Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant et son représentant légal, M. Steven R. Yormak, ont comparu à l’audience.

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant a été estampillée par l’intimé le 21 mars 2012. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] L’audience en l’espèce a eu lieu en personne pour les raisons suivantes :

  1. l’appelant est la seule partie participant à l’audience;
  2. le dossier est incomplet et des éclaircissements sont nécessaires.

Droit applicable

[3] L’article 44(1)(b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité pour la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, la partie demanderesse doit :

  1. avoir moins de 65 ans;
  2. ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. être invalide;
  4. avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car toute personne doit prouver être atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de la PMA.

[5] L’article 42(2)(a) du RPC définit une invalidité comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Toute personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] La PMA ne faisait l’objet d’aucune question, car les parties conviennent et le Tribunal estime que la PMA a pris fin le 31 décembre 2013.

[7] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de la PMA.

Preuve

[8] L’appelant est né en avril 1960. Dans un questionnaire qu’il a soumis avec sa demande, l’appelant a précisé qu’il avait terminé sa 12e année et qu’il détenait un diplôme d’études collégiales en gestion de la technologie du génie de la construction.

[9] L’appelant a travaillé chez X de 1988 à mars 2010. En 1994, il a eu un accident de camion dans le cadre de ses fonctions qui a entraîné de nombreuses blessures : contusion de son œil gauche et lacération de sa région périorbitaire; fractures par tassement des vertèbres T10 à L1; fracture de son pouce gauche; lacération du tendon et du nerf de son poignet gauche; et lacération des tendons de son poignet droit. Il a arrêté de travailler pendant 18 mois.

[10] L’appelant a cessé de travailler en mars 2010 à cause de douleurs chroniques dans le bas du dos, dans la région pelvienne et dans la hanche droite, et de blessures aux racines nerveuses dans le milieu et le bas du dos. Il a précisé qu’il avait des fractures post-traumatiques des vertèbres T10 à L1, L4 et L5, ainsi qu’une radiculopathie lombaire irradiant dans ses deux jambes. Il avait également un ostéophyte de la hanche droite, un pincement articulaire, une sclérose sous-chondrale et une formation kystique. Il a dit ne pas avoir beaucoup d’endurance pour rester assis, se tenir debout ou marcher. Il a également des douleurs chroniques dans le bas du dos, de la difficulté à soulever ou à transporter des objets de plus de cinq livres, des douleurs chroniques dans la jambe droite et au niveau de la hanche, et des problèmes de concentration en raison de la douleur. De plus, il ne peut pas se pencher ni faire de flexions ou de mouvements répétitifs avec le bas du dos. Il est aussi atteint d’emphysème chronique. Il a déclaré avoir cessé de pratiquer tous ses passe-temps en mars 2010. Lorsqu’il a présenté sa demande, l’appelant prenait des comprimés de 500 mg de Tylenol extra fort deux fois par jour et du Tramacet (posologie à déterminer). L’appelant attendait de recevoir des injections aux facettes et d’avoir un remplacement total de la hanche droite.

[11] Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis lombaire réalisée le 16 juin 2010 a révélé de légers tassements cunéiformes aux vertèbres T‑12 et L‑1. Il y avait des modifications dégénératives mineures à d’autres vertèbres, mais la plus importante était à la vertèbre L4‑5, là où un rétrécissement léger à modéré du foramen intervertébral a été observé et où le disque touche la racine nerveuse droite du rachis lombaire au niveau du récessus latéral.

[12] En janvier 2012, le représentant légal de l’appelant a demandé au médecin de famille de l’appelant, le Dr Chapeskie, d’examiner l’amplitude des mouvements de l’appelant en réponse à certains rapports de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. Le 19 janvier 2012, le Dr Chapeskie a noté dans le dossier médical de l’appelant qu’il était impossible d’évaluer l’amplitude des mouvements avant que les problèmes de hanche de l’appelant ne soient pas résolus, car cela constituerait une variable confusionnelle dans l’évaluation de l’amplitude des mouvements.

