Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 18 juin 2015. La division générale a tenu une audience par téléconférence le 13 mai 2015. Elle a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada parce qu’elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité, c’est-à-dire le 31 décembre 2014. Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler le 10 septembre 2015. Il allègue que la division générale a commis un certain nombre d’erreurs. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le demandeur veut faire appel au motif que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Plus précisément, il affirme ce qui suit :

  1. a) Il a travaillé et cotisé au Régime de pensions du Canada pendant plus de 35 ans, jusqu’à ce qu’on lui diagnostique un syndrome du canal carpien grave et douloureux, une atteinte nerveuse dégénérative aux bras et aux mains, ainsi qu’une dépression et du stress traumatique en résultant.
  2. b) Son invalidité est réelle et documentée par les médecins. La chirurgie à son bras gauche n’a pas réussi. Il aura sous peu d’autres chirurgies à son bras droit, ce qui, d’après lui, devrait le limiter encore davantage. Il a offert de fournir d’autres renseignements médicaux dès qu’il en aura à sa disposition. Il se demande pourquoi la division générale n’a pas tenu compte de [traduction] « ça » (je présume qu’il fait référence aux chirurgies à venir).
  3. c) Il a subi une diminution de sa qualité de vie, et ses limitations nuisent à sa capacité de détenir de façon régulière une occupation véritablement rémunératrice.
  4. d) Aucun représentant de l’intimé n’a participé à la téléconférence. Le demandeur dit que cela laisse entendre que la décision avait déjà été prise.

[4] Le 28 octobre 2015, j’ai invité le demandeur à présenter des observations additionnelles et à indiquer tout autre moyen d’appel comme des erreurs de droit possibles ou des conclusions de fait erronées que la division générale aurait pu tirer. J’ai précisé au demandeur qu’il devait répondre dans un délai de 31 jours. N’ayant reçu aucune réponse, j’examinerai sa demande d’après la demande de permission d’en appeler déposée le 10 septembre 2015.

[5] L’intimé n’a pas présenté d’observations écrites.

Analyse

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de lEmploi et du
D
éveloppement social (la Loi), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent à au moins un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[8] Je souligne que, selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

a) Cotisations au Régime de pensions du Canada

[9] Le demandeur fait valoir qu’il a cotisé pendant plus de 35 ans au Régime de pensions du Canada. Je crois qu’il laisse entendre que, étant donné la longueur de cette période et le montant de ses cotisations au RPC, il a droit à une pension d’invalidité.

[10] La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Miceli-Riggins c. Procureur général, 2013 CAF 158, a examiné les objectifs du Régime de pensions du Canada. Voici ce que la Cour a déclaré :

[69] [. . .] Le Régime n’est pas censé satisfaire les besoins de tout le monde. C’est plutôt un régime contributif qui remplace en partie des revenus dans certaines circonstances définies de façon technique. Il est conçu pour être complété par les régimes de pension privés, l’épargne privée, ou les deux. Voir l’arrêt Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 703, au paragraphe 9.

[70] En fait, on ne peut même pas dire du Régime qu’il vise à accorder des prestations à tels ou tels groupes démographiques. Il convient plutôt de le considérer comme une assurance obligatoire basée sur des cotisations et un régime de pension conçu pour fournir une certaine aide – loin d’être complète – aux personnes qui répondent à des critères de qualification techniques.

[71]  Tout comme dans un régime d’assurance, les prestations sont payables en fonction de critères d’admissibilité hautement techniques.

[. . .]

[74]   Pour reprendre les termes de la Cour suprême,

Le [Régime] est un régime d’assurance sociale destiné aux Canadiens privés de gains en raison d’une retraite, d’une déficience ou du décès d’un conjoint ou d’un parent salarié. Il s’agit non pas d’un régime d’aide sociale, mais plutôt d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité, y compris l’ampleur et la durée de la contribution financière d’un requérant.

