédiste qui était d’avis que la demanderesse présentait les symptômes d’une arthrite précoce au genou droit. Il a prescrit du Mobicox et recommandé une physiothérapie;
  3. iii. un rapport sommaire d’analyse psycho-professionnelle daté du 21 décembre 2008 dans lequel une psychologue agréée a indiqué que la demanderesse avait obtenu un score la situant dans la catégorie « grave » quant à l’analyse de sa santé psychologique. La psychologue était d’avis que diverses options de traitement seraient profitables à la demanderesse;
  4. iv. un rapport du chirurgien orthopédiste daté du 23 août 2010 dans lequel il est indiqué que la demanderesse n’avait pas eu de réactions à la prise de Mobicox. En fait, la demanderesse a déclaré que ses douleurs s’accentuaient lorsqu’elle prend les escaliers, s’agenouille ou s’accroupit;
  5. v. une évaluation des Services de santé mentale datée du 26 avril 2011 dans laquelle il est noté que la demanderesse souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique et d’un trouble dépressif majeur, récurrent et grave qui est secondaire au syndrome de stress post-traumatique. Les problèmes psychiatriques de la demanderesse étaient perçus comme découlant des traumatismes physiques, émotionnels et sexuels qu’elle avait subis durant l’enfance aux mains de membres de sa famille;
  6. vi. un rapport médical daté du 15 juillet 2011 dans lequel le Dr Arora a diagnostiqué à la demanderesse une douleur chronique aux genoux et un syndrome de stress post-traumatique avec dépression. Le Dr Arora jugeait faible le pronostic de guérison de la demanderesse.

[24] La division générale a résumé chacun des rapports énumérés ci‑dessus, sauf celui du chirurgien orthopédiste daté du 21 octobre 2008. La division générale a aussi mentionné un certain nombre d’autres rapports.

[25] Il convient de signaler que le dossier documentaire préliminaire dont la division générale était saisie se composait de 1 392 pages, la plupart provenant de rapports médicaux, ainsi que du dossier de la demanderesse à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT). L’avocate a déposé des dossiers mis à jour au nom de la demanderesse. L’avocate a préparé des observations écrites et abordé les rapports médicaux énumérés plus haut, au paragraphe 20.

[26] L’avocate n’indique pas en quoi la division générale aurait omis d’« apprécier » l’opinion d’experts. S’il s’agit d’une question où il est reproché à la division générale de ne pas avoir accordé le poids qu’il convient à ces rapports, comme je l’ai mentionné plus tôt, la Cour d’appel fédérale s’est déjà penchée sur cette question dans Simpson.

[27] Il se peut que la division générale n’ait pas résumé la totalité de la preuve ou ne l’ait pas citée lorsqu’elle a procédé à son analyse, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’elle a fait fi de cette preuve ou qu’elle a omis de la prendre en considération. Comme je l’ai fait valoir précédemment, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas nécessaire, pour le décideur, de rédiger des motifs exhaustifs traitant de tous les éléments qui lui ont été soumis : Newfoundland and Labrador Nurses' Union (précitée) et South Yukon Forest Corporation (précitée).

[28] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

b) Erreurs de droit

[29] L’avocate plaide que la division générale a commis les erreurs de droit suivantes :

1. Omission d’appliquer Villani

[30] L’avocate soutient que la division générale n’a pas tenu compte des principes énoncés dans Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, lorsqu’elle a évalué le bien-fondé de l’appel de la demanderesse aux fins du versement d’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. L’avocate fait valoir que la Cour d’appel fédérale a statué que, pour déterminer si un demandeur a satisfait aux critères légaux d’admissibilité à une pension d’invalidité, le décideur doit tenir compte de l’âge du demandeur, de son niveau d’instruction et de ses antécédents de travail, puis déterminer si le demandeur est employable dans un « contexte réaliste ». L’avocate a reproduit les paragraphes 37, 38 et 39 de la décision, et soutient que si un demandeur est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice dans un « contexte réaliste », il sera considéré comme invalide au sens du cadre législatif.