[13] Le Dr Chapeskie a rédigé un rapport médical qui a été soumis à l’intimé et qui a été estampillé le 21 mars 2012. Le Dr Chapeskie a noté qu’il connaissait l’appelant depuis plus de 20 ans. Il lui a diagnostiqué une fracture post-traumatique des vertèbres T‑10 à L‑1, L‑4 et L‑5, ainsi que de l’arthrite post-traumatique grave à la hanche droite. Il a indiqué que l’appelant s’était blessé en 1994 et qu’il s’était blessé à nouveau au dos en octobre 2009. L’appelant a respecté les restrictions quant au fait de s’asseoir, de se tenir debout, de marcher (ce qui lui cause des douleurs au dos s’il le fait trop longtemps), de ne pas pouvoir soulever des objets de plus de cinq livres, et de ne pas pouvoir se pencher ni faire de flexions avec le dos. Il a noté que les injections aux facettes n’avaient donné aucun résultat, et en outre, que les 51 séances de physiothérapie n’avaient rien donné, tandis que la chiropractie avait empiré les choses. Son pronostic était sombre.

[14] Le 14 décembre 2010, le Dr Chapeskie a fait rapport à M. Yormak. Il a noté que les douleurs chroniques dans le bas du dos de l’appelant s’étaient accentuées en octobre 2009. Il a rapporté que l’appelant décrivait son niveau de douleurs comme étant entre 5 et 7 sur une échelle de la douleur allant jusqu’à 10. Son niveau de douleurs augmentait après être resté debout pendant une heure, et il avait du mal à conduire plus d’une demi-heure. Le Dr Chapeskie a précisé qu’une IRM réalisée en juin 2010 avait confirmé de légères fractures par tassement des vertèbres T12 et L1, maintenant cicatrisées. Il estimait que le pronostic de l’appelant en vue d’un rétablissement complet était sombre et que même des tâches modifiées constituaient un problème pour l’appelant. Selon le Dr Chapeskie, l’invalidité de l’appelant était permanente. Il a envoyé une lettre très semblable à la compagnie d’assurance privée de l’appelant le 27 décembre 2010.

[15] L’appelant a eu un remplacement total de la hanche droite le 5 juillet 2012. Avant l’opération, le chirurgien, Dr McCalden, a rapporté les antécédents de l’appelant concernant le développement progressif d’une mobilité limitée liée à la hanche droite et son incapacité de marcher de 50 à 100 pieds sans canne avant que ses douleurs ne deviennent atroces et qu’il ne puisse plus marcher. Il a précisé que la nuit, l’appelant ressentait parfois des douleurs à la hanche gauche. Le Dr McCalden estimait que l’appelant présentait des changements arthrosiques progressifs très graves à la hanche droite qui causaient un affaiblissement, une mobilité limitée et des douleurs nocturnes.

[16] Selon une note du bureau du Dr Chapeskie datée du 10 septembre 2012, l’appelant se plaignait toujours d’une sciatique et de douleurs dans le bas du dos, qu’il estimait être à 6 ou 7 sur une échelle de la douleur allant jusqu’à 10.

[17] L’appelant a vu le Dr McCalden une fois de plus en octobre 2012, alors que son rétablissement à la suite de l’opération à la hanche allait bon train. L’appelant aurait demandé de discuter de ses problèmes de dos avec un chirurgien du rachis lombaire en disant que si une opération de la colonne vertébrale pouvait l’aider, il l’envisagerait. Le dossier ne précise rien à propos du fait que l’appelant ait été dirigé vers un chirurgien du rachis lombaire.

[18] Le Dr Chapeskie a renvoyé l’appelant chez un psychiatre, le Dr Death, au printemps 2011. Le dossier contient quatre rapports du Dr Death, datés du 3 mai 2011, du 5 août 2011, du 9 décembre 2011 et du 12 octobre 2012 :

