Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Dans sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, la demanderesse allègue être invalide en raison de blessures physiques qui lui causent des douleurs constantes au dos et aux chevilles et qui ont entraîné de l’hypertension, du diabète, une maladie mentale, des troubles cognitifs et d’autres problèmes de santé. L’intimé a rejeté la demande initiale et a de nouveau rejeté la demande après réexamen. La demanderesse a interjeté appel à l’encontre de la décision de réexamen auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») en avril 2013 conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et rejeté l’appel le 29 août 2015.

[2] La demanderesse a présenté une demande de permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Elle a fait valoir que la division générale a manqué aux principes de justice naturelle, a excédé sa compétence et a commis des erreurs de droit et de fait, si bien que la décision de la division générale ne doit pas être maintenue.

[3] L’intimé n’a pas présenté d’observations relativement à la demande de permission d’en appeler à la division d’appel.

Analyse

[4] Pour se voir accorder la permission d’en appeler, la demanderesse doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement), [1999] A.C.F. no 1252 (CF)). La Cour d'appel fédérale a également conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi ») régit les activités du Tribunal. L’article 58 de la Loi énonce les seuls moyens d’appel qui justifient l’octroi de la permission d’appeler d’une décision de la division générale (voir le libellé de l’article dans l’annexe jointe à la présente décision).

[6] La demanderesse a invoqué un certain nombre de moyens d’appel et a fait valoir que chacun présente une chance raisonnable de succès. Elle a d’abord soutenu que la division générale a commis une erreur en n’observant pas les principes de justice naturelle. La demanderesse avait été aiguillée vers un neurochirurgien, mais ne l’avait pas rencontré avant l’audience devant la division générale. Dans sa décision, la division générale a indiqué qu’en l’absence de rapport émanant du neurochirurgien, elle ne pouvait pas connaître l’avis professionnel de ce dernier quant à la capacité de travailler de la demanderesse et n’avait à sa disposition aucun diagnostic, traitement recommandé ou pronostic. La division générale a déterminé que sans cette information, elle n’était pas en mesure d’évaluer des éléments essentiels comme les traitements suivis, les médicaments pris, les recommandations qui auraient été formulées, l’observance de ces recommandations et les effets bénéfiques des traitements suivis, le cas échéant. La demanderesse a allégué que la division générale aurait dû ajourner l’audience si elle comptait se fonder principalement sur le rapport du neurochirurgien, afin de permettre la présentation et l’examen de cet élément de preuve. En ne le faisant pas, la division générale a manqué aux principes de justice naturelle, en ceci qu’elle a empêché la demanderesse de présenter un élément de preuve qu’elle jugeait nécessaire et pertinent.

[7] Le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse en l’espèce, c’est‑à-dire que cette dernière doit prouver qu’il était plus probable qu’elle ait été invalide pendant la période visée que le contraire. C’est à la demanderesse qu’incombait l’obligation de présenter à la division générale des éléments de preuve à l’appui de sa demande. La division générale n’était pas tenue de chercher à obtenir des éléments de preuve ou d’aider la demanderesse à trouver des éléments de preuve à l’appui de sa demande. La demanderesse n’a pas mentionné avoir demandé l’ajournement de l’audience en question à l’effet d’obtenir et de présenter des éléments de preuve médicale supplémentaires à l’appui de sa demande. La division générale n’a pas activement cherché à l’empêcher d’obtenir et de présenter des éléments de preuve du neurochirurgien ou de toute autre personne. Cependant, il est possible, en l’absence de cet élément de preuve, que la division générale ait fondé sa décision sur des conclusions erronées. Cet argument renvoie à une erreur de la division générale qui pourrait correspondre à l’un des moyens d’appel prévus à l’article 58 de la Loi et présenter une chance raisonnable de succès en instance d’appel.

[8] Dans le même ordre d’idées, la demanderesse a allégué que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, conclusion selon laquelle d’autres traitements pourraient s’offrir à elle après la consultation avec le neurochirurgien. La demanderesse a fait valoir qu’aucun élément de preuve n’étaye cette conclusion. En l’absence de rapport émanant de ce médecin, aucun élément de preuve en ce sens ne peut avoir été présenté. Ce moyen d’appel se rapporte à une conclusion de fait possiblement erronée de la division générale et présente une chance raisonnable de succès.

[9] La demanderesse a également fait valoir que la division générale a excédé sa compétence en présumant que ses troubles physiques et psychologiques se seraient estompés si elle avait suivi d’autres traitements médicaux, alors qu’aucun élément de preuve n’étaye cette hypothèse. Dans sa décision, la division générale fait état des traitements qui ont été recommandés à la demanderesse et indique si cette dernière les a suivis; elle ne conclut pas que l’état de santé de la demanderesse se serait amélioré si elle avait suivi d’autres traitements. Ce moyen d’appel ne présente pas de chance raisonnable de succès.

