Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur sollicite la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 27 juillet 2015 sur la foi du dossier. La division générale a établi que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada après avoir conclu que ce dernier avait repris un emploi rémunérateur. Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 15 octobre 2015. Pour que cette demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a‑t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le demandeur sollicite la permission d’en appeler parce qu’il avait été informé qu’il pouvait s’attendre à la tenue d’une audience en personne devant un tribunal et qu’il pourrait amener un représentant avec lui à l’audience. Il soutient qu’il a même reçu un manuel et une vidéo lui montrant comment se préparer en vue d’une audience. Il explique qu’il attendait qu’on lui envoie une lettre l’informant de la date de l’audience, mais qu’un jour il avait plutôt reçu la décision de la division générale.

[4] Le demandeur soutient aussi que, puisqu’on lui avait laissé croire qu’il devait s’attendre à la tenue d’une audience en personne, il n’avait ni présenté ni déposé tous les renseignements pertinents auprès du Tribunal de la sécurité sociale. Il semble qu’il avait prévu de soumettre tout document additionnel lors de l’audience. Le demandeur soutient que la division générale ne disposait pas de tous les renseignements pertinents et que, pour cette raison, la décision [traduction] « repose sur un fait erroné, qu’elle ne tient pas compte de renseignements factuels importants, et qu’elle a donc été rendue de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte de tous les éléments ».

[5] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite.

Analyse

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), les seuls moyens d’appel sont les suivants:

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant que je puisse accorder une permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs de l’appel cadrent avec les moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette démarche récemment dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[8] Je note que la Cour d’appel fédérale a établi que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[9] Le demandeur soutient essentiellement que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[10] Comme l’a si bien décrit mon collègue Pierre Lafontaine dans la décision D.P. v. Canada Employment Insurance Commission and D.R.A. Holdings Ltd. (23 novembre 2015), non publiée pour l’instant (AD‑15‑989), les principes de justice naturelle existent pour veiller à ce que toute personne assujettie à la compétence d’une instance judiciaire ou quasi judiciaire reçoive comme il se doit un avis de comparution, se voie offrir la possibilité raisonnable de défendre sa cause et puisse s’attendre à ce que la décision soit rendue de façon impartiale ou sans crainte ou apparence de partialité.

[11] Le demandeur soutient qu’il a été privé de la possibilité de défendre sa cause. Il soulève deux questions qui relèvent des principes de justice naturelle : (1) il n’a pas eu droit à une audience en personne; et (2) il n’a pas eu l’occasion de présenter tous les renseignements pertinents dont il disposait.

(a) Audience en personne

[12] Le demandeur soutient qu’il aurait dû avoir droit à une audience en personne, puisqu’on lui avait laissé croire qu’il devait s’attendre à ce type d’audience.

[13] Le demandeur a interjeté appel auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision avant le 1er avril 2013. Selon l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, tout appel interjeté avant le 1er avril 2013, au titre du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, est réputé avoir été interjeté le 1er avril 2013 à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 1er avril 2013, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a transféré l’appel du demandeur au Tribunal de la sécurité sociale.

[14] Le 21 mai 2013, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit au demandeur pour l’informer que son appel lui avait été transféré. Voici ce que dit cette lettre :

[Traduction]

Conformément aux nouvelles règles établies, les parties [c’est‑à‑dire vous et Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC)] disposent d’un maximum de 365 jours pour signer un avis de procéder et l’envoyer au Tribunal. En signant l’avis, les parties indiquent au Tribunal qu’elles sont prêtes à poursuivre la démarche d’appel. Vous trouverez ci‑joint un formulaire d’avis de procéder.

Avant de signer et de transmettre le formulaire d’avis de procéder, il est très important que vous vous demandiez si vous avez des renseignements supplémentaires (documents et/ou observations écrites) que vous souhaitez que le Tribunal examine avant de rendre sa décision. Il doit s’agir de renseignements autres que les documents déjà au dossier de RHDCC. Si vous avez des renseignements supplémentaires, il est important que vous les transmettiez au Tribunal avec le formulaire d’avis de procéder dûment signé.

Selon la nouvelle loi, votre appel devant le Tribunal est « réputé » avoir été déposé le 1er avril 2013, de sorte que votre délai de 365 jours se termine le 31 mars 2014. Cela signifie que vous avez jusqu’au 31 mars 2014 pour transmettre des documents supplémentaires au Tribunal. Vous avez aussi jusqu’au 31 mars 2014 pour signer et retourner l’avis de procéder au Tribunal. Veuillez noter que si, le 1er avril 2014, l’avis de procéder n’a pas été transmis par une des parties ou n’a été transmis par aucune des deux, le Tribunal procèdera quand même à l’examen de votre appel.

Il est aussi important de noter qu’une fois que le Tribunal aura reçu l’avis de procéder (final) des parties, il n’acceptera aucun autre document ni aucune autre observation écrite.

