Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] L'appelant interjette appel de la décision rendue le 28 août 2015 par la division générale,  qui a rejeté de façon sommaire son appel formé contre une décision lui refusant sa deuxième demande de pension d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada.  La division générale a rejeté sommairement l’appel car elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L'appelant a fait appel de la décision de la division générale le 4 septembre 2015 (« avis d’appel »). Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés aux termes du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. L'appel a-t-il force de chose jugée ?
  2. Si l'appel n'a pas force de chose jugée, la division générale a-t-elle commis une erreur en rejetant de façon sommaire l'appel de l'appelant ?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que l'appelant ne pouvait remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité conformément au Régime de pensions du Canada ?

Historique de l’instance

[4] Les dates à retenir sont les suivantes :

  1. Août 1952 - naissance de l'appelant (le relevé des gains déposé par l'intimé indique plutôt 1951 comme année de naissance);
  2. Le 8 juin 2012 - L'intimé a reçu la demande de l'appelant pour recevoir, simultanément, une pension de retraite et une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada.
  3. Juillet 2012 - L'appelant a commencé à recevoir une pension de retraite aux termes du Régime de pensions du Canada;
  4. Le 1er octobre 2012, l'intimé a refusé la première demande de pension d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (GD3-46). L'appelant n'a pas sollicité de révision de la décision dans laquelle on lui refusait sa première demande.
  5. Le 16 octobre 2013 - L'intimé a reçu de l'appelant une deuxième demande de pension d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (GD3-18 à GD3-21). L'intimé a refusé la deuxième demande de l'appelant lors de sa présentation initiale (GD3-17)  et à l'étape de la révision (GD3-9 et GD3-10);
  6. Le 11 mars 2014 - L’appelant a interjeté appel, devant la division générale, de la décision découlant de la révision. .

[5] Dans une lettre du 10 juillet 2015, la division générale a avisé l’appelant de son intention de rejeter l’appel de façon sommaire pour les raisons suivantes :

[traduction]

  • Vous recevez une pension de retraite du Régime de pensions du Canada depuis juillet 2012.  Votre demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada est datée du 3 septembre 2013 et a été estampillée par Service Canada à sa réception le 16 octobre 2013. Vous avez donc présenté votre demande de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada plus de 15 mois après avoir commencé à toucher votre prestation de retraite du Régime de pension du Canada.
  • Selon le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada (RPC) le bénéficiaire d’une prestation de retraite ne peut remplacer cette prestation par une prestation d’invalidité si le requérant touche une pension de retraite.
  • Selon le paragraphe 42(2) une personne ne peut présenter de demande de prestation du RPC 15 mois ou plus après avoir commencé à toucher une pension de retraite du RPC.
  • Selon le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (Loi sur le DRHDC), la division générale doit rejeter l'appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] La division générale a invité l’appelant à présenter par écrit, au plus tard le 8 août 2015, des observations détaillées s’il croyait que l’appel ne devrait pas être rejeté de façon sommaire, afin d’expliquer pourquoi son appel avait une chance raisonnable de succès.

[7] Dans ses observations déposées le 17 juillet 2015, l'appelant alléguait qu'il avait cru que le paiement qu'il avait reçu en juillet 2012 correspondait au paiement mensuel d'une pension d'invalidité du Régime de pension du Canada, plutôt que d'une pension de retraite, puisqu'il n'allait avoir 60 ans qu'en août 2012. Il ne croyait pas que Service Canada puisse commettre une erreur dans le calcul de la date de début du versement de la pension de retraite.

