Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La permission d’interjeter appel devant la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) est accordée.

Introduction

[2] Le 30 juin 2015, la division générale (DG) du Tribunal a rendu une décision après une audience qui a eu lieu en personne et a accueilli l’appel de l’intimée. La DG a conclu que :

… l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en février 2007, lorsqu’elle a perdu son emploi à son retour de son congé de maladie. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en décembre 2011; par conséquent, l’appelante est réputée invalide depuis septembre 2010. Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commenceront en janvier 2011.

[3] Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler devant la DA le 28 septembre 2015, dans le délai prescrit.

[4] Le demandeur a présenté des observations via sa demande de permission d’en appeler. L’intimée a été invitée à présenter ses observations au plus tard le 9 novembre 2015.

[5] L’intimée a présenté des observations par lettre, écrite par son mari, datée du 27 octobre 2015 de même que des « observations de l’intimée » préparées par son avocat le 9 novembre 2015.

[6] Le demandeur a été invité à présenter des observations supplémentaires ce qu’il a fait le 11 décembre 2015.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

La loi et l’analyse

[8] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la DA « accorde ou refuse cette permission. »

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social stipule que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[10] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une décision relative au fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver ses arguments, il n’a qu’à établir une chance raisonnable de succès.

[12] Le Tribunal accorde la demande de permission d’en appeler s’il est satisfait qu’un des moyens d’appel ci-dessus mentionnés a une chance raisonnable de succès.

[13] Pour ce faire, le Tribunal doit déterminer, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, s’il existe une question de droit, de fait, de compétence ou de justice naturelle qui pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée.

Soumissions

[14] Le demandeur soumet que:

  1. La DG a rendu une décision contrevenant aux alinéas 58(1)(b) et (c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ;
  2. la DG a erré en droit en ne pas appliquant la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale qui nécessite une preuve médicale objective de la condition médicale du requérant. De plus, la DG a omis d’analyser de façon adéquate l’incohérence entre la preuve présentée lors de l'audience et la preuve médicale au dossier; et
  3. la décision de la DG est fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à la connaissance de la DG. Les conclusions de la DG que la dépression et l'anxiété de l'intimée étaient graves et prolongés et qu'elle souffre de capacités mentales limitées ne sont pas suffisamment soutenues par la preuve médicale au dossier.

[15] L’intimée soumet que :

  1. Le demandeur cherche à faire renverser la décision de la DG en invoquant plusieurs motifs non fondés;
  2. La DG a tout à fait respecté et appliqué la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale, et il y a amplement de preuve médicale objective au dossier;
  3. La Cour d'appel fédérale a statué que le témoignage de l'intimée est crucial pour donner un sens à la preuve médicale dite objective. Autrement, nul besoin d'une audience;
  4. Le demandeur est insatisfait de la rédaction du jugement de la DG et veut une analyse détaillée plus poussée. II n'y a aucune exigence dans la loi à l’effet que la décision de la DG soit d'une ampleur encyclopédique;
  5. L'intimée n'a pas complété elle-même les documents et formulaires puisqu'elle est analphabète. Les conclusions de la DG sont parfaitement correctes en droit et selon les faits.

[16] En réponse, le demandeur soumet que :

  1. Il existe des erreurs de droit et de faits dans la décision rendue par la DG;
  2. La DG a omis d’analyser de façon adéquate l’incohérence entre la preuve présentée lors de l'audience et la preuve médicale au dossier;
  3. Les observations de l’intimée sont générales et imprécises sans référence à des pièces précises et de la jurisprudence pertinente ne permettant pas de fournir une réponse détaillée;
  4. La décision rendue par la DG n’est pas transparente, intelligible et les motifs au support de la justification de la décision ne peuvent justifier le processus décisionnel de la DG au regard des faits et du droit dans le dossier; et
  5. L’intimée cherche à présenter de la nouvelle preuve (que l’intimée est analphabète); les 2 lettres rédigées par l’intimée en date du 24 février 2009 et du 18 mai 2012 tendent à démontrer que l’intimée n’est pas analphabète.

Décision de la DG

[17] La décision de la DG note :

[7] … la période minimale d’admissibilité de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2008.

