Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Appelante : S. A.
  • Représentante de l’appelante : Rebecca Nelson (représentante)
  • Représentants de l’intimé : Julia Betts (stagiaire en droit) et Bahaa Sunallah (représentant)

Introduction

[1] Cet appel porte sur une décision rendue par la division générale le 31 mars 2014. La division générale a rejeté la demande de l’appelante pour une pension d’invalidité, parce qu’elle a conclu que cette dernière n’était pas atteinte d’une « invalidité grave » au sens du Régime de pensions du Canada à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2009. La permission d’en appeler a été accordée le 5 mai 2015 au motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit. L’audience de l’appel de la décision de la division générale a été tenue devant la division d’appel le 24 novembre 2015.

Aperçu des faits

[2] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada le 5 juin 2011. Le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada rempli par l’appelante indique qu’elle a huit années de scolarité. Il est aussi indiqué dans le questionnaire que le dernier emploi de l’appelante était celui d’éducatrice en garderie en septembre 2009. L’appelante a écrit dans le questionnaire qu’elle a cessé de travailler à ce moment parce qu’elle souffrait de douleurs généralisées dans l’ensemble de son corps, incluant son cou, le bas de son dos, ses bras et ses poignets. Elle a aussi déclaré souffrir de fibromyalgie, d’un nerf coincé, d’anxiété, de dépression, de maux de tête, d’étourdissements, d’engourdissements et d’un sommeil non réparateur. Elle a affirmé souffrir d’un manque de concentration, de pertes de mémoire et d’irritabilité.

[3] Il est mentionné dans le questionnaire que l’appelante est atteinte de nombreuses restrictions et limitations fonctionnelles, notamment pour s’asseoir, être debout, marcher, soulever, transporter, tendre les bras, se pencher, conduire et utiliser le transport en commun. Elle s’en remet à la famille pour accomplir les tâches ménagères.

[4] L’appelante s’est présentée à la clinique neuromusculaire de la Toronto Western Hospital en octobre 2009, où Dr Sharma, un physiatre, lui a diagnostiqué un léger syndrome du canal carpien dans la main droite. Autrement, les constatations cliniques et les tests électrodiagnostics n’ont pas révélé l’apparition d’une radiculopathie des C5-6 du côté droit. L’appelante a passé plusieurs examens diagnostiques, dont une IRM de la colonne cervicale en août 2009 qui montrait une hernie discale paramédiane en C5-6 projetant vers la droite à la ligne médiane.

[5] L’appelante a consulté Dre Lori Albert, rhumatologue. Dans ses rapports de consultation de février 2010, Dre Albert considère que l’appelante présentait une douleur cervicale chronique, de même que des douleurs non articulaires généralisées et des symptômes d’engourdissement et de lourdeur qui semblent être apparus après un accident de voiture survenu le 30 juin 2009.

[6] L’appelante a été suivie par son médecin de famille, Dr Hose, qui a diagnostiqué de l’arthrose à la colonne cervicale, de la radiculopathie chronique légère de C7 et de la fibromyalgie chez l’appelante. Dr Hose a dirigé l’appelante vers la Headache & Pain Management Clinic, où elle a été vue par un anesthésiologiste qui lui a diagnostiqué de la fibromyalgie. Dans son rapport médical du 4 août 2011, Dr Carstoniu indiquait que [traduction] « le niveau de déficience de l’appelante [dépendrait] toujours de l’intensité des symptômes, et que ses efforts de gestion devraient porter sur l’atténuation des symptômes dans le but de maintenir et d’améliorer ses capacités fonctionnelles ».

[7] L’appelante a suivi un essai en physiothérapie jusqu’en novembre 2010, moment où son assurance auto a cessé de payer. Pour ce qui est des autres traitements, elle a pris divers médicaments, dont des antidépresseurs et des analgésiques.

[8] Il n’y a plus eu de rapports médicaux à jour -- selon les rapports de défense de l’assurance -- après le 4 août 2011, jusqu’à la tenue de l’audience devant la division générale le 21 janvier 2014.

Historique de l’instance

[9] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada le 5 juin 2010. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial puis lors de la révision, le 21 février 2012.

[10] La représentante de l’appelante a interjeté appel de la décision de révision auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision le 7 mars 2012. Selon l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, tout appel interjeté avant le 1er avril 2013, au titre du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, est réputé avoir été interjeté le 1er avril 2013 à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 1er avril 2013, le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel de l’appelante à l’encontre de la décision découlant de la révision.

[11] Le 19 novembre 2013, le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé un avis d’audience mentionnant l’intention de la division générale de procéder par une audience en personne le 21 janvier 2014.

[12] Le 21 janvier 2014, une audience en personne a été tenue devant la division générale. Le 31 mars 2014, la division générale a rendu sa décision et rejetait l’appel.

[13] Le 6 juin 2014, la représentante de l’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler. La division d’appel a accordé la permission le 5 mai 2015.