[8] L’intimé a lui aussi déposé des observations écrites le 20 août 2015.  L'intimé a maintenu sa position selon laquelle le bénéficiaire d’une prestation de retraite ne peut remplacer cette prestation par une prestation d’invalidité si la demande de prestation d'invalidité est reçue 15 mois ou plus après le début du versement des prestations de pension. L'intimé soutient également que l'appelant n'aurait pas satisfait la définition d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011 et, par conséquent, n'aurait pas été admissible à la pension d'invalidité. L'intimé soutient que la preuve médicale et la preuve documentaire ont démontré que l'appelant avait travaillé jusqu'au 21 août 2013, ce qui est bien au-delà de la fin de sa période minimale d'admissibilité et par conséquent,  est incohérent avec une conclusion d'invalidité au sens du Régime de pensions du Canada. (Je remarque qu'une correspondance antérieure de l'intimé à l'appelant suggère que l'appelant pourrait avoir cessé de travailler le 22 mai 2012, conformément au questionnaire qu'il a rempli le 22 mai 2012 [pages GD3-85 à GD3-91].)

[9] La division générale a rendu sa décision le 28 août 2015.  La division générale estime que l'appelant était en retard d'un mois dans la présentation de sa demande de remplacement de sa pension de retraite par une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada. En d'autres termes, il a présenté une demande de pension d'invalidité plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir une pension de retraite. La division générale ne s'est pas préoccupée des observations de l'appelant selon lesquelles l'intimé n'aurait pas dû commencer à le payer avant septembre 2012 ni des observations de l'intimé selon lesquelles l'appelant ne pouvait être considéré invalide à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011,  puisqu'il a vraisemblablement continué à travailler jusqu'au 21 août 2013. La division générale a rejeté l'appel de façon sommaire.

[10] Le 4 septembre 2015, l’appelant a porté en appel la décision de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire.

Observations

[11] L'appelant soutient que et l'intimé et la division générale ont mal calculé la période de 15 mois à partir de juillet 2012. Le calcul de 15 mois à partir de juillet 2012 mène à octobre 2013. L'appelant ajoute qu'on devrait prendre en compte le fait qu'il a déposé une première demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada en 2012. L'appelant ajoute qu'il a commencé à recevoir une pension de retraite avant son 60e anniversaire. Je comprends que l'appelant soutient essentiellement que l'intimé a commis une erreur en lui payant une pension de retraite anticipée en juillet 2012 et que le versement de cette pension de retraite anticipée a fait en sorte qu'il n'a pu par la suite demander le remplacement de la pension de retraite par une pension d'invalidité.

[12] Le Tribunal de la sécurité sociale a fourni à l'intimé une copie de l'avis d'appel.  L'intimé n'a déposé aucune observation dans le contexte de ces procédures.

Moyens d’appel

[13] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question no 1 : L'appel a-t-il la force de chose jugée ?

[14] L'intimé a rejeté la première demande de prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada de l'appelant. L'appelant n'a pas sollicité de révision de la décision dans laquelle on lui refusait sa première demande. Il a déposé une deuxième demande de pension d'invalidité en octobre 2013. Cette situation soulève question de savoir si la deuxième demande pourrait être considérée comme ayant la force de chose jugée puisque la demande avait déjà été traitée par l'intimé.

[15] La res judicata empêche qu’une nouvelle audience soit tenue ou que des questions déjà tranchées définitivement soient remises au rôle, et qu'une des parties soit forclose d'agir en raison des procédures antérieures. Dans l’affaire Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, la Cour d’appel fédérale a écrit que :

[89] Le principe de la chose jugée est une règle de preuve et un élément du droit de la préclusion. De façon générale, le droit de la préclusion empêche les parties d’intenter certaines actions. Le principe de la chose jugée s’entend de l’idée selon laquelle un litige, une fois qu’il a été tranché de manière définitive, ne peut pas être débattu de nouveau; voir l’arrêt Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 RCS 460, au paragraphe 20. Quand le principe de la chose jugée s’applique, la partie est empêchée par préclusion, du fait de l’instance antérieure.

