Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Appelante : M. K.
  • Représentant de l’intimé : Michael Stevenson
  • Observatrice : Laura Penney
  • Observatrice : Tiffany Santos

Introduction

[1] Dans sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), la requérante a indiqué être invalide en raison de migraines, d’une douleur au dos, d’autres limitations physiques ainsi que d’une dépression. L’intimé a rejeté sa demande au départ et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) en avril 2013 aux termes de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et, le 27 mai 2015, a rejeté l’appel.

[2] Le 4 septembre 2015, l’appelante a obtenu la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

[3] Cet appel a été instruit le 21 janvier 2016 par téléconférence compte tenu des raisons suivantes :

  1. La complexité des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. Le fait que l’appelante ne serait pas la seule partie présente;
  3. L’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.
  4. La nature des observations déposées par l’intimé et le fait que l’appelante n’en a déposé aucune;
  5. Le fait que l’appelante ne réside pas à proximité d’un Centre Service Canada et qu’elle ne pourrait pas facilement avoir accès à des installations permettant de tenir une audience par vidéoconférence ou en personne.

Analyse

[4] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Je dois déterminer si la décision de la division générale contenait l’une des erreurs énoncées à l’article 58 de la Loi sur le MEDS et, si le cas, la réparation qu’il convient d’accorder. Pour rendre ma décision dans la présente affaire, j’ai examiné la documentation au dossier d’appel ainsi que les observations déposées par les parties.

[5] La permission d’en appeler a été accordée au motif que la division générale a peut-être tiré une conclusion de fait erronée concernant la crédibilité de l’appelante, puisque cette conclusion était fondée en partie sur sa conclusion voulant que ce que l’appelante avait dit dans son témoignage durant l’audience sur sa capacité à s’asseoir, à se tenir debout et à effectuer d’autres activités différait de ce qu’elle avait indiqué à ce sujet dans le questionnaire qu’elle a rempli lorsqu’elle a présenté sa demande de pension d’invalidité. La décision de la division générale indiquait, plus précisément, que l’appelante avait indiqué dans le questionnaire qu’elle pouvait demeurer assise pour une durée indéfinie, rester debout pour seulement 5 minutes, marcher pour une durée maximale d’environ 60 minutes et marcher lentement pendant un maximum de 10 minutes. En revanche, l’appelante a affirmé dans son témoignage qu’elle était incapable de demeurer en position assise ou debout pendant plus de cinq minutes. La division générale a conclu que ces informations étaient contradictoires, et elle s’est basée en partie sur cette contradiction apparente pour conclure que l’appelante n’était pas un témoin crédible.

[6] L’appelante a fait valoir qu’il s’agissait d’une conclusion de fait erronée. Elle a plaidé qu’elle était encore sous l’influence des médicaments qu’elle prenait quand elle a participé à l’audience tenue devant la division générale, et que ceux-ci affectaient sa capacité à exprimer sa pensée et ses fonctions cognitives. Elle a affirmé qu’elle s’en était remise au représentant qu’il la représentait à ce moment-là pour déposer des documents et plaider sa cause, et qu’elle n’était pas satisfaite de la façon dont cela s’était déroulé. De plus, elle a soutenu avoir rempli le questionnaire en 2012, quand elle a initialement présenté une demande de pension d’invalidité. L’audience devant la division générale a été tenue en 2015, et ses affections et ses capacités avaient changé entre temps, de sorte qu’elle en avait fait rapport d’une façon différente sans être contradictoire.

[7] De son côté, l’intimé a d’abord plaidé que je ne devrais pas tenir compte de la prétention de l’appelante voulant que son témoignage ait pu être compromis sous l’influence des médicaments qu’elle prenait puisque cette question a seulement été soulevée comme motif d’appel durant l’audience de l’appel. Le représentant de l’intimé reconnaît que la division générale n’a pas fait rapport avec exactitude des limitations de l’appelante telles qu’elles étaient décrites dans le questionnaire que celle-ci avait rempli. Cependant, le représentant a fait valoir qu’une contradiction moins importante ressort de l’examen du compte rendu exact des limitations. De plus, le représentant a fait valoir que même si la division générale avait commis une erreur, il ne s’agissait pas d’une erreur qui mine le fondement de la décision qu’elle a rendue, particulièrement étant donné que les faits exacts appuyaient une conclusion selon laquelle les limitations physiques de l’appelante lui permettaient encore de demeurer assise pour de longues périodes et d’utiliser un ordinateur. Il a affirmé que ceci renforçait la décision finale voulant que l’appelante n’était pas invalide.