[10] La demanderesse a en outre allégué que la division générale a commis une erreur en ne se penchant pas sur la question de savoir si son invalidité est grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada après avoir conclu que la demanderesse n’avait pas entrepris les démarches appropriées pour se faire traiter. Dans sa décision, la division générale a mentionné avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve et a conclu que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave ou prolongée. Ce moyen d’appel ne présente pas de chance raisonnable de succès.

[11] La demanderesse a aussi invoqué des motifs d’appel en lien avec ses troubles cognitifs. Elle a d’abord soutenu que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, dans sa décision, des difficultés d’apprentissage et du manque de compétences en informatique de la demanderesse. Celle‑ci a cité la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 à l’appui de son argument selon lequel ces éléments auraient dû être pris en considération dans le cadre de l’« analyse réaliste » dont les demandes de pension d’invalidité doivent faire l’objet. Il est clair que le défaut d’évaluer une demande de pension d’invalidité sans tenir compte du « contexte réaliste » constitue une erreur de droit (Garrett c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84). La demanderesse a affirmé que ses troubles cognitifs l’ont empêchée de chercher un emploi peu exigeant sur le plan physique de même que de chercher et de suivre les divers traitements recommandés. Dans sa décision, la division générale a indiqué que la demanderesse ne possédait pas de compétences transférables et qu’elle était capable, dans le cadre de son dernier emploi, d’accomplir des tâches de nettoyage et de réception et d’autres tâches de soutien aux chirurgies et aux radiographies à la clinique vétérinaire où elle travaillait. La division générale a conclu que la demanderesse était capable d’accomplir un travail sédentaire. Cependant, il n’est pas indiqué si la division générale s’est demandé quel type d’emploi sédentaire, le cas échéant, la demanderesse est capable d’exercer eu égard à son âge, à ses antécédents de travail et à ses troubles cognitifs. Dans sa décision, la division générale n’a pas indiqué si la demanderesse serait en mesure de suivre une formation pour occuper un tel poste et n’a pas analysé l’incidence des troubles cognitifs de la demanderesse sur sa capacité à chercher et à suivre les traitements recommandés. Je suis convaincue que ce moyen d’appel renvoie à une erreur de droit et présente une chance raisonnable de succès en instance d’appel.

[12] La demanderesse a par la suite soutenu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, selon laquelle elle n’aurait pas suivi les traitements qui lui ont été recommandés pour soigner ses problèmes de santé. Elle a fait valoir que des éléments de preuve montrent qu’elle a suivi ces recommandations. Dans sa décision, la division générale a résumé les éléments de preuve se rapportant à l’ensemble des traitements recommandés et aux mesures prises par la demanderesse à l’égard de ces recommandations, et a expliqué pourquoi elle a conclu que la demanderesse ne s’y était pas entièrement conformée. Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

[13] La demanderesse a également avancé que la division générale a commis une erreur en établissant qu’elle aurait dû suivre les recommandations formulées dans le rapport du Dr Chandler à l’intention de son médecin de famille. La demanderesse a soutenu que le Dr Chandler n’avait pas la spécialisation nécessaire pour formuler des recommandations relativement à une blessure au dos et que de surcroît, elle n’avait été aiguillée vers aucun des spécialistes mentionnés dans cette lettre. Si la demanderesse n’a pas été aiguillée, on ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle ait cherché à suivre un traitement auprès d’un spécialiste. Ce moyen d’appel porte à croire que la division générale a peut-être fondé sa décision, du moins en partie, sur des conclusions de fait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

[14] Enfin, la demanderesse a fait valoir que la permission d’en appeler doit être accordée au motif que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse ne s’est pas efforcée de trouver un emploi convenable à la suite de sa dernière cessation d’emploi. Elle a affirmé que des éléments de preuve témoignent des efforts qu’elle a déployés pour trouver un autre emploi. La division générale ne fait pas mention de cet élément de preuve dans sa décision. Il n’est pas nécessaire que la décision fasse référence à chacun des éléments de preuve présentés (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82). Toutefois, en l’espèce, comme elle a déterminé que la demanderesse n’avait pas pris les mesures appropriées pour trouver et conserver un emploi conforme à ses limitations, la division générale doit expliquer sur quoi se fonde cette conclusion. Dans sa décision, la division générale indique que la demanderesse n’a pas fait d’efforts pour travailler. S’il y a des éléments de preuve qui font foi d’efforts consacrés à la recherche d’un emploi, ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est accordée sur ce fondement. Je m’attends à ce que la demanderesse fournisse, dans ses observations sur le bien-fondé de l’appel, une copie de la transcription des extraits pertinents de l’audience instruite par la division générale ou qu’elle indique à quel moment précis de l’enregistrement de l’audience sont énoncés les éléments qui étayent son argument à cet égard.

Conclusion

[15] La permission d’en appeler à la division d’appel est accordée au motif que la demanderesse a invoqué des moyens d’appel qui correspondent à ceux prévus à l’article 58 de la Loi et qui présentent une chance raisonnable de succès.

[16] La décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel relativement au bien-fondé de l’affaire.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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