[14] Le 11 juin 2015 et le 18 juin 2015 respectivement, la représentante de l’appelante et le représentant de l’intimé ont soumis des observations. L’audience de l’appel de la décision de la division générale a été tenue devant la division d’appel le 24 novembre 2015. L’audience a été tenue par vidéoconférence, et puisque les deux parties étaient représentées, le moyen de vidéoconférence a été rendu accessible aux deux parties, comme l’alinéa 3(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Décision de la division générale

[15] La division générale a accepté les observations de la représentante de l’appelante selon lesquelles les rapports médicaux indiquent une régularité dans les plaintes de l’appelante depuis l’accident de voiture. La division générale a constaté, par exemple, que le Dr Sharma a signalé le 19 octobre 2009 que l’appelante se plaignait de douleur au cou irradiant dans le bras et dans la jambe du côté droit, de même que d’engourdissements. Similairement, la Dre Albert a signalé le 11 février 2010 que l’appelante a été examinée pour des douleurs cervicales, de même que pour des douleurs non articulaires généralisées et des symptômes d’engourdissement. La division générale a aussi constaté que le Dr Hose a indiqué le 8 juin 2011 que l’appelante avait eu des problèmes pendant deux ans et que ses symptômes et ses capacités avaient peu changé. L’appelante a elle-même témoigné que sa douleur était demeurée constante depuis l’accident.

[16] La division générale a constaté les importantes préoccupations en matière de santé qui affligeaient maintenant l’appelante. Elle a cependant écrit [traduction] « que la preuve médicale au dossier laisse subsister quelque doute quant à la gravité de ses symptômes à la fin de [la période minimale d’admissibilité] ». La division générale a ensuite écrit ce qui suit [traduction] :

Dr Sharma a indiqué dans son rapport daté du 19 octobre 2009 que les résultats des examens de la conduction nerveuse ont démontré un léger syndrome du canal carpien dans la main droite. Le résultat de l’électromyographie a seulement démontré une légère irritation chronique de la racine nerveuse en C7, mais aucune anomalie des muscles innervés en C5-C6. Le 11 février 2010, Dre Lori Albert a indiqué que les conclusions concordaient avec le syndrome de la sensibilisation centrale, et un traitement conservateur a été recommandé. Le traitement consiste en l’utilisation d’attelles pour le canal carpien pendant la nuit, en massages thérapeutiques fréquents, en gymnastique rééducative et en la participation à un programme de gestion de la douleur. Aucun rapport de suivi de la Dre Albert n’est présent au dossier. En ce qui concerne ses troubles de dépression et d’anxiété, il n’y a pas de rapport médical au dossier provenant d’un psychiatre ou d’un psychologue pour la période précédente à la PMA, ni y a-t-il une preuve d’hospitalisation pour la période précédente à la PMA. Le Tribunal conclut qu’une preuve de capacité de travail existe.

[17] La division générale s’est référée à l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, pour demander à l’appelante de prouver que les efforts qu’elle a déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison de son état de santé. La division générale a conclu que l’appelante n’avait pas démontré des efforts pour trouver un emploi après avoir cessé de travailler en juillet 2009 et qu’elle n’a pas tenté de parfaire ses compétences. La division générale a conclu que les éléments de preuve démontraient une capacité de travail et que l’appelante n’avait pas démontré avoir déployé des efforts pour trouver ou conserver un emploi.

[18] La division générale a conclu que l’appelante n’avait pas démontré être incapable de détenir régulièrement un emploi vraiment rémunérateur à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

Décision de la permission d’en appeler

[19] J’ai accordé la permission d’en appeler au motif de deux moyens :

  1. à savoir si la division générale avait commis une erreur de droit en appliquant la mauvaise norme de preuve;
  2. à savoir si la division générale a commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération la preuve et l’opinion médicale pour la période suivante à la période minimale d’admissibilité, après avoir conclu qu’elles concordaient avec la preuve précédant la période minimale d’admissibilité.

Questions en litige

[20] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable lors de la révision de décisions rendues par la division générale?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit, a-t-elle appliqué la mauvaise norme de preuve ou a-t-elle omis de considérer la preuve et l’opinion médicales suivant la période minimale d’admissibilité?
  3. Quelle est l’éventuelle réparation appropriée, advenant que la division générale ait commis une erreur de droit?

Première question en litige : Norme de contrôle

[21] Le collègue de Mme Bett, Dale Randell, le représentant qui a préparé les observations écrites pour l’intimé, a présenté des observations plus longues en comparaison sur la question de la norme de contrôle. Il fait valoir qu’il serait approprié pour la division d’appel de conduire ce qu’il appelle une « analyse modifiée de la norme de contrôle », laquelle englobe un examen des points suivants :

  1. la compétence et le rôle respectifs de la division générale envers la division d’appel;
  2. l’intention du législateur;
  3. le degré de déférence à accorder à la division générale;
  4. la nature des questions en litige;
  5. l’application concrète de la norme de la décision correcte et de celle de la décision raisonnable dans la pratique.

