Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité présentée par l’appelant au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) a été estampillée par l’intimé le 30 décembre 2008. L’intimé a rejeté la demande et a informé l’appelant de sa décision le 24 février 2009. L’appelant n’a pas demandé de révision de la décision dans les 90 jours suivants le 24 février 2009, date de réception de la décision. Il a cependant demandé une révision le 17 juin 2013. La demande de révision tardive de l’appelant a été rejetée par l’intimé le 26 mars 2014. L’appelant a interjeté appel de la décision du 26 mars 2014 de l’intimé auprès du Tribunal de la sécurité social (Tribunal) le 5 juin 2014.

[2] Cet appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes : 

  1. Le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire.
  2. Les renseignements versés au dossier sont complets et ne nécessitent aucune clarification.
  3. La crédibilité n’est pas un enjeu principal.
  4. Ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’article 81(1) du RPC prévoit qu’une personne qui n’est pas satisfaite d’une décision concernant le versement de prestations peut, dans les 90 jours suivant la réception de l’avis écrit de la décision ou dans le délai plus long que le ministre peut autoriser, avant ou après l’expiration de ces 90 jours, demander à celui-ci de réviser cette décision.  

[4] L’article 74.1(3) du Règlement sur le Régime des pensions du Canada prévoit que, pour l’application de l’article 81(1) de la Loi sur l’AE et sous réserve du paragraphe (4), le Ministre peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, s’il est convaincu, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que la personne intéressée a manifesté l’intention persistante de demander la révision.

[5] L’article 74.1(4) du Règlement sur le RPC prévoit que, si la demande de révision est présentée plus d’un an après la date à laquelle la personne a été avisée par écrit de la décision initiale ou si la demande de révision a été faite par une personne qui refait une demande pour la même pension, le Ministre doit aussi être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[6] L’article 82 du RPC permet à une personne qui se croit lésée, par une décision du Ministre relative à une prorogation du délai de demande de révision, d’en appeler de cette décision au Tribunal.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire et judicieuse lorsqu’il a pris la décision de refuser une prorogation du délai pour que l’appelant présente une demande de révision de la décision initiale de refus de sa demande de pension d’invalidité.

Preuve

[8] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 30 décembre 2008. L’intimé a informé l’appelant, par une lettre datée du 24 février 2009, que sa demande avait été rejetée. L’intimé a donné les motifs de sa décision par écrit et ces motifs spécifient que l’intimé s’est fondé sur un rapport du médecin de famille de l’appelant, un rapport d’un neurologue de septembre 2008, un rapport d’un neurochirurgien de décembre 2008 ainsi que sur le questionnaire de l’appelant. La lettre de décision de l’intimé informait l’appelant que s’il était en désaccord avec la décision, il pouvait demander une révision de celle-ci. La lettre de décision expliquait à l’appelant que s’il décidait de demander une révision, il devait écrire à l’intimé dans les 90 jours suivants la date à laquelle il avait reçu la lettre datée du 24 février 2009. Un numéro de téléphone avait été fourni à l’appelant pour qu’il puisse obtenir des renseignements concernant le refus de sa demande et ses droits d’en appeler.

[9] Le 17 juin 2013, l’intimé a reçu une lettre du représentant de l’appelant demandant une révision de la décision du 24 février 2009. À l’appui de sa demande, le représentant de l’appelant a déclaré que le rejet par l’intimé de la demande de pension d’invalidité de l’appelant était fondé sur des renseignements médicaux et des avis transmis par l’Alberta Workers' Compensation Board (WCB) [commission d’indemnisation des accidentés du travail] qui avaient déclaré que l’appelant était capable de travailler. Depuis ce temps, la situation a évolué engendrant de nouveaux renseignements médicaux. Le représentant de l’appelant a expliqué en détail les changements survenus et en le faisant il a affirmé que la WCB s’était fondée de manière importante sur le rapport de Dr Louw de décembre 2008 où celui-ci était d’avis que l’appelant était capable de travailler de manière sédentaire à des tâches légères pendant quatre heures par jour. Il est ensuite devenu clair qu’il y avait un certain nombre d’avis contradictoires sur diverses questions et, par conséquent, la WCB avait convoqué un comité médical en octobre 2011 pour discuter de ces questions. Le rapport du comité a confirmé que le rapport de Dr Louw ne pouvait plus être considéré comme étant une évaluation juste des diagnostics de l’appelant ou de sa capacité à travailler. Le représentant de l’appelant a affirmé que l’intimé avait fondé sa décision initiale sur un rapport qui avait, plus tard, été discrédité et qu’une nouvelle évaluation de l’admissibilité de l’appelant au bénéfice d’une pension d’invalidité était nécessaire.

