Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’interjeter appel d’une décision rendue le 16 novembre 2015 par la division générale. La division générale a établi que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, puisqu’elle a conclu que l’invalidité de cette dernière n’était pas « grave » à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 1er décembre 2012 ou avant cette date. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler le 1er décembre 2015. Le représentant de la demanderesse a déposé des observations supplémentaires le 22 janvier 2016. Pour que cette demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] Est-ce que l’un des motifs énumérés par la demanderesse confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Dans la demande de permission d’en appeler initiale présentée le 1er décembre 2015, le représentant de la demanderesse a soutenu que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le représentant a indiqué que ce dernier moyen d’appel était particulièrement pertinent. Il a ajouté que la décision ne reflétait pas adéquatement ni suffisamment l’ensemble de la preuve et que le témoignage, combiné à tous les renseignements pertinents, n’avait pas été évalué correctement et qu’il y avait eu une conclusion de fait erronée.

[4] Le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à la demanderesse le 23 décembre 2015 dans le but d’obtenir plus de renseignements ainsi que des éclaircissements. Le représentant de la demanderesse a répondu le 22 janvier 2016 au moyen d’une lettre dans laquelle étaient énumérées les erreurs commises par la division générale. Le représentant soutient que la division générale a erré des façons suivantes :

  1. En soupesant la preuve médicale. Le représentant soutient que la division générale a erré en accordant du poids à l’opinion d’un ergothérapeute et à un rapport des services neurologiques d’ergothérapie daté du 18 décembre 2009, étant donné que ce rapport avait été préparé au nom de la CSPAAT et que, par conséquent, il ne pouvait pas être objectif. Le représentant soutient que la division générale a erré en préférant ce rapport à celui du Centre de réhabilitation de Toronto, de même qu’aux nombreux rapports d’autres prestataires de soins de santé;
  2. En omettant de discuter ou en n’analysant pas suffisamment le désaccord de l’appelante quant au contenu du rapport d’ergothérapie. Le représentant soutient que d’autres renseignements médicaux seront soumis sous peu pour réfuter plusieurs présomptions incorrectes formulées par la CSPAAT;
  3. En fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse n’avait pas épuisé tous les traitements possibles et que, par conséquent, elle n’avait pas atteint un rétablissement maximal, compte tenu de la preuve médicale indiquant que son rétablissement maximal avait été atteint et du témoignage de la demanderesse dans lequel elle a expliqué la non-conformité qu’elle a perçue;
  4. En acceptant l’opinion du docteur Ouchterlony voulant que la demanderesse avait graduellement réduit sa dose de gabapentine, sans tenir compte du témoignage de la demanderesse indiquant qu’elle dépend de sa dose actuelle de gabapentine et que sans cette dose, elle [traduction] « ressentirait une énorme et incroyablement forte douleur à la tête »;
  5. En concluant que la demanderesse n’avait déployé aucun effort pour trouver et conserver un emploi en raison de son état de santé. Le représentant explique que la CSPAAT n’a offert à la demanderesse aucune occasion d’emploi qui aurait été potentiellement convenable pour elle à ce moment-là. Son employeur lui avait offert un poste, mais la CSPAAT était d’accord avec la demanderesse que ce poste n’était pas adéquat pour elle, et en fin de compte, la demanderesse s’est vu accorder [traduction] « des prestations temporaires dit [sic] de remplacement du revenu pour invalidité ».

[5] Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé au défendeur une copie des documents de permission d’en appeler, mais le défendeur n’a déposé aucune observation écrite.

Analyse

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les moyens d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment approuvé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

(a) Poids accordé à la preuve

[8] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur quant au poids qu’elle a accordé aux éléments de preuve. La Cour d’appel fédérale a déjà tranché cette question dans d’autres affaires, dans lesquelles il avait été allégué que la Commission d’appel des pensions n’avait pas accordé le poids approprié à la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse a fait mention de nombreux rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. La Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir quant au poids accordé par le décideur à la preuve, estimant que cette question « relève du juge des faits ». Je suis d’accord avec cette approche, puisque la division générale, à titre de juge des faits, est la mieux placée pour évaluer les éléments de preuve dont elle est saisie et déterminer le poids qu’il convient de leur accorder. La demanderesse ne m’a pas convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès sur ce motif.