[22] Comme la représentante de l’appelante l’indique, aucune autorité ne suggère la nécessité d’une analyse modifiée de la norme de contrôle. Ultimement, le représentant de l’intimé est d’accord avec la représentante de l’appelante que, sur les questions de droit, comme celle de déterminer si la division générale a appliqué la norme de preuve appropriée, la division d’appel devrait appliquer la norme de la décision correcte. Le représentant de l’intimé soutient que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard de la décision de la division générale selon cette norme. La représentante de l’appelante fait valoir que la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) ne mentionne pas le degré de déférence à accorder à la division générale, mais acquiesce qu’il serait inapproprié de faire preuve de déférence à l’encontre de la division générale, là où il y a des erreurs de droit.

[23] Pour la question à savoir si la division générale a appliqué la norme de preuve appropriée, la représentante de l’appelante fait valoir que si la division générale a imposé un fardeau de preuve qui était trop lourd, alors la preuve doit être soupesée à nouveau en référence à la bonne norme.

[24] De façon similaire, la représentante de l’appelante fait valoir que la deuxième question -- à savoir si le décideur a incorrectement exclu la considération d’éléments de preuve pertinents pour en arriver à sa décision -- comme elle implique des règles de procédure et de preuve, invoque une révision de la norme de la décision correcte. Elle fait valoir que cette question n’entraîne pas une norme au caractère raisonnable; elle fait valoir que « soit une preuve pertinente sort [sic] et n’a pas été prise en considération, soit elle n’existe pas, soit elle a été prise en considération ». La représentante fait valoir que si la preuve n’a pas été prise en considération comme elle devait l’être, alors la décision doit être revue à la lumière de la preuve dans son ensemble.

[25] Par le passé, j’ai appliqué une analyse relative à la norme de contrôle en me fiant à la tendance jurisprudentielle émanant des appels des décisions des conseils arbitraux devant les juges-arbitres dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi.Dans la décision Chaulk c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 190 (CanLII), par exemple, la Cour d’appel fédérale a souligné les moyens d’appel limités prévus au paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (abrogée depuis), puis a procédé à une analyse relative à la norme de contrôle. La Loi sur l’assurance-emploi ne conférait pas aux juges-arbitres la compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire, mais ceux-ci exerçaient un pouvoir de surveillance et appliquaient des analyses relatives à la norme de contrôle aux décisions rendues par les conseils arbitraux.

[26] Dans la décision Chaulk, la Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il est de jurisprudence constante que les juges-arbitres procédant à l’examen des décisions des conseils arbitraux devaient appliquer la norme de la décision correcte aux questions de droit concernant l’interprétation des dispositions législatives relatives à l’assurance-emploi.

[27] La formulation du paragraphe 58(1) de la LMEDS reflète la formulation du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi (abrogée depuis). Comme la formulation du paragraphe 58(2) de la LMEDS a été empruntée au paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi (abrogée depuis) et compte tenu de la jurisprudence portée à sa connaissance, il semblait raisonnable pour la division d’appel d’appliquer la même analyse relative à la norme de contrôle que celle employée par les juges-arbitres.

[28] Toutefois, dans les décisions Canada (Procureur général) c. Paradis et Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242 (CanLII), 2015 FCA 242, la Cour d’appel fédérale a laissé entendre que cette démarche n’est pas appropriée lorsque la division d’appel examine des appels portant sur des décisions rendues par la division générale. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé cette approche dans Maunder c. Canada (Procureur général), (2015) CAF 274.

[29] La Cour d’appel fédérale suggère que puisqu’un pouvoir de contrôle et de surveillance des « offices fédéraux » est conféré en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et du paragraphe 28(1) de la Loi sur les Cours fédérales, il n’y a pas de dispositions similaires dans la LMEDS conférant à la division d’appel un pouvoir de contrôle et de surveillance. Malgré le fait qu’il soit de jurisprudence constante que les juges-arbitres devraient procéder à une analyse relative à la norme de contrôle (bien que la Loi sur l’assurance-emploi n’a pas plus conféré de pouvoir de contrôle et de surveillance aux juges-arbitres) et le fait que la formulation du paragraphe 58(1) de la LMEDS reflète la formulation du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi (abrogée depuis), la Cour d’appel fédérale nous prévient de « se garder d’emprunter à la terminologie et au génie propre du contrôle judiciaire dans un contexte d’appel administratif » et indique qu’« un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou ... "offices fédéraux" ».

[30] Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans la décision Jean, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de la LMEDS, lesquels lui permettent d’entendre les appels conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Le paragraphe 58(1) de la LMEDS énonce les moyens d’appel, et le paragraphe 59(1) de la LMEDS énonce les pouvoirs de la division d’appel. Les seuls moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[31] Sans tenir compte de la nature contraignante des observations qui m’ont été présentées sur la question de la norme de contrôle, je dois me « garder d’emprunter à la terminologie et au génie propre du contrôle judiciaire dans un contexte d’appel administratif » et me restreindre à déterminer si la division générale, dans l’instance dont je suis saisie, a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

Deuxième question en litige : Erreurs de droit

a. Fardeau de preuve

[32] Au paragraphe 22 de sa décision, la division générale a imposé le fardeau de preuve. On y écrivait que l’appelante devait prouver [traduction] « selon la prépondérance des probabilités qu’elle fût atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2009 ou avant cette date ». Les parties conviennent que l’énoncé établit le fardeau de preuve applicable.