  1. Dans son rapport du 3 mai 2011, le Dr Death note que l’appelant a les problèmes suivants : des douleurs accrues dans le bas du dos et une nouvelle sciatique droite. Il soupçonnait que deux éléments généraient les maux de dos : le premier étant au niveau des vertèbres T12 à L1, ce qui représente la douleur liée au travail; et le deuxième étant une irritation de la racine nerveuse droite L5 aux vertèbres L4-5. Le Dr Death avait prévu des injections aux facettes L4-5 sur le côté droit pour voir si les douleurs de l’appelant s’estomperaient.
  2. Dans son rapport du 5 août 2011 à l’intention du Dr Chapeskie, le Dr Death précise que l’appelant a les problèmes suivants : des douleurs dans le bas du dos et une sciatique droite. Il a noté que l’appelant avait une perte marquée de la rotation interne de sa hanche droite. L’appelant a passé un examen de traction par gravité que le Dr Death a jugé utile. Le Dr Death a indiqué que l’appelant avait perdu 15 livres, ce qui était également bénéfique.
  3. Dans son rapport du 9 décembre 2011, le Dr Death note que l’appelant a les problèmes suivants : des douleurs dans le bas du dos, des douleurs accrues de la jonction thoraco‑lombaire et une sciatique droite qui est sur la bonne voie. Il a précisé que bien que l’appelant n’ait pas remarqué une grande différence à la suite de l’injection aux facettes le 18 octobre 2011, sa sciatique droite s’est dissipée dans l’ensemble. Le Dr Death a recommandé au Dr Chapeskie de prescrire du Tramacet et a suggéré que l’appelant soit dirigé vers le Dr Bellingham pour des injections aux facettes bilatérales des vertèbres T11-12 et T12-L1 principalement diagnostiques, mais avec de la chance, également thérapeutiques. Lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet lors de l’audience, l’appelant a déclaré que sa sciatique était toujours présente et que l’injection aux facettes n’avait rien donné.
  4. En octobre 2012, le Dr Death a rapporté que les injections aux facettes de l’année précédente n’avaient pas été très utiles. Il a précisé que l’appelant se plaignait d’une éruption cutanée et qu’il pensait que son ordonnance de Tramacet pouvait en être la cause. Le Dr Death a indiqué que l’appelant avait passé de 233 livres à 211 livres. Il a recommandé du Percocet et a suggéré de faire un suivi en janvier 2013 à la demande du Dr Chapeskie. Le Dr Death ne semble pas avoir revu l’appelant après octobre 2012.

[19] Le Dr Chapeskie a vu l’appelant le 22 octobre 2012 et lui a recommandé du Cymbalta plutôt que du Percocet. Selon l’appelant, le Dr Chapeskie ne prescrit pas de narcotiques pour des douleurs qui ne sont pas liées au cancer. L’appelant a consulté le Dr Chapeskie une fois de plus le 21 novembre 2012 et a rapporté que le Cymbalta n’avait pas dissipé sa douleur, mais lui avait permis de faire des tâches ménagères. Il a précisé qu’il faisait jusqu’à 15 minutes d’exercice quatre à cinq fois par semaine sur un appareil TreadClimber ainsi que 15 minutes sur une autre machine. Il a été noté qu’il allait consulter un spécialiste du dos.

[20] Le 8 janvier 2013, six mois plus tard, l’appelant est retourné voir le Dr McCalden pour un examen postopératoire. Le Dr McCalden a rapporté que l’appelant ressentait toujours un certain inconfort qui, selon le médecin, était attribuable aux problèmes dans le bas du dos de l’appelant. L’appelant se plaignait de douleurs très occasionnelles dans sa hanche droite lorsqu’il faisait de l’exercice pendant une longue période. À l’époque, l’appelant avait rapporté qu’il faisait de l’exercice sur un tapis roulant tous les jours pendant environ 25 minutes et qu’il renforçait les muscles inférieurs de ses jambes. Il avait précisé avoir perdu 25 livres depuis l’opération en juillet 2012. Il devait retourner voir le médecin en juillet 2013, soit un an après son opération.

[21] Dans son rapport de juillet 2013, le Dr McCalden indique que l’appelant n’a pratiquement signalé aucune douleur dans sa hanche droite et que celle-ci fonctionne bien, mais qu’il a toujours une sciatique et des maux de dos et qu’il prend du Cymbalta pour traiter ces problèmes. Le Dr McCalden a noté que l’appelant lui a dit qu’il avait perdu 25 livres en faisant de l’exercice.

[22] L’appelant est retourné voir le Dr McCalden le 15 juillet 2014 et a rapporté qu’il n’avait plus aucun symptôme et qu’il accomplissait ses tâches quotidiennes avec beaucoup de facilité. Il a précisé que sa seule préoccupation était sa sciatique qui durait depuis longtemps.