(b) Rapport d’ergothérapie

[9] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a omis de discuter ou n’a pas suffisamment analysé le désaccord de la demanderesse à l’égard du contenu du rapport d’ergothérapie. Il ajoute que d’autres renseignements médicaux seront soumis sous peu pour réfuter plusieurs présomptions incorrectes formulées par la CSPAAT.

[10] Rien n’oblige un décideur à traiter exhaustivement de tous les éléments de preuve, observations et arguments qui lui sont soumis. Le fait que la division générale ait pu ne pas mentionner certains éléments de preuve ne signifie pas qu’elle n’a pas suffisamment examiné la preuve. La Cour suprême du Canada a établi qu’un décideur n’a pas à présenter des motifs exhaustifs portant sur toutes les questions qui lui ont été soumises. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a souligné ce qui suit :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., 1973 CanLII 191 (CSC), [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391).

[11] Dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, le juge Stratas s’est exprimé comme suit :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[12] Le représentant de la demanderesse indique que des rapports médicaux supplémentaires seront déposés sous peu pour réfuter les présomptions contenues dans le rapport d’ergothérapie. Si le représentant demande que j’examine des faits nouveaux, soupèse la preuve de nouveau et réévalue la demande en faveur de la demanderesse, les moyens d’appel étroits aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS m’en empêchent. Dans l’affaire Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 108 et cité dans Tracey, la Cour fédérale a établi que [traduction] « la production de nouveaux éléments de preuve n’est plus un motif d’appel en soi ».

‏[13] Si le représentant de la demanderesse a l’intention de déposer des rapports supplémentaires en vue de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il doit se conformer aux exigences énoncées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le tribunal de la sécurité sociale et doit aussi présenter une demande d’annulation ou de modification auprès de la division qui a rendu la décision. L’article 66 de la Loi sur le MEDS prescrit des exigences et des délais stricts pour l’annulation ou la modification d’une décision. Le paragraphe 66(2) de laLoi sur le MEDS exige que la demande d’annulation ou de modification soit présentée au plus tard un an après la date où la partie reçoit communication de la décision, tandis que l’alinéa 66(1)b) exige que le demandeur démontre que les faits nouveaux sont des faits essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Conformément au paragraphe 66(4) de laLoi sur le MEDS, la division d’appel n’a pas compétence, en l’espèce, pour annuler ou modifier une décision en fonction de faits nouveaux, car seule la division qui a rendu la décision est habilitée à le faire, à savoir la division générale dans ce cas-ci.

[14] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen présente une chance raisonnable de succès.

(c) Traitements recommandés et gabapentine

[15] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse n’avait pas épuisé tous les traitements possibles et que, par conséquent, elle n’avait pas atteint un rétablissement maximal. Le représentant indique qu’il existait en fait une preuve médicale montrant que le rétablissement maximal avait été atteint; de plus, la demanderesse avait également expliqué pourquoi il n’était ni adéquat ni logique qu’elle suive un traitement précis [traduction] « limité et sans garantie de succès » nécessitant qu’elle se rende à l’hôpital. Le représentant ajoute que la division générale a erré en exigeant que la demanderesse réduise sa dose de gabapentine sans tenir compte de l’incidence que cela aurait sur elle.

[16] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a erré en ne tenant pas compte du caractère raisonnable dont a fait preuve la demanderesse en ne suivant pas différents traitements recommandés.

[17] Le seul passage où la division générale aborde cette question dans son analyse, à savoir si la demanderesse a épuisé tous les traitements possibles, se trouve au paragraphe 44, lequel indique notamment ce qui suit :

[Traduction]
Elle était une candidate pour une TCC. Elle doit montrer qu’elle s’est prévalue des traitements recommandés. Elle a participé à des séances de TCC en 2013, mais ne se sentait pas à l’aise de faire part de ses problèmes dans un contexte de groupe. Cela indique qu’elle n’a pas entièrement participé, donc qu’elle n’a pas bénéficié de tous les bienfaits de cette thérapie.