[10] Le 27 décembre 2013, l’intimé a écrit au représentant de l’appelant et a confirmé avoir reçu la demande de révision de la décision du 24 février 2009. L’intimé a expliqué que, bien que la demande avait été faite tardivement (c. -à-d. après que le délai de 90 jours pour interjeter appel soit passé), l’intimé pouvait considérer s’il accepterait ou non une demande de révision tardive. L’intimé a déclaré qu’il avait besoin de plus de renseignements pour prendre cette décision et il a demandé à l’appelant de lui fournir une explication relative à son retard à présenter sa demande et de spécifier comment il avait tenu le ministère au courant de son intention de demander une révision.  

[11] Le 8 janvier 2014, le représentant de l’appelant a répondu à la lettre de l’intimé du 27 décembre 2013. Sur la question relative au retard, le représentant de l’appelant a déclaré que la demande de celui-ci avait été engendrée par des changements importants des renseignements médicaux. Jusqu’à ce que ces nouveaux renseignements médicaux soient disponibles et évalués, il aurait été précipité de présenter une demande de révision. Le représentant de l’appelant a expliqué que la WCB avait informé le RPC de manière erronée que l’appelant était capable de travailler. Cet avis était fondé sur le fait que la WCB avait accepté de manière arbitraire un avis parmi les avis médicaux contradictoires (c. -à.-d. l’avis de Dr Louw). L’appelant a été informé que le RPC devait s’appuyer sur les conclusions de la WCB, car elles existaient à ce moment-là. Plus tard, un comité médical a été convoqué par la WCB et ce comité a tiré un certain nombre de conclusions qui ont discrédité l’avis sur lequel la WCB s’était précédemment appuyée. Le comité a privilégié l’avis de Dr Wilson plutôt que celui de Dr Louw; l’avis de Dr Wilson était que l’appelant était inapte au travail. La WCB a éventuellement reconnu que l’appelant était incapable de travailler comme gardien de sécurité comme elle l’avait conclu précédemment. Sur la question relative à l’intention persistante de poursuivre l’appel, le représentant de l’appelant a déclaré que l’appelant avait été informé par téléphone tôt en 2009 que sa demande de prestations avait été rejetée et l’agent lui avait dit que le motif du refus provenait de la conclusion de la WCB qu’il était apte au travail. L’appelant a ensuite reçu la lettre de refus de l’intimé qui l’informait du processus d’appel, mais l’essence de la décision lui avait été communiquée par téléphone. Durant cet appel téléphonique, l’appelant a informé l’agent qu’il contestait les conclusions de la WCB, mais on lui avait dit que le RPC devait s’en remettre à la conclusion de la WCB. L’appelant a informé l’agent qu’il prendrait les mesures nécessaires pour faire appel des conclusions de la WCB et l’agent lui a dit qu’il devrait les recontacter lorsque l’appel serait réglé. L’appelant a confirmé son intention de le faire. Par conséquent, il était clair d’entrée de jeu que l’appelant avait l’intention d’obtenir une révision de la décision une fois que les questions médicales auraient été résolues en sa faveur. Bien que le processus pour arriver à cette fin ait pris beaucoup plus de temps qu’anticipé, l’appelant avait toujours l’intention de demander une révision.