[8] L’appelante m’a convaincue que la division générale a erré lorsqu’elle a conclu que les limitations physiques indiquées dans le questionnaire et le témoignage de l’appelante étaient contradictoires. Je reconnais que ces limitations auraient pu changer au fil du temps. Je constate aussi que la division générale n’a pas correctement fait rapport dans sa décision de ce qui était contenu dans le questionnaire. Cependant, je ne suis pas convaincue que cette erreur était telle qu’elle justifie une intervention de la division d’appel en vertu de la Loi sur le MEDS. La division générale a examiné les éléments de preuve, le témoignage de l’appelante et d’autres éléments de preuve médicale, a soupesé la preuve puis, d’après l’ensemble de la preuve, a conclu que l’appelante n’était pas crédible. Je suis convaincue que la conclusion ayant trait à la crédibilité de l’appelante n’était pas une conclusion de fait erronée, tirée par la division générale de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

[9] Même s’il est malheureux que l’appelante n’était pas satisfaite de sa plaidoirie à l’audience tenue devant la division générale, il ne s’agit pas de quelque chose qui puisse conférer à l’appel chance de succès. Cela ne soulève aucune erreur commise par la division générale.

[10] La permission d’en appeler avait également été accordée au motif que la décision de la division générale aurait pu contenir une conclusion de fait erronée voulant qu’il n’existait aucun élément de preuve concret à l’appui de la douleur au dos de l’appelante. Dans sa décision, la division générale a noté que l’appelante souffrait d’une douleur au dos en raison de blessures dont elle avait souffert de nombreuses années avant qu’elle n’arrête de travailler. La décision indiquait que l’appelante n’avait produit que peu d’éléments de preuve, voire aucun élément de preuve au sujet de ces blessures, et qu’elle n’avait déposé aucun rapport médical ou résultat d’une imagerie diagnostique touchant la période où ces blessures sont survenues. Si elle a reconnu que le médecin de famille de l’appelante avait signalé une douleur au dos, la division générale a conclu qu’il n’y avait pas de renseignements concrets à cet effet.

[11] L’appelante a plaidé, de nouveau, qu’elle s’en était remise à son avocat pour déposer les documents pertinents à l’appui de son appel devant le Tribunal, et qu’elle n’était pas certaine si tous ces documents avaient été déposés. Dans ses observations écrites, l’appelante a également cité des rapports médicaux soulignant qu’elle souffrait d’une douleur au dos et indiquant les blessures ayant causé cette douleur, ainsi que le traitement recommandé. L’appelante a aussi soutenu que les blessures qui ont causé cette douleur sont des lésions des tissus mous que des examens diagnostiques ne décèleraient pas. Enfin, l’appelante a affirmé qu’elle était atteinte de polyglobulie, dont l’un des symptômes est l’ostéalgie, et que la division générale n’en avait pas tenu compte dans sa décision.

[12] En revanche, l’intimé a plaidé que la division générale était au courant que l’appelante se plaignait d’une douleur au dos et qu’elle avait prétendu qu’il s’agissait de l’une des raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas travailler. Le représentant de l’intimé a plaidé que la division générale avait indiqué à juste titre qu’il n’existait aucun résultat d’une imagerie diagnostique pour appuyer la prétention de l’appelante, et que la division générale n’a pas erré en affirmant qu’elle aurait préféré avoir eu cet élément de preuve pour rendre sa décision. Le représentant a également signalé que de nombreux rapports médicaux traitant de la douleur au dos de l’appelante ne laissaient pas croire qu’il y ait eu des examens plus poussés en la matière; il a insisté pour que j’accepte le fait que cette douleur ne constituait pas une invalidité grave.

[13] Un examen de la décision permet de constater que l’appelante souffrait manifestement d’une douleur au dos à la période pertinente. La cause de cette douleur était énoncée dans la décision. J’accepte également l’argument de l’appelante voulant qu’aucun examen diagnostique ne révèlerait cette douleur. La douleur est un état subjectif, qui ne peut être mesuré de manière empirique. Pour cette raison, je n’accepte pas non plus que la douleur de l’appelante n’était pas grave simplement parce qu’il n’y avait pas eu de recommandations pour des examens ou des imageries relativement à cette douleur. Bien que cela puisse être le cas, il est tout aussi plausible que de telles procédures n’ont pas été entreprises puisqu’elles ne mèneraient à aucun traitement différent ou que l’état de l’appelante ne s’en trouverait pas amélioré.

[14] Je suis convaincue que la division générale a erré en décidant qu’il n’existait aucun élément de preuve concret à l’appui de la douleur au dos de l’appelante. Sa douleur au dos a été signalée par de nombreux prestataires de soins. Nul besoin des résultats d’une imagerie diagnostique pour établir que ce problème de santé existait à la période pertinente, les traitements entrepris et son incidence sur l’appelante. Par conséquent, la conclusion de fait en question était erronée. Je suis également convaincue que la division générale a tiré cette conclusion sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance puisqu’il existait une preuve touchant cette affection.

