Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

  • L’appelante : J. G.
  • Le représentant de l’appelante : Eric Katzman
  • La représentante de l’intimé : Faiza Ahmed-Hassan
  • Observateur (12 janvier 2016) : T. G.

Introduction

[1] L’appelante a terminé ses études secondaires et a obtenu un diplôme de préposée aux services de soutien à la personne. Elle a travaillé dans le domaine pendant quelque temps, puis elle a occupé un poste de préposé au service à la clientèle. Lorsqu’elle travaillait en service à la clientèle, l’appelante a été impliquée dans un accident de voiture. Elle a souffert d’un certain nombre de blessures accompagnées des symptômes de longue durée suivants : douleurs faciales et difficultés respiratoires (déviation de la cloison nasale), coup de fouet cervical, cervicales, nystagmus, trouble dépressif majeur, douleurs myofaciales et douleurs chroniques, incontinence, problèmes abdominaux qui ont entraîné une hystérectomie et du diabète (diagnostiqué plus tard, mais elle affirme que cela a été causé par une prise de poids et de la sédentarité qui, elles, ont été causées par ses autres blessures). Elle n’a pas travaillé depuis son accident en novembre 2008.

[2] Au moment où elle a fait une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, l’appelante a affirmé qu’elle était invalide à cause de ces blessures. L’intimé a rejeté sa demande initialement et après révision. L’appelante a porté en appel la décision de révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en avril 2013 aux termes de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Celle-ci a tenu une audience et a rejeté l’appel le 28 janvier 2015.

[3] L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Le 7 mai 2015, la permission d’en appeler a été accordée.

[4] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit les activités du Tribunal. Les articles 58 et 59 de la Loi sur le MEDS énoncent les seuls moyens d’appel que la division d’appel peut prendre en considération lors d’un appel et énonce la réparation que la division d’appel peut accorder pour un appel (voir la section « Annexe » de cette décision).

[5] Cet appel a eu lieu en personne et par téléconférence, compte tenu des facteurs suivants :

  1. la complexité des questions en litige ;
  2. les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires ;
  3. le fait que l’appelante ou les autres parties étaient représentées ;
  4. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Norme de contrôle

[6] Les parties ont présenté des observations sur la norme de contrôle que devrait appliquer la division d’appel aux décisions de la division générale du Tribunal. L’arrêt de principe applicable est l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que, lors du contrôle d’une décision concernant des questions de fait, des questions mixtes de fait et de droit ou des questions de droit se rapportant à la loi constitutive du tribunal, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, c’est-à-dire qu’il faut déterminer si la décision du tribunal fait partie des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Quant à la norme de contrôle de la décision correcte, on doit l’appliquer aux questions de compétence et aux questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et sont étrangères au domaine d’expertise de l’arbitre.

[7] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, et dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Paradis, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale ne devrait pas assujettir les appels dont elle est saisie à une analyse relative à la norme de contrôle, mais devrait plutôt déterminer si l’un des moyens d’appel énoncés à l’article 58 de laLoi sur le MEDS a une chance de succès. Le représentant de l’appelante s’est référé à cette décision et a fait valoir qu’aucune norme de contrôle ne devrait être appliquée en l’espèce par la division d’appel et que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard de la décision de la division générale au sujet des questions soulevées. Il affirme en outre que la division générale, dans cette affaire, n’était pas mieux placée pour entendre les témoignages et tirer des conclusions de fait ou de crédibilité, car l’audience a eu lieu par téléphone. En fait, il affirme que la division d’appel était mieux placée pour évaluer la preuve et la crédibilité, car elle a vu l’appelante pendant la partie de l’audience en personne et avait accès à l’enregistrement audio de l’audience auprès de la division générale.

[8] Le représentant de l’appelante s’est référé au libellé du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il a affirmé que le libellé indique clairement que si une erreur de droit était décelée, cela signalerait la fin de l’instruction et l’appel serait accueilli. Si la question en litige était une erreur mixte de fait et de droit, comme dans l’affaire présente, cela serait du ressort de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS et devrait être traité comme une erreur de droit, car il y un aspect de droit à considérer. Il s’est également référé à la déclaration de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Paradis selon laquelle aucune déférence ne s’imposait à la division d’appel envers la division générale, afin d’étayer son argument selon lequel la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence envers les erreurs de fait.

