Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 16 septembre 2015. La division générale a établi que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, parce qu’elle a conclu que l’invalidité de cette dernière n’était pas « grave » à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin, c’est-à-dire, le 31 décembre 2008. Le représentant de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler le 8 décembre 2015. La demande de permission d’en appeler a été présentée en deux parties et comprenait divers rapports, y compris des rapports de progrès de réintégration au marché du travail et des opinions médicales. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès pour un des motifs cités par la demanderesse ?

Observations

[3] Le représentant de la demanderesse indique que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et qu’elle a également commis une erreur de droit. Le représentant affirme que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. Elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé que la participation de la demanderesse à un programme de réintégration au marché du travail indiquait que celle-ci était capable de travailler après sa période minimale d’admissibilité ;
  2. Elle a tiré une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse ne pouvait plus travailler à partir du 15 août 2012 ;
  3. Elle a tiré plusieurs conclusions de fait erronées au sujet de la dépression de la demanderesse :
    1. Elle a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’un psychologue avait diagnostiqué que la demanderesse souffrait de dépression modérée en 2008 (au paragraphe 49 de la décision de la division générale), alors qu’en fait, le psychologue avait diagnostiqué que la demanderesse souffrait d’un [traduction] « épisode dépressif majeur - modéré » (GD2-271) ;
    2. Elle a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le psychologue avait recommandé à la demanderesse de suivre une nouvelle formation si elle ne pouvait pas retourner à son ancien emploi dans l’industrie des pièces automobiles, alors que le psychologue a réellement écrit ce qui suit [traduction] :

      Si Mme C. est incapable de reprendre son ancien emploi en raison de ses limitations physiques actuelles, il semblerait potentiellement avantageux de travailler avec cette prestataire en vue d’élaborer des activités de formation. Si des séances supplémentaires s’avèrent nécessaires au cours de la période de transition, veuillez la référer à nouveau de façon appropriée.
    3. Elle n’a pas tenu compte que malgré le fait qu’elle a suivi 12 séances de gestion de la douleur, la demanderesse n’a montré aucun signe d’amélioration et a continué à avec la cote « grave » sur son McGill Melzack Pain Questionnaire (questionnaire sur la douleur de McGill Melzack) (GD2- 270) ;
    4. Elle n’a pas tenu compte que la note qu’a eu la demanderesse au Pain Impact Inventory Program (programme d’inventaire des effets de la douleur) était significative en ce qui a trait aux effets de la douleur sur sa qualité de vie en général (GD2-270) ;
  4. Elle a tiré une conclusion de fait erronée selon laquelle aucun rapport médical n’a été rédigé pendant la période minimale d’admissibilité de la demanderesse ;
  5. Elle a commis une erreur de droit en ne se référant pas à l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 et lorsqu’elle a effectué son analyse sans se conformer aux principes énoncés dans l’affaire Villani.

[4] Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé à la défenderesse une copie des documents de permission d’en appeler, mais le défendeur n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[5] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit que les seuls moyens d’appel se limitent aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission soit accordée, la demanderesse doit me convaincre que les moyens d’appel correspondent à l’un des motifs précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment approuvé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

(a) Programme de réintégration au marché du travail

[7] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé que la participation de la demanderesse au programme de réintégration au marché du travail indiquait que celle-ci était capable de travailler après sa période minimale d’admissibilité.

[8] Le représentant de la demanderesse soutient que les rapports qui ont été présentés à la division générale démontraient que la demanderesse avait complété le programme à l’aide de mesures d’adaptation importantes et beaucoup de souplesse de la part de la CSPAAT. Le représentant indique, par exemple, que la CSPAAT a fourni des appareils d’assistance et démontrait de la souplesse à l’égard de la présence de la demanderesse. Le représentant fait valoir que les registres de présences démontrent que les heures de présence hebdomadaires de la demanderesse fluctuaient. Par exemple, pour le mois de mai 2010, ses heures de présence hebdomadaires variaient de 10 heures et 43 minutes à 17 heures et 16 minutes, et parfois, elle commençait le programme à 9 h 10, tandis que d’autres fois, elle commençait seulement à 13 h 29. Le représentant de la demanderesse soutient que la participation de la demanderesse au programme de réintégration au marché du travail ne peut pas être assimilée à une capacité de travailler et que cette possibilité est la condition essentielle de la régularité : MDRH c. Bennett (10 juillet 1997) CP 04757 (CAP).