[31]  L’avocate affirme que, bien que la division générale se soit reportée à Villani et à l’exigence d’un employeur du « contexte réaliste » relativement à la gravité, au paragraphe 54 de sa décision, elle n’a pas tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse. En particulier, l’avocate soutient que la division générale a omis de prendre en considération l’âge de la demanderesse, son instruction et ses antécédents de travail limités ainsi que le fait que la demanderesse souffrait aussi d’invalidités physiques et psychologiques graves. L’avocate plaide que les troubles médicaux de la demanderesse se traduisent par de graves limitations fonctionnelles et déficiences cognitives qui nuisent à la capacité de la demanderesse d’accomplir les activités de la vie quotidienne. L’avocate affirme, par exemple, que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse n’avait aucune expérience antérieure de travail sédentaire.

[32] L’avocate affirme que, dans un contexte réaliste, de retourner sur le marché du travail et se trouver une occupation véritablement rémunératrice, et pas simplement n’importe quelle occupation concevable, est hautement hypothétique pour une personne atteinte de troubles physiques et psychiatriques. L’avocate affirme que, du fait que la division générale n’a pas porté son attention sur les caractéristiques personnelles de la demanderesse et, plus particulièrement, sur ses multiples problèmes de santé et limitations qui en ont résulté sur le fait qu’elle avançait en âge et sur ses antécédents de travail limités, elle a appréhendé la question de la « gravité » dans l’absolu. L’avocate allègue qu’en n’appliquant pas les principes directeurs énoncés dans Villani, le Tribunal a commis l’erreur relevée dans Garrett c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84,où le juge Malone a tenu ces propos :

[3] En l'espèce, la majorité n'a pas mentionné l'arrêt Villani et elle n'a pas effectué son analyse conformément aux principes qu'il consacre. Cela constitue une erreur de droit. Plus précisément, la majorité n'a pas fait état des éléments de preuve indiquant que les problèmes de mobilité de la demanderesse étaient aggravés par la fatigue et qu'il lui faudrait alterner les périodes où elle est assise et les périodes où elle est debout; des facteurs qui lui rendraient concrètement difficile les emplois de bureau sédentaires ou de même type. Tel est le contexte « réaliste » de l'analyse exigée par l'arrêt Villani.

[33] Pour les fins d’une demande de permission, il est suffisant de démontrer que la division générale n’a pas appliqué les principes établis dans Villani. Aux paragraphes 54 et 55 de sa décision, la division générale a écrit ceci :

[Traduction]

[54] Le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (PG), 2001 CAF 248). Cela signifie qu’au moment de déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit garder en tête des facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie.

[55] L’appelante n’était âgée que de 45 ans au moment où prenait fin sa PMA. Elle avait des antécédents scolaires limités, mais elle excellait à obtenir des notes élevées dans un programme de formation d’assistante de laboratoire médical. Cela signale des aptitudes linguistiques et l’atteinte d’un degré de scolarité qui la rend employable dans un contexte réaliste. L’appelante possède de l’expérience de travail qui, conjuguée à sa formation, lui confère des compétences transférables. Après avoir tenu compte des facteurs de Villani à la date de fin de la PMA, le Tribunal conclut que l’appelante ne souffrait pas d’une invalidité grave au sens du [Régime de pensions du Canada].

[34] Bien que l’avocate soutienne que la division générale n’a pas tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse et, en particulier, de son âge, de son niveau d’instruction limité et de ses antécédents de travail, il est clair que la division générale a pris en considération les caractéristiques personnelles de la demanderesse au paragraphe 55 de sa décision.

[35] Je note que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Villani, a aussi dit ceci :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est‑à‑dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous‑alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. [C’est moi qui souligne.]

[36] Puisque la division générale a tenu compte de la situation personnelle de la demanderesse, je n’interviendrais pas sur son évaluation. Comme la division générale a effectué, ainsi qu’elle y était tenue, l’analyse selon les facteurs de Villani, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur le moyen que la division générale aurait commis une erreur en n’appliquant pas le contexte « réaliste ».

2. Omission de tenir compte de tous les problèmes de santé

[37] L’avocate plaide que la division générale a omis de prendre en considération les principes énoncés dans Taylor c. MDRH (4 juillet 1997), CP 4436, lorsqu’elle s’est penchée sur la gravité des troubles médicaux de la demanderesse. L’avocate affirme que, selon la décision Taylor, lorsqu’il existe plusieurs problèmes médicaux, les troubles physiques et psychologiques du demandeur doivent être pris en considération dans leur ensemble. L’avocate soutient que la division générale n’a pas évalué le cas de la demanderesse dans son intégralité en ce qu’elle n’a pas pris en considération le fait que la demanderesse souffrait de multiples problèmes de santé à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2010.

