Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) à deux reprises. Les demandes découlaient des mêmes blessures qu’il a subies au travail en mai 2010. À deux occasions, l’intimé a refusé la demande au stade initial et, dans des lettres de décisions datées du 12 octobre 2011 et du 16 octobre 2013, après révision. L’appelant a porté les deux décisions en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 19 septembre 2014, soit après le délai prévu à l’article 52 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Questions en litige

Première question en litige – décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011

[2] Le Tribunal doit déterminer s’il peut accorder à l’appelant une prorogation du délai pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011, soit avant l’entrée en vigueur du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

Seconde question en litige – décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013

[3] S’il advenait que la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision du 12 octobre 2011 soit refusée, le Tribunal doit ensuite déterminer s’il peut accorder la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision du 16 octobre 2013.

Analyse

Première question en litige – décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011

[4] Lorsque l’appelant a été informé de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011, le paragraphe 82(1) du RPC s’appliquait et prévoyait qu’un appel interjeté contre une décision découlant de la révision peut être présenté dans les 90 jours suivant la date à laquelle l’appelant a reçu communication de la décision ou dans un plus long délai si la Commission des tribunaux de révision l’autorise. En avril 2013, la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable a introduit des modifications à la façon dont les appelants peuvent interjeter appel de décisions rendues par l’intimé en vertu du RPC. Plus particulièrement, le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS permet maintenant la prorogation du délai au cours duquel il est possible d’interjeter appel d’une décision découlant d’une révision devant le Tribunal, mais l’appel ne peut pas être déposé plus d’un an après la communication de la décision découlant de la révision à l’appelant. Le Tribunal estime que le délai maximal d’un an prévu au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS ne s’applique pas aux appelants qui ont été avisés d’une décision découlant d’une révision avant le 1er avril 2013. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a tenu compte des règles de l’interprétation d’un texte de loi et plus précisément de la règle voulant qu’une loi ne doit pas être interprétée comme ayant une application rétrospective. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il faut interpréter le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS comme s’appliquant uniquement aux appelants ayant reçu une décision de révision le 1er avril 2013 ou après cette date, ce qui n’est pas le cas de l’appelant relativement à la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011.

[5] Le Tribunal conclut que l’appel a été déposé bien après le délai de 90 jours. La décision découlant de la révision de l’intimé était datée du 12 octobre 2011. L’appelant n’a pas précisé la date où il a reçu la décision découlant de la révision. Cependant, même si le Tribunal devait accorder un délai généreux pour la communication à l’appelant de la décision découlant de la révision, il est évident que l’appelant n’a pas interjeté appel dans un délai de 90 jours. L’appelant n’a pas interjeté appel devant le Tribunal pendant presque trois avant de le faire le 19 septembre 2014.

[6] Pour déterminer s’il faut proroger le délai pour interjeter appel de la décision du 12 octobre 2011, le Tribunal a examiné et apprécié les quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204; voir également la récente décision rendue par la division d’appel dans AD-15-262).

Intention constante de poursuivre l’appel

[7] L’appelant doit démontrer qu’il a formé l’intention de poursuivre l’appel dans le délai de 90 jours et de manière continue par la suite (Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1985 2 C.F. 263 (C.A.); Doray c. Canada, 2014 CAF 87).

[8] L’appelant soutient que, au lieu d’interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011, il a présenté une demande au programme Ontario au travail.

[9] L’appelant n’a pris aucune mesure pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011 avant le 16 septembre 2014, soit presque trois ans plus tard.

[10] Rien ne prouve que l’appelant a formé l’intention de poursuivre l’appel dans le délai de 90 jours et qu’il a fait preuve d’une diligence raisonnable dans la poursuite de son appel.

[11] Le Tribunal estime que l’appelant n’avait pas l’intention constante de poursuivre l’appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011.

Cause défendable

[12] L’appelant prétend qu’il ne pouvait plus travailler en raison de ses troubles médicaux à partir du 27 mai 2010. Il décrit ceux-ci comme étant des problèmes graves aux épaules, aux genoux, au pied, aux mains et au dos, et une dépression.

[13] En l’espèce, l’appelant devrait établir qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC le 31 décembre 2012 ou avant cette date, qui constitue la date de fin de la période minimale d’admissibilité versée au dossier.

[14] Le Tribunal est convaincu qu’il existe une preuve médicale relative aux troubles médicaux de l’appelant vers la date de fin de la période minimale d’admissibilité.

[15] Le Tribunal estime, selon les observations de l’appelant et la preuve médicale versée au dossier, qu’il existe une cause défendable en l’espèce.

Explication raisonnable du retard

[16] L’appelant soutient qu’il n’avait pas compris ses droits d’appel et que, au lieu d’interjeter appel de l’affaire devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, il a présenté une demande au programme Ontario au travail. Il soutient que son niveau d’études le plus élevé qu’il a obtenu est une sixième année au Portugal, son pays d’origine. Il soutient qu’il a une compréhension limitée de l’anglais et une capacité de compréhension de l’écrit encore plus limitée. Lorsqu’il a présenté une demande de prestations du RPC, les formulaires ont été remplis par son représentant syndical, car il possède sa capacité d’expression écrite en anglais est limitée.

[17] Les mesures requises pour interjeter appel ne sont pas particulièrement exigeantes. La décision découlant de la révision comprenait des instructions claires expliquant la façon d’interjeter appel et précisant qu’un avis d’appel doit être présenté dans les 90 jours suivant la réception de la décision. L’appelant n’a pris aucune mesure pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011 avant le 16 septembre 2014, soit presque trois ans plus tard. Par conséquent, l’appelant n’a pas convaincu que le Tribunal qu’il y avait une explication raisonnable pour justifier le retard.

[18] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas fourni une explication raisonnable pour justifier le retard du dépôt de l’appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011.