[9] En revanche, la représentante de l’intimé a fait valoir que la division générale était mieux placée que la division d’appel pour entendre et apprécier la preuve présentée sur le bien-fondé de cette affaire. Bien que la division d’appel pourrait écouter l’enregistrement audio de l’audience auprès de la division générale, elle ne pourrait pas interroger l’appelante ou évaluer sa crédibilité. Je suis d’accord. Il n’appartient pas à la division d’appel du Tribunal d’entendre et d’apprécier la preuve, et de tirer des conclusions sur la crédibilité. La jurisprudence indique également clairement qu’il n’appartient pas à la division d’appel d’entendre de nouveaux arguments qui sont présentés en appel à moins que ceux-ci fassent référence à l’un des moyens d’appel prévus par la Loi sur le MEDS (veuillez consulter l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300).

[10] La représentante de l’intimé a fait valoir que le libellé du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS indique clairement que la division d’appel doit intervenir si une erreur de droit a été commise dans une décision de la division générale, que cette erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. L’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS autorise la division d’appel d’intervenir sur des erreurs de fait si celles-ci ont été commises de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour un appelant, il s’agit d’un critère plus exigeant à remplir qu’une erreur de droit, et cela indique qu’une certaine déférence doit être démontrée à l’égard de la division générale sur des questions de fait.

[11] En ce qui a trait aux questions mixtes de fait et de droit, l’intimé s’est référé à la décision de la Cour d’appel fédérale Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1. Dans cette affaire, la Cour déclare que lorsqu’une nouvelle loi est calquée sur une loi déjà existante, le Parlement est réputé être au courant de cela, et par conséquent, les décisions en vertu de la législation existante sont pertinentes et persuasives. La représentante soutient que le libellé de la Loi sur le MEDS et celui de la Loi sur l’assurance-emploi sont pratiquement identiques, donc les décisions des juges-arbitres prises en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi ont un caractère persuasif dans les affaires dont est saisi le Tribunal. Le Bureau du juge-arbitre a toujours conclu que les questions mixtes de fait et de droit devaient être considérées selon la norme de la décision raisonnable. Ainsi, la déférence est de mise à l’endroit de la division générale quant aux questions mixtes de fait et de droit.

[12] J’ai examiné les arguments des parties ainsi que le droit applicable à la question de norme de contrôle. Je suis d’accord que je dois déterminer si au moins un des moyens d’appel figurant au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a une chance de succès. Cette affaire porte sur des questions de droit et des questions mixtes de fait et de droit. La Loi sur le MEDS indique clairement que la division d’appel doit intervenir lorsqu’une erreur de droit a été commise, que cette erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. La division d’appel n’avait pas à faire preuve de déférence à l’égard de la division générale en ce qui a trait à ces questions.

[13] La Loi sur le MEDS n’apporte pas de précision sur les questions mixtes de fait et de droit. Je comprends l’argument de l’appelante selon lequel la Loi sur le MEDS confère des avantages, et par conséquent, comme il est indiqué dans l’affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R. C. S. 27, elle doit être interprétée au sens large. Cependant, je ne suis pas convaincue que cela mène à la conclusion que les questions mixtes de fait et de droit doivent être traitées de la même façon que les questions purement de droit. Un appel à la division d’appel n’est pas une audience de novo. La division d’appel n’entend pas la preuve en première instance, n’apprécie pas celle-ci et ne tire aucune conclusion quant à la crédibilité. C’est la tâche de la division générale à titre de juge des faits. L’on doit faire preuve de déférence à l’égard de la division générale sur des questions de fait. Si une erreur mixte de fait et de droit a pu entraîner une conclusion de fait erronée, alors la division d’appel devrait faire preuve de déférence à l’égard de la décision de la division générale. Cependant, si une erreur mixte de faits et de droit a comme résultat que la mauvaise loi est appliquée aux faits, la division d’appel n’a pas à faire preuve de déférence à l’égard de la division générale, et cette erreur devrait être traitée comme une erreur de droit (veuillez consulter l’affaire Housen c. Nikolaisen, 2002, SCC 33).