[38] L’avocate fait valoir que les troubles médicaux de la demanderesse – qui comprennent une douleur au poignet droit se propageant à l’avant-bras, des douleurs chroniques et une douleur aux genoux, ainsi qu’un syndrome de stress post-traumatique, de l’anxiété, de la dépression et de la difficulté à dormir – ont été objectivement vérifiés par les fournisseurs de soins médicaux de cette dernière. L’avocate soutient que la division générale aurait dû évaluer l’ensemble des troubles médicaux de la demanderesse qui ont été relevés avant la période minimale d’admissibilité.

[39] L’avocate plaide que, étant donné les nombreux maux physiques de la demanderesse et les restrictions fonctionnelles qui en résultent, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle puisse occuper un emploi dans un contexte réaliste.

[40] La division générale a examiné la preuve médicale objective. Elle a mentionné le syndrome de stress post-traumatique de la demanderesse au paragraphe 51 de sa décision et les restrictions physiques de la demanderesse au paragraphe 52. La division générale a fait mention de l’opinion médicale du Dr Stapleton selon laquelle la demanderesse jouissait de la pleine mobilité de ses coudes, poignets et avant-bras, avait une force de préhension raisonnable et pouvait mouvoir sans douleur sa colonne cervicale. En dehors de cela, on ne sait pas exactement quels troubles physiques la division générale a pris en considération. Dans son analyse, il n’est fait mention d’aucune affection ou douleur particulière touchant l’avant-bras, le dos ou le genou de la demanderesse. Ne sont pas non plus mentionnés l’anxiété ou les problèmes de sommeil de la demanderesse dans l’analyse que la division générale a faite de la dépression de la demanderesse (comme trouble distinct du syndrome de stress post-traumatique). Il n’est généralement pas suffisant de mentionner de façon générale que l’on a [traduction] « tenu compte des problèmes médicaux de la [demanderesse] tant physiques que mentaux », car il est alors difficile de déterminer s’il a été tenu compte de chacune des invalidités ou de leur effet cumulatif. Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur le moyen que la division générale a pu ne pas prendre en considération l’ensemble des problèmes médicaux dans son analyse.

3. Omission d’évaluer l’invalidité de la demanderesse à la date de fin de la période minimale d’admissibilité

[41] L’avocate soutient que la division générale était tenue d’évaluer l’état de santé de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2010. L’avocate déclare que la demanderesse souffrait de douleurs au poignet droit qui se propageaient à l’avant-bras, de douleurs chroniques au dos et de douleurs aux genoux, ainsi que du syndrome de stress post-traumatique, d’anxiété, de dépression et de problèmes de sommeil. Elle affirme que la division générale a centré son attention sur l’état de santé de la demanderesse après l’expiration de la période minimale d’admissibilité et, en s’appuyant sur le fait que la santé de la demanderesse s’était davantage aggravée après le 31 décembre 2010, a conclu que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait pas avoir été grave avant la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. L’avocate affirme que la division générale aurait dû examiner minutieusement l’état de santé de la demanderesse à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité et que, comme elle ne l’a pas fait, elle a commis une erreur dans son application des faits au droit.

[42] S’il est vrai que la division générale a estimé qu’il ressortait des rapports médicaux que l’état de la demanderesse s’était détérioré après la période minimale d’admissibilité, dans le même temps, il est clair que la division générale n’a pas uniquement centré son attention sur l’état de santé de la demanderesse après la date de fin de la période minimale d’admissibilité. Par exemple, au paragraphe 52, la division générale a écrit que [traduction] « Les rapports médicaux concernant l’état physique de la [demanderesse] à la date de fin de la [période minimale d’admissibilité] ou avant n’indiquent pas qu’elle souffrait d’une invalidité grave […] » et, au paragraphe 53, que [traduction] « Les rapports médicaux indiquent que la [demanderesse] souffrait de certaines limitations avant l’expiration de la [période minimale d’admissibilité]. Son témoignage livré oralement décrivait principalement son invalidité après la date de fin de la [période minimale d’admissibilité]. » La division générale ne s’est pas limitée à l’examen des rapports médicaux datant de la fin de la période minimale d’admissibilité ou de cette période, mais a aussi examiné les activités auxquelles la demanderesse se livrait, de même que la mesure dans laquelle elle était active, pour déterminer si l’on pouvait juger la demanderesse invalide à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[43] La division générale a également écrit ceci au paragraphe 52 :

[Traduction]

[52] […] Compte tenu de l’état de santé de la [demanderesse] tant physique que mental au 31 décembre 2010 ou avant, le Tribunal estime que la preuve médicale ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffrait d’une invalidité grave durant la période pertinente.

