Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite appeler de la décision que la division générale a rendue sur la foi du dossier le 27 juillet 2015. La division générale a établi que le demandeur s’était désisté de l’appel dont elle était saisie du fait qu’il n’avait pas fourni ses coordonnées à jour au Tribunal de la sécurité sociale et qu’il n’avait pas répondu aux lettres du Tribunal de la sécurité sociale datées du 4 juin 2015 et du 3 juillet 2015. Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 27 octobre 2015. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] Il s’agit de déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[3] Le demandeur nie s’être désisté de son appel et fait valoir qu’il a répondu à toutes les demandes de renseignements du Tribunal de la sécurité sociale. Il soutient également qu’il a toujours répondu à la correspondance du Tribunal de la sécurité sociale, mais que ce dernier a systématiquement perdu ses réponses. Il invoque une lettre du Tribunal de la sécurité sociale datée du 30 septembre 2015, qui informe le demandeur qu’en raison d’un retard administratif, la division générale a statué sur l’appel avant que la lettre du demandeur datée du 22 juin 2015 lui soit remise. Le demandeur allègue essentiellement que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[4]  L’intimé n’a pas présenté d’observations.

Analyse

[5] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel correspondent à l’un des moyens d’appel prévus et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[7] L’historique de l’appel est long, mais il n’est pas nécessaire de l’examiner en détail. La division générale a établi que le demandeur s’était désisté de son appel au motif qu’il n’avait pas répondu aux lettres du Tribunal de la sécurité sociale datées du 4 juin 2015 et du 3 juillet 2015, dans lesquelles ce dernier priait le demandeur de lui fournir ses coordonnées à jour. Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé les deux lettres par courrier ordinaire et par courriel.

[8] Dans la lettre datée du 4 juin 2015, le demandeur était prié de fournir, d’ici le 26 juin 2015, un numéro de téléphone où l’on pourrait le joindre pour l’audience par téléconférence. 

[9] La lettre datée du 4 juin 2015 envoyée par courrier ordinaire n’a apparemment pas pu être livrée et a été retournée à l’expéditeur. Il est possible que la lettre ne se soit pas rendue à destination parce que l’adresse du destinataire était incomplète.

[10] Le Tribunal de la sécurité sociale a fait parvenir une autre lettre au demandeur le 3 juillet 2015 en y indiquant l’adresse complète de ce dernier. Le Tribunal de la sécurité sociale a informé le demandeur qu’il considèrerait, s’il ne recevait pas de réponse à sa lettre du 4 juin 2015 (dans laquelle il lui demandait de fournir un numéro de téléphone) d’ici le 17 juillet 2015, que le demandeur ne souhaitait plus poursuivre ses démarches et qu’il se désistait de son appel. 

[11] Il n’est pas certain que le demandeur, qui habite en Australie, ait reçu la lettre du 3 juillet 2015 envoyée par courriel ordinaire par le Tribunal de la sécurité sociale, et, dans l’affirmative, il est difficile de déterminer la date à laquelle il l’a reçue. Il est raisonnable de s’attendre à ce que la livraison d’une lettre envoyée à l’étranger par courrier ordinaire nécessite plus de temps que l’expédition d’une lettre au Canada.

[12] Le 9 juillet 2015, le demandeur a rempli un formulaire de renseignements sur l’audience et soumis des observations ainsi qu’un document intitulé [traduction] « Portail des agents des impôts du gouvernement de l’Australie » (GD7-1 à GD7-6). Le demandeur n’a pas précisé de mode d’audience qui l’aurait empêché de prendre part à l’audience ni de jours de la semaine qu’il aurait préférés pour la tenue de l’audience. Le demandeur a daté le formulaire du 25 mai 2015.

[13]   Il ne semble pas que le formulaire de renseignements sur l’audience et les observations aient été présentés en réponse aux lettres du 4 juin 2015 ou du 3 juillet 2015. Les observations du demandeur débutent toutefois par la phrase suivante : [traduction] « J’ai reçu vos documents. » Voici un extrait de la lettre :

[Traduction]

Je n’ai pas de téléphone, donc vous ne pouvez pas m’appeler. Je vous ai communiqué cette information la première fois où j’ai présenté une demande, il y a quatre ans. En passant, vous êtes sur écoute, et chacune de vos paroles est enregistrée. Ce n’est pas parce qu’on est paranoïaque que personne (sic) ne nous suit. Je ne parle plus au téléphone depuis des années.

