Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’interjeter appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] Le 30 juillet 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l’appel du demandeur à l’encontre d’une décision de révision où on lui refusait le versement d’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de cette décision.

Motifs de l'appel

[3] Le demandeur a avancé que la division générale a commis ce qui suit :

  1. Un manquement au principe de justice naturelle, parce que le processus d’audience comportait des lacunes et que le membre ayant entendu l’appel semblait avoir préjugé l’issue de l’appel;
  2. La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question préliminaire

[5] La demande semble avoir été déposée en retard. Le 15 octobre 2015, le Tribunal a reçu du demandeur une demande de permission d’en appeler. Elle était incomplète. L’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prescrit le délai dans lequel on peut interjeter appel d’une décision rendue par la division de la sécurité du revenu du Tribunal. Donc, dans le cas d’une décision rendue par la division de la sécurité du revenu, la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement et dans le délai de 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.Note de bas de page 1

[6] Pour la raison qui suit, la division d’appel conclut que la demande est considérée comme ayant été déposée à l’intérieur de la limite de 90 jours.

[7] Bien que le demandeur a soumis une demande d’en appeler incomplète, le Tribunal l’a avisé que la demande serait considérée si elle était complétée avant le 8 décembre 2015. La demande serait alors considérée comme ayant été déposée le 15 octobre 2015. Le demandeur a déposé les documents manquants le 7 décembre 2015, respectant ainsi le délai imposé par le Tribunal. Par conséquent, la division d’appel juge qu’il n’est pas requis de trancher la question à savoir si le délai pour déposer la demande devait être prorogé.

Droit applicable

[8] Les appels d’une décision de la division générale sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le MEDS. Le paragraphe 56(1) indique que la demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.Note de bas de page 2 Les trois moyens d’appel sont stipulés à l’article 58 de la Loi sur le MEDS.Note de bas de page 3

[9] Dans Tracey c. Canada (Procureur général) 2015 CF 1300, la Cour fédérale énonce son évaluation des compétences de la division d’appel pour une demande de permission d’en appeler. La Cour fédérale s’est exprimée en ces termes [traduction] : « Par contraste, sous l’ancien régime qui était ancré dans la common law par le biais de la jurisprudence, le critère que doit appliquer la DA-TSS lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’interjeter un appel doit être accordée ou refusée est maintenant énoncé au paragraphe 58(2) de la LMEDS. L’autorisation d’interjeter un appel est refusée si la DA-TSS est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » La division d’appel avait donc à décider s’il y avait eu une erreur possible en vertu des moyens d’appel.

[10] La tâche de la division d’appel est d’identifier un critère pour déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès seulement selon les dispositions législatives. Dans l’affaire Bossé c. Canada (Procureur général) 2015 CF 1142, la Cour fédérale a semblé accepter que [traduction] « évident et manifeste » constitue le critère à appliquer pour déterminer s’il y a ou non une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 4 Les membres de la division d’appel ont exprimé en ces termes le critère à appliquer aux cas de rejet sommaire : « Est-il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec? » M.C. c. Commission de l’emploi du Canada, 2015 DATSS. La division d’appel juge aussi utile d’adopter l’approche approuvée par la Cour d’appel fédérale dans Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248.

[11] Pour sa part, la division d’appel considère aussi utile d’identifier ce que signifie « chance raisonnable ». Dans VillaniNote de bas de page 5, le juge Isaacs de la cour d’appel a expressément approuvé la méthode employée par la Commission d’appel des pensions (CAP) dans l’affaire Barlow. Dans cette affaire, la CAP avait appliqué la définition du dictionnaire à chacun des mots [traduction] « détenir; régulièrement; occupation; véritablement; rémunérateur » pour l’aider à déterminer l’admissibilité de Mme Barlow à une pension d’invalidité du RPC. La division d’appel adopte une méthode similaire pour déterminer si l’appel aurait ou n’aurait pas une chance raisonnable de succès. Le dictionnaire OxfordNote de bas de page 6 définit de façon variable le terme [traduction] « raisonnable » comme étant « juste, sensé, assez bon ou moyen ». Ironiquement, la version en ligne du dictionnaire Oxford donne l’exemple d’usage suivant : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que l’appelant a une chance raisonnable de succès si l’appel est instruit. »

[12] Par conséquent, la division d’appel estime que, pour accueillir la demande, elle doit être convaincue que l’appel a une chance plutôt bonne ou moyenne de succès. La division d’appel n’a pas à être convaincue que le succès est certain.