[53] […] Le fait qu’elle ait pu être atteinte d’une invalidité grave après la date de fin de la [période minimale d’admissibilité] n’est pas pertinent pour déterminer si elle souffrait d’une invalidité grave à cette date ou avant, à moins qu’il existe une preuve orale et médicale qui remonte à la période pertinente. Le Tribunal conclut que la preuve produite par la [demanderesse] et les rapports déposés ne prouvent pas que la [demanderesse] souffrait d’une invalidité grave durant la période pertinente. Selon la preuve, les troubles physiques et psychologiques qu’on lui a diagnostiqués au moment où prenait fin la [période minimale d’admissibilité] n’étaient pas graves au point de la rendre incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[44] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

4. Omission de prendre en considération Inclima

[45] L’avocate s’appuie sur l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, dans lequel le juge Pelletier a écrit ceci, au paragraphe 3 :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[46] L’avocate déclare que la dernière fois que la demanderesse était employée, avant que son employeur ne déclare faillite en 2009, elle effectuait des tâches modifiées en raison de ses problèmes de santé et des restrictions qui en résultaient. L’avocate déclare que la demanderesse avait bon espoir de pouvoir trouver un employeur qui composerait avec ses nombreuses limitations et qu’elle a donc participé au programme de recyclage professionnel pour faciliter le retour sur le marché du travail (« Labour Market Retraining ») par l’intermédiaire de la CSPAAT. L’avocate plaide que les problèmes médicaux de la demanderesse ne se sont pas stabilisés ni améliorés et que, malgré l’intérêt qu’elle portait à une carrière de technicienne médicale, la demanderesse n’a pas été capable de trouver et de conserver un emploi dans ce domaine depuis son placement professionnel effectué en 2010, ce qui ne lui a pas laissé d’autre choix que de présenter une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada.

[47] L’avocate affirme qu’il n’existe aucune preuve médicale confirmant que la demanderesse avait la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. L’avocate cite le rapport médical d’août 2010 du chirurgien orthopédiste, qui indique que la demanderesse souffrait d’une arthrose fémoro-patellaire dans les cavités articulaires médiales. Le chirurgien orthopédiste a recommandé des injections de Synvisc au genou droit de la demanderesse, ce qui, d’affirmer l’avocate, est une claire indication de la détérioration du genou de la demanderesse. L’avocate mentionne aussi l’évaluation effectuée en avril 2011 par les Services de santé mentale. On a diagnostiqué à la demanderesse un syndrome de stress post-traumatique et un trouble dépressif majeur, et son score sur l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement était alors de 49.

[48] Au paragraphe 50 de sa décision, la division générale a écrit ceci :

[Traduction]

[50] Lorsqu’il y a des preuves de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a faits pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (PG), 2003 CAF 117). L’appelante a déployé des efforts initialement en vue d’obtenir un emploi avec tâches modifiées, puis ultérieurement lors de son recyclage. Elle n’a pas pu conserver son emploi avec tâches modifiées en raison de la faillite de son employeur. Après avoir suivi une formation de recyclage, elle a tenté d’embrasser une nouvelle carrière et a postulé auprès d’un certain nombre d’employeurs potentiels, mais sans obtenir d’entrevue. Ces démarches indiquent qu’elle avait la capacité de conserver un emploi, et la preuve ne porte pas à croire qu’elle n’a pu trouver un emploi en raison de son état de santé. L’appelante a été capable d’effectuer un placement professionnel, montrant ainsi qu’elle avait la capacité d’accomplir les tâches requises. Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que ses efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé.