[23] Le seul autre rapport portant sur les maux de dos de l’appelant dans les notes cliniques du Dr Chapeskie date du 17 septembre 2014. Dans celles-ci, l’appelant précise que sa douleur est à peu près la même et que le Cymbalta lui fait du bien. Le Dr Chapeskie note ceci : [traduction] « En ce qui concerne l’endurance pendant la journée, [l’appelant] peut effectuer tout type de travail dans la maison ou la cour pendant une heure à une heure et demie [...] [Il] a une sciatique des deux côtés de temps en temps. »

[24] Le Dr Chapeskie a rédigé une lettre à M. Yormak, datée du 1er septembre 2015. Dans sa lettre, il précise que l’appelant n’était pas capable de s’asseoir pendant plus de 30 à 45 minutes, qu’il ne pouvait pas marcher ou rester debout trop longtemps, qu’il n’arrivait pas à soulever des objets de plus de cinq kilogrammes, et qu’il ne pouvait pas faire de torsions ni courber le dos. À l’époque, l’appelant prenait toujours du Cymbalta. Le Dr Chapeskie a noté que les problèmes de santé de l’appelant l’empêchaient de détenir une occupation véritablement rémunératrice et que son état était grave et prolongé. Il a précisé que l’appelant s’était rendu dans une clinique de traitement de la douleur et qu’il avait exploré toutes les options médicales.

[25] L’appelant a parlé de l’accident de la route dans lequel il a été impliqué en 1994. Il était au volant d’un camion pour effectuer une livraison. Il a déclaré qu’il s’était fracturé un poignet et qu’il s’était blessé aux deux mains, au dos et à l’œil gauche. L’appelant a cessé de travailler pendant un an, puis il a recommencé graduellement en faisant du travail de bureau. Trois à quatre mois plus tard, il était de retour au travail à temps plein, mais il est demeuré au bureau pour occuper le poste de réceptionniste ou de répartiteur de camions. En 1999, il a été promu au soutien aux ventes. Il s’occupait de neuf vendeurs en répondant au téléphone et en remplissant la paperasse. Son patron était au courant de ses restrictions. Lorsque l’appelant était au bureau, il pouvait rester debout ou s’asseoir à sa guise. Il a également appris à utiliser Word et Excel en travaillant au bureau. Il a continué ainsi jusqu’en 2009, lorsque l’entreprise a réduit, puis il a repris le poste de réceptionniste. Il a déclaré que ses tâches consistaient notamment à transporter des bouteilles à gaz comprimé pour la clientèle occasionnelle. Les bouteilles pèsent entre 80 et 180 livres, et l’appelant estimait qu’il s’agissait d’un emploi physique très exigeant. Il a continué malgré ses maux de dos et il a tenté de travailler en ignorant la douleur jusqu’en mars 2010, lorsque son médecin de famille lui a dit de cesser de travailler à cause de la douleur.

[26] L’appelant a déclaré qu’il avait été dirigé vers un physiothérapeute de mars à mai 2010, mais que cela avait accentué sa douleur. Les injections aux facettes n’ont pas amélioré sa situation.

[27] L’appelant a expliqué une journée typique au Tribunal. Il a déclaré qu’il se lève à 7 h après une nuit agitée au cours de laquelle il se réveille toutes les deux ou trois heures pour essayer de trouver une position confortable. Au réveil, il se fait une tasse de thé et sort pour fumer une cigarette. Il regarde ensuite la télévision ou lit dans son fauteuil inclinable. Il déjeune entre 9 h 30 et 10 h, puis sort pour fumer une deuxième cigarette. S’il fait beau, il entretient son jardin pendant une demi-heure. Il a déclaré qu’il se met à genoux, son dos à l’horizontale, et qu’il arrache des mauvaises herbes. Après une demi-heure, la douleur augmente et il retourne s’allonger dans son fauteuil inclinable.

[28] C’est ensuite l’heure du dîner. Il fait griller une saucisse, un burger ou un filet de poisson et le mange avec une salade. Vers 13 h, il retourne dans son fauteuil inclinable pour regarder la télévision ou pour lire. S’il n’a pas trop mal, il marche pour aller récupérer son courrier. Il a déclaré qu’il essaie de faire cela tous les jours. De plus, il nettoie une partie de sa maison chaque jour. Il essaie de nettoyer une pièce à la fois, mais il doit prendre plusieurs pauses et s’allonger. Il retourne alors à son fauteuil inclinable. Vers 17 h ou 18 h, il fait griller une poitrine de poulet et des légumes. Après le souper, il retourne s’allonger dans son fauteuil inclinable pour regarder la télévision ou lire jusqu’à 23 h, heure à laquelle il se met au lit.

[29] L’appelant a déclaré que plus il reste assis, plus sa douleur augmente, et que son médecin lui a dit de continuer à bouger, d’essayer de rester actif et de ne pas s’allonger toute la journée.

