Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 16 octobre 2015. Cette dernière a tenu une audience par vidéoconférence, le 15 octobre 2015, et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas « grave » à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), c’est-à-dire le 31 décembre 2011. L’avocat du demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler le 3 novembre 2015. Pour accueillir la demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] L’avocat du demandeur fait valoir que le paragraphe 35 illustre le problème relatif à la décision de la division générale, mais ne précise pas comment il est lié à des erreurs qu’aurait pu avoir commises la division générale.

[4] L’avocat fait valoir que le demandeur était clairement rattaché à la catégorie de personnes qui ont [traduction] « de la difficulté à trouver et à garder un emploi » et que la preuve montrait clairement [traduction] « encore beaucoup plus que cela ». L’avocat fait remarquer que le demandeur avait un syndrome du tunnel carpien grave à gauche, lequel a été soulagé au moyen d’une chirurgie en 2006. L’avocat fait remarquer que dans un rapport daté d’avril 2006, un chirurgien orthopédiste a diagnostiqué au demandeur un engourdissement persistant, une perte de fonction motrice et de la douleur liée à une détérioration, c.-à-d. des atteintes nerveuses. L’avocat indique que selon des rapports médicaux ultérieurs, l’affection médicale du demandeur s’est transformée en syndrome chronique de [traduction] « grande proportion nécessitant des soins psychiatriques ». Il précise que le demandeur ne s’est pas non plus rétabli de son affection psychiatrique. L’avocat fait valoir que le membre supérieur gauche du demandeur est gravement touché par des atteintes biologiques, qui s’accompagnent d’atteintes aux nerfs. Il précise que cela nécessite des analgésiques puissants, ce qui est invalidant en soi. Selon l’avocat, l’invalidité permanente en raison de la douleur du demandeur existe dans le contexte d’une dépression importante, qui complique encore plus les fonctions, et ainsi le demandeur est devenu surtout confiné à la maison.

[5] L’avocat fait valoir que la division générale a commis une erreur en concluant que l’affection du demandeur n’est pas grave puisqu’elle a nécessité une chirurgie et des soins psychiatriques prolongés et a entraîné une douleur incessante. Il indique que l’affection du demandeur a des répercussions énormes sur celui-ci et a [traduction] « très sérieusement limité » sa capacité fonctionnelle, même à la maison. L’avocat affirme qu’il y a lieu raisonnablement de conclure que l’affection est grave.

[6] L’avocat affirme que la division générale n’a pas pris en compte l’incapacité du demandeur de faire des efforts de réadaptation fructueux en raison de ses problèmes de mémoire et de concentration. Il fait valoir que le demandeur n’est pas en mesure d’apprendre l’anglais comme langue seconde au-delà d’un niveau très rudimentaire. Il affirme qu’il a été [traduction] « très durement touché par l’affection psychiatrique liée au trouble de la douleur » et que le nombre très limité d’emplois qui auraient théoriquement pu être disponibles pour le demandeur ne le sont plus lorsque ses compétences linguistiques et le manque de compétences transférables sont pris en compte.

[7] L’avocat fait valoir que la division générale a également commis une erreur parce qu’elle n’a pas cherché à déterminer si l’invalidité du demandeur pouvait être considérée comme étant prolongée. Le demandeur indique qu’il souffre de la même affection médicale depuis près de dix ans et que son affection est prolongée.

[8] L’intimé n’a pas présenté d’observations écrites concernant cette demande de permission d’en appeler.

Analyse

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que la permission soit accordée, le demandeur doit me convaincre que les motifs d’appel correspondent à l’un des moyens précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé récemment cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

(a) Paragraphe 35 de la décision de la division générale

[11] L’avocat fait valoir que le problème relatif à la décision se trouve au paragraphe 35, qui est libellé ainsi :

[Traduction]

Par contre, cela ne signifie pas que toute personne qui souffre d’un problème de santé et qui a de la difficulté à trouver et à garder un emploi est admissible à une pension d’invalidité. Un demandeur doit malgré cela être en mesure de démontrer qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[12] La division générale a précisé qu’elle vérifiait la preuve médicale ainsi que les possibilités et les efforts liés à l’emploi. Même si la division générale n’a attribué la déclaration à aucune décision en particulier (puisqu’elle est devenue une proposition bien acceptée en droit), elle tient clairement ses origines de Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, au paragraphe 50. L’avocat n’a mentionné aucune source pour appuyer ses observations selon lesquelles il y a des erreurs de droit relativement à cette déclaration. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès au motif qu’il y a des erreurs de droit ou d’autres erreurs au paragraphe 35 de la décision de la division générale.