[18] La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est le seul traitement recommandé sur lequel s’est penchée la division générale dans son analyse. Elle avait apparemment été recommandée à la demanderesse en février 2013 (GD3-62 à GD3-65) et en mars 2013 (GD3-54 à GD3-61).

[19] S’il est certain que l’intimé a soumis des observations selon lesquelles la demanderesse n’avait pas suivi tous les traitements possibles et qu’elle n’avait pas, par conséquent, atteint un rétablissement maximal, la division générale n’a pas indiqué si elle était prête à accepter ou non les observations de l’intimé à cet égard, et elle n’a tiré aucune conclusion statuant sur le rétablissement atteint par la demanderesse.

[20] La division générale ne mentionne la gabapentine qu’aux paragraphes 14 et 19 de sa décision, dans la section de la preuve. La division générale a énuméré les médicaments que la demanderesse prenait au paragraphe 14, et a résumé le rapport du docteur Ouchterlony au paragraphe 19. La division générale n’a tiré aucune véritable conclusion dans sa décision voulant que la demanderesse doive réduire sa dose de gabapentine ou qu’il s’agisse d’un cas de non-conformité si elle ne le faisait pas.

[21] Ainsi, on ne peut pas dire que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées ayant trait à l’usage de gabapentine de la demanderesse, ouà l’atteinte de son rétablissement maximal. Je ne suis pas convaincue que ce motif confère à l’appel une chance raisonnable de succès, étant donné que la division générale n’a pas tiré les conclusions de fait alléguées par le représentant.

(d) Efforts déployés pour trouver un emploi

[22] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a erré en concluant que la demanderesse n’avait déployé aucun effort pour trouver et conserver un emploi en raison de son état de santé. Le représentant explique que la CSPAAT n’a offert à la demanderesse aucune occasion d’emploi qui aurait été potentiellement convenable pour elle à ce moment-là. Son employeur lui avait offert un poste, mais la CSPAAT était d’accord avec la demanderesse que ce poste n’était pas adéquat pour elle, et en fin de compte, la demanderesse s’est vu accorder [traduction] « des prestations temporaires dit [sic] de remplacement du revenu pour invalidité ».

[23] La division générale a indiqué ce qui suit aux paragraphes 37 et 46 de sa décision :

[Traduction]
[37] […] En dépit des examens approfondis menés par de nombreux spécialistes et indiquant qu’elle était capable de recommencer à travailler graduellement comme camionneuse, elle a maintenu qu’elle était incapable d’exécuter les tâches requises en raison de ses blessures. Elle n’a pas essayé de retourner au travail depuis août 2008.

[…]

[46] Si des éléments de preuve laissent entendre que l’appelante est apte à travailler, celle-ci doit prouver que les efforts qu’elle a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117). Comme l’indiquent les différents examens menés jusqu’en 2011, l’appelante était capable de reprendre un emploi graduellement en tant que chauffeuse d’autobus. La CSPAAT lui a offert des occasions d’emploi à un programme de formation en entrepôt, mais elle les a refusées. Elle n’a essayé de reprendre aucun type d’emploi depuis 2008. Par conséquent, elle n’a pas satisfait à l’exigence selon laquelle elle devait montrer que les efforts qu’elle a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[24] Le représentant de la demanderesse semble suggérer que les efforts déployés par la demanderesse pour trouver et conserver un emploi auraient pu se limiter à ce que la CSPAAT jugeait adéquat pour elle, mais la division générale n’a manifestement pas jugé cela suffisant. La division générale a indiqué que la demanderesse aurait pu, par exemple, exploré et essayé d’autres occasions d’emploi, afin de satisfaire aux exigences énoncées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Autrement dit, il n’était pas suffisant que la demanderesse se fie à la CSPAAT pour trouver et conserver un emploi, puisque la division générale a estimé que les obligations de la demanderesse en vertu de l’arrêt Inclima étaient d’une plus grande envergure. Le représentant n’a soulevé aucune erreur de droit potentielle à cet égard. Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce motif.

Conclusion

[25] La permission d’en appeler est refusée.

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