Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs et décision

Comparutions

  • L’appelant : J. B.
  • Représentante de l’appelant : Terry Copes
  • Représentante de l’intimé : Christine Singh
  • Observatrice (étudiante en droit) : Tiffany Santos

Introduction

[1] L’appelant a subi une blessure très grave au travail. Il souffre de douleurs chroniques et de limites importantes de l’usage de son bras. L’appelant souffre aussi de difficultés d’apprentissage, d’anxiété et de dépression. Il a présenté une demande de pension d’invalidité au Régime de pensions du Canada en soutenant qu’il était invalide à cause de l’ensemble de ces conditions. L’intimé a rejeté la demande initiale puis la demande de révision. L’appelant a interjeté appel de la décision de révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience et a rejeté cet appel le 6 juin 2015.

[2] Le 31 août 2015, l’appelant a reçu la permission d’interjeter appel de cette décision à la division d’appel du Tribunal.

[3] Le présent appel a été instruit par vidéoconférence après avoir tenu compte des éléments suivants :

  1. La complexité des questions en litige sous appel;
  2. L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  3. La nature des questions de droit contenues dans l’appel et des observations déposées par les parties.

Analyse

[4] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi) régit le fonctionnement de ce Tribunal. Les articles 58 et 59 de la Loi énoncent les seuls moyens d’appel que peut prendre en considération la division d’appel ainsi que le redressement qu’elle peut accorder lors d’un appel. Ces dispositions sont reproduites en annexe de la présente décision. L’appelant a soutenu que l’appel devait être accueilli parce que la décision de la division générale contenait des erreurs en vertu de l’article 58 de la Loi. La représentante de l’appelant a soutenu que la division générale n’avait pas tenu compte de toute l’information de l’évaluation psychoéducative et qu’elle n’avait pas tenu compte de l’effet cumulatif des invalidités de l’appelant dans sa décision. De son côté, l’intimé a soutenu que la division générale n’avait pas commis d’erreur et que l’appel doit être rejeté. Je dois donc déterminer si la décision de la division générale contenait une erreur en vertu de l’article 58 de la Loi telle que la décision ne peut être maintenue.

Évaluation psychoéducative et capacité de se recycler.

[5] À son travail, l’appelant a subi un tragique accident au bras. Il souffre d’une douleur continue et d’une limitation de l’usage de son bras. Il a tenté une reconversion au St. Clair College où il a réussi le premier semestre d’un cours d’ingénierie, mais pas le second. Il a aussi tenté de se recycler au Cambrian College, sans succès. Au St. Clair College, il a subi une évaluation psychoéducative administrée par le Dr Beg. Celui-ci nota que l’appelant avait eu besoin d’accommodements tout au long de son cheminement scolaire; il évalua aussi ses forces et ses limites et en conclut que la difficulté d’apprentissage de l’appelant ne pourrait être évaluée tant que son anxiété et sa dépression n’auraient pas été mieux gérées. Le rapport faisait plusieurs recommandations quant aux accommodements à l’environnement d’apprentissage. Dans sa décision, la division générale s’est référée à ce rapport; elle nota qu’un certain nombre de recommandations y apparaissaient; elle nota aussi que l’appelant était motivé et engagé et qu’il possédait les aptitudes intellectuelles pour réussir un programme d’études collégiales. L’appelant a soutenu que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance, puisqu’elle n’avait pas pris en considération la difficulté d’apprentissage de l’appelant ni le contexte général du rapport dans sa décision, à savoir que, selon le Régime de pensions du Canada, l’appelant n’était pas invalide.

[6] De son côté, l’intimé a fait valoir que la division générale n’avait commis aucune erreur de fait. Sa représentante a affirmé que la division générale, comme juge des faits, est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve qui comprenait l’évaluation psychosociale dans son entièreté (voir Simpson c. Canada (Procureur général), (2012) CAF 82. Elle a également soutenu que, par cet argument, l’appelant demandait essentiellement à la division d’appel du Tribunal de soupeser à nouveau la preuve afin d’en arriver à une conclusion différente, ce qu’elle ne devrait pas faire.