[33] Toutefois, au paragraphe 26 de sa décision, la division générale mentionne [traduction] : « Bien que le Tribunal ait noté les importantes préoccupations en matière de santé que l’appelante a actuellement, il a aussi noté que la preuve médicale au dossier laisse subsister quelque doute quant à la gravité de ses symptômes... » (c’est moi qui souligne).

[34] La représentante de l’appelante fait valoir qu’en son application réelle du fardeau de preuve, il semble que la division générale n’a pas soupesé la preuve pour et contre, à savoir si le fardeau demandé avait été acquitté une fois avoir conclu qu’il y avait « quelque doute » par rapport à la gravité des symptômes de l’appelante. La représentante fait valoir que cette formulation nécessite en effet que l’appelante dissipe tout doute concernant la gravité de son invalidité. La représentante fait valoir qu’après avoir affirmé posséder « quelque doute », la division générale a révisé la preuve à la base de ce doute. La représentante fait valoir que cette preuve consistait en ce qui suit :

  • l’absence d’anomalie dans les muscles en C5-C6 suite à l’électromyographie
  • la recommandation de la Dre Albert de suivre un traitement conservateur sans rapports de suivi
  • l’absence de rapports médicaux d’un psychiatre ou d’un psychologue

[35] La représentante de l’appelante fait valoir que la division générale s’est mal orientée en se concentrant uniquement sur la preuve qui suscitait un doute quant à la gravité des symptômes. Elle fait valoir que l’interrogation ne porte pas sur la présence de preuve qui suscite un doute, mais plutôt sur la question [traduction] « à savoir si l’ensemble de la preuve, pour et contre, que l’[appelante] a établi démontre davantage que sa condition est grave. Cela implique de soupeser la preuve pour, de même que la preuve contre ». Elle fait valoir que, en d’autres mots, en démontrant où se trouve le manque de preuve au soutien de la gravité, il semblerait que la division générale a évalué si le doute avait été effacé par rapport à la capacité de travail plutôt que de soupeser tous les éléments de preuve en vue de déterminer où la prépondérance des probabilités se trouve.

[36] Le représentant de l’intimé, quant à lui, rejette toute notion voulant que la division générale n’a pas cherché à évaluer et soupeser tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés et fait valoir que l’expression « laisse subsister quelque doute » représente simplement une expression familière. Le représentant fait valoir que cette phrase seule est insuffisante pour permettre à la division d’appel de conclure que la division générale a appliqué la norme de preuve encore plus stricte « au-delà du doute raisonnable ».

[37] Le représentant soulève la page précédente de la décision, au paragraphe 25, où la division générale a évalué la preuve qui était favorable à la demande de l’appelante. Elle comprenait les rapports médicaux des Drs Sharma, Albert et Hose, de même que le témoignage de l’appelante comme quoi sa douleur était demeurée constante depuis l’accident. La division générale a convenu que cette preuve indiquait une régularité dans les plaintes de l’appelante depuis l’accident de voiture. Le représentant fait valoir que je ne devrais pas lire le paragraphe 26 isolé, mais que je devrais lire les paragraphes 25 et 26 conjointement, puisque l’évaluation de la preuve faite par la division générale sera seulement claire ainsi. Le représentant fait valoir qu’une fois que je l’aurai fait, il sera alors évident que la division générale faisait [traduction] « simplement contraste entre les importantes préoccupations en matière de santé actuelles de l’appelante avec la preuve défaillante concernant la gravité de ses symptômes près de [sa période minimale d’admissibilité] », pour ensuite expliquer sa conclusion en évaluant la preuve médicale pertinente pour la période concernée au paragraphe 26.

[38] Pour accepter que l’expression « laisse subsister quelque doute » ne soit qu’une expression familière ou une déclaration malencontreuse, je dois considérer le contexte dans lequel l’expression a été utilisée. Les deux parties semblent convenir que l’expression pourrait représenter une erreur dans certaines circonstances et une simple déclaration malencontreuse dans d’autres. Si je conclus que l’expression représente une déclaration malencontreuse, alors il semble que la décision peut être conservée. Mais, si l’utilisation de l’expression désigne la norme de preuve appliquée par la division générale, mon analyse serait donc justifiée, et impliquerait possiblement la substitution de ma propre conclusion comme décision qui s’impose en vertu du paragraphe 59(1) de la LMEDS.

[39] Bien que je suis du même avis, et que la décision de la division générale doit être considérée en entière et ne peut pas être subdivisée en toutes ses composantes, les paragraphes 25 et 26 doivent être lus conjointement. La difficulté concernant les observations du représentant à cet égard porte sur le fait que la division générale ne semble pas s’être attardée à la question de la gravité de l’invalidité de l’appelante sous le paragraphe 25.

[40] Le paragraphe 25 se lit comme suit [traduction] :

[25] Le Tribunal convient avec l’appelante qu’il ressort des rapports médicaux au dossier qu’il y avait une régularité dans les maux dont elle se plaignait à la suite de l’accident de voiture. Par exemple, le Dr Sharma a signalé le 19 octobre 2009 que l’appelante se plaignait de douleur au cou irradiant dans le bras et dans la jambe du côté droit, de même que d’engourdissements. Similairement, la Dre Albert a signalé le 11 février 2010 que l’appelante a été examinée pour des douleurs cervicales, de même que pour des douleurs non articulaires généralisées et des symptômes d’engourdissement. Le Dr Hose a indiqué le 8 juin 2011 que l’appelante avait eu des problèmes pendant deux ans et que ses symptômes et ses capacités avaient peu changé. Aussi, l’appelante a elle-même témoigné que sa douleur était demeurée constante depuis l’accident.