Analyse

[14] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel pour de nombreux motifs. Les parties ont présenté des observations sur 7 moyens d’appel. Ceux-ci sont analysés ci-après.

La division générale n’a pas tenu compte des douleurs dorsales de l’appelante lorsqu’elle a rendu sa décision :

[15] Le premier moyen d’appel auquel il faut tenir compte est de déterminer si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a analysé les maux de dos de l’appelante et leur incidence sur sa capacité de travailler. Le représentant de l’appelante soutient que l’appelante a témoigné que ses douleurs étaient l’une des raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas retourner travailler après l’accident. Il a maintenu que la décision de la division générale était axée sur le diagnostic de la cause des douleurs, décrit par l’appelante comme étant une hernie discale, et pas sur l’incidence que cela a sur ses capacités fonctionnelles.

[16] En revanche, l’intimé soutient que la conclusion tirée par la division générale selon laquelle il n’y avait aucune preuve de hernie discale et que les maux de dos n’étaient pas une invalidité grave, n’étaient pas des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve. Il soutient que la division générale a cité des rapports médicaux qui ont tenu compte de ses douleurs au dos, et mentionne le fait qu’il n’y avait aucun diagnostic pour expliquer ces douleurs. Sur le fondement de la preuve, ce qui comprend des évaluations effectuées par des spécialistes et un rapport du chiropraticien traitant, la division générale a conclu que toute blessure au dos de l’appelante n’était pas grave. La conclusion de fait était raisonnable, et l’appel n’a pas de chance de succès sur ce point.

[17] Je suis d’accord avec la représentante de l’intimé sur le fait que la décision de la division générale fait référence à la preuve écrite et orale dont elle a tenu compte pour rendre sa décision selon laquelle il n’y a aucune explication organique à ses maux de dos. La décision précise aussi que les douleurs de l’appelante provenaient de lésions aux tissus mous. Dans la décision, on a tenté de déterminer si les douleurs ont diminué avant que le traitement ne se termine en 2010 et si l’appelante s’est conformée à l’ensemble des traitements recommandés. Dans la décision, il n’y a pas d’analyse de l’incidence de ces douleurs sur les capacités de l’appelante à exercer une occupation véritablement rémunératrice pour décider si son invalidité était grave. Cela est une erreur de fait. Cependant, pour qu’une erreur de fait puisse faire l’objet d’une révision conformément à l’article 58 de la Loi sur le MEDS, elle doit avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Je ne suis pas convaincue que cette erreur ait été commise de cette façon puisque le fondement probatoire de la conclusion de fait est énoncé.

La division générale n’a pas tenté de déterminer si l’état de l’appelante a empiré après la fin du traitement en 2010 :

[18] La permission d’interjeter appel a été accordée sur la base que la division générale pourrait avoir commis une erreur, car elle n’a pas tenté de déterminer si l’état de l’appelante a empiré après la fin de certains traitements médicaux en 2010. Le représentant de l’appelante affirme que la division générale a mal interprété la gravité de la détérioration de son état de santé et que la division générale a commis une erreur en ignorant le témoignage de l’appelante dans lequel elle disait qu’elle n’aurait pas pu continuer à travailler même si son traitement avait continué.

[19] L’intimé a affirmé que la division générale aurait peut-être dû être moins ambiguë dans son examen de cette question. Cependant, au regard des faits, il n’était pas clair quels traitements ont pris fin. Les éléments de preuve ont permis d’établir que les traitements chiropratiques ont continué jusqu’à la date de l’audience. Les massages thérapeutiques et l’acuponcture ont arrêté, mais les éléments de preuve laissent entendre que ces traitements n’étaient pas bénéfiques, de toute façon. La représentante de l’intimé a indiqué que dans l’alternative, si la division générale a commis une erreur à ce sujet, elle ne l’a pas fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[20] À la lecture de la décision de la division générale, il n’est pas clair quels traitements ont pris fin en 2010 et pourquoi. Cependant, dans la décision, il est indiqué que l’appelante allait mieux en 2010 et qu’elle suivait divers traitements, et que son état a empiré après la fin de ses traitements. Ce faisant, la division générale n’a commis aucune erreur. L’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