[49] Si la demanderesse n’avait pas suivi de formation ni obtenu de placement professionnel en 2010, puis n’avait pas ultérieurement fait d’effort pour se chercher du travail dans le même domaine que celui de son placement professionnel, c’aurait été une erreur pour la division générale de ne pas avoir examiné la preuve médicale dans le but d’évaluer la capacité de la demanderesse. Toutefois, la division générale a écrit que [traduction] « le fait que la [demanderesse] ait réussi sa formation et obtenu le placement indiquait qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en 2010. » La division générale a conclu que la demanderesse avait démontré sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice à l’issue de la formation qu’elle avait suivie, et le fait que la demanderesse ait été incapable de trouver un poste était imputable à des raisons autres que sa santé.

[50] Si la division générale avait conclu que la demanderesse n’avait aucune capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle aurait commis une erreur de droit en exigeant de la demanderesse qu’elle déploie des efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi, mais, en l’espèce, la division générale a conclu que la demanderesse était capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[51] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

5. A assimilé un employeur « philanthropique » à un employeur « réaliste »

[52] L’avocate plaide que le fait qu’un employeur philanthropique puisse entretenir une relation d’emploi avec une personne autrement invalide ne devrait pas être interprété par le juge des faits comme une preuve de la capacité de travailler. L’avocate fait valoir que la Commission d’appel des pensions a toujours statué que l’on ne pouvait attendre d’un demandeur qu’il se trouve un emploi sous la houlette protectrice d’un employeur bienveillant. L’avocate cite la décision Ministre du Développement social c. Cannon (7 février 2006), CP23201, dans laquelle la Commission d’appel des pensions s’est ainsi exprimée :

La jurisprudence de la Commission est claire. Dans Ministre du Développement des ressources humaines c. Bennett, CCH Canadian Employment Benefits and Pension Guide Reports (1993, CP04757, CCH # 8690, pp. 6319-6320) et Chaisson c. Ministre du Développement des ressources humaines, aucun rapport (CP0482l, 1998), on peut lire que comme il n’y a pratiquement pas d’employeurs de ce type, le fait de ne pas les rechercher ne rend pas le demandeur inadmissible aux prestations.

[53] Et l’avocate soutient que, de la même façon, dans la décision Rogers c. Ministre du Développement des ressources humaines (4 décembre 2001), CP14443, au paragraphe 18Note de bas de page 1, la Commission d’appel des pensions a affirmé que [traduction] « l’existence d’un ou deux employeurs possédant des installations adaptées ne répond pas au critère économique du marché. »

[54] Dans la décision Cannon, l’intimée Cannon était complètement sourde, sauf lorsqu’elle utilisait un casque et un microphone directionnel. La Commission d’appel des pensions a jugé que ce facteur à lui seul rendait impossible l’obtention de tout emploi potentiel sauf auprès d’un employeur dit « spécialisé » qui engagerait Mme Cannon dans des installations et pour des tâches adaptées.

[55] L’avocate allègue que la demanderesse s’est trouvée dans l’obligation de cesser de travailler en mars 2009 pour des raisons commerciales et dues à sa douleur au poignet droit, laquelle se propageait à l’avant-bras, à ses douleurs chroniques et à ses douleurs au genou, ainsi qu’au syndrome de stress post-traumatique, à son anxiété, à sa dépression et à ses problèmes de sommeil. La division générale a jugé que, bien que la demanderesse avait des limitations et exécutait des tâches modifiées, elle avait cessé de travailler après mars 2009 pour la raison que son employeur avait cessé ses activités. La division générale a conclu que les rapports médicaux concernant l’état physique de la demanderesse à la date de fin de la période minimale d’admissibilité ou avant n’indiquaient pas que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave.

[56] L’avocate soutient que la division générale n’a pas reconnu les principes établis dans la décision Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social c. McDonald, (octobre 1988), CP1527Note de bas de page 2, en indiquant que la portée du sous-alinéa 42(2)a)(ii) ne se limitait pas uniquement à l’invalidité mentale ou physique, mais incluait aussi une invalidité résultant de la conjugaison d’aspects tant mentaux que physiques. L’avocate plaide que la division générale devrait alors tenir compte de l’ensemble des troubles médicaux de la demanderesse et de leur impact sur son employabilité ou sa capacité de suivre une formation de recyclage. L’avocate allègue que, selon la décision McDonald, la division générale n’est pas autorisée à prendre isolément en considération des troubles médicaux aux fins de l’application du Régime de pensions du Canada.