(arrêt Granovsky, précité, au paragraphe 9)

(Caractères gras ajoutés)

[11]    Le Régime de pensions du Canada fonctionne comme un régime d’assurance où l’admissibilité dépend des cotisations. Une pension d’invalidité n’est pas payable à toute personne souffrant d’une invalidité. Il ne suffit pas d’avoir cotisé au Régime de pensions du Canada. Il est clair qu’un requérant doit satisfaire à d’autres exigences pour être admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. Les cotisations ne suffisent pas à elles seules. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès parce que le demandeur a versé d’importantes cotisations au Régime de pensions du Canada.

b) Gravité et incidence de l’invalidité

[12] Aux fins de l’application de l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, la question ne consiste pas à savoir si un demandeur a des problèmes de santé, mais s’il a une invalidité grave et prolongée le rendant invalide au sens du Régime. Le demandeur affirme qu’il est atteint d’une invalidité selon la définition de ce terme, puisqu’on lui a diagnostiqué un syndrome du canal carpien grave et douloureux, une atteinte nerveuse dégénérative aux bras et aux mains, ainsi qu’une dépression et du stress traumatique en résultant. Il souligne que la chirurgie à son bras gauche n’a pas réussi et qu’il sera de nouveau opéré à son bras droit, ce qui, d’après lui, devrait le limiter encore davantage. Il dit qu’il a subi une diminution de sa qualité de vie, et que ses limitations nuisent à sa capacité de détenir de façon régulière une occupation véritablement rémunératrice.

[13] Le demandeur allègue que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il aura d’autres chirurgies au bras droit, ni de leurs répercussions sur lui. Cet élément de preuve est présenté au paragraphe 14 de la décision de la division générale. En fait, la division générale l’a examiné au paragraphe 23.

[14] Par ses observations, le demandeur se trouve essentiellement à demander une réévaluation et une nouvelle appréciation de la preuve, ce qui va au-delà d’une demande de permission. Comme l’a établi la Cour fédérale dans la décision Tracey, le rôle de la division d’appel n’est pas d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale pour savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

[15] Le demandeur précise que d’autres renseignements médicaux seront disponibles, mais ils ne seraient pas pertinents pour une demande de permission d’en appeler, à moins qu’ils se rapportent à l’un des moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi.

[16] Si le demandeur a l’intention de soumettre d’autres dossiers médicaux dans le but de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il doit maintenant se conformer aux exigences énoncées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, et doit aussi présenter une demande d’annulation ou de modification à la division qui a rendu la décision, soit la division générale dans ce cas-ci. L’article 66 de la Loi établit des exigences et des délais stricts pour l’annulation ou la modification d’une décision. Le paragraphe 66(2) de la Loi exige que la demande d’annulation ou de modification soit présentée au plus tard un an après la date où la partie reçoit communication de la décision, tandis que l’alinéa 66(1)b) exige que le demandeur démontre que les faits nouveaux sont des faits essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Selon le paragraphe 66(4) de la Loi, dans cette affaire, la division d’appel n’a pas compétence pour annuler ou modifier une décision en fonction de faits nouveaux, car seule la division qui a rendu la décision est habilitée à le faire, et il s’agissait dans ce cas de la division générale.

c) Issue déterminée d’avance

[17] Le demandeur allègue que l’issue de l’audience était déterminée à l’avance puisqu’aucun représentant de l’intimé ne participait à la téléconférence. C’est une allégation très grave, mais elle ne repose que sur des conjectures. Le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer ce qu’il avance. Le membre de la division générale a bel et bien examiné et analysé la preuve, y compris le témoignage du demandeur. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

d) Norme de preuve

[18]    Le paragraphe 58(1) de la Loi permet à la division d’appel de déterminer si une erreur de droit a été commise, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

[19] La division générale a écrit, au sujet de la preuve médicale qui lui avait été soumise, qu’elle [traduction] « laisse un certain doute quant à la gravité des symptômes [du demandeur] à la [période minimale d’admissibilité] ». Ce passage laisse entendre que la division générale pourrait avoir commis une erreur et avoir appliqué une norme de preuve plus sévère que nécessaire. Toutefois, la division générale a aussi écrit au paragraphe 21 que le demandeur devait prouver [traduction] « selon la prépondérance des probabilités » qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée. Elle a aussi déclaré ce qui suit au paragraphe 27 :

[Traduction]

[27] Ayant examiné l’ensemble de la preuve et tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de santé [du demandeur], le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur est atteint d’une invalidité grave.

(Caractères gras ajoutés)

[20] Si la division générale n’avait pas énoncé la norme de preuve applicable au demandeur et n’avait pas fait référence à cette norme en résumant ses conclusions, j’aurais peut-être été convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès. Il semble que la division générale connaissait la norme de preuve à laquelle le demandeur devait satisfaire, et que c’est par mégarde qu’elle a dit avoir un « certain doute ». Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[21] Compte tenu des considérations qui précèdent, la permission d’en appeler est refusée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.