[30] L’appelante reçoit une pension de retraite du RPC depuis janvier 2012.

[48] La preuve médicale au dossier ne comprend pas d’évaluation globale de la condition mentale et physique de l’appelante. Le représentant de l’appelante a fait valoir que cette dernière n’a pas les moyens financiers pour obtenir cette évaluation. De plus, les notes de cliniques du Dr. Adams déposées par l’appelante en preuve ne couvrent pas la période de février 2007 à février 2012. Le représentant de l’appelante a également fait valoir qu’il avait été difficile d’obtenir les notes cliniques du Dr. Adams parce qu’il n’exerce plus.

[49] Les rapports médicaux déposés en preuve nous permettent d’établir que l’appelante avait en 2008 un genou affaibli de façon permanente par une déchirure au ménisque (rapport du Dr. Corrigan daté du 3 février 1999), de douleurs aux hanches vraisemblablement plutôt causées par la condition de son dos que par l’arthrite mentionnée par Dr. Suranyi dans son rapport d’octobre 2007 (rapport du Dr. Corrigan daté du 28 avril 2008), de douleurs aux genoux causées par de l’arthrose précoce et légère (rapport du Dr. Corrigan daté du 28 avril 2008). Ces douleurs sont suffisamment aigues pour que Dr. Corrigan prescrive à l’appelante du Mobicox malgré qu’elle souffre d’hypertension. Il la met d’ailleurs en garde des effets secondaires négatifs. (rapport du Dr. Corrigan du 28 avril 2008).

[50] La preuve médicale est également à l’effet qu’en 2007, l’appelante souffre d’une compression nerveuse dans les tunnels carpiens de ses deux bras (rapport du Dr. Harris daté du 21 novembre 2007). Un mois après s’être plainte d’engourdissements au bout des doigts, elle nie avoir les symptômes du syndrome du tunnel carpien (rapport du Dr. Harris daté du 21 novembre 2007). Elle réitère que cette condition ne l’affecte plus en 2011 (rapport du Dr. Suranyi daté du 28 septembre 2011).

[51] Le rapport du Dr. Adams daté du 25 septembre 2008 mentionne que l’appelante souffre d’arthrose légère au genou et du syndrome bilatéral du tunnel carpien. Il ne mentionne pas qu’elle souffre de dépression et d’anxiété (rapport du Dr. Kristoff daté du 25 janvier 2007 et notes cliniques du Dr. Adams de novembre 2006 à janvier 2007) malgré que l’appelante prenne du Paxil depuis 2006 et le voit régulièrement pour renouveler son ordonnance. Le Paxil n’est pas mentionné non plus dans la liste de médicaments sur le formulaire du rapport médical.

[52] La preuve médicale déposée relativement à la condition physique de l’appelante après 2010 relativement à l’état de son dos ne peut être considérée qu’avec beaucoup de prudence car elle a eu une chute à cheval en 2010 qui semble être la cause de l’amplification de ses symptômes. Le Tribunal doit évaluer la condition de l’appelante au 31 décembre 2008.

[53] Aucun des rapports médicaux déposés en preuve ne mentionne que l’appelante peut ou non travailler. Seul Dr. Corrigan a émis l’opinion que ce serait difficile pour elle de travailler debout à longueur de journée. Mais aucun des médecins consultés n’a évalué la condition de l’appelante dans son ensemble, au niveau physique et mental. Et le rapport du Dr. Adams en 2008 ne fait pas état de toute la condition de l’appelante non plus, bien qu’il soit son médecin de famille et ait toute l’information recueillie des spécialistes consultés. Pris isolément, chacun des problèmes physiques ou mentaux de l’appelante n’est peut-être pas une grave affection mais le Tribunal doit considérer la condition de l’appelante dans son ensemble.

[56] Lors de l’audience, l’appelante a déclaré sous serment que la raison principale pour laquelle elle avait cessé de travailler était un problème de surmenage, de dépression et d’anxiété. Le surmenage était aussi un facteur qu’elle avait soulevé dans ses communications avec l’intimé tant en 2008 qu’en 2011. Mais, à l’époque, elle n’avait pas fourni de rapports médicaux psychiatriques pour soutenir sa prétention, ce qu’elle a fait dans le présent appel.