[12] Dans une décision datée du 26 mars 2014, l’intimé a informé le représentant de l’appelant qu’il avait considéré les motifs que l’appelant avait fournis à l’appui de sa demande de révision tardive et qu’il avait décidé de rejeter cette demande. L’intimé n’a pas fourni de motifs pour cette décision dans sa lettre du 26 mars 2014. Toutefois, l’intimé a indiqué que les motifs de sa décision pouvaient être trouvés dans un [traduction] « document de décision » inclus avec la lettre du 26 mars 2014.

[13] Le document de décision de l’intimé indique que ce dernier a considéré chacun des quatre critères énoncés dans l’article 74.1 du Règlement sur le RPC.

[14] Pour ce qui est d’une explication raisonnable pour le retard, l’intimé déclare qu’il a considéré les lettres du représentant de l’appelant datées du 12 juin 2013 et du 8 janvier 2014, la lettre de l’appelant du 16 décembre 2013, la lettre de décision initiale de l’intimé du 24 février 2009 et le registre de conversation téléphonique de l’intimé du 24 février 2009. Après examen de ces renseignements, l’intimé a conclu que l’appelant et son représentant n’avaient pas fourni une explication raisonnable pour le long retard à présenter une demande de révision. L’intimé a déclaré (1) qu’il n’était aucunement mentionné que des circonstances exceptionnelles relativement à l’état de santé de l’appelant auraient pu l’empêcher d’en appeler dans le délai d’appel ou durant la période suivante; (2) que l’appelant avait été informé du processus d’appel et du délai de 90 jours tôt en 2009 lors d’un appel téléphonique et dans une lettre, et son représentant reconnaît que ces deux communications ont eu lieu; (3) que le fait que l’affaire de l’appelant avec la WCB soit en appel n’aurait pas dû empêcher l’appelant de faire appel en temps opportun et, par conséquent, ceci ne peut être accepté comme étant une explication raisonnable du retard.

[15] Pour ce qui est de l’intention persistante à demander une révision, l’intimé déclare qu’il a considéré l’argument présenté par le représentant de l’appelant dans la lettre datée du 8 janvier 2014. L’intimé a examiné le formulaire de communication téléphonique pour la décision du 24 février 2009 et il a noté qu’il n’était mention que d’une conversation informant l’appelant de ses droits à faire appel et du délai d’appel. L’intimé a noté que le représentant de l’appelant avait reconnu que l’appelant avait été informé du processus d’appel au moment de son refus initial. L’intimé a aussi examiné le dossier de l’appelant et un système connu sous le nom de [traduction] « Aperçu du client », et il a noté qu’il n’y avait pas eu de contact de la part de l’appelant entre le moment où il a été informé du rejet de sa demande et le moment où sa demande de révision tardive a été reçue, soit une période de plus de quatre ans. L’intimé a conclu que l’appelant n’avait pas démontré une intention d’en appeler durant sa période d’appel ou en aucun moment jusqu’en juin 2013.

[16] En évaluant le critère relatif à la chance raisonnable de succès, l’intimé a déclaré que selon les renseignements médicaux du spécialiste et de la WCB qui avaient récemment été présentés, il pourrait y avoir une chance raisonnable de succès.

[17] Finalement, pour ce qui est d’un préjudice potentiel envers le Ministre, l’intimé a conclu qu’une prorogation du délai pourrait entraîner une iniquité envers le Ministre, car il s’est écoulé plus de quatre années depuis que le délai d’appel de l’appelant est échu.

[18] Le représentant de l’appelant en a appelé de la décision de l’intimé du 26 mars 2014 auprès du Tribunal le 5 juin 2014. Dans son avis d’appel, il a fait valoir ce qui suit : (1) l’évaluatrice médicale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas d’explication raisonnable pour le retard. Jusqu’à ce que le dossier médical adéquat puisse être présenté, un appel n’aurait pu être justifié. De plus, l’appelant s’appuyait sur les déclarations de l’agent de l’intimé spécifiant qu’il devrait revenir lorsque les questions en litige avec la SCB seraient réglées, car c’était ces questions qui avaient une incidence sur la capacité de l’intimé à procéder à une évaluation juste; (2) l’évaluatrice médicale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelant n’avait pas démontré une intention persistante à demander une révision. C’était toujours l’intention de l’appelant de demander une révision après la clarification de son dossier médical et ceci avait été communiqué à l’agent de l’intimé lors d’un appel téléphonique en 2009; (3) l’évaluatrice médicale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’une révision tardive entraînerait une iniquité envers le Ministre. Il n’y a pas de preuve qu’un préjudice irréparable ou une iniquité découlerait d’une révision tardive; (4) l’évaluatrice médicale a reconnu que l’appel de l’appelant a une chance raisonnable de succès sur le fond de la cause. Refuser de réviser la décision initiale sur le fond de détails de procédure créerait une injustice importante à l’appelant, particulièrement lorsque la clarification requise du dossier médical n’a pas été possible avant 2014.