[57] L’avocate soulève deux points : le premier est de savoir si la division générale a assimilé un employeur « philanthropique » à un employeur « réaliste » et le second est de savoir si la division générale s’est limitée à ne prendre en compte qu’une invalidité mentale ou physique plutôt qu’une conjugaison d’aspects tant mentaux que physiques. Je me suis penchée sur ce dernier point plus haut, en b), et je n’y reviendrai pas dans cette partie, si ce n’est dans la mesure limitée où il pourrait influer sur le premier point.

[58] À son dernier lieu d’emploi, la demanderesse avait obtenu un placement avec tâches modifiées. Elle a ultérieurement suivi une formation de recyclage et terminé un programme de recyclage professionnel en vue d’un retour sur le marché du travail. D’après la preuve reproduite au paragraphe 30 de la décision, la demanderesse a suivi les 150 heures requises du programme et accomplissait des tâches variées. La division générale n’a pas indiqué que la demanderesse avait besoin que des modifications quelconques soient apportées au lieu de travail pour qu’elle puisse exécuter ce type de travail; en fait, la division générale a jugé que le placement professionnel obtenu correspondait à un travail que la demanderesse était capable d’accomplir. Le fait qu’un demandeur puisse nécessiter des mesures d’adaptation à un lieu de travail particulier ne signifie pas nécessairement qu’il aura besoin d’accommodements à un autre lieu de travail.

[59] Si la division générale avait conclu que la demanderesse était incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle aurait commis une erreur de droit en exigeant de la demanderesse qu’elle démarche son ancien employeur pour solliciter de sa part des accommodements au lieu de travail ou alors qu’elle se mette en quête d’un autre travail auprès d’un éventuel employeur philanthropique, mais en l’espèce, la division générale a conclu que la demanderesse avait la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

6. Capacité de fréquenter l’école

[60] L’avocate soutient que la division générale a erré en droit lorsqu’elle a assimilé la capacité d’aller à l’école à la capacité d’occuper un emploi rémunéré. L’avocate se reporte à la décision Marriott c. MDRH (31 janvier 2000), CP 08452, qui, soutient-elle, permet d’affirmer que le fait qu’un demandeur suive plusieurs cours en vue de se qualifier pour un genre de travail qui conviendrait à sa condition est une indication de bonne foi. Elle cite également la décision Fraser c. MDRH (20 septembre 2000), CP 11086, qui, selon elle, permet d’affirmer qu’il n’y a, en droit, aucun principe assimilant la poursuite d’études par un demandeur à l’occupation d’un emploi avec tâches modifiées ou légères et que chaque affaire repose sur les faits qui lui sont propres.

[61] L’avocate fait valoir que la demanderesse a terminé le programme de recyclage professionnel dans l’espoir de pouvoir retourner sur le marché du travail. L’avocate affirme que la division générale aurait dû interpréter cela comme une motivation à travailler de la part de la demanderesse et une tentative de sa part d’atténuer ses pertes, et non simplement comme une preuve de sa capacité d’occuper un emploi rémunéré.

[62] La division générale a écrit ce qui suit aux paragraphes 49 et 50 de sa décision :

[Traduction]

[49] Les facteurs socioéconomiques, comme les conditions du marché du travail, ne sont pas pertinents au moment de déterminer si une personne est invalide au sens du [Régime de pensions du Canada] (Canada (MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47). L’appelante a suivi avec succès une formation pour devenir une assistante de laboratoire médical. Elle a obtenu un placement professionnel en juillet 2010 et a indiqué qu’elle avait beaucoup aimé ce placement. Elle a participé à des tâches nombreuses et variées associées à celles d’un assistant de laboratoire et a eu le sentiment que ce placement confirmait qu’elle avait eu raison d’embrasser une nouvelle carrière. Elle a postulé à des emplois qui l’intéressaient et a présenté sa candidature à des postes dans le domaine de son choix. La réussite de l’appelante et le fait qu’elle ait mené à terme son placement indiquaient qu’elle était régulièrement capable d’occuper un emploi rémunérateur en 2010. Le Tribunal conclut que l’appelante a montré qu’elle était capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à l’issue de sa formation, et le fait qu’elle n’ait pu obtenir un poste était dû aux conditions du marché.