La division générale n’a pas fourni de raisons pour préférer certains éléments de preuve contradictoires :

[21] Dans l’arrêt R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, la Cour suprême du Canada a clairement énoncé les buts de fournir les motifs d’une décision. Les buts en question sont les suivants : cela permet aux parties de prendre connaissance de la décision qui a été rendue, de savoir pourquoi cette décision a été rendue et de permettre la révision efficace d’un appel. Dans cette décision, il est également indiqué que pour accomplir cela, le décideur devrait fournir les motifs des conclusions de fait qu’il a tirées à la lumière d’éléments de preuve contradictoires en fonction desquels dépend l’issue de l’affaire.

[22] La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle (2003 CAF 92) est également instructive. Dans cette affaire, comme dans la présente affaire, il y avait de nombreux rapports médicaux qui présentaient différentes conclusions à la question à savoir si la prestataire était capable de travailler. La Cour a alors indiqué ceci :

[...] en omettant d’expliquer pourquoi elle rejetait la masse fort considérable d’éléments de preuve apparemment dignes de foi indiquant que l’invalidité de Mme Quesnelle n’était pas « grave », la Commission a omis de s’acquitter de l’obligation élémentaire qui lui incombait de prononcer des motifs suffisants à l’appui de sa décision. La grosseur et la complexité du dossier dont la Commission disposait exigeaient une analyse de la preuve qui permettrait aux parties et, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, à la Cour, de comprendre pourquoi la Commission était arrivée à sa décision malgré la multitude d’éléments de preuve apparemment dignes de foi allant en sens contraire.

[23]  Dans cette affaire, il y avait un grand nombre d’éléments de preuve médicale préparés principalement pour aider les parties dans les litiges liés à l’accident de la route. L’appelante soutenait que la division générale n’avait pas motivé les conclusions de fait tirées sur des éléments de preuve contradictoires, et qu’elle a négligé à tort les éléments de preuve médicale qui étaient datés d’après la période minimale d’admissibilité (la date à laquelle un prestataire doit avoir été réputé invalide pour être admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada), même si certains des rapports décrivaient son état avant la période minimale d’admissibilité. En outre, le représentant de l’appelante a affirmé que la division générale a ignoré des rapports médicaux à l’appui de sa demande d’invalidité, car on n’y fait pas du tout mention dans la décision. Le représentant de l’appelante a invoqué dans ses observations écrites, des extraits de plusieurs rapports médicaux à l’appui de la demande de l’appelante. Ces rapports ont été écrits en temps opportun, c’est-à-dire, en 2010, année de la période minimale d’admissibilité.

[24]  La représentante de l’intimé a fait valoir qu’il n’y avait pas de rapports médicaux contradictoires, car tous les spécialistes de chaque discipline médicale ont tiré des conclusions similaires (p. ex., tous les neurologues ont conclu que l’appelante ne présentait aucun trouble neurologique pouvant l’empêcher de travailler). Subsidiairement, la représentante a fait valoir que les exigences strictes pour donner des motifs en la matière, comme énoncé dans l’affaire Sheppard, ne devraient pas s’appliquer à un tribunal administratif. De plus, elle soutient que la décision de la division générale était raisonnable en la matière puisqu’elle était fondée sur des éléments de preuve médicale dont la date se rapprochait de la date de fin de la période minimale d’admissibilité.

[25] Je ne souscris pas à l’argument de l’intimé selon lequel il n’y avait pas d’éléments de preuve contradictoire. Je suis d’accord que certains spécialistes du même domaine médical ont tiré des conclusions semblables. Cependant, il y avait un ensemble d’éléments de preuve qui permettait de conclure que l’appelante était invalide ou qu’elle n’était pas en mesure de travailler en raison de ses blessures. La décision de la division générale ne fait pas état de ces rapports. Il semblerait que la division générale n’a pas examiné ces éléments de preuve. La décision de la division générale était seulement fondée sur les rapports médicaux qui allaient à l’encontre de la position de l’appelante. Par conséquent, la division générale n’a pas accompli son devoir qui était de fournir des motifs valables pour appuyer sa décision comme énoncé dans l’affaire Quesnelle.