Analyse

La division générale a-t-elle commis un manquement à la justice naturelle? Le processus d’audience comportait-il des failles?

[13] Le demandeur a avancé que le processus d’audience comportait des failles, ce qui représente un manquement à la justice naturelle. Il a soutenu que, comme l’audience était par voie de téléconférence, le membre de la division générale n’a pas eu l’avantage d’une audience par comparution en personne. Sa crédibilité ne pouvait donc pas être bien évaluée.

[14] Cette observation présuppose que la crédibilité du demandeur était en question et que le mode d’audience par comparution en personne est le seul moyen fiable pour évaluer la crédibilité. La division d’appel n’est pas convaincue par ces observations. L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013-60, en sa version modifiée par la L.C. 2013, ch. 40, art. 23, (Règlement) stipule que l’audience peut être tenue par téléconférence, par vidéoconférence ou par tout autre moyen de télécommunication. L’article 21 prévoit aussi une audience par comparution en personne. En fait, le défendeur avait demandé à ce que l’audience soit faite sur le fondement des éléments portés à la division générale.

[15] Avant l’audience de la division générale, l’appelant n’a pas soumis d’observation par rapport au mode d’audience. Il ne s’est pas opposé à ce que l’audience soit tenue par téléconférence. Il ne s’y est pas plus opposé au moment de l’audience, et pourtant, il serait attendu qu’il le fasse s’il s’inquiétait que le mode d’audience ne lui soit pas favorable.Note de bas de page 7

[16] La crédibilité et le besoin pour un témoignage oral ont été abordés dans MDRH c. Duhra, (21 janvier 1998) CP 5021 (CAP). Dans sa décision, la CAP a soulevé qu’il est difficile d’évaluer la crédibilité sur le fondement de la preuve documentaire.

[17] À l’époque où la CAP a fait cette observation, l’utilisation d’appareils de télécommunication pour tenir une audience était limitée. Depuis, les téléconférences et les vidéoconférences sont bien plus utilisées. Pour le cas du demandeur, le membre de la division générale a affirmé que la décision de tenir une audience par téléconférence avait été prise, en partie, parce que la crédibilité du demandeur n’était pas une question en jeu. En effet, la décision semblait tourner autour de questions n’impliquant pas la crédibilité, mais plutôt le fait que toutes les voies de traitement n’avaient pas été empruntées, que le demandeur n’avait pas suivi le traitement recommandé et qu’il conservait une capacité de travail. Il ne s’agit pas que la division générale n’ait pas accepté l’incapacité du demandeur à retourner à son emploi précédent, mais plutôt qu’il n’eût pas tenté de trouver un autre emploi ou de se réorienter. La division d’appel n’est pas convaincue qu’une audience par comparution en personne aurait grandement influencé les conclusions de la division générale. Par conséquent, la division d’appel juge qu’il n’y a pas eu de préjudice fait au demandeur par le choix d’une audience par téléconférence.

‏Le membre de la division générale a-t-il préjugé de l’issue de l’appel ou a-t-il fait preuve de partialité envers le demandeur?