[30] On a demandé à l’appelant s’il pouvait garantir qu’il travaillerait cinq jours par semaine s’il occupait l’emploi le plus simple et le plus sédentaire possible. L’appelant a répondu qu’il pouvait garantir qu’il arriverait au travail à 9 h une à deux fois par semaine, au plus. Il pourrait ensuite travailler pendant 40 minutes ou une heure avant de devoir s’allonger. Il aurait besoin de s’allonger pendant deux ou trois heures avant de pouvoir s’asseoir et travailler à nouveau pendant 40 minutes à une heure. Il a déclaré qu’il n’avait pas cherché d’emploi depuis 2010 parce qu’il ne pense pas pouvoir travailler huit heures par jour.

[31] On a demandé à l’appelant de décrire ses problèmes de santé en décembre 2013. Il a répondu que l’intensité de ses douleurs variait d’un jour à l’autre entre 5 et 7 sur une échelle de la douleur allant jusqu’à 10. Ses douleurs irradient et émettent des pulsions qui parcourent sa région pelvienne et ses jambes. Il a déclaré qu’il pouvait parfois ressentir des douleurs à sa jambe gauche plutôt qu’à sa jambe droite, mais qu’il avait toujours mal à au moins une jambe. Il a précisé qu’il avait plus mal à sa jambe gauche qu’à sa jambe droite et que la douleur était plus fréquente et vive dans sa jambe gauche. Lorsqu’il a mal aux deux jambes, il dit que c’est probablement parce qu’il a marché trop longtemps le jour précédent. Il a déclaré qu’une distance de 500 pieds était trop longue et qu’il pouvait aisément parcourir une distance de 250 pieds. En décembre 2013, il se déplaçait toujours avec une canne. L’appelant a déclaré qu’il s’en sert encore pour soutenir son dos et sa région pelvienne et parce que ses jambes lui font mal.

[32] L’appelant a dit qu’il pouvait rester assis pendant environ une demi-heure sans ressentir de douleur, mais que celle-ci s’intensifie lorsqu’il reste assis trop longtemps. Ses jambes ne répondent plus.

[33] L’appelant a déclaré qu’il doit s’allonger presque toute la journée. Normalement, il passe le plus clair de son temps dans son fauteuil inclinable, dans lequel il s’installe pendant des périodes de deux heures. Il ne peut pas non plus rester debout trop longtemps. Il ne peut pas faire de mouvements répétitifs, comme faire des torsions ou se pencher, et s’il tend les bras pour attraper un objet (comme dans le réfrigérateur), sa douleur augmente.

[34] L’appelant a également dit qu’il avait mal aux mains, ce qui l’empêche de les utiliser tous les jours. Les mouvements répétitifs de ses mains accentuent la douleur, et s’il écrit pendant plus de cinq minutes, il a des crampes dans sa main gauche.

[35] Le Tribunal a demandé des précisions à l’appelant quant aux exercices qu’il fait. L’appelant a déclaré avoir deux appareils : un TreadClimber Bowflex et un Bowflex XLT. Le TreadClimber est un hybride entre un tapis roulant et un simulateur d’escalier. L’appelant l’utilise le lundi, le mercredi et le vendredi pendant trente minutes, tant que sa douleur le lui permet. L’appareil Bowflex XLT fait office de salle de sport à domicile et permet à l’appelant d’utiliser des tiges de résistance pour augmenter sa force. L’appelant a déclaré qu’il tirait entre 10 et 25 livres en travaillant son torse et ses bras, tout en ayant le dos soutenu. Il a ajouté qu’il faisait ces exercices le mardi et le jeudi pendant trente minutes, tant que sa douleur le lui permet.

Observations

[36] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. il a des douleurs lombaires et thoraciques incurables qui n’ont pas réagi à tous les traitements recommandés, ce qui le rend incapable d’occuper un emploi rémunérateur;
  2. comme il s’agit de douleurs chroniques, son niveau de douleurs est l’élément essentiel : sa crédibilité est importante, et rien ne donne à penser qu’il exagère ou qu’il feint son mal.

[37] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. bien que l’appelant puisse toujours présenter des symptômes associés aux douleurs lombaires et que certaines restrictions quant à ses activités demeurent, la preuve médicale n’étaye pas des douleurs graves qui empêcheraient l’appelant de travailler.

Analyse

[38] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2013 ou avant cette date.