[…]

Vous me demandez de passer deux heures et demie au téléphone. Je n’ entends plus bien. Donc à moins que vous vous teniez devant moi, je ne comprendrai pas ce que vous me dites. Comme je n’entends et ne vois pas bien, je deviens confus et désorienté et je suis facilement distrait.

[14] Je constate que le demandeur a fait parvenir d’autres messages dans lesquels il mentionne qu’il n’a pas de télécopieur ni de numéro de téléphone. Dans un courriel envoyé au Tribunal de la sécurité sociale le 8 décembre 2014, le demandeur indique également qu’il a une boîte aux lettres partagée et que bien qu’il dispose d’une adresse de courriel, l’accès à un ordinateur est limité.

[15] Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé une autre lettre au demandeur le 27 juillet 2015 dans laquelle il informait ce dernier que le membre de la division générale entendait rendre une décision sur la foi des documents et des observations versés au dossier. La lettre informait les parties que si elles souhaitaient soumettre des observations et des documents supplémentaires, le Tribunal de la sécurité sociale devait les recevoir au plus tard le 28 août 2015, et que tout document fourni en réponse aux documents et observations supplémentaires devait être déposé au plus tard le 28 septembre 2015. La lettre mentionnait également que la décision de tenir compte ou non de tout document déposé tardivement serait laissée à la discrétion de la division générale. Cette fois encore, l’adresse du destinataire sur la lettre était incomplète du fait qu’il manquait le pays et le code postal. 

[16] La division générale a rendu sa décision le 27 juillet 2015, avant que les parties aient eu l’occasion de soumettre des observations et des documents supplémentaires en réponse à la lettre du 27 juillet 2015.

[17] Le demandeur a adressé des lettres datées du 7 septembre 2015 et du 1er novembre 2015 au Tribunal de la sécurité sociale (AD1B). Dans la lettre datée du 7 septembre 2015, le demandeur indique avoir reçu la journée même la lettre du Tribunal de la sécurité sociale datée du 27 juillet 2015. Il mentionne également avoir répondu aux lettres précédentes du Tribunal de la sécurité sociale par courrier recommandé et avoir expliqué en détail les raisons pour lesquelles il ne voulait pas et ne pouvait pas appeler à l’étranger ni recevoir d’appel de l’étranger. Il confirme en outre qu’il ne souhaite pas se désister de son appel et qu’à aucun moment, il n’en a eu l’intention. Il a une boîte aux lettres partagée et utilise les ordinateurs de la bibliothèque pour consulter ses courriels et en envoyer. 

[18] Le 30 septembre 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit une lettre au demandeur. En voici un extrait :

[Traduction]

Votre lettre datée du 22 juin 2015 est parvenue au Tribunal le 8 juillet [sicNote de bas de page 1] 2015. Malheureusement, en raison d’un retard administratif, le membre du Tribunal n’avait pas reçu votre lettre au moment de rendre sa décision le 27 juillet 2015, si bien qu’il n’en a pas tenu compte dans sa décision. 

[19] Dans sa décision, le membre de la division générale n’a pas fait mention du formulaire de renseignements sur l’audience ni des observations qui l’accompagnaient.

[20] La lettre du demandeur datée du 22 juin 2015 (reçue par le Tribunal de la sécurité sociale le 9 juillet 2015) aurait pu influer sur la décision, mais le membre de la division générale ne s’était pas vu remettre de copie avant de rendre sa décision le 27 juillet 2015. Or, la lettre datée du 22 juin 2015 est parvenue au Tribunal de la sécurité sociale avant la date où prenait fin le délai de la division générale, laquelle tombait le 17 juillet 2015. Comme elle a été reçue dans le délai imparti, la lettre aurait dû être remise promptement à la division générale. À la lumière de l’ensemble des circonstances, l’exclusion de cet élément de preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[21] La lettre du demandeur datée du 22 juin 2015 aurait pu exercer une influence déterminante sur la décision de la division générale quant au déroulement de l’instance. Même si la lettre du demandeur datée du 22 juin 2015 ne répondait peut-être pas directement aux lettres du 4 juin 2015 et du 3 juillet 2015, la division générale aurait certainement pu constater que le demandeur avait bel et bien l’intention de poursuivre son appel et qu’il ne souhaitait manifestement pas se désister à ce stade. Si la division générale avait pris connaissance de la lettre du demandeur datée du 22 juin 2015, elle en serait peut-être arrivée à une autre conclusion.

[22] Compte tenu de l’historique de l’instance et des éléments susmentionnés, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès au motif que la division générale est susceptible d’avoir commis une erreur en établissant que le demandeur s’était désisté de son appel.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[24] La décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel relativement au bien-fondé de l’affaire.

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