[41] Les éléments de preuve mentionnés dans le paragraphe 25 n’indiquent pas si la douleur de l’appelante est grave ou non; ils indiquent qu’il semble avoir une régularité dans les maux dont se plaignait l’appelante au fil du temps, tout au plus. Bien qu’il semble avoir une régularité dans les maux dont se plaignait l’appelante au fil du temps, cela ne constitue pas un baromètre de la gravité de son invalidité.

[42]  Il n’est pas pertinent de savoir si la division générale était raisonnable dans son évaluation de la preuve présentée au paragraphe 26, comme le fait valoir le représentant de l’intimé.

[43] Au paragraphe 26, la division générale mentionne [traduction] « les importantes préoccupations en matière de santé que l’appelante a actuellement ». D’un côté, l’utilisation par la division générale du mot « importantes » pourrait signifier une conclusion de gravité, mais même si c’était le cas, la conclusion est altérée par le fait qu’il s’agit d’une constatation sur les troubles de santé actuels de l’appelante, et pas nécessairement sur ses troubles de santé ou sur son invalidité durant sa période minimale d’admissibilité. D’un autre côté, il n’est pas complètement clair comment, et sur quelle preuve, la division générale s’est fondée pour se prononcer sur l’état de son invalidité, surtout que dans le précédent paragraphe, il n’y a pas de débat ou d’analyse qui porte sur la gravité de la condition actuelle de l’appelante. Il n’y a aucune relation directe entre la régularité des plaintes au fil du temps et la gravité de ces mêmes plaintes. Même si la division générale avait écrit qu’il y avait une régularité dans la gravité des plaintes de l’appelante, cette constatation aussi n’aurait pas été suffisante pour établir la gravité de l’invalidité d’une personne, puisqu’elle ne porte pas sur le niveau d’intensité ou de gravité de l’invalidité.

[44] Si la division générale avait conduit une analyse plus approfondie, particulièrement concernant l’avis d’expert sur les niveaux de douleur de l’appelante, sur son fonctionnement et sur sa capacité en général, et que le paragraphe 25 était ensuite considéré dans ce contexte, non seulement la constatation aurait-elle été plus définitive, mais elle aurait aussi été exécutoire par rapport à la question à savoir si la division générale appréciait la preuve relative à la gravité de l’invalidité de l’appelante.

[45] En l’espèce, l’expression « quelque doute » était suivie par ce qui semble être une référence à la preuve qui a généré ce doute. La division générale se serait peut-être attendue à ce que l’appelante obtienne certains des éléments de preuve médicale qu’elle a décrits. La division générale a certainement donné l’impression que s’il y avait eu la présence de rapports de suivi du Dr Albrecht et de rapports médicaux d’un psychiatre ou d’un psychologue pour la période précédente à la période minimale d’admissibilité, par exemple, ou une certaine preuve d’hospitalisations pour la période précédente à la période minimale d’admissibilité, cela aurait pu démontrer la gravité de l’invalidité de l’appelante. Sans ces rapports, et compte tenu des références médicales faites au paragraphe 26 sur l’avis des Drs Sharma et Albert, la division générale a affirmé conserver « quelque doute » concernant la gravité des symptômes de l’appelante. L’analyse entreprise par la division générale ne démontre pas clairement comment elle a évalué la preuve selon la prépondérance des probabilités. Sur ce fondement, la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit.

[46] La représentante de l’appelante fait valoir que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard de la division générale, et qu’elle devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre si le fardeau de la preuve approprié avait été bien appliqué. Toutefois, la représentante atteste que la division générale s’est concentrée seulement sur la preuve qui suscitait quelque doute. Comme la représentante l’indique, si la division générale avait appliqué le fardeau de la preuve approprié, elle aurait examiné et évalué la preuve dans le but d’établir si l’appelante pouvait être qualifiée de gravement invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité. S’il fallait que j’évalue et que j’apprécie la preuve sur ce point sans avoir donné la possibilité à la division générale de le faire d’abord, cela usurperait son rôle en tant que principal juge des faits.

b. Régularité des plaintes avant et après l’expiration de la PMA

[47] La représentante de l’appelante atteste que, puisque la division générale a accepté qu’il y avait une régularité dans les maux dont se plaignait l’appelante au fil du temps, la division générale aurait dû apprécier la preuve médicale suivante à la période minimale d’admissibilité, plutôt que de se limiter à apprécier la preuve médicale qui provenait de la période où la période minimale d’admissibilité a pris fin ou vers cette date. La représentante atteste que les symptômes et les limitations de l’appelante étant demeurés réguliers, les avis médicaux suivants à la période minimale d’admissibilité décriraient aussi la situation de l’appelante à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Il semblerait que la représentante n’a pas présenté ces observations à la division générale, selon lesquelles la preuve médicale suivante à la période minimale d’admissibilité pourrait être utilisée pour déterminer que l’appelante était invalide à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, parce que la division générale n’a pas apprécié la preuve médicale suivante à la période minimale d’admissibilité, autre que les avis de la Dre Albert de février 2010 et du Dr Hose de juin 2011.