[9] En fait, la division générale n’a pas conclu que la participation de la demanderesse au programme de formation indiquait qu’elle était capable de travailler après sa période minimale d’admissibilité. Au paragraphe 55, la division générale a écrit ce qui suit [traduction] :

Le Tribunal a déterminé que le fait que [la demanderesse] ait complété avec succès un programme de formation de trois ans à la suite de [sa période minimale d’admissibilité]... a mené à la conclusion que [la demanderesse] n’était pas atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa [période minimale d’admissibilité], c’est-à-dire le 31 décembre 2008, ou avant cette date.

[10] La division générale a déterminé, après avoir pris en considération plusieurs facteurs, y compris le fait que la demanderesse a complété avec succès un programme de formation de trois ans, qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave avant le 31 décembre 2008 ou à cette date. Il y a une différence significative entre conclure qu’un demandeur est atteint d’une invalidité grave avant ou à la fin de sa période minimale d’admissibilité, et conclure qu’il est capable de travailler après la fin de sa période minimale d’admissibilité. Après tout, le critère approprié pour déterminer s’il y a une invalidité est de déterminer si le demandeur est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[11] Le représentant de la demanderesse a indiqué que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés. Toutefois, il y a une présomption générale selon laquelle le juge des faits tient compte de l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté. Il aurait été utile que la division générale ait indiqué que la demanderesse a reçu des mesures d’adaptations et des appareils d’assistance au cours du programme de formation, mais de nombreux documents ont été présentés à la division générale, et il aurait été tout à fait irréaliste de s’attendre à ce que la division générale fasse référence à tous les éléments de preuve.

[12] En réalité, le représentant de la demanderesse demande que l’on évalue et que l’on soupèse à nouveau la preuve afin d’en venir à une conclusion différente de celle de la division générale. Le paragraphe 58(1) de la Loi MEDS établit des moyens d’appel très restreints et ne permet aucune révision. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

(b) Emplois en 2011 et en 2012

[13] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse ne pouvait plus travailler en date du 15 août 2012. Le représentant soutient que la division générale a mal exposé l’élément de preuve de la demanderesse, indiquant que ses problèmes de santé l’empêchaient de travailler en date du 15 août 2012. Le représentant soutient qu’en fait, la demanderesse a témoigné qu’elle n’a plus été capable de travailler en 2006, bien qu’il ne m’ait pas référée à aucune partie de l’enregistrement audio de l’audience afin d’étayer cette allégation.

[14] Le représentant de la demanderesse soutient que cette dernière a également témoigné qu’elle a tenté de retourner travailler du 13 mars 2011 au 1er avril 2013 pour Scentsy Consultant et du 5 août 2012 au 29 août 2012 pour Metro, mais que ces tentatives de retour au travail en 2011 et en 2012 n’ont pas été fructueuses et auraient dû être considérées comme des tentatives ratées de retour au travail. Le représentant soutient que, en effet, la demanderesse a présenté son feuillet T4 à l’audience auprès de la division générale afin de monter qu’elle n’avait gagné que 1 000 $ au cours de l’année où elle a travaillé à Scentsy.

[15] Je note que le T4 à la page GD2-25/AD1-14 est en fait un feuillet T4A qui indique le montant de commission de la demanderesse en tant que travailleuse autonome qui était d’un peu plus de 1 100 $ pour l’année 2011. Il n’est pas clair si la division générale a examiné quelles étaient les heures de service travaillées par la demanderesse pour que celle-ci ait perçu ces commissions.