[58] Dans son témoignage, l’appelante était sincère. Sa mémoire semblait relativement bonne, mais elle comprenait mal les questions qu’on lui posait ou ce qu’on lui disait.
Quand on ne lui parlait pas, comme pendant les soumissions de son représentant, elle semblait totalement absente. Le Tribunal conclut que les incohérences dans les demandes de l’appelante sont pas causées par la mauvaise foi de celle-ci, mais illustrent bien les conséquences de son handicap de développement.

[65] La condition globale de la santé physique et mentale de l’appelante en décembre 2008 peut se résumer brièvement comme suit. Elle souffre de douleurs aux genoux et aux jambes et est limitée dans la possibilité de prendre des médicaments pour soulager ces douleurs, elle ne pourrait travailler debout toute la journée sans douleur, elle marche à une vitesse de 8 pieds à la minute et a besoin d’une canne, elle souffre également de dépression et d’anxiété, elle ne veut voir personne, fait des détours pour éviter les gens qu’elle connait lorsqu’elle sort. De plus, elle qui travaillait jusqu’à 14 heures par jour en 2006, elle ne fait presque rien de ses journées qu’elle passe à la maison en décembre 2008. Elle doit dormir l’après-midi. À cette condition s’ajoute le fait que l’appelante a des capacités mentales limitées, n’a pas d’éducation, est analphabète et a 57 ans.

[66] Le Tribunal conclut que, dans un contexte réaliste, en décembre 2008, l’appelante n’était pas en condition d’occuper un travail significatif dans un environnement compétitif. Son état ne permettait pas de prédire qu’elle serait capable de se présenter au travail aussi souvent que nécessaire non plus. La preuve au dossier est à l’effet que l’appelante n’avait alors aucune capacité de travailler. Elle n’était même pas capable de faire une demande dans un lieu de travail qui lui était habituel.

[67] Le fardeau de la preuve qui incombe à l’appelante n’est pas de convaincre le Tribunal hors de tout doute raisonnable de son incapacité à travailler. Le Tribunal conclut sur la balance des probabilités qu’au 31 décembre 2008, l’invalidité de l’appelante était de caractère grave.

[69] L’appelante a affirmé ne pas se sentir mieux depuis 2008. Lors de l’audience, elle n’avait pas de canne mais marchait très lentement et avec difficulté. La condition de son dos et de ses jambes s’est détériorée mais cela peut être dû â sa chute à cheval en 2010. C’est ce qui ressort du rapport médical du Dr. Suranyi daté du 28 septembre 2011.

[70] L’état des capacités mentales de l’appelante est irréversible. En ce qui concerne sa santé mentale, l’appelante affirme ne pas se sentir mieux aujourd’hui qu’en décembre 2008. Elle a ajouté qu’elle évite les fêtes de famille. Les notes du Dr. Adams de février et avril 2012 mentionne que l’appelante souffre toujours de dépression six ans après son premier diagnostic, bien qu’elle ait pris des antidépresseurs de 2006 à 2011 et ne travaille plus depuis 2006. Le rapport du Dr. Chow en octobre 2012 mentionne également que l’appelante aurait besoin de voir un psychiatre.

[71] Les notes du Dr. Adams montrent qu’il a référé l’appelante à nouveau au Dr. Kristoff. Mais l’appelante n’a pas vu le Dr. Kristoff parce qu’il a cessé d’exercer, tout comme le Dr. Adams. Elle est sans médecin actuellement.

[72] Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que sur la balance des probabilités, la condition de l’appelante, notamment sa condition mentale, va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante est prolongée.

[18] L’intimée était présente à l’audience devant la DG et était représentée par un avocat. Elle a témoigné à l’audience. Le Membre de la DG a conclu qu’elle était sincère et que les incohérences dans ses demandes n’étaient pas causées par sa mauvaise foi, mais illustrent bien les conséquences de son handicap relatif au développement.

[19] Le demandeur a été invité mais ne s’est pas présenté à l’audience devant la DG. Ses observations écrites et le dossier d’appel étaient devant la DG. Un sommaire des observations du demandeur est énoncé au paragraphe 42 de la décision de la DG. Par son absence, le demandeur a perdu la possibilité de contre-interroger l’intimée en personne.