[26] De plus, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, qui est un appel dans un contexte du droit administratif, la Cour suprême du Canada a encore une fois affirmé que les motifs d’une décision devraient permettre au lecteur de comprendre pourquoi la décision a été rendue et permettre une révision en appel. S’il n’y a pas une certaine analyse des éléments de preuve médicale, le but pour lequel des motifs écrits sont donnés n’est pas atteint.

[27] Sur ce fondement, je suis convaincue que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui ne tenait pas compte de l’ensemble des éléments de preuve médicale, en raison des rapports médicaux opportuns à l’appui de la demande de l’appelante.

[28] De même, je suis convaincue que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a sous-estimé l’importance à accorder aux rapports médicaux sur le seul fondement que ceux-ci ont été rédigés après la période minimale d’admissibilité. Je souscris à l’argument avancé par le représentant de l’appelante selon lequel un tel rapport peut s’avérer utile s’il fait mention de l’état de l’appelante avant cette date. Certains de ces rapports l’ont fait et auraient dû être considérés.

[29] Les motifs de la décision étaient également inadéquats, car ils n’indiquaient pas dans quelle mesure les éléments de preuve médicale ont été appréciés ni pourquoi certains éléments de preuve ont été préférés.

[30] Enfin, à cet égard, le représentant de l’appelante a avancé que la division générale n’a pas tenu compte du fait que les rapports médicaux sur lesquels elle s’est fondée pour rendre sa décision ont été rédigés par des professionnels de la santé embauchés par l’assureur automobile, et qu’il est dans l’intérêt de celui-ci de conclure que les victimes d’un accident ne sont pas blessées et n’ont pas besoin de traitement. Cet argument fait valoir l’importance qui devrait être accordée aux rapports médicaux. Je ne sais pas si cet argument a été invoqué devant la division générale. Il revenait à la division générale et non à la division d’appel d’apprécier la preuve, donc je n’en ai pas été convaincue.

La division générale n’a pas tenu compte d’aucune explication raisonnable fournie par l’appelante selon laquelle elle ne s’est pas cherché un autre travail :

[31] La Cour d’appel fédérale dans l’affaire Inclima c. Canada (Procurreur général), 2003 CAF 117 a indiqué que si des éléments de preuve laissent entendre que le demandeur est apte à travailler, ce dernier doit prouver que les efforts qu’il a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé. Dans d’autres décisions, il est également indiqué que si aucune tentative n’a été faite pour se trouver un autre emploi, il faut établir s’il y avait une explication raisonnable pour ne pas s’être cherché un emploi (veuillez consulter la décision Boyle c. Ministre du Développement des ressources humaines, 10 juin 2003, CP18508 PAB). Dans cette affaire, la permission d’en appeler a été accordée pour la raison que la division générale n’avait peut-être pas tenu compte de l’explication raisonnable de l’appelante pour ne pas s’être cherché un autre emploi. Le représentant de l’appelante a fait valoir que les éléments de preuve de l’appelante à l’appui de ses symptômes médicaux et le fait qu’elle ne serait pas une employée fiable était une explication raisonnable à la question de savoir pourquoi elle ne s’est pas cherché un autre emploi, en plus de son affirmation qu’elle ne pouvait pas travailler. À l’inverse, la représentante de l’intimé a fait valoir qu’il n’y avait pas d’élément de preuve à l’appui expliquant pourquoi elle ne s’est pas cherché un autre emploi.

