Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Représentant de l’appelant : Ron Dumonceaux
  • Représentant de l’intimé : Hasan Junaid
  • Observatrice : Veronica Walters

Questions préliminaires

[1] Cette affaire devait au départ avoir lieu le 26 février 2016. Environ 10 jours avant cette date, le représentant de l’intimé a présenté un addenda aux observations écrites et en a envoyé une copie au représentant de l’appelant. Le représentant de l’appelant n’a pas reçu ce document avant la date de l’audience. Il a indiqué que son bureau avait changé d’adresse. Bien qu’il n’ait pas fourni au Tribunal un avis de changement d’adresse, il a fait son changement d’adresse auprès de Postes Canada. Lorsqu’il a appris qu’un addenda a été présenté, il a demandé une suspension d’audience afin qu’il puisse trouver les éléments, puis il a demandé un ajournement afin qu’il puisse recevoir et considérer ces éléments pour ensuite préparer sa plaidoirie en la matière.

[2] Le représentant de l’intimé s’est objecté à ce qu’un ajournement soit accordé. Il a invoqué l’article 11 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (reproduit en annexe de la présente décision) pour étayer son argument selon lequel il faut procéder à l’affaire, car l’audience a déjà été reportée à la demande de l’appelant.

[3] C’était dans l’intérêt de la justice de permettre un court ajournement en la matière. L’addenda a seulement été présenté au Tribunal peu de temps avant la date prévue de l’audience. Les représentants des deux parties devraient avoir la chance d’analyser et de réfuter tous les arguments juridiques présentés en la matière. De plus, l’équipement audio de vidéoconférence ne fonctionnait pas bien, ce qui a causé des interruptions lors de l’audience. L’audience a été ajournée au 29 février 2016 et a été conclue cette journée-là.

[4] Le représentant de l’appelant a également indiqué que l’appelant ne serait pas présent lors de l’audience du 26 février 2016. Il venait de recevoir une lettre médicale de l’appelant qui indiquait qu’il ne pouvait pas être présent pour des raisons médicales. Le représentant a également indiqué le 29 février 2016 que l’appelant ne serait pas présent lors de l’audience ce jour-là. Le représentant a reçu des instructions de la part de l’appelant de procéder en son absence.

Introduction

[5] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. L’intimé a accordé cette demande et a commencé à lui verser la pension d’invalidité en octobre 1994. À la suite d’une enquête ultérieure, l’intimé a décidé que l’appelant n’était plus invalide et a suspendu le versement de sa pension d’invalidité à partir de février de l’année 2000. L’appelant a interjeté appel de la présente décision auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’affaire n’a pas été entendue avant le 1er avril 2013, puisque l’appelant a demandé plusieurs ajournements de l’audience. Le 1er avril 2013, l’appel a été transféré à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale avait au départ prévu une audience en octobre 2014. Celle-ci a été remise au 26 janvier 2015 à la demande de l’appelant.

[6] L’appelant a demandé que l’audience de janvier 2015 soit également ajournée. La division générale a refusé cette demande et a procédé à l’audience en l’absence de l’appelant. La division générale a rejeté l’appel.

[7] Le 11 mai 2015, l’appelant a obtenu la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel du Tribunal. Il a soutenu que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle lorsqu’elle a refusé sa demande d’un autre ajournement, car elle l’a empêché de plaider sa cause auprès de la division générale. L’intimé, en revanche, a maintenu que la division générale a respecté les principes de justice naturelle et a agi conformément au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale lorsqu’elle a procédé à l’audience en janvier 2015.

[8] Le présent appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité des questions en litige ;
  2. les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires.
  3. le fait que l’appelant et l’autre partie étaient représentés ;
  4. le fait que le matériel nécessaire à une vidéoconférence est disponible dans la région où réside l’appelant et où travaille son représentant ;

Analyse

[9] C’est la Loi sur le ministère de lEmploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) qui régit le fonctionnement du Tribunal. Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Il me faut donc déterminer si la division générale a commis une erreur tel que prévu par l’article 58 de telle sorte que sa décision ne peut pas être maintenue.