[16] Dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, la Cour suprême du Canada a énuméré les trois conditions d’application de la préclusion (forme de chose jugée), qui avaient été établies par le juge Dickson (devenu plus tard juge en chef) dans l’arrêt Angle c. Ministre du Revenu national, [1975] 2 R.C.S. 248 :

  1. a) que la même question ait été décidée;
  2. b) que la décision judiciaire invoquée comme créant la fin de non-recevoir soit finale;
  3. c) que les parties dans la décision judiciaire invoquée soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la fin de non-recevoir est soulevée.

[17] Dans l'arrêt Canada (Ministre du  Développement des ressources humaines) c. MacDonald, 2002 CAF 48, la Cour d'appel fédérale soutient que la doctrine de la res judicata s'applique aux décisions du ministre, des tribunaux de révision et de la Commission d'appel des pensions (respectivement la division générale et la division d'appel) dans le cadre du Régime de pensions du Canada, nonobstant toutes dispositions législatives contraires.  L'arrêt MacDonald a été suivi par la Cour d'appel fédérale dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Fleming, 2004 CAF 288 et par la Cour fédérale dans Vuong c. Canada (Procureur général), 2007 CF 699.

[18] Dans Boucher c. Stelco Inc., [2005] 3 RCS 279, 2005 CSC 64 au paragraphe 32, la Cour suprême du Canada décrit le champ d'application de la doctrine de la res judicata. La Cour a établi que la res judicata s'appliquait non seulement aux décisions judiciaires, mais aussi aux décisions d'entités et de tribunaux administratifs. La Cour n'est pas allée jusqu'à étendre la doctrine de la res judicata aux décisions des ministres ou des fonctionnaires occupant des postes similaires.  Le juge LeBel a écrit :

Enfin, la règle de la chose jugée s’applique non seulement aux décisions des tribunaux judiciaires, mais aussi à celles des tribunaux ou organismes administratifs...

[19] La Cour fédérale, dans Vuong, pour une raison ou pour une autre n'a pas cité l'arrêt Boucher  ni ne lui a fait référence.

[20] Je suis tenue de suivre l'arrêt Boucher.  Considérant les termes de la Cour suprême du Canada, la doctrine de la res judicata ne semble pas s'étendre aux décisions du ministre intimé. Bien que le ministre puisse jouer un rôle décisionnel, il n'en résulte pas pour autant une fonction juridictionnelle. Les décisions du ministre ne s'inscrivent pas dans les paramètres décrits par la Cour suprême du Canada. Pour cette raison, la doctrine ne s'applique pas aux circonstances dans lesquelles le ministre a rendu antérieurement une décision et l'appelant n'a pas demandé de révision ou n'a pas interjeté appel à un tribunal de révision ou à la division général, selon le cas.

[21] Je remarque de toute façon que dans sa décision initiale, le ministre ne semble pas s'être attardé à la question soulevée par l'appelant, celle de savoir si la pension de retraite aurait dû être payable avant que l'appelant atteigne l'âge de 60 ans, si on suppose qu'il est effectivement né en août 1952. Même si la doctrine s'étendait aux décisions de l'intimé, on ne  pourrait dire des faits en l'espèce que l'affaire a force de chose jugée puisqu'elle n'a pas déjà été correctement décidée.

Question 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur en choisissant de rejeter sommairement l’appel de l’appelant ?

[22] L'appelant n'a pas abordé la question de la pertinence du rejet sommaire de son appel devant la division générale, mais je vais néanmoins en traiter brièvement.

[23] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDSexige que la division générale rejette un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale n’a pas indiqué le critère approprié ou qu’elle a mal énoncé ce critère, elle a alors commis une erreur de droit.

[24] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le critère à appliquer dans le cas d'un rejet sommaire en citant le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS au paragraphe 6 de sa décision. Toutefois, il ne suffit pas réciter le critère du rejet sommaire énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS,  encore faut-il l’appliquer correctement. Une fois que le critère applicable correctement établi, la division générale était ensuite tenue d’appliquer le droit aux faits.