Invalidité grave

[39] En l’espèce, l’appelant éprouve depuis longtemps des douleurs physiques qui ont été causées à la suite d’un accident de la route en 1994. Il a eu de nombreuses blessures, dont une contusion de l’œil gauche et une lacération de sa région périorbitaire; des fractures par tassement des vertèbres T10 à L1; une fracture de son pouce gauche; une lacération du tendon et du nerf de son poignet gauche; et une lacération des tendons de son poignet droit.

[40] Après s’être absenté du travail et avoir travaillé selon un horaire réduit pendant 18 mois entre 1994 et 1995, l’appelant a pu reprendre le travail avec des fonctions modifiées. Plutôt que d’occuper le poste exigeant sur le plan physique de chauffeur-livreur, l’appelant a été transféré à un poste de bureau. Il a acquis des compétences en informatique, en répartition ainsi qu’en gestion en s’occupant de neuf vendeurs. L’appelant semble avoir pu changer d’occupation, en passant d’un poste exigeant sur le plan physique à un poste où il a pu bénéficier de mesures d’adaptation.

[41] Malheureusement, en 2009, son employeur a restructuré l’entreprise, et l’appelant est devenu responsable de transporter de lourdes bouteilles à gaz jusqu’aux véhicules de la clientèle. Cela lui a causé de nouvelles blessures dans le bas du dos en 2009. Son médecin lui a alors recommandé de cesser de travailler en mars 2010.

[42] Le Tribunal reconnaît que les problèmes de santé de l’appelant l’ont empêché de continuer à occuper un poste dans lequel il devait transporter des objets pesant entre 80 et 180 livres, comme l’exigeait X. Le Tribunal estime que le litige porte sur le fait de savoir si les problèmes de santé de l’appelant l’empêchaient de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[43] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c Canada (PG), 2001 CAF 248). Ainsi, pour déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[44] Le Tribunal note que l’appelant possède de nombreuses compétences transférables pour une occupation sédentaire ou un travail dont les tâches sont uniquement de faible intensité. L’appelant possède un diplôme d’études secondaires et un diplôme d’études collégiales en gestion de la technologie du génie de la construction. Il a travaillé avec la clientèle à la réception chez X ainsi qu’à titre de répartiteur de camions. Il a travaillé au soutien aux ventes en s’occupant de neuf vendeurs. Il répondait au téléphone et remplissait la paperasse. Il a appris à utiliser Word et Excel. Le Tribunal estime que l’appelant possède les compétences transférables et monnayables qui lui permettraient de passer à un travail exigeant sur le plan physique à un emploi sédentaire.

[45] L’appelant a déclaré qu’il ne pourrait pas occuper un poste sédentaire. On lui a demandé s’il pouvait [traduction] « garantir » qu’il travaillerait cinq jours par semaine s’il occupait l’emploi le plus simple et le plus sédentaire possible, mais il a répondu que non. Bien que le Tribunal reconnaisse que la question et la réponse visaient à indiquer que l’appelant ne pouvait pas occuper un emploi en toute prévisibilité et fiabilité, comme l’exige l’économie concurrentielle, le Tribunal n’a reçu aucune preuve objective expliquant la raison pour laquelle l’appelant ne pourrait pas détenir un poste qui lui permettait d’alterner entre la position assise et debout. S’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses démarches pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueuses pour des raisons de santé (Inclima c Canada (PG), 2003 CAF 117). En l’espèce, l’appelant n’a pas tenté de détenir une occupation sédentaire depuis son départ chez X.

[46] Le représentant légal de l’appelant a affirmé que puisqu’il s’agit d’un cas de douleurs chroniques, la preuve de l’appelant était primordiale. Il a souligné qu’aucun des médecins traitants n’avait laissé entendre que l’appelant exagérait ou feignait son mal. Sur ce motif, le représentant a soutenu que le Tribunal devait accepter les plaintes de l’appelant et accueillir son appel.