[20] La DG a considéré l’argument du demandeur à l’effet que les rapports médicaux présentés par l’intimée ne supportent pas une conclusion d’une condition sévère et prolongée au 31 décembre 2008.

[21] C’est essentiellement la position du demandeur devant la DA. [22] La DG a cité les causes suivantes :

  1. a) La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248);
  2. b) Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est grave ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie (Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, paragraphes 28 et 29);
  3. c) C’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008, CAF 33); et
  4. d) Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité doivent être examinées, non seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada (P.G.), 2011 CAF 47).

[23] La DG a conclu qu’au 31 décembre 2008, l’invalidité de l’appelante était de caractère grave et prolongée.

Les erreurs alléguées

[24] Le demandeur soumet que la DG a erré en droit en n’appliquant pas la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale qui nécessite une preuve médicale objective de la condition médicale du requérant. Le demandeur cite plusieurs causes de la Cour d’appel fédérale.

[25] Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, au paragraphe 50, est cité par le demandeur. Le paragraphe 50 indique ce qui suit :

Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. Bien entendu, il sera toujours possible, en contre-interrogatoire, de mettre à l’épreuve la véracité et la crédibilité de la preuve fournie par les requérants et d’autres personnes.

[26] La cause Gorgiev c. Canada (Ministre du développement des ressources humaines, 2005 CAF 55 au paragraphe 4, citée par le demandeur, énonce que :

Une conclusion quant à la gravité n'est pas fondée sur le seul diagnostic médical et elle n'est pas non plus fondée seulement sur la preuve subjective du demandeur quant à l'acuité de la douleur dont il souffre lorsqu'il tente d'exercer son emploi habituel. Il faut toujours, bien entendu, tenir compte de tels éléments de preuve mais cela n'est pertinent que pour trancher la question de savoir si le demandeur est capable d'exercer un emploi véritablement rémunérateur.

[27] La cause Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354 au paragraphe 2, citée par le demandeur, dit :

L’expression « invalidité » est définie de façon différente dans les divers régimes d’assurance et de retraite, mais dans le RPC, elle est définie en fonction de l’aptitude au travail. Si un demandeur de prestations d’invalidité veut démontrer qu’il souffre d’une invalidité, il doit faire plus qu’affirmer qu’il souffre de douleurs ou de malaise qui l’empêchent de travailler ...

[28] La cause Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377, au paragraphe 4, citée par le demandeur, indique ce qui suit:

En l’espèce, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en exigeant une preuve médicale objective à l’égard de l’invalidité du demandeur. Il est bien établi qu’un demandeur doit fournir quelques éléments de preuve objectifs de nature médicale …

[29] La cause Belo Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 97, citée par le demandeur, nous informe que :

La demanderesse souhaite obtenir des prestations d’invalidité en vertu du Régime. Je signale que ce dernier est un régime législatif qui prévoit le paiement de prestations dans des situations qui sont définies dans la loi.

[30] Quoique cette jurisprudence parle de la nécessité d’une preuve médicale objective de la condition médicale du requérant, elle n’exige pas de la preuve médicale objective sur chaque condition physique et mentale du requérant ni une évaluation globale de la condition mentale et physique du requérant.

[31] Dans le dossier de l’intimée, il y a de la preuve médicale objective, il y a des éléments de preuve objectifs de nature médicale et l’intimée a fait « plus qu’affirmer » qu’elle souffre de douleurs ou de malaise qui l’empêchent de travailler. Le témoignage de l’intimée à l’audience n’est pas la seule preuve prise en considération pour établir l’invalidité et la DG ne s’est pas « fié presque entièrement sur le témoignage de l'intimée lors de l'audience afin de soutenir sa conclusion que l'invalidité était, en 2008, grave et prolongée ».

[32] En ce qui concerne l’argument que l’analyse de la DG est insuffisante et ne démontre pas comment elle aurait pu arriver à ses conclusions et le devoir de la DG de procéder à une analyse significative et non pas un résumé sélectif de la preuve sans analyser les déficiences et les incohérences, la décision de la DG aux paragraphes 42 au 78, reproduite ci-haut, démontre une analyse significative. Elle a conclu que les incohérences « ne sont pas causées par la mauvaise foi de l’intimée, mais illustrent bien les conséquences de son handicap de développement ».