[25] Pour déterminer le caractère approprié d’une procédure de rejet sommaire et si un appel a une chance raisonnable de succès, un décideur doit établir s’il y a « matière à procès » et si l’affaire est fondée. Pour autant que l’appel soit fondé sur des faits suffisants et que l’issue ne soit pas « manifeste », il n’y a pas lieu de prononcer un rejet sommaire.  Il n'y aurait pas lieu non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est « faible », lequel exige forcément d’évaluer le bien-fondé de l’affaire, d’examiner la preuve et de déterminer la valeur de celle-ci.

[26] La division générale a conclu que ses pouvoirs se limitaient à ceux que lui conférait sa loi habilitante et qu’elle devait interpréter et appliquer les dispositions de la façon prévue dans le Régime de pensions du Canada. La division générale a déterminé que les dispositions du Régime de pensions du Canada étaient claires et que la preuve était sans équivoque. La division générale a également souligné qu’elle n’avait pas la compétence pour tenir compte des motifs d’ordre humanitaire.

[27] La division générale a déterminé que l’appel de l’appelant n’avait aucune chance de réussite, compte tenu du droit et des faits. Si les parties s'étaient entendues sur les faits et sur le droit applicable, il n'y aurait pas eu de débat sur la pertinence de la procédure de rejet sommaire. Mais en l'espèce, l'appelant a fait allusion à une question de fait et de droit dont la division générale n'a pas tenu compte. L'appelant a affirmé que l'intimé lui avait payé erronément une pension de retraite avant qu'il ait atteint l'âge de 60 ans. Il s'interroge sur l'implication d'un tel paiement anticipé d'une pension de retraite, ce qui soulève la question de l'interprétation de l'article 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada

[28] Étant donné le litige entre les parties au sujet des faits essentiels (c’est-à-dire la date de naissance de l'appelant) présentés devant la division générale qui auraient pu faire en sorte que l'appelant ne puisse remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité, l'affaire n'aurait pas dû faire l'objet d'un rejet sommaire. Sur la seule question de l'erreur de droit, la décision de la division générale ne peut rester en vigueur.

Question 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en déterminant que l'appelant ne pouvait remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité ?

[29] Laissant de côté la question de la pertinence du rejet sommaire, je vais examiner la question de savoir si, comme le prétend l'appelant, la division générale a commis une erreur en déterminant qu'il avait dépassé le délai de 15 mois pendant lequel il pouvait remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité.

[30]  Le paragraphe 66.1 (1.1) du Régime de pensions du Canada prévoit que le demandeur ne peut demander la cessation de ses prestations de retraite s'il reçoit des prestations de retraite et qu'il est réputé être devenu invalide au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite.

[31] Dans sa requête en rejet d'appel datée du 4 juin 2015, l'intimé a fait valoir que selon la Commission d'appel des pensions, le paragraphe 6.1(1.1) est clair et sans équivoque et que les dispositions du Régime de pensions du Canada permettant de remplacer des prestations de retraite par des prestations d'invalidité ne sont pas souples : Ministre du Développement social c. R. Desjardins (5 octobre, 2006), CP23966, aux paragraphes 17 à 19 et 21. La Commission d'appel des pensions a établi que si un prestataire recevait déjà une pension de retraite du Régime de pensions du Canada depuis plus de 15 mois au moment de présenter une demande de pension d'invalidité, il ne pouvait demander la cessation de la pension de retraite. Tandis que je ne suis pas liée par les décisions de la Commissions d'appel des pensions, ces dernières ont un certain effet persuasif et, dans les circonstances, j'estime que si un demandeur reçoit une pension de retraite et est réputé être devenu invalide au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite, il ne peut demander la cessation de sa pension de retraite.