[16] Je ne sais pas si, lors de l’instance devant la division générale, le représentant de la demanderesse a soutenu que la division générale devrait conclure que les tentatives d’emploi pour les années 2011 et 2012 étaient des tentatives ratées de retour au travail, mais rien n’indique que cette observation a été présentée à ce moment-là. La division générale ne s’est pas penchée sur la question à savoir si ces courtes périodes de travail en 2011 et en 2012 auraient pu être considérées comme étant des tentatives ratées de retour au travail. Il n’est pas approprié de déterminer cela maintenant, car je devrais évaluer la preuve et tirer mes propres conclusions de fait. Quoi qu’il en soit, le fait que la demanderesse ait pu avoir fait ces deux tentatives ratées de retour au travail, à lui seul, ne saurait être décisif pour déterminer si elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[17] Le questionnaire qui accompagnait la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada de la demanderesse qui a été présentée le 30 août 2012 confirme que la demanderesse détenait un emploi du 5 au 29 août 2012 et qu’elle a estimé être incapable de travailler à partir du 15 août 2012 en raison de ses problèmes de santé (GD3-80 à GD3-83). Le questionnaire fournissait un fondement probatoire sur lequel la division générale pouvait se fonder pour en arriver à cette conclusion que les problèmes de santé de la demanderesse l’empêchaient de travailler à partir du 15 août 2012. Donc, on ne peut donc pas dire que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] La décision de la division générale indique qu’elle a examiné la question avec la demanderesse et qu’elle a demandé à la demanderesse pourquoi elle a choisi le 15 août 2012 comme étant la date à laquelle elle n’était plus en mesure de travailler. La division générale a énoncé les éléments de preuve au paragraphe 10. La division générale a noté que la demanderesse a témoigné qu’elle n’était plus capable de travailler comme caissière en raison de douleurs aux poignets et au dos, ce qui l’empêchait de soulever et d’emballer les produits alimentaires, et qu’elle ne pouvait pas rester debout longtemps. Aucune référence n’a été faite à l’année 2006, et le représentant de la demanderesse ne m’a pas référée à aucune partie de l’enregistrement audio de l’audience afin d’étayer les observations selon lesquelles sa cliente a témoigné qu’elle ne pouvait plus travailler à compter de l’année 2006. Si je tiens pour acquis que la demanderesse a témoigné qu’elle ne pouvait plus travailler à compter de l’année 2006, la division générale aurait quand même pu rejeter cet élément de preuve et préférer l’élément de preuve indiquant qu’elle ne pouvait plus travailler à compter du 15 août 2012. Idéalement, la division générale aurait expliqué pourquoi elle aurait préféré cet élément de preuve.

[19] Malgré cela, le témoignage de la demanderesse sur ce point, à lui seul, n’aurait manifestement pas tranché la question à savoir si et quand elle est devenue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Après tout, hypothétiquement, si sa preuve avait été qu’elle n’a pas été en mesure de travailler depuis, disons, les 20 dernières années, la division générale aurait quand même dû examiner la preuve médicale au cours de sa période minimale d’admissibilité.

[20] Compte tenu des moyens d’appel, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

(c) Dépression

[21] Le représentant de la demanderesse a indiqué que la division générale a tiré plusieurs conclusions de fait erronées en lien avec la dépression de la demanderesse.

(i) Diagnostic

[22] Au paragraphe 49, la division générale a écrit que le psychologue a diagnostiqué que la demanderesse souffrait d’une [traduction] « dépression modérée ». Le représentant soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a tiré cette conclusion, car en fait, le psychologue avait diagnostiqué que la demanderesse souffrait d’un [traduction] « épisode dépressif majeur - modéré ».

[23] Il ne semble pas que la division générale ait établi avec exactitude que la demanderesse a eu un [traduction] « épisode dépressif majeur - modéré ». En effet, comme l’indique le représentant de la demanderesse, le rapport du Dr King daté du 28 septembre 2007 (GD2-279) indique que la demanderesse avait obtenu un score positif pour le diagnostic de dépression majeure lors d’un test clinique de dépistage, et son rapport daté du 4 janvier 2008 (GD2-276) fait référence à un « trouble dépressif majeur ». (En revanche, un rapport médical ultérieur, daté du 13 avril 2009 et provenant d’un neurologue [à la page GD3-128], n’indique [traduction] « aucun antécédent de dépression ».)

[24] Bien que la division générale semble avoir indiqué incorrectement le diagnostic, elle a cependant entrepris de déterminer si la dépression de la demanderesse s’avérait être grave. En d’autres termes, la division générale n’a pas fondé sa décision uniquement sur le diagnostic des problèmes de santé de la demanderesse. Plutôt, elle a utilisé le diagnostic comme point de départ à partir duquel elle a évalué si la dépression de la demanderesse pouvait être considérée comme étant grave. La division générale note qu’il n’y avait aucun élément de preuve de traitement ultérieur pour la dépression, à l’exception d’un antidépresseur pris après avoir terminé le programme de thérapie cognitive et comportementale. En d’autres termes, si la dépression de la demanderesse avait été considérée comme étant grave, la division générale se serait attendue à ce que la demanderesse suive des traitements subséquents, autres que la prise d’antidépresseurs après avoir complété le programme de thérapie cognitive et comportementale.

[25] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès au motif que la division générale semble avoir mal énoncé l’un des diagnostics de la demanderesse.