[33] La DC n’a pas erré en droit en n’appliquant pas la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale. Elle n’a pas non plus erré en droit en ne fournissant pas une analyse adéquate de la preuve présentée lors de l'audience et de la preuve médicale au dossier.

[34] Les erreurs de fait alléguées par le demandeur sont :

  1. La DG omet de tenir compte de la conclusion du Dr. Corrigan que l'intimée avait une arthrose légère aux genoux et que le Dr. Corrigan n'avait pas tiré de conclusion quant à son éligibilité pour une pension d'invalidité;
  2. La conclusion de la DG quant à la gravite de l'invalidité physique de l'intimée en février 2007 est incompatible avec l'absence de preuve médicale et avec l'accident de cheval en 2010. La DG n'explique pas adéquatement comment sa conclusion peut-être réconciliée avec cette absence de preuve et les activités de l'intimée après décembre 2008;
  3. La DG n'explore aucunement le fait que le Dr. Adams a prescrit le médicament Effexor en 2012 mais que ce médicament ne se retrouve pas parmi ceux notés par le Dr. Chow dans son rapport de 2012;
  4. L'intimée a témoigné qu'elle est sans médecin depuis 2013 mais la DG n'analyse pas les conséquences de ce témoignage, notamment l'inférence que l'intimée n'a pas de prescriptions pour des médicaments susceptibles de traiter ses douleurs, ce qui suggère une condition qui n'est pas grave et prolongée;
  5. La DG conclut que l'intimée est analphabète malgré une absence de preuve à cet effet, le fait que l'intimée est bilingue et de plus qu'il appert au dossier que l'intimée aurait rempli elle-même les formulaires de la pension d'invalidité et aurait rédigé ses propres lettres contestant les décisions du Ministre de refuser sa demande;
  6. Quant au caractère prolongé de la condition mentale de l'intimée, la DG conclut que l'état des capacités mentales de l'appelante est irréversible sans preuve objective de ce fait; et
  7. La DG a aussi commis une erreur de fait dans son interprétation du rapport du Dr. Chow d'octobre 2012. Une lecture du rapport mène à la conclusion que ce dernier s'est trompé en écrivant « psychiatre » quand le contexte de cette recommandation suggère clairement que le Dr. Chow référait plutôt à un « physiatre » puisque sa recommandation portait sur un « ... proper daily home exercise program for range of motion conditioning and explanation of chronic pain release ... ».

[35] Le représentant de l’intimée soumet qu’accorder la permission d’en appeler est équivalente à accorder au demandeur une deuxième occasion de plaider sa cause et « si le Ministère choisit maintenant de ne plus se présenter aux audiences, celle ne devrait pas lui laisser croire que tant pis, il peut toujours aller en appel ».

[36] Je suis d’accord que si le demandeur choisit de ne pas se présenter à une audience devant la DG, il ne devrait pas croire qu’il peut simplement aller en appel de la décision rendue par la DG si celle-ci n’est pas à sa satisfaction.

[37] Les observations du demandeur quant aux erreurs de faits alléguées sont affectées par son choix de ne pas se présenter à l’audience.

[38] Pour qu’une erreur de fait soir révisable, la DG doit avoir « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Ce n’est pas n’importe quelle conclusion de fait erronée qui est visée par cette expression.

[39] Par exemple, il n’est pas suffisant que l’erreur décrite au paragraphe [34]g) soit établie, il faut aussi que la DG ait fondé sa décision sur cette conclusion. Étant donné que le rapport est daté d’octobre 2012 et que le paragraphe 70 de la décision est dans la section relative à l’analyse du caractère prolongé de la décision, est-ce qu’on peut conclure que la DG a fondé sa décision sur cette erreur?

[40] De plus, en ce qui concerne une conclusion de fait erronée « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance », il faut établir l’une des préconditions citées.