(Non souligné dans l’original)

[15] Selon une note inscrite dans le registre des appels téléphoniques, le demandeur a communiqué avec le Tribunal de la sécurité sociale le 27 mars 2014 pour demander une prorogation du délai prévu pour présenter l’avis de procéder. Le 17 avril 2014, la division générale a prorogé ce délai jusqu’au 31 mars 2015. La lettre informe les deux parties que si les renseignements ne sont pas fournis d’ici la date indiquée, la division générale pourrait rendre une décision en se fondant sur l’information qui figure déjà au dossier.

[16] Au paragraphe 13, la division générale a fait état de ces communications entre le demandeur et le Tribunal de la sécurité sociale. Elle mentionne que le Tribunal de la sécurité sociale avait accueilli la demande de prorogation du délai présentée par le demandeur afin que ce dernier puisse se préparer pour son appel (GT2‑2). Dans une lettre datée du 17 avril 2014 qu’il a envoyée au demandeur, le Tribunal de la sécurité sociale a indiqué que la division générale avait prorogé le délai prévu pour déposer des documents jusqu’au 31 mars 2015. Bien qu’il ait accordé une prorogation, le Tribunal de la sécurité sociale n’a reçu aucun autre renseignement du demandeur avant que la division générale rende sa décision le 27 juillet 2015.

[17] Le 13 juin 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a informé les parties qu’il estimait que l’appel était prêt à être instruit et qu’il serait bientôt confié à un membre de la division générale. Il a demandé aux parties de déposer sans tarder tout document ou toute observation écrite additionnels qui ne l’avaient pas déjà été. Voici ce qu’a écrit le Tribunal de la sécurité sociale :

[Traduction]

Après que l’appel aura été confié à un membre du Tribunal, le Tribunal transmettra une autre lettre à toutes les parties pour les informer du mode d’audience que le membre a décidé d’utiliser, de la date limite pour fournir d’autres documents et réponses, ainsi que de la date d’audience, le cas échéant.

[18] Le 10 juillet 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit au demandeur pour l’informer que la lettre du 13 juin 2014 avait été envoyée par erreur et de ne pas en tenir compte. Il a demandé au demandeur de continuer à déposer tout document ou toute observation écrite additionnels qui ne l’avaient pas déjà été. Le Tribunal de la sécurité sociale a également écrit ce qui suit : [traduction] « Le Tribunal avisera toutes les parties une fois que le présent appel sera prêt à être instruit ».

[19] Au début de 2015, le membre de la division générale a demandé à l’intimé qu’il lui transmette une copie du registre révisé des gains du demandeur.

[20] Le 28 mai 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé une lettre au demandeur à laquelle il a joint une copie du registre révisé des gains qu’il avait reçu de l’intimé. Voici ce que le Tribunal de la sécurité sociale a écrit :

[Traduction]

[…] Une copie du dossier sera transmise à toutes les parties une fois que l’affaire aura été confiée à un membre du Tribunal et que ce dernier aura établi la façon de procéder. Toutes les parties seront avisées une fois que le Tribunal sera prêt à confier la présente affaire à un membre.

[21]  Le 29 mai 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit aux parties pour les informer que le membre de la division générale avait l’intention [traduction] « de rendre une décision en se fondant sur les documents et les observations déposés ». Le Tribunal de la sécurité sociale a également écrit ce qui suit 

Période de dépôt

Les parties ont jusqu’au 29 juin 2015 pour transmettre des documents ou observations supplémentaires au Tribunal. Une copie de chaque nouveau document reçu par le Tribunal sera fournie aux autres parties, et celles-ci auront la possibilité d’y répondre.

Période de réponse

La période de réponse suivra la période de dépôt. Les parties qui souhaiteraient répondre à tout document déposé durant la période de réponse doivent s’assurer de communiquer leur réponse au Tribunal au plus tard le 28 juillet 2015.

Documents déposés après la période de réponse

Le membre du Tribunal rendra une décision, afin d’accueillir ou de rejeter l’appel, après la fin de la période de réponse ou peut-être avant si aucun document ni aucune observation ne sont déposés par les parties durant la période de dépôt. En conséquence, tout document non déposé dans le délai prescrit et indiqué sera fourni aux autres parties, mais pourrait ne pas être pris en considération par le membre du Tribunal dans sa décision. Si des documents sont déposés en retard, mais avant que la décision soit rendue, ils seront pris en compte uniquement à la discrétion du membre du Tribunal.

Motifs du membre

Le membre du Tribunal a décidé d’instruire l’affaire et de rendre une décision en se fondant sur les documents et les observations déposés pour les motifs suivants :

  • L’information au dossier est complète et ne nécessite aucune clarification;
  • Cette façon de procéder est conforme à l’exigence énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

 

Autre renseignement important

Bien que le membre du Tribunal ait exprimé son intention de rendre une décision sur la foi des documents et observations déposés, il pourrait toutefois, à la lumière des documents et observations supplémentaires reçus durant les périodes de dépôt et de réponse, décider qu’une audience est nécessaire pour trancher l’appel. Advenant le cas, un avis d’audience sera envoyé à toutes les parties avec d’autres instructions.

Après la période de réponse, le Tribunal communiquera à toutes les parties la décision qui a été rendue ou, les prochaines étapes du processus d’appel, selon le cas.