[47] En examinant l’ensemble de la preuve documentaire et le témoignage de l’appelant, le Tribunal a constaté des incohérences importantes :

  1. L’appelant a demandé d’être dirigé vers un chirurgien du dos en octobre et en novembre 2012, mais aucune référence n’a été faite. Le fait que l’appelant n’ait pas fait de suivi sur ses demandes donne à penser que son problème de dos n’était pas aussi grave qu’il l’aurait fait croire au Tribunal.
  2. L’appelant a déclaré qu’il éprouve des douleurs s’il tend les bras pour attraper un objet dans son réfrigérateur, mais qu’il est capable de s’agenouiller régulièrement pour arracher les mauvaises herbes dans son jardin.
  3. L’appelant a déclaré qu’il ne peut pas rester debout trop longtemps (au plus pendant une demi-heure), mais il est régulièrement capable de passer une demi-heure à faire de l’exercice sur un appareil TreadClimber Bowflex. En janvier 2013, l’appelant a rapporté qu’il faisait régulièrement de l’exercice sur un tapis roulant tous les jours, pendant environ 25 minutes (para 20).
  4. L’appelant a précisé dans son questionnaire du 22 février 2012 qu’il avait du mal à soulever ou à transporter des objets de plus de cinq livres. À l’audience, il a déclaré qu’il pouvait soulever une charge de 15 à 20 livres, mais une seule fois, et que s’il soulevait ce poids plus d’une fois, sa douleur augmentait considérablement. Toutefois, il a également déclaré qu’il soulevait régulièrement des poids de 10 à 25 livres sur son Bowflex XLT. Il pourrait s’agir d’une amélioration de son état plutôt que d’une incohérence, mais cela ne correspond toujours pas à une invalidité.
  5. L’appelant a déclaré qu’il se trouvait à 500 pieds de sa boîte aux lettres et que s’il parcourait cette distance à pied, il éprouvait des douleurs dans les deux jambes le jour suivant, car une distance de 500 pieds était trop longue pour lui. Il a également déclaré qu’il essayait de marcher jusqu’à sa boîte aux lettres tous les jours et qu’il utilisait son TreadClimber Bowflex un jour sur deux pendant une demi-heure. L’élément de preuve selon lequel l’appelant ne peut pas marcher plus de 500 pieds ne correspond pas à celui voulant que l’état physique de l’appelant s’améliore et que l’appelant utilise régulièrement un tapis roulant.
  6. L’appelant a déclaré que ses mains lui font toujours mal et qu’il en est ainsi depuis son premier accident en 1994. Il a déclaré qu’il peut seulement écrire pendant cinq minutes avant d’avoir des crampes dans sa main gauche, soit sa main dominante. Il n’y a aucune référence dans l’ensemble du dossier médical selon laquelle l’appelant s’est déjà plaint de ce problème avant la tenue de l’audience, et le Tribunal estime que cet élément de preuve ne correspond pas à la capacité de l’appelant d’occuper un travail de bureau de 1999 à 2009.

[48] Il y a très peu d’éléments de preuve objectifs à l’appui de la position de l’appelant selon laquelle il était incapable de détenir un emploi après les alentours de janvier 2013. Le remplacement de sa hanche droite avait été un succès six mois plus tôt. On avait signalé que l’appelant faisait régulièrement de l’exercice sur un tapis roulant tous les jours pendant environ 25 minutes. Il avait perdu 25 livres depuis sa chirurgie à la hanche.

[49] Le 15 juillet 2014, l’appelant est retourné voir le Dr McCalden et a déclaré qu’il n’avait plus aucun symptôme et qu’il effectuait ses activités quotidiennes avec beaucoup plus de facilité. Il a rapporté que sa seule préoccupation était sa sciatique qui durait depuis longtemps.

[50] Le Tribunal a examiné le rapport du 1er septembre 2015 que le Dr Chapeskie a fourni au représentant légal de l’appelant. Dans son rapport, le Dr Chapeskie précise que l’appelant ne doit pas rester assis pendant plus de 30 à 45 minutes et qu’il ne peut pas marcher ni se tenir debout trop longtemps. Une position sédentaire pourrait lui permettre de respecter ces restrictions. L’appelant possède également des compétences transférables qui renforcent sa capacité à détenir un emploi sédentaire. Bien que le Dr Chapeskie considérait que les problèmes de santé de l’appelant l’empêchaient de détenir une occupation véritablement rémunératrice et que son état était grave et prolongé, le Dr Chapeskie ne précise pas pourquoi il estime que cela est le cas.

[51] Le Tribunal estime que l’appelant avait la capacité physique de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, y compris un emploi sédentaire ou à temps partiel en date du 31 décembre 2013. Par conséquent, l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave conformément à la loi à la fin de la PMA en décembre 2013.

Invalidité prolongée

[52] Comme le Tribunal a jugé que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire de tirer une conclusion sur le critère prolongé.

Conclusion

[53] L’appel est rejeté.

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