[41] Présenter un argument convaincant qu’une conclusion de fait erronée a été « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » est difficile quand le demandeur a fait le choix de pas être présent au moment où tous les éléments ont été portés à la connaissance de la DG, notamment le témoignage et les soumissions à l’audience. Est-ce que le demandeur a consulté l’enregistrement de l’audience pour confirmer tous les éléments portés à la connaissance de la DG?

[42] La DG n’a pas à référer, dans sa décision, à chaque élément de preuve au dossier ou donné lors de l’audience.

[43] La DG a référé à la conclusion du Dr. Corrigan à l’effet que l’intimée a une arthrose légère au genou (paragraphes 23 et 49 de la décision de la DG) et a constaté qu’aucun rapport déposé en preuve ne mentionne que l’appelante peut ou non travailler. La DG a aussi mentionné que Dr. Corrigan a émis l’opinion à l’effet qu’il serait difficile pour elle de travailler debout à longueur de journée. La DG n’a pas omit de tenir compte de ces éléments.

[44] En ce qui concerne l’accident de cheval en 2010, la DG y fait référence aux paragraphes 26, 40, 42, 52 et 69 de sa décision. Au paragraphe 52, la DG note que :

La preuve médicale déposée relativement à la condition physique de l’appelante après 2010 relativement à l’état de son dos ne peut être considérée qu’avec beaucoup de prudence car elle a eu une chute à cheval en 2010 qui semble être la cause de l’amplification de ses symptômes. Le Tribunal doit évaluer la condition de l’appelante au 31 décembre 2008.

[45] La DG ne semble pas avoir réconcilié la gravité de l’invalidité physique de l’intimée avec les activités de l’intimée après décembre 2008, plus spécifiquement le fait d’avoir monté un cheval en 2010.

[46] La DG n’a pas exploré pourquoi le médicament Effexor n’est pas parmi ceux notés par le Dr. Chow dans son rapport de 2012, mais je ne vois pas comment ceci est une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[47] La DG a conclu que l’intimée est sans médecin depuis 2013. Le demandeur allègue l’inférence à l’effet que l’intimée n’a pas de prescriptions, « ce qui suggère une condition qui n’est pas grave et prolongée ». La DG n’a pas conclu que l’intimée n’a plus de prescriptions depuis 2013. Si le demandeur avait été présent à l’audience, il aurait pu poser des questions à l’intimée à cet égard.

[48] La DG a conclu que l’intimée est « essentiellement analphabète ». Le demandeur soumet qu’il y a une absence de preuve à cet effet, mais il n’était pas présent lors de l’audience.
Alléguer que l’intimée est bilingue, a rempli elle-même les formulaires et a rédigé ses propres lettres, ce sont des arguments que le demandeur aurait dû faire à l’audience devant la DG.

[49] La conclusion de la DG que l’état des capacités mentales de l’intimée est irréversible n’est pas clairement expliquée, mais est-elle tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[50] Le demandeur plaide plusieurs erreurs de fait. Les seules sur lesquelles la DG semble s’être basé pour étayer sa décision dessus et qui sont possiblement tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance sont :

  1. « Le rapport du Dr. Chow en octobre 2012 mentionne également que l’appelante aurait besoin de voir un psychiatre » (paragraphe 70 de la décision de la DG);
  2. La gravité de l’invalidité physique de l’intimée et les activités de l’intimée après décembre 2008, plus spécifiquement avoir monté un cheval en 2010; et
  3. « L’état des capacités mentales de l’appelante est irréversible» (paragraphe 70 de la décision de la DG).

[51] Après révision du dossier d’appel, de la décision de la DG et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, le Tribunal conclut qu’un des moyens l’appel a une chance raisonnable de succès. Le demandeur a soulevé une question relative à une conclusion de fait erronée dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée, plus particulièrement décrites au paragraphe [50] ci-haut.

Conclusion

[52] Le Tribunal accorde la permission d’interjeter appel devant la DA du Tribunal.

[53] Cette décision sur la permission d’interjeter appel ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond de l’affaire.

[54] J’invite les parties à présenter des observations sur : a) la question de savoir si une audience devrait être tenue, b) le mode d'audience, ainsi que c) sur la ou les questions de fond de l’appel.

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