[32] L'appelant doit démontrer à la division générale qu'il est réputé être devenu invalide avant le mois au cours duquel il a commencé à recevoir le paiement de sa pension de retraite. En l'espèce, l'appelant a commencé à recevoir le paiement de sa pension de retraite en juillet 2012. La division générale a établi que l'appelant devait être considéré invalide avant juillet 2012 pour pouvoir demander la cessation de sa pension de retraite. Puisque la demande de pension d'invalidité a été reçue en octobre 2013, il aurait pu être réputé être devenu invalide en juillet 2012, au plus tôt. La division générale estime par conséquent qu'il ne pouvait demander la cessation de sa pension.

[33] Comme la Cour fédérale l'a mentionné dans Dubé c. Canada (Procureur Général), 2016 CF 43, en certaines occasions la division d'appel ne devrait pas se fonder sur les conclusions de la division générale. Cette remarque s'applique en l'espèce, alors que les faits à partir desquels la division générale a établi ses conclusions semblaient sans fondement. La division générale semble avoir accepté que l'appelant aurait dû recevoir le paiement d'une pension de retraite à partir de juillet 2012, si on part de l'hypothèse selon laquelle il devait atteindre l'âge de 60 ans avant juillet 2012. La division générale semble avoir négligé le fait que l'appelant a toujours dit qu'il était né en août 2012 et qu'il avait commencé à recevoir une pension de  retraite avant d'avoir atteint l'âge de 60 ans.

[34] Le langage utilisé à l'article 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada indique qu'une des dates clés est le moment « où il a commencé à toucher sa prestation de retraite », qui diffère du moment où la pension de retraite est vraiment payée. Cette distinction est essentielle en l'espèce. En temps normal, les deux dates devraient correspondre, mais l'appelant mentionne qu'il est né en août 1952, et non en août 1951 comme l'indiquent les dossiers de l'intimé. En fonction de la date de naissance réelle de l'appelant, la date à laquelle l'appelant a commencé à toucher sa prestation de retraite peut être différente du moment où la pension de retraite est vraiment payée. Je tiens à préciser que je ne tire aucune conclusion quant à la date de naissance réelle de l'appelant, mais quelle qu'elle soit, cette date pourrait être déterminante pour savoir si l'appelant pouvait demander le remplacement de sa prestation de retraite par une prestation d'invalidité, étant donné le langage utilisé aux paragraphes 66.1(1) et 67(2) du Régime de pensions du Canada.

[35] Le paragraphe 66.1(1.1) du Régime de pensions du Canada se lit comme suit :

66.1(1.1) Exception - Toutefois, le bénéficiaire d’une prestation de retraite ne peut remplacer cette prestation par une prestation d’invalidité si le requérant est réputé être devenu invalide, en vertu de la présente loi ou aux termes d’un régime provincial de pensions, au cours du mois où il a commencé à toucher (mes soulignements) sa prestation de retraite ou par la suite. 

[36] Le paragraphe 67(2) du Régime de pensions du Canada indique que les prestations de retraite sont payables à compter du dernier des mois suivants :

  1. a) le mois au cours duquel le requérant a atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  2. b) le mois suivant le mois au cours duquel le requérant a présenté une demande, s’il n’avait pas atteint l’âge de soixante-dix ans lorsqu’il a présenté sa demande;
  3. (h) le mois que choisit le requérant dans sa demande.

[37] On ne m'a pas fourni de copie de la demande de pension de retraite de l'appelant, mais je suppose que l'appelant n'a pas précisé le moment où le paiement de la pension de retraite devrait commencer.

[38] Bien que l'appelant puisse avoir commencé à recevoir paiement de sa pension de retraite en juillet 2012, celle-ci n'était pas exigible selon le paragraphe 67(2) du Régime de pensions du Canada avant le mois au cours duquel il a atteint l'âge de 60 ans, soit août 2012 en l'espèce (en supposant qu'il soit vraiment né en août 1952).