[19] Le 2 octobre 2015, le représentant de l’appelant a écrit au Tribunal dans le but d’élaborer son argument relatif à l’explication raisonnable du retard. Il a insisté sur le fait que l’appel était fondé sur de nouveaux renseignements médicaux qui n’étaient pas disponibles lorsque l’intimé avait initialement refusé la demande de pension d’invalidité. Il a aussi fait valoir qu’un agent de l’intimé avait spécifiquement dit à l’appelant que le RCP devait se fonder sur les conclusions de la WCB et qu’il aurait besoin de nouveaux renseignements médicaux pour faire appel. Ceci a laissé l’appelant sans choix autre que de résoudre les problèmes avec la WCB avant que tout appel puisse être entrepris. Finalement, le représentant de l’appelant a fait valoir que lorsque l’appelant a dit à l’agent de l’intimé qu’il était au cœur d’un appel avec la WCB, on lui a dit [traduction] « quand vous aurez fini votre appel avec la WCB, contactez-nous ». En entendant ceci, l’appelant a informé l’agent de l’intimé que c’est ce qu’il ferait. L’appelant a interprété les paroles de l’agent au sens qu’une extension était accordée.

[20] Le 7 octobre 2015, le représentant de l’appelant a informé le Tribunal qu’il n’avait pas reçu de copie du dossier d’appel et il a demandé une prorogation d’une semaine du délai de dépôt de la demande après la date de réception du dossier. Le Tribunal lui a posté une copie le 8 octobre 2015 et le membre du Tribunal a prorogé les échéances du délai de dépôt au 26 octobre 2015 et du délai de réponse au 26 novembre 2015.

[21] Le 20 octobre 2015, le Tribunal a reçu des observations de l’intimé qui avaient été préparées en réponse aux observations de l’appelant de juin 2014. L’intimé a fait valoir ce qui suit : (1) attendre pour des renseignements médicaux additionnels n’est pas une explication raisonnable de circonstances atténuantes ou exceptionnelles. Le fait d’avoir des renseignements médicaux additionnels n’est pas une exigence pour demander une révision. La lettre de décision et le document joint de l’Appelant du 24 février 2009 expliquaient clairement le processus et indiquaient aussi que les demandes de révision ne devraient pas être retardées par l’attente de renseignements additionnels. Aucun rapport médical présenté n’indiquait que l’appelant était atteint d’un problème de santé qui aurait diminué grandement sa capacité à demander une révision avant le 4 juin 2009 et il est, par conséquent, raisonnable de s’attendre à ce que l’appelant était capable de présenter une demande de révision en temps opportun; (2) l’intimé n’a aucun document relatant qu’un agent a dit à l’appelant qu’il devrait communiquer avec eux une fois les questions en litige avec la WCB réglées; toutefois, un appel téléphonique a été consigné le 24 février 2009 et il a été noté que l’appelant avait été informé de ses droits d’en appeler et du délai pour le faire. Le registre indique aussi que l’appelant a été informé que l’appel devait être reçu dans les 90 jours et qu’il ne devrait pas être retardé malgré l’attente de nouveaux renseignements. Le désir de l’appelant de donner suite à l’affaire avec la WCB par les moyens légaux n’est pas une explication raisonnable pour le long retard à demander une révision. La WCB et le RPC sont deux programmes séparés et ils ont différents critères d’admissibilité et ces programmes ne s’appuient pas l’un sur l’autre pour leurs décisions; (3) un examen des notes dans le système intranet d’exécution du renouvellement de Service Canada montre que ni l’appelant ni son représentant n’ont contacté le Ministère après la décision initiale du 24 février 2009 et avant le 28 mai 2013, lorsque des renseignements additionnels ont été reçus. Par conséquent, il n’y a pas d’élément de preuve que l’appelant a manifesté l’intention persistante de demander une révision après le 24 février 2009; (4) bien qu’une chance raisonnable de succès puisse exister, ce n’est qu’un des quatre critères qui doivent être satisfaits. De manière à ce qu’une demande de révision tardive soit accueillie, tous les quatre critères doivent être satisfaits; (5) et il y a préjudice envers l’intimé en raison du retard important de 1564 jours entre la fin de la décision et la demande de révision tardive. 