[50] Lorsqu’il y a des preuves de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a faits pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (PG), 2003 CAF 117). L’appelante a déployé des efforts initialement en vue d’obtenir un emploi avec tâches modifiées, puis ultérieurement lors de son recyclage. Elle n’a pas pu conserver son emploi avec tâches modifiées en raison de la faillite de son employeur. Après avoir suivi une formation de recyclage, elle a tenté d’embrasser une nouvelle carrière et a postulé auprès d’un certain nombre d’employeurs potentiels, mais sans obtenir d’entrevue. Ces démarches indiquent qu’elle avait la capacité de conserver un emploi, et la preuve ne porte pas à croire qu’elle n’a pu trouver un emploi en raison de son état de santé. L’appelante a été capable d’effectuer un placement professionnel, montrant ainsi qu’elle avait la capacité d’accomplir les tâches requises. Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que ses efforts en vue d’obtenir et de conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé.

[63] L’avocate déclare que chaque affaire repose sur les faits qui lui sont propres. On ne saurait dire que la division générale a conclu que, du fait que la demanderesse fréquentait l’école, elle devait nécessairement avoir montré la capacité requise, sans avoir examiné plus avant les circonstances de la scolarité de la demanderesse. Dans ce cas particulier, la division générale est allée au‑delà de l’analyse de la scolarité de la demanderesse et a examiné son placement professionnel, à l’égard duquel elle a noté que la demanderesse avait participé à « des tâches nombreuses et variées associées à celles d’un assistant de laboratoire ». Ces tâches ont été énumérées au paragraphe 30 de la preuve. Il était noté que la demanderesse avait effectué 150 heures dans un laboratoire médical. La division générale a jugé que le placement professionnel comme assistante de laboratoire reproduisait les conditions de travail auxquelles la demanderesse pouvait s’attendre dans un laboratoire médical. Dans la décision Fraser, l’appelante avait commencé à suivre un cours de couture industrielle en novembre 1992, mais n’avait pu le terminer; en septembre 1993, elle s’était inscrite à un cours de neuf mois. Elle a terminé une deuxième année en juin 1995. Elle a commencé une troisième session en septembre 1995, mais a été forcée d’arrêter ses cours pour des raisons de santé. À la différence de Fraser, la division générale n’a pas pris en considération la scolarité de la demanderesse, vu que le placement professionnel a beaucoup pesé dans son appréciation lorsqu’elle a voulu trancher la question de savoir si la demanderesse avait démontré la capacité requise. Comme l’a fait valoir la Commission d’appel des pensions, chaque affaire repose sur les faits qui lui sont propres et, en l’espèce, il ne s’agissait pas d’une affaire où la division générale a conclu aveuglément que la demanderesse détenait la capacité de travailler de par sa fréquentation de l’école. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

7. Obligations de la division d’appel

[64] L’avocate déclare qu’aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, lorsque la permission d’en appeler à la division d’appel est accordée, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a le pouvoir d’opter pour l’une ou l’autre de ces quatre mesures : 1) rejeter l’appel; 2) rendre la décision que la division générale aurait dû rendre; 3) renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives que la division d’appel juge indiquées; 4) confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[65] L’avocate soutient que, puisqu’il est permis à la division d’appel de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, en conformité avec les principes de justice naturelle, ou de modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale, elle n’a pas pour objet de fonctionner à la façon d’un tribunal de révision judiciaire. L’avocate cite un certain nombre de décisions de la Cour fédérale du Canada dans le contexte de l’immigration.

[66] Cette observation ne se rattache pas à l’un ou l’autre des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et serait plus justement abordée dans le contexte d’un appel. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Conclusion

[67] Pour les motifs susmentionnés, la demande de permission d’en appeler est accueillie.

[68] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[69] Au cas où je déterminerais qu’une autre audience est nécessaire, les parties devraient faire part du mode d’audience qu’elles désirent et présenter aussi des observations sur le caractère approprié de ce mode d’audience (c.‑à‑d. si cela devrait se faire par téléconférence, par vidéoconférence, par d’autres moyens de télécommunications, en personne ou au moyen de questions et réponses par écrit). Si une partie demande à ce qu’il soit tenu audience autrement qu’au moyen de questions et réponses par écrit, j’invite cette partie à donner une estimation préliminaire du temps qu’il lui faudra pour déposer ses observations et à faire part de ses dates de disponibilité.

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