(ii) Formation

[26] Elle a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le psychologue avait recommandé à la demanderesse de suivre une nouvelle formation si elle ne pouvait pas retourner à son ancien emploi dans l’industrie des pièces automobiles, alors que le psychologue a réellement écrit ce qui suit [traduction] :

Si Mme C. est incapable de reprendre son ancien emploi en raison de ses limitations physiques actuelles, il semblerait potentiellement avantageux de travailler avec cette prestataire en vue d’élaborer des activités de formation. Si des séances supplémentaires s’avèrent nécessaires au cours de la période de transition, veuillez la référer à nouveau de façon appropriée.

[27] Le rapport a été préparé en 2008, et la demanderesse a en fait participé au programme de formation de novembre 2008 à juillet 2012. Il est évident que la division générale a interprété la recommandation pour impliquer que la demanderesse doive suivre une nouvelle formation, et de fait, celle-ci a participé à un programme de formation de novembre 2008 à juillet 2012, peu de temps après que la recommandation ait été faite. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

(iii) McGill Melzack Pain Questionnaire (questionnaire sur la douleur de McGill Melzack)

[28] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse n’a montré aucun signe d’amélioration de son état de santé, malgré le fait qu’elle a suivi 12 séances d’un programme de gestion de la douleur, et qu’elle a continué à avec la cote « grave » sur son McGill Melzack Pain Questionnaire (questionnaire sur la douleur de McGill Melzack).

[29] Le fait que la division générale n’a peut-être pas fait référence à tous les éléments de preuve ne signifie pas pour autant qu’elle a ignoré ces éléments de preuve ou qu’elle a omis de les prendre en considération. D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a établi qu’un décideur n’a pas à présenter des motifs exhaustifs portant sur toutes les questions qui lui ont été soumises. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’Union c. Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 SCC 62 (CanLII), la Cour suprême du Canada a souligné ce qui suit :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., 1973 CanLII 191 [CSC], (1975) 1 R.C.S. 382, p. 391).

[30] Le juge Stratas a également abordé cette question dans l’affaire Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 FCA 165 (CanLII). Il a écrit ce qui suit [traduction] :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[31] Compte tenu des moyens d’appel, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

(iv) Pain Impact Inventory Program (programme d’inventaire des effets de la douleur)

[32] Le représentant de la demanderesse a indiqué que la division générale n’avait pas tenu compte que la note qu’a eue la demanderesse au Pain Impact Inventory Program (programme d’inventaire des effets de la douleur) suggérait que l’incidence de la douleur sur sa qualité de vie en général était significative. Ces observations sont similaires à celles présentées au point (iii) ci-haut, et pour les mêmes motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès selon ce moyen d’appel.

(d) Rapports médicaux concomitants

[33] La division générale a écrit ce qui suit au paragraphe 53 [traduction] : « Aucun rapport médical concomitant n’a été rédigé au cours de la [période minimale d’admissibilité de la demanderesse] se terminant le 31 décembre 2008, ce qui suggère que [la demanderesse] était, à ce moment-là, régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[34] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun rapport médical rédigé pendant la période minimale d’admissibilité de la demanderesse se terminant le 31 décembre 2008, malgré le fait qu’il existait des rapports rédigés par le Dr King de la Upper Limb Clinic, datés du 28 septembre 2007, du 4 janvier 2008 et du 5 mai 2008.

[35] En fait, la division générale n’a pas laissé entendre qu’il n’y avait aucun rapport médical rédigé pendant la période minimale d’admissibilité. Plutôt, elle a justifié ses propos en indiquant qu’aucun des rapports ne suggérait que la demanderesse était généralement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. (La présence d’une virgule après le mot « 2008 » aurait probablement été nécessaire, mais dans ce cas, cela n’a pas modifié le sens de la phrase.) La division générale a précisé le sens de cela dans le paragraphe 55, lorsqu’elle a indiqué qu’[traduction] « aucun rapport d’enquête indiquant de pathologie grave ne date de la [période minimale d’admissibilité de la demanderesse] ». En d’autres termes, la division générale a conclu qu’aucun rapport médical ne faisait mention d’une invalidité grave. Dans cette perspective, on ne peut pas dire que la division générale a nécessairement commis une erreur.