[39] Si la pension de retraite avait été exigible à partir d'août 2012, l'appelant aurait, au moment de présenter sa demande de pension d'invalidité en octobre 2013, respecté le délai dans lequel il pouvait remplacer sa pension de retraite par une pension d'invalidité puisqu'il aurait pu être réputé être devenu invalide au plus tard en juillet 2012. Il s'agissait du mois avant le mois au cours duquel il a atteint l'âge de 60 ans et au cours duquel la pension de retraite allait devenir exigible.

[40] Si, par contre, l'intimé a raison en disant que l'appelant est né en août 1951, alors la pension de retraite aurait été exigible à partir « du mois suivant le mois au cours duquel le requérant a présenté une demande », c'est-à-dire en juillet 2012. Il aurait dû être réputé être devenu invalide avant juillet 2012, mais puisque la demande de pension d'invalidité a été présentée en octobre 2013, la date la plus hâtive à laquelle l'appelant aurait pu être réputé être devenu invalide serait juillet 2012. Autrement dit, si la date de naissance réelle de l'appelant est août 1951, ce dernier a dépassé le délai de 15 mois pendant lequel il pouvait demander le remplacement de ses prestations de retraite par des prestations d'invalidité.

[41] En résumé, la possibilité pour l'appelant de présenter une demande de remplacement de ses prestations de retraite par des prestations d'invalidité pourrait dépendre de sa date de naissance réelle.

[42] Il semble qu'un certificat de naissance ou tout autre document acceptable devrait permettre de confirmer la date de naissance réelle de l'appelant. Si la date de naissance de l'appelant est effectivement en août 1952, l'intimé a alors commis une erreur en commençant le paiement de la pension de retraite en juillet 2012.Si tel est le cas, l'appelant pourrait avoir à rembourser un mois de paiement, sans égard à l'issue de l'affaire visant à savoir s'il a droit à la pension d'invalidité du Régime de pension du Canada.

[43] La division générale a commis une erreur en ne vérifiant pas la date de naissance de l'appelant.  Si l'appelant est en mesure de prouver qu'il est né en août 1952, cette démonstration signifiera que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu'elle n'a pas tenu compte de la date de naissance déclarée pour déterminer si l'appelant pouvait remplacer les prestations de retraite par des prestations d'invalidité.

Autres considérations

[44] En plus de confirmer sa date de naissance, l'appelant aurait besoin d'établir qu'il était invalide à la fin de sa période minimale d'amissibilité et qu'il a continué de l'être depuis, de façon à pouvoir demander le remplacement des prestations de retraite par des prestations d'invalidité.

[45] La division générale n'a pas tenu compte de la question de savoir si les éléments de preuve étaient suffisants pour établir que l'appelant pourrait être réputé invalide, au sens du Régime de pensions du Canada, à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011. L'intimé avait déjà déclaré devant la division générale que l'appelant avait travaillé jusqu'au 21 août 2013. Le propre questionnaire de l'appelant mentionnait aussi qu'il avait travaillé jusqu'au 22 mai 2012. Cependant, sans un examen exhaustif de la preuve je ne peux tirer aucune conclusion sur la question de savoir si l'appelant a travaillé au-delà de sa période minimale d'admissibilité. Après tout, il se pourrait que l'appelant ait des éléments de preuve additionnels à présenter pour aider à déterminer si, à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011, un emploi peut être qualifié d’emploi véritablement rémunérateur.

[46] Je refuse de tirer toute conclusion sur la question de savoir si l'appelant aurait pu être considéré comme invalide à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2011, ou avant cette date, puisqu'agir ainsi usurperait le rôle de la division générale en tant que juge des faits.

Conclusion

[47] Pour les raisons susmentionnées, l'appel est accueilli et l'affaire est renvoyée à la division générale pour un réexamen complet de la question visant à déterminer si l'appelant peut remplacer ses prestations de retraite par des prestations d'invalidité.

[48] J’accorde à l’appelant la permission de déposer tout autre dossier médical ou dossier d'employé, ainsi que des observations à jour, sous réserve des directives ou ordonnances de la division générale.

[49] L'affaire est renvoyée à un membre différent de la division générale.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.