[15] L’appelante a également plaidé qu’elle était atteinte de polyglobulie et d’une douleur au cou, au genou et à la hanche, et que la division générale n’a pas tenu compte de ces affections. Dans sa décision, la division générale ne touche que très brièvement à la douleur au cou, au genou et à la hanche. Elle a noté que l’appelante était atteinte de polyglobulie, affection qui était traitée par des médicaments et, historiquement, par des saignées. La décision n’énonçait aucun symptôme persistant de cette affection ni ses effets sur la capacité de l’appelante à travailler. Dans l’arrêt Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, la Cour d’appel fédéral a clairement indiqué que pour déterminer si un requérant est invalide, il faut tenir compte de tous ses problèmes de santé, et non seulement des détériorations les plus importantes ou de la détérioration principale. Je suis convaincue que la division générale n’a pas procédé ainsi, ce qui constitue une erreur de droit.

[16] La permission d’en appeler a été accordée au motif que la décision de la division générale n’a pas tenu compte de l’aggravation des migraines de l’appelante lorsqu’elle a cessé d’utiliser Topomax. L’appelante a affirmé que les effets secondaires de ce médicament étaient devenus insupportables puisqu’elle se sentait comme un [traduction] « zombi », n’était pas capable de s’exprimer et n’avait aucune émotion et aucun intérêt dans la vie en général. Conseillée par son docteur, elle a décidé de ne plus prendre quotidiennement des médicaments pour sa migraine, d’endurer la majeure partie de la douleur et de prendre d’autres médicaments quand la douleur devenait intolérable. C’est ce qu’elle a fait et elle est maintenant plus lucide, peut ressentir des émotions et aime la vie davantage.

[17] Le représentant de l’intimé a plaidé que la division générale a, dans sa décision, reconnu que l’appelante ne pouvait plus tolérer Topomax et que ses maux de tête s’étaient aggravés lorsqu’elle avait cessé de prendre ce médicament. Il a fait valoir que l’appelante demandait réellement à la division générale, en présentant ce moyen d’appel, de soupeser la preuve de nouveau et de parvenir à une différente conclusion quant à sa demande, ce que la division générale ne peut pas faire (voir Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82).

[18] Après avoir examiné la décision et pris connaissance des arguments des parties, je suis convaincue que la division générale était au courant que l’appelante se passait de Topomax et de son effet sur ses migraines. La division générale a soupesé ces éléments avec le reste de la preuve pour rendre une décision dans cette affaire. Aucune erreur n’a été commise à cet égard.

[19] Cependant, l’appelante a aussi fait valoir que ses migraines se produisaient de façon imprévisible. Elle a affirmé qu’elle ne sait jamais quand ses migraines auront lieu et que, pour cette raison, elle ne peut pas s’engager à respecter un horaire de travail, et qu’aucun employeur de voudrait l’embaucher. La décision de la division générale énonce la preuve de l’appelante selon laquelle, pendant une semaine, elle se sent généralement mal pendant une journée ou deux; plus ou moins bien durant quatre jours; et bien pendant une journée. De plus, il n’est pas possible de prédire si elle se sentira bien ou mal d’une journée à l’autre. Le représentant de l’intimé admet que la décision ne tenait pas compte de l’incidence du caractère imprévisible des migraines de l’appelante sur sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[20] Dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34, la Cour d’appel fédérale a décidé que le terme « régulièrement » se trouvant dans la définition de « grave » du Régime de pension du Canada qualifie l’invalidité et non l’emploi. La Commission d’appel des pensions avait conclu qu’un requérant qui n’était pas en mesure de se présenter au travail régulièrement en raison d’une aggravation intermittente et imprévisible d’une maladie chronique peut être considéré comme invalide (Ministre du Développement social c. Schummans (15 janvier 2007) CP 11228). L’imprévisibilité des maux de tête de l’appelante était un facteur pertinent dans cette affaire. La division générale n’en a pas tenu compte. Il s’agissait encore là d’une erreur de droit.

Conclusion

[21] Le présent appel est accueilli puisque la décision de la division générale contenait des erreurs de droit et une conclusion de fait erronée susceptible de contrôle. Dans Canada (Procureur général) c. Paradis, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a proposé qu’un appel doit être accueilli si un manquement a été commis à l’article 58 de la Loi sur le MEDS.

[22] L’article 59 de la Loi sur le MEDS énonce les réparations que la division d’appel peut accorder pour un appel. Le représentant de l’intimé a suggéré que cette affaire soit renvoyée à la division générale et qu’une nouvelle audience soit tenue si l’appel était accueilli. Je suis d’accord. Il y a encore des questions de preuve à résoudre. Afin d’éviter toute crainte potentielle de partialité, l’affaire sera confiée à un autre membre de la division générale.

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