[36] Toutefois, bien que rien n’oblige un décideur à tenir compte de façon exhaustive de tous les éléments de preuve qui lui sont présentés, particulièrement pour cette affaire, car le dossier d’audience comportait plus de 1 000 pages, il est toutefois curieux que la division générale n’ait pas mentionné la documentation médicale et n’ait pas mis l’accent sur celle datant de la fin de l’année 2008 et du début de l’année 2009. Cependant, elle a examiné le rapport de gestion de la douleur daté du 30 mai 2008 qui a été rédigé par un psychologue et trois infirmiers immatriculés (GD2-268 à GD2-272). La division générale devait déterminer si la demanderesse pouvait être considérée comme étant atteinte d’une invalidité grave d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité, c’est-à-dire, d’ici le 31 décembre 2008. Pourtant, elle ne semble pas avoir procédé à aucune analyse de la documentation médicale qui lui a été présentée à ce moment-là, à l’exception de l’un des rapports. La division générale a fait référence à un certain nombre de rapports médicaux tout au long de sa décision, mais les seules références à des rapports médicaux pour l’année 2008 et la première moitié de l’année 2009 étaient des références au rapport de gestion de la douleur daté du 30 mai 2008 et au rapport de radiographie daté du 13 juillet 2009. Puisque la question centrale que devait trancher la division générale était de déterminer si la demanderesse pouvait être considérée comme étant atteinte d’une invalidité grave d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité, c’est-à-dire, d’ici le 31 décembre 2008, le fait que la division générale n’ait essentiellement pas analysé les éléments de preuve à cette période de temps, y compris ceux relatifs aux troubles physiques de la demanderesse, de façon aussi exhaustive que son analyse des éléments de preuve médicale datant d’avant et de bien après sa période minimale d’admissibilité, à l’exception du rapport de gestion de la douleur, peut être significatif. Cela peut suffire à renverser la présomption générale qu’un décideur tient compte de l’ensemble de la preuve qui lui est produite.

[37] Bien que la division générale ait cité un certain nombre de motifs afin de conclure que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité, c’est-à-dire, en date du 31 décembre 2008 ou avant cette date, il n’est pas évident de déterminer si la division générale a considéré ou analysé les éléments de preuve médicale en date du 31 décembre 2008 ou autour de cette date, à l’exception du rapport daté de mai 2008. Si la division générale n’avait pas mené une analyse relativement détaillée des rapports médicaux datant d’avant et d’après la période minimale d’admissibilité, j’aurais peut-être tiré une conclusion différente. Il n’est pas clair dans quelle mesure une analyse des éléments de preuve médicale datant du 31 décembre 2008 ou aux alentours de cette date aurait pu avoir une incidence sur la décision finale de la division générale. Pour cette raison, je suis convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

(e) Villani

[38] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur, car elle ne s’est pas référée à l’affaire Villani et n’a peut-être pas effectué son analyse en se conformant aux principes énoncés dans l’affaire Villani. Si tel est le cas et que la division générale n’a pas effectué cette analyse, le représentant n’a toutefois pas indiqué de quelle manière les caractéristiques personnelles de la demanderesse auraient pu avoir une incidence sur l’examen de la gravité de l’invalidité effectué par la division générale. Il se peut que la division générale ait tenu compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse et qu’elle ait déterminé que celles-ci n’étaient pas pertinentes, mais il serait totalement spéculatif d’agir ainsi.

[39] La décision Villani indique que le critère légal pour la gravité de l’invalidité soit appliqué avec un certain rapport au [traduction] « mode réel » et qu’un décideur doit prendre en compte les circonstances particulières du demandeur comme son âge, son niveau de scolarité, sa maîtrise de la langue et ses expériences de travail et de vie. L’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, a confirmé que le décideur doit considérer ces détails quand il écrit [traduction] :

[11]... Par ailleurs, hormis une brève description de l’historique de travail de la demanderesse, il n’est pas mention du tout de son âge, niveau de scolarité, sa maîtrise de la langue et ses expériences de travail et de vie ou de tous autres détails tels que requis par Villani, supra.

...

[14] Le membre dissident s’est clairement fourvoyé, car la jurisprudence telle qu’établie dans l’affaire Villani (au paragraphe 14) :

Le critère légal et la jurisprudence de l’affaire Villani (2001 CAF 248 [CanLII], [2002] 1 CF 130) dictent que le Tribunal et son conseil doivent examiner l’ensemble des attributs d’un individu tels que l’état physique, l’âge, le niveau de scolarité, l’employabilité et ainsi de suite.

[40] La Cour d’appel fédérale dans l’affaire Bungay a permis la demande de contrôle judiciaire et a annulé la décision de la Commission d’appel des pensions, ordonnant qu’un nouveau comité de la Commission d’appel des pensions [traduction] « révise l’affaire en appliquant le critère établi par Villani ».

[41] En raison des cette tendance jurisprudentielle, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès fondé sur le motif que la division générale n’aurait pas appliqué le critère établi par Villani en examinant les circonstances personnelles de la demanderesse.

Conclusion

[42] La demande de permission d’en appeler est accordée.

[43] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.