[11] Le représentant de l’appelant a soutenu que de ne pas accorder le deuxième ajournement de l’audience auprès de la division générale constitue un manquement à la justice fondamentale. Il a cité la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Cet arrêt énonce clairement qu’une décision qui touche les droits, privilèges ou biens suffit pour entraîner l’obligation d’équité, ce qui relève des principes de justice naturelle. Le concept d’équité procédurale est toutefois variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas. Dans cette décision, la Cour énumère un certain nombre de facteurs qui peuvent être considérés pour déterminer les exigences de l’obligation d’équité dans des circonstances données. Parmi ces facteurs, notons la nature de la décision et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi en question, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, et le choix de procédures par l’organisme lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[12] Le représentant a soutenu que la nature de la décision et le processus pour cette question en l’espèce a fait en sorte qu’en refusant la demande d’ajournement, l’audience orale a été convertie en [traduction] « audience sur pièces », ce qui a eu pour résultat que l’appelant n’a pas été capable de plaider sa cause. Il a affirmé qu’il était évident que l’appelant avait l’intention de répondre aux arguments de l’intimé, mais qu’il s’est vu refuser ce droit lorsque l’ajournement ne lui a pas été accordé.

[13] En outre, le représentant a déclaré que bien que le Tribunal se prononce sur les affaires rapidement et de manière rentable, et que bien que cette affaire ait été prolongée en raison de plusieurs demandes d’ajournement de la part de l’appelant, la nature des demandes auprès du Tribunal font en sorte que des retards sont à prévoir, et le retard de cette affaire n’a causé aucun préjudice à l’un ou l’autre des parties puisque l’appelant ne reçoit pas de pension d’invalidité de l’intimé depuis plusieurs années. S’il n’a pas gain de cause, alors aucun remboursement ne sera nécessaire ; s’il n’a pas gain de cause, l’intimé ne lui devra aucune somme d’argent.

[14] Le représentant a également indiqué que l’importance de cette affaire va de soi et qu’il y a eu un manquement aux attentes légitimes de l’appelant pour plaider sa cause, car il n’a pas eu d’audience orale. Il soutenait que ce manquement à la justice naturelle était une circonstance exceptionnelle de telle sorte que de ne pas accorder la demande d’ajournement était une erreur susceptible de révision.

[15] Finalement, le représentant de l’appelant a fait valoir que la division générale ne s’est pas penchée sur la question à savoir si ne pas accorder un ajournement est un manquement à la justice naturelle et si ce, en soi, était également une erreur susceptible de révision.

[16] Je conviens qu’en l’espèce, le Tribunal était tenu d’une obligation d’observer les principes de justice naturelle envers l’appelant. Les facteurs énoncés dans la décision Baker étaient également pertinents pour décider ce que cette obligation signifiait en l’espèce. Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincue que la division générale a commis un manquement à cette obligation qu’elle avait envers l’appelant. Sa demande de pension d’invalidité a été acceptée par l’intimé et elle lui a été versée pendant un certain temps. Lorsque l’affaire a subséquemment fait l’objet d’une enquête par l’intimé, l’appelant a été avisé. Il a aussi été avisé de la décision de l’intimé de mettre fin au versement de la pension d’invalidité, et il a exercé son droit d’interjeter appel de cette décision.

[17] Au cours du processus d’appel, l’appelant s’est vu accorder plusieurs ajournements par le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision pour des raisons médicales, entre autres. L’appel a ensuite été transféré au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a encore une fois accordé à l’appelant un ajournement de l’audience, afin qu’il puisse se trouver un autre représentant. Il s’agissait d’un long ajournement afin de répondre à la demande de l’appelant et de lui accorder 10 semaines pour se trouver un autre représentant.