[48] La représentante fait valoir que si un décideur est convaincu selon la prépondérance des probabilités que l’invalidité et les capacités fonctionnelles d’un appelant après la période minimale d’admissibilité sont représentatives de ses capacités durant la période minimale d’admissibilité, alors l’on peut correctement tirer des conclusions sur la gravité suivant la date de fin de la [période minimale d’admissibilité. La représentante atteste qu’il s’agit d’une question de tirer les bonnes conclusions sur le fondement d’une preuve pertinente et probante. La représentante fait valoir que si la division générale avait apprécié la preuve médicale suivante à la période minimale d’admissibilité, elle aurait conclu que l’appelante était gravement invalide à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[49] La représentante fait valoir que se référer à la preuve médicale générée après la période minimale d’admissibilité démontre aussi que les médecins ne recueillent pas la preuve sur l’invalidité du point de vue de la possibilité d’une période minimale d’admissibilité, mais plutôt que la preuve ressort selon le cours normal de l’évaluation et du traitement d’une condition médicale. Elle atteste qu’il arrive parfois que cela se produise sur une autre échelle de temps. Certains éléments de preuve ne ressortent qu’après la fin de la période minimale d’admissibilité. Comme c’est le cas ici, où la période minimale d’admissibilité a expiré seulement quatre mois après le début de l’invalidité. La représentante soutient qu’il était raisonnable pour le médecin de famille de ne pas se tourner vers des spécialistes si tôt dans le processus et de plutôt se concentrer sur la détermination de la nature de la blessure et sur le traitement approprié en espérant que les blessures s’amélioreraient avec le temps. La représentante soutient que c’est seulement lorsqu’il est apparent que les blessures ne s’améliorent pas que des examens plus poussés sont justifiés. La représentante soutient qu’on ne peut pas conclure qu’un appelant n’est pas nécessairement invalide parce qu’il n’y a pas eu de recommandations ou de consultations de spécialistes avant la période minimale d’admissibilité. La représentante soutient que, « toutefois, cela signifie que la preuve de l’invalidité a été générée hors de cette période ».

[50] La représentante reconnaît que ce ne sont pas tous les cas où la preuve générée après la période minimale d’admissibilité sera pertinente ou probante. Elle atteste que si je déterminais qu’il est approprié d’apprécier la preuve suivante à la période d’admissibilité pour établir la gravité à la date de la période minimale d’admissibilité, cela n’engendrerait pas une multitude de demandes où les requérants se fondent sur une preuve suivante à la période d’admissibilité pour démontrer la gravité durant la période minimale d’admissibilité. La représentante fait valoir que pour chacun des cas, une évaluation doit être faite par rapport à la preuve suivante à la période d’admissibilité et à sa pertinence, et qu’une conclusion peut alors être rendue sur le poids à donner à cette preuve. Je suis en accord avec cela comme proposition générale, dans la mesure où un médecin évalue spécifiquement la question de l’invalidité de l’appelant à la date de sa période minimale d’admissibilité. Par contre, la représentante fait valoir que nous devrions aller plus loin et tirer des conclusions où la preuve n’évalue peut-être pas clairement l’invalidité d’un appelant à la date de sa période minimale d’admissibilité.

[51] La représentante a comparé les éléments de preuve datant de la période minimale d’admissibilité et de la période suivante. À l’aide d’un tableau, elle a présenté les plaintes et les limitations fonctionnelles que l’appelante a rapportées au Dr Sharma en octobre 2009, à la Dre Albert en février 2010 et au Dr Carstoniu en août 2011. La représentante soutient que Dr Carstoniu a essentiellement noté les mêmes plaintes et limitations fonctionnelles que Dre Albert et Dr Sharma. La représentante prétend que les documents du Dr Carstoniu peuvent aussi être comparés aux documents de physiothérapie de juillet 2009 puisque l’appelante a rapporté des plaintes et des limitations fonctionnelles similaires, tant au physiothérapeute qu’au Dr Carstoniu.

[52] Dans sa revue des éléments de preuve médicale datant d’avant la période minimale d’admissibilité et de la période suivante, la représentante a inclus le témoignage de l’appelante concernant son invalidité et ses limitations fonctionnelles depuis 2009. La représentante a résumé le rapport médical du Dr Hose, daté du 8 juin 2011 (GT1-130 à GT1-133) et le rapport médical du Dr Sharma, daté du 19 octobre 2009 (GT1-137 à GT1-139).

[53] L’appelante s’appuie sur l’avis médical du Dr Hose, incluant le rapport médical du 8 juin 2011 (aux pages GT1-130 à GT1-133) et soutient que ce dernier rapport, de même que ceux du Dr Sharma, de la Dre Albert et du Dr Carstoniu, établissent la gravité de l’invalidité de l’appelante. Elle fait valoir que les plaintes et les limitations rapportées sont régulières avec celles faites en octobre 2009.