[18] Le demandeur a mentionné que le membre de la division générale semblait avoir préjugé de l’issue de l’audience. Il a accusé le membre d’avoir ignoré le contexte dans lequel il avait déposé ses observations, qu’elle semblait avoir entendu seulement ce qu’elle voulait, et qu’elle avait déjà pris sa décision avant le début de l’audience. Pour prouver ses affirmations, le demandeur a indiqué que le membre de la division générale a mal interprété son association à plusieurs équipes de soccer en 2011 et en 2012. Il a avancé que le membre a ignoré son témoignage oral où il mentionnait que son implication avec les équipes de soccer était limitée, [traduction] « qu’il avait joué au moins une fois avec chacune des équipes ». (AD 1B-2) Le demandeur a aussi affirmé que le membre de la division générale a mal interprété sa raison pour avoir refusé un travail rémunéré comme arbitre. Finalement, le demandeur a affirmé avoir été impliqué avec la personne à qui cette déclaration a été faite pour moins de cinq minutes. La division générale n’aurait donc pas dû accorder autant de poids à la déclaration du membre. Le demandeur soutient en outre que le membre de la division générale devait bien savoir que son anxiété faisait de lui un mauvais candidat pour travailler comme arbitre.

[19] Le membre de la division générale a résumé les éléments de preuve et les observations qui ont été présentés lors de l’audience. Elle semble l’avoir fait de manière exhaustive relativement aux allégations du demandeur à savoir s’il a effectivement refusé du travail en tant qu’arbitre. La division d’appel soulève que la déclaration contestée paraît dans un rapport réalisé conjointement par Sarah Warden, résidente en psychiatrie sous la supervision, à l’époque, de Dr Jitender Sareen, psychiatre. Contrairement à l’énoncé du demandeur, la division générale soulève qu’il s’est rendu à cinq sessions avec eux, et non une seule. (décision au paragr. 11) La division d’appel en déduit que le demandeur a eu plus d’une consultation de passage avec Dre Warden. De plus, alors que le demandeur a nié avoir refusé un poste comme arbitre, ce déni est compromis par l’énoncé souligné dans le rapport de Dre Warden, daté du 12 novembre 2012, étant [traduction] :

Au cours des quatre séances, le citalopram a été retiré du marché, et la venlafaxine a été introduite et titrée à une dose de 112,5 mg par jour. C. S. a constaté une amélioration du sommeil, de l’humeur, du niveau d’énergie et de l’anxiété. Il a arrêté le Dexedrine selon la supposition qu’il avait seulement besoin de prendre la venlafaxine. Une fois cette mauvaise communication clarifiée, il a choisi de ne pas recommencer le Dexedrine, puisqu’il ne considérait pas en ressentir des bénéfices. Il nie toute dégradation de l’attention, de l’hyperactivité ou de l’impulsivité après avoir cessé de consommer ce médicament. Il a augmenté sa pratique des sports, notamment en ajoutant de nouvelles équipes de soccer à son horaire, et il a même reçu une offre pour être arbitre. Il a refusé puisque l’horaire de travail entrerait en conflit avec son emploi du temps sportif. C. S. a régulièrement réduit son degré de détresse et de déficience, indiquant qu’il était raisonnablement satisfait avec les améliorations en lien avec la venlafaxine, et ne voulait pas travailler sur quelconque objectif en thérapie. Il est d’accord pour retourner sous vos soins pour la prescription et la surveillance de sa médication. (GD2-32) (souligné par mes soins)

[20] De plus, le membre de la division générale n’a pas tiré de conclusions quant au refus du demandeur d’avoir un travail rémunéré comme arbitre. Il n’y a donc aucune raison que son refus du poste ait été mal interprété.

[21] Bien que la division d’appel était concernée qu’il n’était pas clair dans la décision à quel moment le demandeur s’est fait offrir un emploi comme arbitre, ultimement, la division d’appel a conclu que sur la base mentionnée pour la décision, il n’était pas pertinent que cela ait pu se produire avant la fin de la PMA du demandeur, puisque ce fait en soi ne suffirait pas pour justifier l’appel. La décision de la division générale était en fait fondée sur les facteurs suivants :

  • Le demandeur n’a pas suivi les traitements recommandés. Il n’a pas utilisé un appareil à PPC pour régler ses troubles de sommeil et il n’a pas traité son anxiété comme recommandé par Dr Wallbridge.
  • Que d’autres options de traitement étaient envisageables pour traiter l’anxiété du demandeur;
  • Le demandeur a déclaré que s’il a un engagement, son anxiété ne l’empêche pas de le respecter.
  • Le demandeur n’a pas atténué les dommages, c.-à-d. qu’il n’a pas cherché à obtenir et à conserver un emploi en malgré la recommandation de Dre Warden datant d’après la PMA; et
  • En 2012, le demandeur a régulièrement participé à des pratiques et à des parties de soccer, lesquelles ont eu lieu après la fin de sa PMA.