[18] Le Tribunal de la sécurité sociale est limité par la Loi sur le MEDS qui régit son fonctionnement, et par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale(Règlement). Ce règlement est clair sur le fait qu’un seul ajournement d’une audience peut être accordé, à moins qu’il y ait des circonstances exceptionnelles. Dans cette affaire, la division générale a conclu qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles, et les motifs qui lui ont permis de rendre sa décision sont indiqués clairement dans la décision. Le représentant de l’intimé avait raison lorsqu’il a affirmé que sans de telles circonstances, la division générale était chargée de tenir l’audience en janvier 2015, et l’appelant a clairement reçu un avis à ce sujet.

[19] Rien n’empêchait l’appelant de plaider sa cause ou de répondre à la preuve présentée contre lui. Lorsqu’il a demandé que l’ajournement perdure afin qu’il puisse se trouver un autre représentant, la division générale l’a avisé que la date de l’audience de janvier 2015 ne serait pas ajournée. Malgré cela, l’appelant a fait une autre demande d’ajournement, cette fois-ci pour des raisons médicales. L’appelant avait communiqué avec le Tribunal par écrit. Il aurait pu continuer à agir ainsi. La position juridique de l’intimé lui avait été présentée bien avant la date de l’audience établie par le Tribunal, initialement prévue en octobre 2014 puis ajournée pour janvier 2015. Il était donc au courant des arguments retenus contre lui et on lui a accordé amplement de temps pour y répondre.

[20] Je note également que le Tribunal n’est pas tenu d’accorder à chaque prestataire une audience orale en la matière, mais elle peut aussi rendre des décisions sur la foi du dossier écrit ou au moyen de questions et réponses écrites. Cela enlève du poids à l’affirmation de l’appelant selon laquelle les principes de justice naturelle n’ont pas été observés, car la présente affaire a été tranchée sur la foi des documents écrits.

[21] De plus, bien que des retards soient à prévoir pour les demandes de pension d’invalidité en raison de la nature de celles-ci, cela a dû être à l’esprit du Parlement lorsqu’il a adopté la Loi sur le MEDS et le Règlement qui régissent le Tribunal, et ces derniers contiennent le libellé précis qui empêche de nombreux ajournements d’affaires.

[22] Le représentant de l’appelante a également fait valoir que le fait que la décision de la division générale ne fait pas référence aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale lorsqu’elle a refusé d’accorder l’ajournement démontre qu’elle ne s’est pas penché sur la question, ce qui est un manquement à ces principes. Je ne suis pas d’accord. Il n’est pas nécessaire que la division générale fasse référence à chacun des arguments qui pourraient être soulevés lors d’une instance devant elle (Simpson c. Canada (Procureur général du Canada), 2012 CAF 82). De plus, l’appelant n’a pas soulevé cette question auprès de la division générale. L’on ne peut pas s’attendre à ce que la division générale anticipe quels arguments seront soulevés en appel de sa décision, et que celle-ci examine et tranches toutes ces questions avant que celles-ci ne soient soulevées.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté. Compte tenu des raisons mentionnées précédemment, je ne suis pas convaincue que la division générale n’ait pas observé les principes de justice naturelle dans cette affaire.

Annexe

Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

11 (1) Toute partie peut présenter au Tribunal une demande de remise de l’audience ou d’ajournement en déposant celle-ci, avec motifs à l’appui, auprès du Tribunal.

(2) Si le Tribunal accorde la remise ou l’ajournement, le Tribunal refuse toute demande subséquente de remise ou d’ajournement de l’audience à moins que la partie puisse établir que la remise ou l’ajournement est justifié par des circonstances exceptionnelles.

12 (1) Si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience.

(2) Le Tribunal tient l’audience en l’absence de la partie à la demande de laquelle il a déjà accordé une remise ou un ajournement s’il est convaincu qu’elle a été avisée de sa tenue.

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