Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Dans une décision datée du 8 décembre 2015, la division d’appel a accordé à l’appelant la permission d’en appeler de la décision de la division générale dans laquelle elle refusait de proroger le délai pour interjeter appel de la décision. La division d’appel a accordé la permission au motif strict que la division générale n’a pas démontré dans sa décision qu’elle avait tenu compte de l’intérêt supérieur de la justice.

Observations

[3] Conformément à l’article 42 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 1, les parties à l’appel avaient 45 jours suivant la date à laquelle la permission d’en appeler a été accordée pour déposer auprès de la division d’appel des observations ou un avis précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer (avis précisant qu’aucune observation ne sera déposée). La division d’appel a reçu des observations de l’intimé, tandis que l’appelant a présenté un avis écrit précisant qu’aucune observation ne sera déposée.

[4] Dans ses observations, le représentant de l’intimé a fait valoir que la division générale avait refusé comme il se doit de prolonger le délai pour interjeter appel devant la division générale et qu’elle avait correctement rejeté l’appel de l’appelant. Comme il a été mentionné précédemment, le représentant de l’appelant n’a produit aucune autre observation, mais il s’est fondé sur les lettres qu’il avait envoyées à la division générale.Note de bas de page 2

[5] Le représentant de l’intimé a également produit des observations concernant la question de savoir si la division d’appel devrait mener une analyse de la norme de contrôle en l’espèce. Selon les observations du représentant de l’intimé, il était approprié pour la division d’appel d’agir ainsi en raison de l’origine et de l’objet du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), et du rôle de la division d’appel qui a été défini dans le régime législatif.

[6] Cette position est contraire à celle de récentes décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale qui ordonne à la division d’appel de ne pas mener une analyse de la norme de contrôle et de limiter son enquête à une évaluation de la question de savoir si la division générale a contrevenu à l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242 (CanLII), 2015 CAF 242; Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274, confirmant les décisions Jean et Paradis; Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[7] Jusqu’à ce que la question soit définitivement tranchée, la division d’appel s’appuiera sur les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale.

Question en litige

[8] La question en l’espèce est la suivante : « Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’intérêt supérieur de la justice lorsqu’elle a refusé de proroger le délai pour interjeter appel de la décision? »

Disposition législatives applicables

[9] Les moyens d’appel figurent à l’article 58 de la Loi sur le MEDS. Ces moyens comprennent les manquements au principe de justice naturelle, les excès de compétence, les erreurs de droit et les erreurs de fait :

58(1) Moyens d’appel – Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La permission d’en appeler a été accordée au titre du deuxième moyen d’appel.

Critère pour la prorogation des modalités de présentation

[11] L’article 52 de la Loi sur le MEDSprescrit le délai pour interjeter appel devant la division générale du Tribunal. Le paragraphe 52(2) prévoit un délai supplémentaire pour interjeter appel, mais le plafond établi pour ce délai est d’un an.

52(2) Délai supplémentaire – La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

[12] En plus de la disposition législative, la jurisprudence a établi des critères pour évaluer la décision de proroger ou non un délai. Dans la décision GattellaroNote de bas de page 3, la Cour fédérale a déterminé quatre facteurs qui devraient servir de fondement de l’enquête, c’est-à-dire les questions de savoir si :

  1. il y avait une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. le fait de prolonger le délai porterait préjudice à l’autre partie.

[13] Dans la décision HogervostNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale s’est donné beaucoup de mal pour déclarer les critères énumérés dans la décision Gattellaro comme étant flexibles et devant être appliqués de manière à ce que justice soit rendue entre les parties. L’aspect fondamental à prendre en considération dans une demande de prorogation de délai consiste à s’assurer que justice est faite entre les parties.

[14] Le représentant de l’intimé a fait valoir que la Cour d’appel fédérale n’a pas élargi la portée de la décision Gattellaro; elle a plutôt montré les facteurs de la décision Gattellaro comme un moyen d’assurer la prise en considération, à savoir celle qui consiste à ce que justice soit faite entre les parties. Dans la position adoptée par le représentant de l’intimé, il est soutenu implicitement que "l’intérêt de la justice" n’est pas une catégorie distincte dont la division générale devait appliquer lorsqu’elle a examiné si elle devait octroyer ou non la prorogation d’un délai pour interjeter appel. Cependant, ce débat n’est pas l’objet de cet exercice particulier. Il suffit de dire que, selon la division d’appel, l’intérêt de la justice, à tout le moins, met l’accent sur les facteurs énoncés dans la décision Gattellaro. Cette position semble avoir été établie dans la décision Larkman, 2012 CAF 204.

[15] En revanche, le représentant de l’appelant maintient fermement qu’il est évident que l’appel connaîtra un retard. Le représentant fonde sa position sur les lettres à l’intention du Tribunal datées du 5 juin 2014, du 21 août 2014, du 15 janvier 2015 et du 1er mai 2015.

[16] La lettre du 5 juin 2014 a constitué le moyen par lequel le représentant de l’appelant a signalé son intention d’interjeter appel. Les autres lettres contiennent et reformulent la position du représentant de l’appelant selon laquelle l’appel a été interjeté dans les délais et qu’il n’y a aucune raison qui justifie que le représentant demande une prorogation du délai pour interjeter appel.