[32] La décision dans l’affaire Boyle est instructive en ce qui concerne cette question. Dans cette affaire, le prestataire ne s’est pas cherché un autre emploi, car on lui avait assuré que son dernier emploi était disponible et qu’il pourrait y retourner quand il le désire. Dans la présente affaire, aucun élément de preuve de la sorte n’a été présenté à la division générale. Bien que je reconnaisse que l’appelante travaillait comme préposée au service à la clientèle lorsqu’elle a eu son accident de la route, il n’y a aucun élément de preuve indiquant que son employeur lui gardait son poste pour une durée indéterminée. Il n’y avait aucun élément de preuve à l’appui de toute autre explication donnée pour ne pas s’être cherché un autre emploi. L’appel ne saurait être accueilli sur le fondement de ce moyen d’appel, car aucun fondement probatoire n’a été fourni pour appuyer l’argument présenté en appel.

[33] Le représentant de l’appelante a également soutenu que l’exigence légale de se chercher un emploi et de démontrer qu’elle ne peut pas trouver ou conserver un emploi à cause de son invalidité déclarée n’est pas juste, n’est pas fondé sur la loi et n’est d’aucune valeur. Il a exhorté le Tribunal a renoncé à applique cette exigence légale. En toute déférence, cette exigence légale est raisonnable et rationnelle. Pour qu’un prestataire reçoive une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, il doit respecter une norme élevée. Elle doit être régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 a clairement indiqué que des éléments de preuve médicale et la preuve d’efforts déployés pour se trouver un emploi sont nécessaires. Ce raisonnement a été admis et invoqué par plusieurs cours et tribunaux. Aucun motif n’existe dans la loi pour ne pas appliquer cette exigence légale, car elle est fondée sur le libellé de la législation. Bien que le critère dans l’affaire Inclima n’est pas prévu par la législation, il a été énoncé clairement et à maintes reprises dans des décisions qui lient ce Tribunal. De plus, je ne suis pas convaincue que ce critère juridique est injuste. Un prestataire a le fardeau de la preuve. Fournir des éléments de preuve démontrant les efforts du prestataire à se trouver un autre emploi aide celui-ci à s’acquitter de son fardeau.

[34] La décision de la division générale invoque également, relativement aux exigences de se chercher un autre emploi, que l’appelante n’a pas participé à un programme de gestion de la douleur chronique malgré les recommandations de plus d’un médecin. Elle s’est fondée sur le fait qu’elle n’a pas suivi ce programme de traitement pour rendre sa décision. Le représentant de l’appelante a soutenu que l’appelante a suivi tous les traitements recommandés à l’exception de celui-ci, et qu’elle ne devrait pas être pénalisée parce qu’elle n’a pas suivi un seul des traitements recommandés.

[35] Les représentants des deux parties s’entendent pour dire, tout comme moi, qu’un prestataire d’une pension d’invalidité est tenu de suivre les recommandations de traitement ou de fournir une explication raisonnable pour ne pas l’avoir fait. La décision de la division générale n’indique aucune explication fournie par l’appelant pour justifier le fait qu’elle n’a pas suivi le programme de gestion de la douleur chronique. Elle a accordé de l’importance à la conclusion de fait selon laquelle elle n’a pas suivi ce programme. Je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur en tirant cette conclusion de fait.

[36] L’intimé a également indiqué qu’en avançant ces arguments précis liés à des conclusions de fait erronée, l’appelante cherchait à ce que la division d’appel évalue à nouveau la preuve présentée devant la division générale pour arriver à une conclusion différente. Là encore, il n’appartient pas à la division d’appel de réapprécier la preuve. Elle doit plutôt décider si l’appel a une chance de succès selon les articles 58 et 59 de la Loi sur le MEDS. L’appel ne saurait être accueilli sur le fondement de ce moyen d’appel.

