Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Dans une décision rendue le 19 juin 2915, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) a accordé à l’appelante la permission d’en appeler de la décision de la division générale, selon laquelle elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Moyens d’appel

[3] La permission d’en appeler a été accordée au motif restreint que la division générale a possiblement commis un manquement à la justice naturelle relativement à son point de vue sur certaines parties du témoignage de l’appelante.

[4] L’appelante soutient que la division générale a fait preuve de partialité en rendant sa décision, puisqu’elle l’a décrite comme ayant quelque peu exagéré durant son témoignage. Si cette allégation se révèle vraie, il s’agirait d’un manquement à la justice naturelle.

Question en litige

[5] La question sur laquelle la division d’appel doit se prononcer est la suivante :

  • La division générale a-t-elle fait preuve de partialité et, ainsi, commis un manquement à la justice naturelle, lorsqu’elle a qualifié le témoignage de l’appelante de [traduction] « quelque peu exagéré »?

Droit applicable

‏[6] Les appels de décisions rendues par la division générale sont régis par les articles 56 et 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Les seuls moyens d’appel, au nombre de trois, sont énoncés à l’article 58 de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 1. Le présent appel est fondé sur le moyen prescrit au paragraphe 58(1), à savoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.

Observations

[7] En vertu de l’article 42 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 2, les parties ont disposé de 45 jours pour déposer des observations ou pour déposer un avis auprès du Tribunal précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer. La division d’appel a reçu des observations de la part de l’appelante comme de l’intimé. Cela dit, les observations de l’appelante se résumaient à des descriptions supplémentaires de ses affections. Elles ne touchaient pas au motif d’après lequel la permission d’en appeler a été accordée.

[8] L’intimé a déposé d’amples observations qui, en gros, indiquent que la décision de la division générale ne contient aucune erreur susceptible de révision et permettant à la division d’appel d’intervenir, en fonction du motif d’après lequel la permission d’en appeler a été accordée.

Norme de contrôle

[9] Le représentant de l’intimé a déposé de nombreuses observations se rapportant à la norme de contrôle. Parmi celles-ci, il présentait l’argument selon lequel il est nécessaire que la division d’appel établisse d’abord la norme de contrôle applicable avant de pouvoir déterminer avec exactitude si la division générale a commis une erreur susceptible de révision.

[10] La jurisprudence actuelle de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale diffère de la position de l’intimé. Elle indique plutôt que l’appel se limite à déterminer si la division générale a commis des erreurs énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Paradis et Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242 (CanLII), 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale est d’avis que lorsque la division d’appel entend des appels en vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, soit la loi qui régit le Tribunal, elle n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi :

[19] […] Lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. Elle doit notamment déterminer si la Division générale a « rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier » (alinéa 58(1)b) de la Loi). Il n’est nul besoin de greffer à ce texte la jurisprudence qui s’est développée en matière de contrôle judiciaire.

[11] La Cour d’appel fédérale s’est penchée de nouveau sur cette question dans l’arrêt Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274, et a confirmé la position établie dans Jean et Paradis. Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, la Cour fédérale a abordé la question dans le contexte des demandes de permission d’en appeler de décisions de la division générale, et est arrivée à une conclusion semblable, sinon identique.

[12] Par conséquent, et nonobstant les observations du représentant de l’intimé, la division d’appel doit s’en tenir uniquement à déterminer si la division générale a commis un manquement à la justice naturelle.

Analyse

La division générale a-t-elle commis un manquement à la justice naturelle?

[13] L’appelante a soutenu que la décision de la division générale est lacunaire et donne lieu à un manquement à la justice naturelle puisque la division générale a dénaturé son témoignage ayant trait au temps qu’il lui faut pour sortir de sa voiture et aux conseils qui lui ont été prodigués concernant son admissibilité à une chirurgie au genou. Elle a allégué que les rapports médicaux du docteur Fleming n’incluaient pas tout ce qu’il lui avait dit durant ses consultations à propos de la chirurgie au genou.

[14] Le représentant de l’intimé a répondu en indiquant que le propos [traduction] « blessant » tenu par la division générale n’est pas révélateur de partialité, mais qu’il relève plutôt de son évaluation de la crédibilité des parties et de son appréciation de la preuve.

[15] Une allégation de partialité, comme celle que la division d’appel estime avoir été portée implicitement par l’appelante contre la division générale, constitue une accusation grave. Dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergieNote de bas de page 3, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de la « crainte raisonnable de partialité ». Le point de vue de la minorité dissidente a fini par devenir la norme à cet égard. Ainsi, conformément aux juges Martland, Judson et de Grandpré, « [l]e critère [applicable] consiste à se demander “à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question … de façon réaliste et pratique?” ».

[16] Le représentant de l’intimé a soutenu que le critère relatif à la partialité requiert que la personne qui évalue les allégations soit « raisonnable », c’est-à-dire impartiale. Le critère nécessite ensuite d’établir si la crainte de partialité est, en soi, raisonnable. La division d’appel est d’accord. De plus, le seuil à atteindre pour en venir à une conclusion de partialité est élevé, étant donné que cette allégation remet en question l’intégrité du Tribunal et de ses membres qui détiennent le pouvoir décisionnel. Ainsi, de telles allégations doivent être davantage que de « simples soupçons » (R. c. S. (R.D.), [1997] 3 RCS 484).

[17] Il revient à l’appelante d’établir qu’un manquement à la justice naturelle a eu lieu. L’appelante a soutenu que la division générale a fait preuve de partialité lorsqu’elle a écarté certaines parties de son témoignage et les a qualifiées de [traduction] « quelque peu exagérées » (pièce AD-1). La division d’appel n’est pas convaincue que seules ces circonstances puissent étayer une allégation de partialité. La division d’appel estime que le propos de la division générale doit être mis dans le contexte de sa conclusion relativement au témoignage de l’appelante, où celle-ci a indiqué que le docteur Fleming lui avait conseillé d’attendre d’avoir atteint l’âge de 60 ans avant de subir une arthroplastie au genou, et à l’absence de rapports médicaux à l’appui. En effet, la division générale a conclu que certains éléments de preuve semblaient plutôt indiquer le contraire.

[18] Par conséquent, la division d’appel juge que l’appelante ne lui a pas fourni d’information lui permettant de soutenir l’accusation qu’elle a portée à l’endroit de la division générale, à savoir que celle-ci a fait preuve de partialité en décrivant des parties de son témoignage comme étant [traduction] « quelque peu exagérées ». Ainsi, elle n’a pas réussi à montrer que son allégation de partialité était raisonnable. La division d’appel conclut que, même si les mots choisis par la division générale n’étaient pas idéals, dans les circonstances, ils ne donnent pas lieu à une crainte raisonnable de partialité ou à une réelle partialité.

Conclusion

[19] La permission d’en appeler avait été accordée au motif que la division générale avait possiblement commis un manquement à la justice naturelle lorsqu’elle a indiqué que l’appelante avait [traduction] « quelque peu exagéré ». Il incombait à l’appelante de montrer qu’elle avait une crainte de partialité raisonnable et que la division générale avait commis un manquement à la justice naturelle en concluant qu’elle avait [traduction] « quelque peu exagéré ». La division d’appel conclut que l’appelante ne s’est pas acquittée de ce fardeau puisqu’elle ne lui a fourni aucune information à l’appui de son allégation.

[20] L’appel est rejeté.

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