[22] La division générale n’a pas fondé sa décision seulement sur le refus du demandeur de travailler comme arbitre. En fait, le membre n’a pas fait de constatation relativement au fait que le demandeur aurait refusé un travail rémunéré, une observation du défendeur.

[23]  Par conséquent, la division d’appel est d’avis qu’il n’y a pas de fondement factuel à l’allégation que le membre de la division générale a préjugé l’issue de l’appel et qu’il a fait preuve de partialité à l’encontre du demandeur. La division d’appel est aussi d’avis que rien dans la décision ne pourrait faire valoir qu’il y a eu manquement au principe de justice naturelle.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[24] Le demandeur a également avancé que la décision de la division générale est fondée sur une conclusion de fait erronée. Pour appuyer cette allégation, il a cité ce qu’il considérait comme étant une omission du membre de se référer à son témoignage que les joueurs, le corps arbitral et les employés des installations [traduction] « ont commenté qu’il baillait constamment avec un extrême manque d’énergie. » Le demandeur s’est aussi plaint que le membre n’a pas mentionné qu’il s’était inscrit à toutes ces activités de soccer pour gérer son anxiété sociale. La division d’appel n’est pas convaincue que l’une ou l’autre des observations relève une conclusion de fait erronée faite par la division générale. Il est bien établi que la personne appelée à rendre une décision n’est pas obligée de faire référence, dans sa décision, à chacun des éléments de preuve qui lui ont été soumis. La division d’appel considère que, tenant compte des raisons pour les conclusions de la division générale, ces omissions ne suffisent pas pour discréditer la décision.

[25] Le demandeur a aussi fait valoir que les mentions de la division générale comme quoi il n’a pas complété le programme STAT (Short Term Assessment and Treatment [traduction : évaluation et traitement à court terme])Note de bas de page 8 ou qu’il n’a pas suivi le traitement avec l’ADAMNote de bas de page 9 constituaient des conclusions de fait erronées. Il a affirmé avoir en fait été renvoyé du programme STAT. Il a rejoint toutes les équipes de soccer après avoir reçu la recommandation de [traduction] « sortir et rencontrer des gens » du programme de l’ADAM.

[26] Dre Warden s’est prononcée sur l’implication du demandeur dans le programme STAT et soulève que « C. S. a essayé plusieurs médicaments par le passé, dont certains qu’il considérait efficaces au départ, mais qu’ils perdaient leur effet avec le temps. Il a été suivi pour une courte période sous le programme STAT, malgré son hésitation à participer à des groupes qui a ensuite mené à son implication discontinue. » (GD2-35) La division d’appel n’est pas convaincue que la division générale a commis une erreur en mentionnant que le demandeur n’a pas complètement participé au programme ADAM. Sans tenir compte de la manière dont la séparation s’est produite, le fait est qu’elle s’est réalisée. Les éléments de preuve objectifs semblent indiquer que la séparation du programme ADAM s’est produite parce que le demandeur semblait hésitant à participer à une thérapie de groupe. La division d’appel ne trouve pas d’erreur de fait dans l’énoncé de la division générale.

[27] Relativement aux conclusions de la division générale sur le programme ADAM, bien que le demandeur a contesté l’énoncé du Dr Wallbridge, le membre de la division générale a soulevé que le demandeur n’a pas présenté de preuve qui confirme sa croyance que l’opinion du Dr Wallbridge était incorrecte. La division d’appel ne relève pas d’erreur de la part de la division générale à cet égard.

Conclusion

[28] Le demandeur a avancé que la division générale avait manqué à la justice naturelle et avait fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Sur le fondement de ce qui précède, la division d’appel n’est pas convaincue que l’appel aurait une chance raisonnable de succès.

[29] La demande de permission d’en appeler est refusée.

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