Observations

[22] Le représentant de l’appelant a fait valoir que la demande de révision tardive de l’appelant devrait être accueillie, car l’appelant répond à chacun des quatre critères prévus à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC.

[23] L’intimé a fait valoir que, bien que le critère de chance de succès raisonnable soit atteint, l’appelant n’est pas convaincu que les trois autres critères prévus à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC le soient.

Analyse

[24] La décision de l’intimé de refuser ou de permettre une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. La discrétion de l’intimé doit s’exercer de manière judiciaire et judicieuse (Canada (Procureur général) c Uppal, 2008 CAF 388).

[25] Un pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être remis en cause sauf s’il peut être démontré que ce pouvoir a été exercé de manière qui ne soit pas judiciaire ou que le décideur a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire s’il peut être établi que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoire.

(Canada (procureur général) c Purcell [1996] 1 CF 644)

[26] Le rôle du Tribunal lors des appels comme en l’espèce n’est pas de déterminer si l’intimé a pris la bonne décision. Le Tribunal doit plutôt décider si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et judicieuse.

[27] En évaluant la manière avec laquelle l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal ne doit pas considérer les motifs additionnels présentés par l’intimé dans ses observations de 2015, car l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’intimé s’était terminé le 26 mars 2014. Le Tribunal a toutefois examiné les observations de l’intimé du 20 octobre 2015, car il était nécessaire au Tribunal de déterminer si l’intimé formulait un plaidoyer sur la question liée à l’exercice judiciaire et judicieux de son pouvoir discrétionnaire.

[28] Le Tribunal a examiné le dossier d’appel dans son ensemble et n’a pas trouvé d’élément de preuve indiquant que l’intimé ait agi de mauvaise foi, ait agi dans un but ou pour un motif irrégulier ou ait agi de manière discriminatoire. Le dossier d’appel montre que l’intimé a examiné la demande de révision tardive de l’appelant avec soin. Avant de rendre sa décision du 26 mars 2014, l’intimé a écrit au représentant de l’appelant le 27 décembre 2013 et a demandé des renseignements additionnels relativement à deux des critères énoncés dans l’article 74.1 du Règlement sur le RPC. Il est raisonnable de supposer de ceci que l’intimé estimait ne pas avoir suffisamment d’information pertinente sur ces deux critères pour rendre une décision. La demande de l’intimé pour de l’information additionnelle est ainsi une indication que l’intimé n’avait pas préjugé l’affaire et que l’intention de l’intimé était de rendre une décision éclairée.

[29] Le document de décision de l’intimé de mars 2014 indique que l’appelant a fondé sa décision sur les facteurs pertinents, car l’intimé a examiné chacun des quatre facteurs énoncés dans l’article 74.1 du Règlement sur le RPC. Rien n’indique que le pouvoir discrétionnaire de l’intimé a été influencé par des facteurs ou des considérations non pertinentes.