[54] Dans ses observations verbales, la représentante a affirmé que l’appelante souffrait de troubles anxieux majeurs après l’accident de voiture, et que c’est la combinaison de la douleur, de la dépression et de l’anxiété qui cause des limitations à l’appelante. La représentante reconnaît que l’appelante n’était pas suivie par un psychologue ou par un psychiatre, mais qu’il existe la preuve de dépression pendant et peu après la fin de la période minimale d’admissibilité. Par exemple, Dr Hose lui avait prescrit un antidépresseur en décembre 2009; en février 2010, Dre Albert a documenté [traduction] « l’affect plutôt abrasé » de l’appelante; en avril 2010, elle a reçu une nouvelle prescription pour un antidépresseur; et, en mai 2010, les documents de physiothérapie mentionnent que l’appelante a reçu un diagnostic de dépression et qu’elle prend des antidépresseurs. Cependant, il y avait relativement peu d’éléments de preuve documentaire concernant la dépression de l’appelante, l’effet sur elle et la combinaison avec ses maux physiques. La présence de ces symptômes et le fait que l’appelante prenait des antidépresseurs ne suffisent pas pour établir la gravité.

[55]  Pour être claire, je ne fais pas une évaluation de la preuve médicale pour déterminer si la preuve suivante à la période minimale d’admissibilité représente l’invalidité de l’appelante à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité et si elle établit que l’appelante était invalide pour l’application du Régime de pensions du Canada.Ce faisant, bien que l’appelante ait rapporté des maux similaires au Dr Sharma, à la Dre Albert et au Dr Carstoniu, il y avait peu ou aucun élément de preuve dans ces rapports médicaux concernant les limitations fonctionnelles que l’appelante aurait démontrées auparavant. Par exemple, le tableau de l’appelante montre que le Dr Sharma n’a pas abordé une quelconque limitation fonctionnelle dans le rapport d’octobre 2009. Certes, le rapport de février 2010 de la Dre Albert mentionnait des limitations [traduction] concernant « un niveau d’activités réduit de manière significative », qu’il est « douloureux d’accomplir une simple tâche » ou qu’elle a des « problèmes avec les tâches ménagères », mais il ne s’agit pas de constations sur la gravité ou sur la capacité à détenir une occupation régulière véritablement rémunératrice. Par conséquent, même si j’acceptais les observations de l’appelante indiquant que la preuve datant d’après la période minimale d’admissibilité aurait dû être appréciée pour déterminer la gravité, la preuve n’aurait pas pu le faire parce que les détails y étaient insuffisants.

[56] Mon rôle est de déterminer, en droit, si la division générale a commis une erreur en omettant d’apprécier la preuve médicale datant de la période suivante à la période minimale d’admissibilité, en particulier l’avis du Dr Carstoniu.

[57] La division générale a considéré les avis médicaux du Dr Hose et du Dr Sharma dans son analyse sur la gravité de l’invalidité de l’appelante. La division générale s’est spécifiquement référée à leurs rapports respectifs. Cela étant dit, et comme précédemment mentionné, il est loin d’être manifeste que la division générale s’est tournée vers une conclusion pour déterminer si la preuve permettait de conclure sur la gravité. La division générale a conclu que ces rapports médicaux indiquaient une régularité dans les maux rapportés par l’appelante au fil du temps, tout au plus. De toute manière, cela ne signifie pas qu’un décideur est tenu d’examiner la preuve datant de la période suivant la période minimale d’admissibilité pour déterminer si elle démontre la gravité de l’invalidité d’un appelant à sa période minimale d’admissibilité.

[58] Le représentant de l’intimé soutient que la conclusion de la division générale indiquant une régularité dans la douleur rapportée par l’appelante ne représente pas une conclusion indiquant que ses symptômes et que son niveau de fonctionnement depuis la date de l’accident de voiture survenu en juin 2009 sont demeurés les mêmes, de sorte que la preuve datant de la période suivant la période minimale d’admissibilité reflète nécessairement et précisément sa capacité à travailler à la fin ou avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. Comme le représentant le mentionne, dans ma décision de permission, j’ai indiqué que la division générale n’a pas été jusqu’à dire qu’elle acceptait que la preuve médicale confirmait l’existence d’une invalidité régulière et constante avec de graves limitations fonctionnelles à partir de juin 2009. Cela représenterait une mauvaise interprétation de la décision de la division générale. Des symptômes de douleur ne correspondent pas à la gravité de l’invalidité d’une personne. Après tout, une personne peut se plaindre de douleur au cou ou au dos par exemple, mais cette douleur peut être légère, modérée ou sévère.

[59] Le représentant allègue que la division générale n’était pas tenue de faire référence à tous les éléments de preuve dont elle était saisie, dans la mesure où le décideur « est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve » : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Je ne mentionne toutefois pas Simpson pour signifier qu’une preuve concrète ayant une valeur probante devrait être rejetée ou ignorée dans l’analyse d’un décideur, parce qu’elle pourrait déterminer l’issue de l’instance.