 

[22] Depuis le 1er avril 2013, nul n’est en droit d’exiger une audience en personne devant un tribunal. La Loi prévoit très précisément que les audiences devraient être tenues devant une personne. Selon l’article 61 de la Loi, toute demande présentée au Tribunal est entendue par un membre agissant seul.

[23] L’article 28 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale confère à la division générale le pouvoir de rendre une décision en se fondant sur les documents et les observations déposés. Cet article est ainsi libellé :

Une fois que toutes les parties ont déposé l’avis selon lequel elles n’ont pas de documents ou d’observations à déposer ou à l’expiration de la période applicable prévue à l’article, selon le premier de ces événements à survenir, la section de la sécurité du revenu doit sans délai:

  1. a) soit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés;
  2. b) soit, si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience.

[24] Compte tenu des pièces de correspondance qu’il a reçues du Tribunal de la sécurité sociale, et plus particulièrement de la lettre datée du 29 mai 2015, le demandeur aurait dû se rendre compte à partir de ce moment‑là que le membre de la division générale avait l’intention d’instruire l’affaire sur la foi du dossier et de rendre une décision « en se fondant sur les documents et les observations déposés », et non de tenir une audience en personne.

[25] La Cour fédérale a établi que, quelles que soient les attentes légitimes que pouvait nourrir un demandeur en vertu du régime législatif précédent, elles ne peuvent donner lieu à un nouvel appel, bien que cela fasse partie du contexte des appels de la division d’appel : Belo‑Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100.  La Cour fédérale a conclu qu’une de mes collègues de la division d’appel avait commis une erreur en examinant la demande de la demanderesse en tenant compte des attentes légitimes de la prestataire au moment où elle a déposé son appel devant la Commission d’appel des pensions. La Cour fédérale s’était alors reportée à l’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national, 1975 CanLII 4 (CSC), [1977] 1 R.C.S. 271 au paragraphe 283, où la Cour suprême du Canada a soutenu que personne n’a le droit acquis de se prévaloir de la loi telle qu’elle existait par le passé. La Cour fédérale a également soutenu qu’il ressort clairement des dispositions de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable que le législateur prévoyait que les questions dont le Tribunal de la sécurité sociale était saisi seraient assujetties à la nouvelle loi.

[26] Par conséquent, le demandeur ne peut espérer pouvoir se fonder sur les attentes qu’il aurait pu avoir avant l’entrée en vigueur de la Loi. Le membre de la division générale a dûment exercé sa compétence lorsqu’il a rendu sa décision en se fondant sur les documents et les observations présentés. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif.

(b) Présentation de documents

[27] Le demandeur soutient aussi qu’on ne lui a pas donné la possibilité de défendre pleinement sa cause, puisqu’il n’a pas pu fournir tous les renseignements pertinents dont il disposait. Il ajoute qu’il s’attendait à avoir droit à une audience en personne et qu’il aurait présenté tous les documents à ce moment‑là.

[28] Le fait que le demandeur n’a pas déposé de dossiers ou d’observations supplémentaires n’est ni la faute du Tribunal de la sécurité sociale ni celle du membre de la division générale. Bien qu’il soit malheureux que le demandeur n’ait pas déposé tous ses documents (quelle que soit leur nature, car il n’a pas indiqué en quoi ils consistaient), ce manquement ne peut être imputé au Tribunal de la sécurité sociale ni au membre de la division générale.

[29] Avant que l’appel soit transféré au Tribunal de la sécurité sociale, il avait été conseillé au demandeur de déposer tous les documents dont il disposait, sinon ceux‑ci risquaient de ne pas être admis lors de l’audience. En effet, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a écrit au demandeur à plusieurs reprises pour lui rappeler que s’il présentait les renseignements en retard, le tribunal de révision pourrait refuser de les admettre lors de l’audience. Les lettres envoyées par le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision au demandeur sont entre autres celles datées du 7 février 2012 (GT1‑381), du 30 mai 2012 (de GT1‑379 à GT1‑380) et du 5 juin 2012 (de GT1‑377 à GT1‑378).

[30] Les lettres du Tribunal de la sécurité sociale informaient également le demandeur qu’il devait présenter les documents ou les observations dans un délai précis, autrement il se pouvait que la division générale n’en tienne nullement compte.

[31] Étant donné qu’il n’y avait pas lieu de tenir une audience en personne et qu’il n’y avait aucune attente raisonnable à cet égard, et compte tenu des lettres envoyées par le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision et le Tribunal de la sécurité sociale pour informer le demandeur qu’il devait déposer les documents et les observations avant la tenue de l’audience, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif.

[32] Enfin, il faut préciser que la période minimale d’admissibilité du demandeur prend fin le 31 décembre 2016 et qu’elle n’est donc pas terminée. Le demandeur est encore admissible à une pension du Régime de pensions du Canada, s’il satisfait aux exigences prévues par le Régime de pensions du Canada. Si le demandeur souhaite présenter une nouvelle demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, il aurait tout intérêt à se faire représenter afin d’obtenir l’aide nécessaire.

Conclusion

[33] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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