(b) Antécédents médicaux

[13] L’avocat a examiné les antécédents médicaux du demandeur et les répercussions de ses diverses affections sur ses capacités et ses limitations. Il fait valoir que selon la preuve, l’invalidité du demandeur est définitivement grave. Essentiellement, l’avocat demande une réévaluation des faits et une nouvelle appréciation de la preuve. Comme l’a affirmé récemment la Cour fédérale dans l’affaire Tracey, la division d’appel n’a pas la responsabilité de réévaluer la preuve ni d’apprécier de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale pour déterminer si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Je ne suis donc pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

(c) Efforts de réadaptation

[14] L’avocat fait valoir que la division générale n’a pas pris en compte l’incapacité du demandeur de faire des efforts de réadaptation fructueux en raison de ses problèmes de mémoire et de concentration et de son manque de compétences linguistiques et transférables. En d’autres mots, il affirme que la division générale n’a pas appliqué les principes de l’affaire Villani afin d’adopter une approche « réaliste » pour évaluer la gravité.

[15] La division générale a énoncé le critère établi dans l’affaire Villani au paragraphe 34. La division générale a reconnu qu’elle devrait prendre en compte les caractéristiques personnelles du demandeur, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie au moment d’évaluer la gravité. C’était le contexte « réaliste » auquel elle faisait référence.

[16] L’avocat mentionne que la division générale n’a pas pris en compte les aptitudes linguistiques du demandeur et son manque de compétences transférables ainsi que ses problèmes de mémoire et de concentration. Toutefois, la division générale a bien abordé ces facteurs. La division générale a indiqué que le demandeur avait été en mesure de suivre un programme de réintégration au marché du travail pendant trois ans et de mettre ses compétences professionnelles à niveau grâce à une formation à titre de caissier et de gardien de sécurité. La division générale a reconnu l’allégation du demandeur selon laquelle il ne pouvait pas véritablement détenir ces occupations en raison de son incapacité d’apprendre l’anglais. La division générale n’a pas tenu compte de ces allégations puisque le demandeur n’avait produit aucun des rapports de réintégration au marché du travail, ni d’autres documents de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, ce qui, selon la division générale, aurait fourni une preuve écrite contemporaine précisant les efforts déployés et la raison pour laquelle le demandeur n’a pas cherché d’autre emploi.

[17] Quant aux problèmes de mémoire et de concentration du demandeur, la division générale a mentionné que le dossier documentaire était insuffisant pour étayer la mesure dans laquelle ces problèmes auraient eu des incidences sur le demandeur pendant ou autour de sa période minimale d’admissibilité. La division générale a indiqué que mis à part un rapport médical daté d’octobre 2007, il n’y avait que deux autres rapports médicaux dans le dossier d’audience dont elle était saisie : un deuxième rapport, daté du 15 mai 2013 (environ 1,5 an après la fin de la période minimale d’admissibilité), et un troisième rapport, daté du 6 juin 2015 (environ 9,5 ans après la fin de la période minimale d’admissibilité). Il ne serait pas approprié pour moi à cette étape de tirer mes propres conclusions au moyen de la preuve concernant les problèmes de mémoire et de concentration du demandeur.

[18] Dans Villani, la Cour d’appel fédérale a découragé l’intervention liée à l’évaluation de la situation du requérant puisque c’est une question de jugement et qu’à ce stade, cela impliquerait aussi une certaine réévaluation. Le juge Isaac a écrit ce qui suit au nom de la Cour d’appel fédérale :

[49] Si l’on garde à l’esprit que l’audition devant la Commission est de la nature d’une audition de novo, tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. 

[19] Étant donné l’analyse menée par la division générale, on ne peut pas dire qu’elle n’a pas pris en compte les caractéristiques personnelles du demandeur, et c’est une évaluation dans laquelle j’hésiterais à intervenir. Je ne suis donc pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

(d) Nature prolongée de l’invalidité

[20] L’avocat affirme que la division générale a également commis une erreur en ne tentant pas de déterminer si l’invalidité du demandeur pouvait être considérée comme étant prolongée.

[21] Au paragraphe 32, la division générale a énoncé le critère juridique que le demandeur devait respecter en vertu de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada afin de déterminer s’il était admissible à une pension d’invalidité. La division générale a par la suite mené une analyse de l’aspect de la gravité. Bien qu’il soit vrai que la division générale n’a pas considéré l’aspect de l’invalidité prolongée, le critère relatif à  l’invalidité comporte deux volets, et si l’un des volets de ce double critère n’est pas respecté, le demandeur ne pourra pas satisfaire aux exigences en matière d’invalidité figurant dans la législation. Comme l’a bien indiqué la division générale, il n’était pas nécessaire dans ces circonstances de mener une analyse de l’aspect de l’invalidité prolongée. Dans l’affaire Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a établi ce qui suit :

[10] Le fait que la Commission se soit essentiellement concentrée sur le volet « grave » du critère, et qu’elle ne soit pas prononcée quant au volet « prolongée » ne constitue pas une erreur. Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du [Régime de pensions du Canada] sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du [Régime de pensions du Canada] sera rejetée. 

[22] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès au motif que la division générale n’a pas pris en compte la nature prolongée de l’invalidité du demandeur.

Conclusion

[23] Compte tenu des facteurs ci-dessus, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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