Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse a affirmé que lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, elle était invalide en raison de blessures aux deux épaules subies au travail. L’intimé a rejeté sa demande lors de sa présentation initiale et après révision. La demanderesse a porté en appel la décision de révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience par téléphone et vidéoconférence et a rejeté l’appel le 11 septembre 2015.

[2] La demanderesse a demandé la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Elle a fait valoir que l’audience aurait dû être tenue en personne, que la division générale aurait dû tenir compte du fait que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail avait augmenté sa compensation en raison de ses blessures, et qu’elle contestait la décision et le poids que la division générale avait donné à certains éléments de preuve portés à sa connaissance.

[3] L’intimé n’a présenté aucune observation concernant la demande de permission d’en appeler.

Analyse

[4] Une demande de permission d’en appeler est un premier obstacle que le demandeur doit franchir et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond; il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel pour que la permission lui soit accordée : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministère du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] C’est la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi) qui régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de la Loi prévoit les seuls moyens d’appel qui peuvent être pris en considération (voir l’annexe de la présente décision). Par conséquent, je dois décider si la demanderesse a soulevé un moyen d’appel qui satisfait aux exigences de l’article 58 de la Loi et qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[6] Premièrement, la demanderesse a affirmé que l’audience de la division générale aurait dû être tenue en personne de telle sorte que le membre aurait pu la voir et évaluer sa cause. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le Règlement) prévoit (article 21) que les audiences peuvent être tenues au moyen de questions et réponses écrites, par téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication, ou par comparution en personne des parties. De plus, l’article 28 du Règlement prévoit qu’une fois que tous les documents ont été déposés à la division générale (ou à l’expiration de la période prévue pour le faire) la section de la sécurité du revenu doit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés, ou si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience (voir Annexe). Il est clair, à la simple lecture de ces dispositions, que l’audience par comparution en personnes n’est pas un droit pour le demandeur. Cet argument ne constitue pas un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès.

[7] En outre, dans l’arrêt Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration ([1986] 1 RCS 177), la Cour suprême du Canada a conclu que dans le domaine quasi judiciaire, il existe une obligation d’agir avec équité envers les parties. Cela signifie que les parties doivent connaître les renseignements qui leur sont défavorables et avoir la possibilité de les contester et de présenter sa propre cause. Cependant, cela ne veut pas dire que dans tous les cas les parties ont droit à une audience par comparution en personne.

[8] La Cour suprême du Canada a aussi examiné la question d’équité procédurale dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Dans cette affaire, la Cour a clairement établi qu’une décision qui touche les droits, privilèges ou intérêts d’une personne suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité. Le concept d’équité procédurale est toutefois variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas. Dans cette décision, la Cour énumère un certain nombre de facteurs qui peuvent être considérés pour déterminer les exigences de l’obligation d’équité dans des circonstances données. Parmi ces facteurs, notons la nature de la décision et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi en question, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, et le choix de procédures par l’organisme lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[9] En appliquant ces facteurs en l’espèce, je tire les conclusions suivantes : premièrement, il est clair qu’une décision de la division générale sur le bien-fondé d’un appel touche les privilèges du demandeur. Une décision concernant le mode de l’audience qui détermine ces privilèges, par voie de conséquence, les touche aussi.

[10]  Par ailleurs, la nature de la décision en question dans l’affaire qui nous occupe est procédurale. Le mode d’audience ne change pas le fait qu’un demandeur a la possibilité de présenter sa cause et de répondre aux observations de l’intimé.

[11] J’admets que les questions de cette affaire sont importantes pour la demanderesse.

[12] J’accorde beaucoup d’importance à la nature du régime législatif qui régit le Tribunal de la sécurité sociale. Le Tribunal a été établi pour régler les différends dont il est saisi de la manière la plus expéditive et économique possible. Pour ce faire, le Parlement a adopté une loi qui donne au Tribunal un pouvoir discrétionnaire quant au choix du mode d’audience, soit par comparution en personnes, par vidéoconférence ou au moyen de questions et réponses écrites, etc. Ce pouvoir discrétionnaire de choisir le mode d’audience ne doit pas être restreint indûment.

[13] Dans bon nombre de décisions, les tribunaux se sont penchés sur le concept des attentes légitimes. Il est évident, à la lumière de ces décisions, que ce concept renvoie aux attentes procédurales et non aux attentes sur le fond. En d’autres mots, une partie à la demande devant le Tribunal de la sécurité sociale peut attendre certaines garanties procédurales, mais non un résultat précis pour sa cause (voir Baker, cité précédemment). De la même manière, en l’espèce, je conclus que les attentes légitimes de la demanderesse ne devraient pas inclure le droit à une audience en personne. Ce n’est pas prévu dans la Loi qui régit le Tribunal, pas plus que dans le Règlement.