[30] Le Tribunal a examiné le document de décision de l’intimé de manière à déterminer si ce dernier a ignoré un facteur pertinent en exerçant son pouvoir discrétionnaire. Sur la question d’une explication raisonnable pour le retard, le document de décision indique que l’intimé a considéré les arguments principaux de l’appelant incluant l’argument que l’appelant attendait que son appel soit réglé avant d’en appeler et, avant que de nouveaux renseignements médicaux soient disponibles, il aurait été prématuré de faire une demande de révision. Le document de décision indique aussi que l’intimé a examiné le registre des communications téléphoniques du 24 février 2009, probablement dans le but de déterminer ce qui avait été discuté durant la conversation téléphonique. Ce registre montrait que l’appelant avait été informé du processus d’appel et du délai d’appel de 90 jours.

[31] Sur la question relative à l’intention persistante de poursuivre l’appel, le document de décision indique une fois de plus que l’intimé a considéré les arguments principaux de l’appelant incluant l’argument de l’appelant de savoir qu’il rapportait avoir dit à l’agent le 24 février 2009 qu’il avait l’intention d’aller de l’avant avec son appel. À cet égard, le document de décision indique que l’évaluatrice a examiné le formulaire de communication téléphonique pour la décision du 24 février 2009 et elle a examiné le système qualifié d’« Aperçu du client ». L’évaluatrice a été incapable de trouver d’élément de preuve dans les communications de 2009 de l’appelant où il mentionne son intention d’en appeler.

[32] Le Tribunal note qu’il y a une incohérence entre le document de décision de l’intimé de mars 2014 et les observations de l’intimé de 2015, car le document de décision indique qu’il n’y a pas eu de communication de la part de l’appelant du 24 février 2009 à juin 2015 et les observations de 2015 montrent que ni l’appelant ni son représentant n’ont contacté l’intimé entre le moment du refus initial et le 28 mai 2013 lorsque des renseignements additionnels ont été reçus. L’intimé n’a pas indiqué la nature de l’information qu’il a rapporté avoir reçue le 28 mai 2013; toutefois, le dossier d’appel inclut un rapport de la WCB daté du 23 mai 2013 qui avait été envoyé à l’appelant et à son représentant. Ce rapport a été estampillé le 28 mai 2013, mais contrairement aux autres estampilles au dossier d’appel de l’appelant, celle-ci n’identifie pas l’intimé comme étant le destinataire. C’est plutôt une estampille de réception générale. Il est alors possible que la personne qui a préparé les observations de 2015 ait par erreur présumé que le document avait été reçu par l’intimé. Évidemment, il est aussi possible que l’intimé n’a pas reçu l’information additionnelle en mai 2013 et que cette information n’a pas été considérée par l’évaluatrice en mars 2014. En considérant cette incohérence, le Tribunal note que le représentant de l’appelant n’a pas soutenu que lui ou l’appelant avait contacté l’intimé en mai 2013, et pour ce motif le Tribunal considère qu’il est plus probable qu’improbable que les observations de 2015 aient été erronées. Cette conclusion est conforme aux notes au dossier de l’appel qui proviennent du système intranet d’exécution du renouvellement de l’intimé et qui n’indiquent aucune activité au dossier de l’appelant entre le 10 mars 2009 et le 11 juillet 2013 (GD3-19).

[33] Pour ce qui est de la question de préjudice envers le Ministre, le document de décision de l’intimé indique qu’une prorogation du délai entraînerait une iniquité à l’égard du Ministre, car il s’est écoulé plus de quatre ans depuis que le délai d’appel de l’appelant est arrivé à échéance. Malheureusement, l’intimé n’a pas expliqué comment le Ministre subirait un préjudice et la justification de l’intimé à cet égard n’est pas apparente dans le dossier. Il n’y a pas d’indication, par exemple, que le dossier de l’appelant ait été perdu, détruit ou autrement inaccessible. Bien que les motifs de l’intimé relativement au facteur de préjudice soient déficients, le Tribunal ne considère pas que cette déficience indique que le pouvoir discrétionnaire ait été exercé de manière non judiciaire ou non judicieuse, particulièrement si l’on considère les conclusions de l’intimé de savoir que le critère du retard raisonnable et celui de l’intention persistante n’ont pas été satisfaits.

Conclusion

[34] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve au dossier, le Tribunal conclut que l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et judicieuse.

[35] L’appel est rejeté.

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