[17] Le représentant de l’intimé a souligné deux questions concernant la procédure. Le représentant fait valoir que l’appel n’avait jamais été interjeté en bonne et due forme devant la division générale. Le représentant souligne également que, étant donné qu’il n’y a jamais eu un appel en bonne et due forme devant la division générale, l’appel a été frappé de prescription le 26 mars 2015.

[18] Bien que ces enjeux ne faisaient pas partie des questions soulevées à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ces questions sont, selon la division d’appel, étroitement liées à la question de savoir si la division générale a omis ou non de tenir compte des intérêts de la justice.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte des intérêts de la justice?

[19] Dans sa décision, la division générale a conclu que, bien que l’appelant avait une cause défendable et qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle l’introduction tardive d’un appel causerait un préjudice à l’intimé, le fait que l’appelant a omis de faire preuve d’une intention continue d’interjeter appel et de fournir une explication raisonnable pour le délai l’a emporté sur ces deux facteurs. Selon la division générale, la seule indication d’une certaine intention de poursuivre l’appel était le fait que le représentant de l’appelant a introduit un appel incomplet (paragr. 31 de la décision de la division générale).

[20] Au paragraphe 5 de la décision, la division générale cite la décision Larkman, qui appuie le principe selon lequel "[la] considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice" (décision de la division générale). Il s’agit de la somme de toute mention concernant le concept de l’intérêt de la justice. Selon la division d’appel, même sans que cela soit un facteur isolé, la division générale devait aborder la question de l’intérêt de la justice dans sa décision, ce qui n’a pas été le cas. La division d’appel estime qu’il s’agit d’une erreur de droit.

Aucun appel n’a été interjeté en bonne et due forme devant la division générale

[21] Malgré cette conclusion, la division d’appel estime que l’appel ne peut être accueilli pour d’autres motifs, y compris le fait qu’un appel n’a jamais été interjeté en bonne et due forme devant la division générale, et ce malgré le fait que le tribunal a donné amplement l’occasion à l’appelant de parfaire l’appel. Par exemple, dans sa lettre datée du 5 juillet 2014, le tribunal a expressément informé l’appelant et son représentant du fait qu’un appel n’est considéré comme complet qu’une fois que le Tribunal a reçu tous les renseignements nécessaires. Le représentant de l’appelant a soutenu que l’appel avait été interjeté à temps (voir lettre datée de mai 2015).

[22] La division d’appel n’est pas d’accord. L’article 40 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) prévoit la forme et la teneur d’un appel devant la division générale. La lettre / l’avis d’appel original ne respectait pas les exigences prévues à l’article 40. L’appelant et son représentant ont eu l’occasion de corriger les lacunes et de présenter l’avis d’appel conformément au Règlement, soit avant la fin du délai de 90 jours. L’appelant et son représentant ont omis de faire cela. Le Tribunal n’a pas reçu de réponse à sa lettre datée du 5 juillet 2014 informant l’appelant et son représentant que l’avis d’appel était incomplet avant le 21 août 2014, soit environ 52 jours après l’expiration du délai. À ce moment-là, l’introduction de l’appel était tardive, et l’appelant devait présenter une demande de prorogation du délai pour interjeter appel; son représentant a fermement refusé de présenter cette demande.

[23] Il semble que le Tribunal n’a jamais déclaré que l’appel était complet. Une fois le délai de 90 jours expiré, le Tribunal s’est concentré sur le fait que l’introduction de l’appel était tardive et il a déployé tous les efforts possibles pour permettre au représentant de l’appelant de présenter une demande de prorogation du délai. Par conséquent, étant donné qu’aucun appel complet n’a été interjeté devant la division générale, l’erreur de droit est rendue théorique et elle n’affecte pas l’issue de l’appel.

L’appel est frappé de prescription

[24] De plus, une fois la limite d’un an dépassée pour proroger le délai afin d’interjeter appel, l’appelant a été frappé d’une prescription concernant l’introduction de son appel. Aucun argument n’a été présenté selon lequel le délai d’un an n’avait pas expiré. Le délai d’un an a expiré à la fin de mars 2014, soit bien avant que la division d’apppel ne se pose même la question. Par conséquent, la division générale est persuadée que, sauf erreur concernant le délai, une erreur de droit ne pourrait pas influer sur la décision de la division générale.

[25] Pour les motifs susmentionnés, la division d’appel rejette l’appel.

Décision

[26] L’intimé a demandé à la division d’appel d’exercer son pouvoir législatif en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. L’intimé a souligné que la décision appropriée était celle que l’appel n’a pas été interjeté dans le délai d’un an absolu et prévu par loi parce que l’appelant n’a pas demandé une prorogation du délai et qu’aucune prorogation n’a été accordée avant l’expiration du délai prévu par la loi (pièce AD4).

[27] En ce qui concerne les observations des parties et compte tenu des constatations susmentionnées, la décision de la division d’appel est la suivante :

L’appel est rejeté, car celui-ci n’a pas été interjeté dans le délai d’un an absolu et prévu par la loi étant donné que l’appelant n’a pas demandé une prorogation du délai et qu’aucune prorogation n’a été accordée avant l’expiration du délai prévu par la loi.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.