La division générale n’a peut-être pas tenu compte de l’effet cumulatif de tous les problèmes de santé :

[37] La loi est claire sur le fait que pour déterminer si un prestataire est invalide au sens du Régime de pensions du Canada, il faut tenir compte de tous ses problèmes de santé, pas seulement de ceux les plus graves (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). La permission d’en appeler a été accordée en l’espèce, car la division générale n’a peut-être pas tenu compte de l’effet cumulatif de tous les problèmes de santé de l’appelante sur sa capacité de travailler. L’appelante a fait valoir que son incontinence, sa diverticulite, sa dépression, son trouble de stress post-traumatique et ses troubles du sommeil font en sorte qu’elle n’est pas en mesure de travailler de façon régulière et prévisible. Le représentant s’est aussi référé à la décision L.F. c. ministre du Développement des ressources humaines, 20 septembre 2010, CP 26809 (CAP) dans laquelle il est indiqué que pas tous les emplois sont des occupations véritablement rémunératrices, et que pour l’être, l’emploi doit être enrichissant et être dans un milieu concurrentiel sans avoir besoin de mesures d’adaptation. Le représentant de l’appelant a soutenu que la division générale n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif des problèmes de l’appelante lorsqu’elle a déterminé ceci. Il a fait valoir qu’à cause de l’incontinence de l’appelante, elle nécessiterait des pauses fréquentes pour aller aux toilettes lorsqu’elle serait au travail et elle ne serait pas capable d’être fiable au travail, ce dont la division générale n’a pas tenu compte.

[38] La représentante de l’intimé s’est référé à la décision Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82 pour appuyer son argument selon lequel la division générale n’est pas tenue de se référer à chacun des éléments de preuve qui lui sont présentés afin de rendre sa décision. Elle a aussi laissé entendre que la division générale a tenu compte de l’incontinence d’urine et intestinale de l’appelante dans le contexte de sa douleur, et s’est référée aux rapports médicaux qui indiquaient qu’elle souffrait de douleurs dans le bas du dos. Elle a affirmé que cela démontrait que la division générale a tenu compte de l’incontinence de l’appelante lorsqu’elle a rendu sa décision. Elle a également indiqué que les éléments de preuve médicale suggéraient que ces problèmes de santé n’étaient pas graves et auraient pu avoir subi un enrobage fonctionnel.

[39] La décision de la division générale mentionne à peine l’incontinence d’urine et intestinale de l’appelante ou leurs incidences sur l’appelante. Je ne peux accepter que la division générale ait tenu compte de ces problèmes de santé dans le contexte de la douleur de l’appelante. Il s’agit de problèmes de santé différents qui sont traités de manière très différente et qui peuvent avoir plusieurs impacts sur la capacité de travailler de l’appelante. La décision n’a pas du tout analysé ces problèmes de santé. De plus, les impacts de ces problèmes de santé sur la capacité de travailler de l’appelante n’ont pas été considérés.

[40] Je suis convaincue que la division générale n’a pas tenu compte de l’incontinence de l’appelante lorsqu’elle a rendu sa décision en la matière.

[41] La représentante de l’intimé a aussi indiqué qu’il était raisonnable que la division générale n’accorde pas d’importance aux éléments de preuve concernant sa dépression et ses autres troubles mentaux, car ceux-ci n’avaient pas été désignés comme étant des problèmes de santé existants avant sa période minimale d’admissibilité. Sa première consultation en santé mentale était seulement après cette date. En réponse à cela, le représentant de l’appelante a indiqué que malgré le fait que le médecin de famille n’a simplement pas indiqué de troubles mentaux au moment où il a rempli le rapport médical qui accompagnait la demande de pension d’invalidité, cela ne signifie pas pour autant que ce problème de santé n’existait pas. Il serait déraisonnable de s’attendre à ce que le médecin de famille indique chaque maladie dans une affaire comme celle-ci où il y a un aussi grand nombre de problèmes de santé.

[42] Aucun des deux représentants, dans leurs observations orales ou écrites, n’a fait référence à des éléments de preuve indiquant des troubles mentaux avant la période minimale d’admissibilité, bien qu’il y avait des éléments de preuve qui indiquaient que l’appelante souffrait de douleurs chroniques et de fibromyalgie, lesquels sont souvent accompagnés de troubles mentaux, du moins en ce qui concerne le traitement. Sans élément de preuve que l’appelante souffrait de maladie mentale avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, je ne peux pas conclure que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de ce problème spécifique.

[43] Cependant, rien dans la décision de la division générale n’indiquait qu’elle a tenu compte de l’effet cumulatif de tous les problèmes de santé de l’appelante sur sa capacité à travailler, y compris son incontinence et sa diverticulite. La division générale a commis une erreur de droit en agissant de la sorte.