[60] Dans ma décision de permission, je présente certaines de mes réserves quant aux observations de l’appelante. Il convient de les répéter [traduction] :

[30] Dans le cas du Dr Carstoniu, cela aurait compté s’il avait vu la demanderesse au cours de la période se terminant à la date de fin de la PMA ou peu de temps après, car il aurait peut-être été en mesure d’émettre une opinion sur la capacité de travailler et la fonctionnalité de la demanderesse à la fin de la PMA. Apparemment, cependant, le Dr Carstoniu n’a commencé à voir la demanderesse qu’en août 2011, soit environ deux ans après l’expiration de la période minimale d’admissibilité. Si le Dr Carstoniu a fait état des plaintes de la demanderesse concernant sa capacité et ses limitations avant et après l’expiration de la PMA, je ne vois pas pourquoi on devrait nécessairement attendre de la division générale qu’elle se fie à l’historique présenté au Dr Carstoniu, puisque la demanderesse aurait pu – et l’a vraisemblablement fait – présenter ce même historique directement à la division générale, et la division générale aurait alors tiré, de cette preuve, ses propres conclusions.

[31] L’autre difficulté que me pose cette observation concernant les dossiers d’après-PMA réside dans le fait que, si l’avocate suggère que les plaintes ont été régulières dans le temps et que l’on aurait dû conclure, à la lumière des symptômes et de la fonctionnalité d’après-PMA, à l’existence d’une invalidité grave, logiquement, on aurait dû être en mesure de tirer la même conclusion à la lumière des mêmes symptômes et fonctionnalité d’avant-PMA sans avoir à tenir compte des circonstances d’après-PMA. La division générale a pris en compte la preuve d’avant-PMA et n’a pas été convaincue qu’il ressortait de cette preuve que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave. Si je devais maintenant suggérer que l’on pourrait prendre en considération la preuve d’après-PMA pour obtenir un portrait de l’invalidité d’avant-PMA de la demanderesse, nonobstant une conclusion que la preuve d’avant-PMA était insuffisante, cela pourrait signifier que l’on se permet d’obtenir de façon détournée ce que l’on n’a pas été capable d’obtenir d’emblée, en particulier si ces observations n’avaient pas été avancées à l’audience devant la division générale.

[61] L’appelante ne m’a pas convaincue qu’elle devrait pouvoir s’appuyer sur la preuve médicale (en particulier l’avis médical du Dr Carstoniu) datant de la période suivant la période minimale d’admissibilité pour démontrer la gravité de l’invalidité, parce que cette preuve ne traite pas spécifiquement de l’invalidité de l’appelante à la date de sa période minimale d’admissibilité. S’il existait une preuve documentaire des maux et des limitations dont se plaignait l’appelante avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, elle devrait s’appuyer sur cette preuve pour justifier sa demande plutôt que sur la preuve datant de la période suivant sa période minimale d’admissibilité.

[62] Cela ne déclare pas qu’un appelant ne peut pas s’appuyer sur des rapports qui ont été élaborés après la période minimale d’admissibilité, parce qu’ils pourraient faire état de l’invalidité d’un appelant à la période pertinente. Par exemple, il aurait été très raisonnable pour la division générale de considérer les rapports médicaux élaborés après la période minimale d’admissibilité, si le médecin se trouvait dans une position où il pouvait se prononcer sur l’invalidité d’un appelant à la date de sa période minimale d’admissibilité. Toutefois, en ce qui concerne l’avis du Dr Carstoniu, aucun continuum ne se dessinait. Dr Carstoniu ne pouvait pas donner un avis crédible quant à l’invalidité de l’appelante à la date de sa période minimale d’admissibilité sur le fondement de ses observations personnelles puisqu’il n’a pas vu l’appelante avant août 2011, bien après la fin de la période minimale d’admissibilité. Bien que le juge des faits peut toujours apprécier les avis du Dr Carstoniu, ils auraient probablement moins de poids que le rapport d’un expert qui aurait vu l’appelante sur une plus longue période de temps et plus près de la période minimale d’admissibilité.

[63] La preuve démontrant le mieux le statut de l’invalidité de l’appelante demeure dans la preuve médicale au moment où la période minimale d’admissibilité a pris fin, ou vers cette date, et dans les avis des médecins qui ont vu l’appelante avant, pendant et après la période minimale d’admissibilité. À cet égard, je soulève que la division générale a apprécié le rapport du Dr Hose de juin 2011.

[64] Je ne suis pas convaincue que ce moyen soit bien-fondé selon les faits qui me sont présentés.

Troisième question en litige : Réparations

[65] Bien que je conclus d’après les faits qui me sont présentés qu’il n’y a pas de bien-fondé à l’observation que la division générale aurait dû évaluer la gravité de l’invalidité de l’appelante selon ses plaintes de douleur et de limitations fonctionnelles datant d’après la période minimale d’admissibilité, où il semblait avoir une régularité dans ses plaintes, je suis convaincue que la division générale a commis une erreur de droit dans l’application de la norme de preuve. La réparation appropriée consiste à renvoyer l’affaire à la division générale.

Conclusion

[66] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la division générale pour un réexamen fait par un membre différent.

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