Préjudice à l’autre partie

[19] Les intérêts de l’intimé ne semblent pas avoir subi un préjudice en raison de la courte période qui s’est écoulée depuis que la décision découlant de la révision a été rendue. La capacité du ministre à se défendre, compte tenu de ses ressources, ne serait pas indûment amoindrie advenant la prorogation du délai pour faire appel.

Conclusion

[20] Le critère établi dans l’arrêt Gattellaro est censé être un critère souple en fonction duquel le décideur attribue le poids approprié à chacun des facteurs selon les circonstances (Canada (Procureur général) c. Pentney, 2008 CF 96).

[21] En l’espèce, le Tribunal accorde plus d’importance au fait que l’appelant n’avait pas l’intention constante de poursuivre l’appel et qu’il n’a pas fourni une explication raisonnable pour justifier la poursuite de l’appel après un retard de presque trois ans. Ces facteurs favorisent le refus de la prorogation du délai à l’appelant pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011.

[22] Compte tenu des facteurs prévus dans l’arrêt Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, le Tribunal refuse la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011.

Seconde question en litige – décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013

[23] En ce qui concerne la seconde question en litige, le Tribunal estime que l’appel a été interjeté après le délai de 90 jours. La décision découlant de la révision de l’intimé était datée du 16 octobre 2013. Le Tribunal assume que la décision découlant de la révision a été envoyée à l’appelant par la poste. Il admet d’office que le courrier au Canada est généralement reçu dans un délai de 10 jours. Par conséquent, il est raisonnable d’estimer que la décision découlant de la révision a été communiquée à l’appelant au plus tard le 26 octobre 2013.

[24] Conformément à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le MEDS, l’appelant avait jusqu’au 24 janvier 2014 pour interjeter appel.

[25] L’appelant a interjeté appel le 16 septembre 2014, soit après le délai de 90 jours, mais dans l’année suivant la communication de la décision découlant de la révision.

[26] Pour déterminer s’il faut proroger le délai pour interjeter appel, le Tribunal a examiné et apprécié les quatre facteurs énoncés dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204; voir également la récente décision rendue par la division d’appel dans AD-15-262).

Intention constante de poursuivre l’appel

[27] L’appelante soutient que, durant le délai pour interjeter appel, il a fourni la décision découlant de la révision à son parajuriste qui l’aidait dans le cadre d’un appel devant le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. Il s’attendait à ce que son représentant assure la protection de ses droits. Lorsqu’il a retenu les services d’un nouveau parajuriste, il a appris qu’aucune mesure n’avait été prise à l’égard de son appel concernant les prestations d’invalidité du RPC.

[28] Le Tribunal accepte cette explication et estime que l’appelant avait l’intention constante de poursuivre l’appel de la décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013.

Cause défendable

[29] L’appelant prétend qu’il ne pouvait plus travailler en raison de ses troubles médicaux à partir du 30 mai 2010. Il décrit les troubles médicaux comme étant une douleur à l’épaule et une douleur et un engourdissement au pied.

[30] En l’espèce, l’appelant devrait établir qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC le 31 décembre 2012 ou avant cette date, qui constitue la date de fin de la période minimale d’admissibilité versée au dossier.

[31] Le Tribunal est convaincu qu’il existe une preuve médicale relative aux troubles médicaux de l’appelante vers la date de fin de la période minimale d’admissibilité.

[32] Le Tribunal estime, selon les observations de l’appelant et la preuve médicale versée au dossier, qu’il existe une cause défendable en l’espèce.

Explication raisonnable du retard

[33] L’appelant soutient ne pas avoir compris ses droits d’appel. Il soutient que son niveau d’études le plus élevé qu’il a obtenu est une sixième année au Portugal, son pays d’origine. Il soutient qu’il a une compréhension limitée de l’anglais et une capacité de compréhension de l’écrit encore plus limitée. Il soutient que, durant le délai accordé pour interjeter appel, il interjetait un autre appel devant le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail et qu’un parajuriste l’aidait dans le cadre de cet appel. Il soutient qu’il a fourni la décision découlant de la révision à son parajuriste et qu’il s’attendait à ce que son représentant veille à la protection de ses droits. Ce n’est que lorsqu’il a retenu les services d’un nouveau parajuriste qu’il a appris l’état de son appel relatif aux prestations d’invalidité du RPC et qu’il a pris des mesures pour compléter l’appel.

[34] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas fourni une explication raisonnable pour justifier le retard du dépôt de l’appel de la décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013.

Préjudice à l’autre partie

[35] Les intérêts de l’intimé ne semblent pas avoir subi un préjudice en raison de la courte période qui s’est écoulée depuis que la décision découlant de la révision a été rendue. La capacité du ministre à se défendre, compte tenu de ses ressources, ne serait pas indûment amoindrie advenant la prorogation du délai pour faire appel.

Conclusion

[36] Le critère établi dans l’arrêt Gattellaro est censé être un critère souple en fonction duquel le décideur attribue le poids approprié à chacun des facteurs selon les circonstances (Canada (Procureur général) c. Pentney, 2008 CF 96).

[37] En ce qui concerne cette question en litige, le Tribunal conclut que l’appelant avait l’intention constante de poursuivre l’appel de la décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013, une explication raisonnable pour justifier le retard, et une cause défendable. En l’absence de préjudice à l’égard de l’intimé et compte tenu des facteurs établis dans l’arrêt Gattellaro, le Tribunal conclu qu’il serait dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013 conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

Décision

Première question en litige – décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011

[38] Le Tribunal n’accorde pas à l’appelant la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 12 octobre 2011.

Seconde question en litige – décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013

[39] Le Tribunal accorde à l’appelant la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision découlant de la révision datée du 16 octobre 2013.

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