[14] Enfin, je dois examiner les choix de procédure exercés par la division générale. Le Règlement prévoit que le membre du Tribunal détermine le mode de l’audience. Le Règlement ne donne aucune orientation sur la manière dont le mode d’audience est déterminé. Il s’agit d’une décision discrétionnaire. Une certaine déférence est donc de mise à l’égard de la décision du membre dans chaque cas. En l’espèce, le membre a d’abord décidé de tenir une audience par téléconférence. Lorsqu’il est devenu évident que ce mode d’audience ne permettrait pas à la demanderesse d’avoir une audience adéquate en raison de problèmes techniques, la date a été reportée et l’audience a été tenue par vidéoconférence. Les motifs de la décision concernant le mode d’audience sont énoncés dans l’avis d’audience transmis aux parties. Rien n’indique que la demanderesse s’est opposée à l’audience par vidéoconférence à ce moment-là.

[15] Finalement, quant à cette question, la demanderesse n’a pas allégué que la division générale avait mal exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a déterminé le mode d’audience. Rien au dossier n’indique que la division générale n’a pas tenu compte des facteurs appropriés ni qu’elle a tenu compte de facteurs non appropriés lorsqu’elle a décidé du mode d’audience.

[16] Pour toutes ces raisons, je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur, et que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès en appel.

[17] La demanderesse a aussi écrit dans sa demande de permission d’en appeler que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail avait tenu une audience et qu’elle avait augmenté le montant de ses prestations en raison de ses blessures aux épaules. Elle a fait valoir que le Tribunal devrait tenir compte de cette décision. Dans sa décision, la division générale a résumé les éléments de preuve portés à sa connaissance concernant la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail et en a tenu compte. Certes, le Tribunal n’est pas lié par les conclusions de fait ou toute autre conclusion tirée par la Commission. Je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a examiné ces éléments. La permission d’en appeler n’est pas accordée suivant cet argument.

[18] La demanderesse a aussi affirmé qu’elle vit dans une petite communauté, que ses possibilités d’emploi sont limitées compte tenu de son âge et de son manque de compétences transférables. Elle a prétendu que sa situation aurait dû être prise en compte. La division générale a tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse, y compris de son âge, de sa scolarité et de ses antécédents de travail et de son expérience de vie. Elle n’a commis aucune erreur à cet égard. Les tribunaux ont toujours établi que les facteurs socioéconomiques comme la disponibilité d’emplois ne sont pas des facteurs pertinents quand vient le temps de rendre une décision concernant une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La division générale n’a pas considéré cet élément comme un critère lorsqu’elle a rendu sa décision, mais elle n’a commis aucune erreur en agissant ainsi. Il ne s’agit pas d’un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès en appel.

[19] La demanderesse a aussi contesté la conclusion de la division générale concernant son diagnostic de santé mentale et le traitement non suivi. Elle a affirmé que cet élément n’avait pas été considéré par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail pour déterminer son admissibilité à des prestations. La division générale a examiné correctement tous les problèmes médicaux de la demanderesse, tant physiques que mentaux. En vertu du droit, la division générale devait aussi déterminer si le refus de la demanderesse de suivre un traitement était raisonnable. Elle l’a fait et elle a conclu que son refus n’était pas raisonnable. Le fondement probant de cette conclusion a été clairement établi. Le fait que la demanderesse n’avait pas droit à des prestations de la Commission pour problèmes de santé mentale ne constitue pas un facteur pertinent pour la division générale. Elle n’a commis aucune erreur en examinant ce facteur. Ce moyen d’appel ne présente aucune chance raisonnable de succès en appel.

[20] Enfin, la demanderesse a soutenu que la division générale n’avait pas accordé suffisamment de poids à « la personne dans son ensemble ». Dans sa décision, la division générale a tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse, de chacun de ses problèmes médicaux et des répercussions qu’ils avaient individuellement ou cumulativement sur sa capacité de travailler. Il ne revient pas à la division d’appel, lorsqu’elle est appelée à décider si la permission d’en appeler doit être accordée ou non, de soupeser à nouveau la preuve dans le but d’en arriver à une conclusion différente (voir Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82). Ce moyen d’appel ne présente aucune chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[21] La demande est refusée parce que la demanderesse n’a soulevé aucun moyen d’appel qui satisfait aux exigences de l’article 58 de la Loi et qui pourrait avoir une chance de succès en appel.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

21. Si le Tribunal fait parvenir un avis d’audience en vertu du présent règlement, le Tribunal peut tenir l’audience selon l’un ou plusieurs des modes suivants :

  1. a) au moyen de questions et réponses écrites;
  2. b) par téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication;
  3. c) par comparution en personne des parties.

28. Une fois que toutes les parties ont déposé l’avis selon lequel elles n’ont pas de documents ou d’observations à déposer ou à l’expiration de la période applicable prévue à l’article 27, selon le premier de ces événements à survenir, la section de la sécurité du revenu doit sans délai :

  1. a) soit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés;
  2. b) soit, si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience.
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