La division générale a peut-être appliqué le mauvais critère pour une invalidité grave :

[44] L’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada prévoit qu’une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’appelante a fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a indiqué au paragraphe 70 de sa décision que [traduction] : [l’appelante] aurait dû être capable de travailler à un certain degré". Le représentant a fait valoir que cela est différent d’être capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur de façon régulière. Il a soutenu que, même si le caractère juridique approprié a été énoncé au paragraphe 7 de la décision, cela n’était qu’un [traduction] "copier-coller de quelque part", mais que l’énoncé au paragraphe 70 était la [traduction] "réflexion qui a mené à la décision prise en la matière". Le représentant de l’appelante s’est également fondé sur la décision Carvery c. ministre du Développement des ressources humaines, (31 janvier 2003) CP18772 (CAP) dans laquelle le membre avait conclu que la capacité à travailler un total de 14 à 16 heures par semaine n’était pas véritablement rémunérateur, car une semaine régulière de travail est de 37 à 40 heures. Il a indiqué que pour qu’un emploi soit considéré comme une occupation véritablement rémunératrice, il faut travailler pendant au moins 30 heures chaque semaine.

[45] La représentante de l’intimé a fait valoir que la division générale a paraphrasé le critère juridique relatif à une invalidité grave au paragraphe 70 de la décision et a énoncé correctement le critère au paragraphe 7. Elle s’est fondé sur la décision de la cour dans l’affaire Ministre du Développement des ressources humaines c. Quesnelle, 2003 CAF 92. Dans cette affaire, le membre a conclu que bien qu’il soit peu judicieux que le décideur paraphrase la législation, il ne s’agissait pas d’une erreur de droit.

[46] Je reconnais que la division générale a paraphrasé le critère juridique relatif à une invalidité grave au paragraphe 70 de la décision. Elle a invoqué correctement le critère au paragraphe 7. Bien que la formulation au paragraphe 7 pourrait avoir été copiée-collée de la législation, cela n’enlève rien au fait qu’il a été énoncé correctement. En outre, la division générale a invoqué et appliqué la jurisprudence à bon droit comme il est établi dans les affaires Villani, Inclima et dans d’autres décisions exécutoires aux faits qui lui ont été présentés, y compris les éléments de preuve concernant la capacité de l’appelante à exercer un emploi véritablement rémunérateur. À l’évidence, la division générale connaissait la définition du terme "grave" et en a tenu compte.

[47] J’écarte l’argument du représentant de l’appelante selon lequel une occupation, pour être véritablement rémunératrice, doit être exercée pour un minimum de 30 heures par semaine. Ce n’est pas ce que le Régime de pensions du Canada exige. Il exige, du moins en partie, un emploi qui est exercé sans mesures d’adaptation excessives et qui est rémunéré de manière raisonnable (veuillez consulter l’affaire Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187). Toutefois, il n’est pas nécessaire que je tranche sur la question à savoir si l’occupation de l’appelante était véritablement rémunératrice, car elle n’a pas du tout travaillé à la suite de l’accident.

Conclusion

[48] Pour les motifs susmentionnés, je suis convaincue que la décision de la division générale contenait des erreurs de telle sorte que l’appel doit être accueilli en vertu de l’article 58 de la Loi sur le MEDS. La division générale n’a pas tenu compte de tous les problèmes de santé de l’appelante ni de leur effet cumulatif sur sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice, a tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance, a commis une erreur de droit et les motifs de la décision étaient insuffisants à certains égards.

[49] L’article 59 de la Loi sur le MEDS énonce la réparation que la division d’appel peut accorder pour un appel. Dans cette affaire, il n’est pas approprié pour la division d’appel de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, car je n’ai pas entendu la preuve en la matière. L’affaire est renvoyée à la division générale pour révision. Afin d’éviter toute possibilité de crainte de partialité, la décision actuelle de la division générale devrait être retirée du dossier et l’affaire devrait être confiée à un autre membre de la division générale.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58.(1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58.(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

59.(1) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.