[7] Je suis d’accord avec la représentante de l’intimé qu’il incombe à la division générale, en tant que juge des faits, de recevoir et de peser les éléments de preuve. Au cours d’un appel, la division d’appel n’a pas à refaire le procès des questions factuelles, mais elle doit plutôt vérifier que l’issue était acceptable et justifiable au regard des faits et du droit applicable. (Gaudet  c.  Procureur général du Canada, (2013) CAF 254). Bien qu’il soit peut-être préférable d’inclure un résumé étoffé des rapports médicaux dans une décision, ce n’est pas requis; pourvu que la division générale explique comment elle en est arrivée à ses conclusions. La division générale a pris en considération les capacités scolaires de l’appelant ainsi que ses efforts pour se recycler avec l’aide d’accommodements. Elle a soupesé les éléments de preuve et elle a accordé un certain poids à l’argument de l’appelant selon lequel il ne bénéficierait pas de ces accommodements en milieu de travail. Sur cette question, le fondement sur la preuve de la décision de la division générale est établi, transparent et logique. Les conclusions de fait n’ont pas été tirées sans égard aux éléments portés à sa connaissance. L’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

L’effet cumulatif de l’ensemble des invalidités de l’appelant

[8] L’appelant a également soutenu que la division générale avait commis des erreurs de droit puisqu’elle n’avait pas pris en considération toutes ses invalidités et l’effet cumulatif de celles-ci sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. La représentante de l’appelant a soutenu que la division générale s’était fixée sur la perte de son membre gauche puisque celle-ci référait uniquement aux décisions de la Commission d’appel des pensions, qui a déterminé que la perte d’un seul membre ne suffisait pas pour déclarer un prestataire invalide selon le Régime de pension du Canada. La représentante a soutenu que, pour en arriver à sa décision, la division générale aurait dû tenir compte de l’effet cumulatif de la difficulté d’apprentissage, de l’anxiété, de la dépression et de la douleur chronique de l’appelant dans la présente affaire.

[9] À l’inverse, l’intimé a soutenu que la division générale n’avait commis aucune erreur à cet égard. Sa représentante a suggéré qu’à la lecture de la décision dans son ensemble, il est clair que la division générale a pris en considération toutes les invalidités de l’appelant et que cette décision n’avait pas porté seulement sur la jurisprudence à laquelle réfère l’appelant. Elle a soutenu également que la division générale avait pris en considération l’invalidité de l’appelant en fonction de la décision de l’affaire Villani c.. Canada (Procureur général), (2001) CAF 248, qui exige de tenir compte des circonstances personnelles du requérant, y compris de sa langue et de ses capacités scolaires.

[10] Elle a raison de soutenir que la division générale a examiné les circonstances de l’appelant à la lumière de la décision Villani. Elle a également raison de soutenir que dans la détermination d’une erreur, une décision doit être abordée comme un exercice plus global dans le cadre duquel les motifs du tribunal doivent être examinés en corrélation avec le résultat afin de révéler si ce dernier fait partie des issues possibles, Newfoundland and Labrador Nurses ’ Union c.. Newfoundland and Labrador (Conseil du Trésor), (2011) SCC 62.

[11] Dans sa décision, la division générale a considéré que l’appelant était encore jeune et qu’il avait la capacité de réussir à l’école avec le soutien approprié. Elle a considéré les limitations physiques dues à sa blessure au bras gauche et l’absence de compétences transférables chez lui; elle a suggéré que sa dépression pourrait s’améliorer grâce aux médicaments et à l’aide de traitements additionnels. La décision ne contient aucune remarque au sujet de sa douleur chronique ni de sa capacité à travailler. De plus, rien dans sa décision ne suggère que la division générale se soit arrêtée sur l’effet cumulatif des invalidités de l’appelant sur sa capacité à travailler. Le droit applicable est clair : dans l’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), (2011) CAF 47, la Cour d’appel fédérale a conclu que pour déterminer si un demandeur est invalide au sens du Régime de pensions du Canada, tous ses problèmes de santé doivent être pris en considération. Je suis convaincue que la division générale ne l’a pas fait dans ce cas-ci, ce qui constitue une erreur de droit.

[12]  Il n’est pas nécessaire que la division d’appel fasse preuve de déférence à l’égard de la division générale relativement aux questions de droit. (Voir Canada (Procureur général) c.. Paradis, (2015) CAF 242. L’appel doit être accueilli.

Conclusion

[13] L’article 59 de la Loi sur l’emploi et le Développement social établit les mesures correctives que la division d’appel peut apporter à un appel. Je ne peux pas rendre la décision qu’aurait dû rendre la division générale, puisque je n’ai pas entendu la preuve et que des questions de preuve persistent. La question est donc renvoyée à la division générale pour révision. Afin d’éviter toute possibilité de crainte de partialité, la décision actuelle de la division générale devrait être retirée du dossier et l’affaire devrait être confiée à un autre membre de la division générale.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58.(1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58.(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

59.(1) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour révision conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

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