Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 14 septembre 2015. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence le 8 septembre 2015 et a établi que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, parce qu’elle a conclu que l’invalidité de cette dernière n’était pas « grave » à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin le 31 décembre 2012. La représentante de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler le 14 décembre 2015. Elle a soulevé un certain nombre de moyens d’appel. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’un des moyens d’appel soulevés par la demanderesse a-t-il une chance raisonnable de succès en appel?

Observations

[3] La représentante soutient que la division générale :

  1. a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la demanderesse ne suivait pas les recommandations de traitement, et en particulier, qu’elle ne prenait pas du Wellbutrin XL;
  2. a commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas tenté d’occuper un emploi à temps partiel ou sédentaire, malgré le fait qu’elle soit analphabète, que sa maîtrise de la langue anglaise soit limitée et que ses compétences transférables soient insuffisantes;
  3. a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des expériences subjectives de la demanderesse et de l’impact de ses symptômes sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation planifiée rémunératrice : MDRH c. Chase (6 novembre 1998), CP 06540 (CAP) et G.B. c. MRHDS (27 mai 2010), CP 26475 (CAP).

[4] Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé à l’intimé une copie des documents de permission d’en appeler, mais l’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[5] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, la demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel correspondent à l’un des moyens d’appel prévus et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment approuvé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

(a) Respect des recommandations de traitement

[7] Au paragraphe 17 de sa décision, la division générale a soulevé que la demanderesse a témoigné avoir pris du Wellbutrin XL depuis qu’on lui en a prescrit en 2012. La division générale a ensuite conclu au paragraphe 40 que si la Dre Thakur avait recommandé à la demanderesse de commencer à prendre du Wellbutrin XL en octobre 2014, c’est que la demanderesse n’a pas suivi les recommandations du Dr Toma de commencer à prendre du Wellbutrin XL en août 2012, nonobstant le témoignage de la demanderesse sur ce point. La division générale a conclu que la demanderesse ne suivait pas les recommandations, qu’elle a commencé à prendre du Wellbutrin XL en octobre 2014.

[8] La représentante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve – soit au dossier d’audience ou dans le témoignage de la demanderesse devant la division générale – que la demanderesse ne suivait pas les recommandations de traitement au meilleur de ses capacités.

[9] La représentante mentionne que la médecin de la demanderesse, Dre Thakur, a recommandé à la demanderesse de diminuer ou de cesser la prise d’Effexor et de commencer à prendre du Wellbutrin XL pour favoriser la perte de poids et stimuler la motivation. La représentante indique toutefois que la demanderesse avait informé la Dre Thakur qu’elle prenait du Wellbutrin XL depuis août 2012, et que cette information a sûrement été perdue en raison d’une erreur de communication. La représentante atteste que la division générale a commis une erreur en concluant que la demanderesse ne suivait pas les recommandations de traitement.

[10] Il existe d’autres moyens que la demanderesse aurait pu utiliser pour prouver qu’elle prenait du Wellbutrin XL ou toute autre médication prescrite. Elle aurait pu obtenir un dossier de patient Pharmanet par l’entremise du College of Pharmacists of British Columbia (« Collège des pharmaciens de la Colombie-Britannique » [traduction libre]) (bien qu’elle aurait pu avoir à payer certains frais), ou une copie papier de la pharmacie où elle achète ses médicaments. Néanmoins, la division générale pouvait seulement se prononcer en fonction de la preuve documentaire qu’on lui a présentée. Il lui revenait de tirer ses conclusions d’après les recommandations faites par la Dre Thakur, et de privilégier la preuve de cette dernière plutôt que le souvenir de la demanderesse quant aux médicaments qu’elle prenait à une certaine période lui revenait. Il ressort du rapport médical de Dre Thakur (à la pièce GT5-2) qu’elle avait examiné les médicaments que la demanderesse prenait à ce moment. Les conclusions de la division générale concernant le fait que la demanderesse ne prenait pas de Wellbutrin XL n’étaient donc pas déraisonnables à cet égard. (Il n’est pas clair si la demanderesse a continué à voir le Dr Toma après juin 2012, mais si elle n’a pas continué à le voir, alors qui lui prescrivait du Wellbutrin XL serait la question.) Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

(b) Tentative d’accéder à un emploi

[11] La représentante atteste que la division générale a commis une erreur en omettant de tenir compte du fait que la demanderesse est analphabète, a une maîtrise limitée de la langue anglaise et a des compétences transférables insuffisantes dans la conclusion que cette dernière n’a pas tenté d’occuper un emploi. Essentiellement, la représentante atteste que la division générale n’a pas appliqué l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, où la Cour d’appel fédérale a tenu que pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, il doit y avoir un « semblant de vérité » et que l’on doit tenir compte des caractéristiques personnelles d’un demandeur, dont l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[12] La division générale a évalué les caractéristiques personnelles de la demanderesse aux paragraphes 34 et 35 de sa décision. Elle y a reconnu que la demanderesse devait composer avec plusieurs barrières. L’évaluation de la situation d’un demandeur est une question de jugement sur laquelle la Cour d’appel fédérale se garde de se prononcer : Villani, paragr. 49.

[13] La Cour d’appel fédérale a aussi mentionné que cela ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Une preuve médicale doit tout de même être fournie : Villani, paragr. 50. La division générale a évalué et déterminé que les éléments de preuve médicale étaient insuffisants en ce qui concerne l’invalidité de la demanderesse, les recommandations de traitement et les pronostics de rétablissement.

[14] La division générale a reconnu que la demanderesse aurait de la difficulté à reprendre son emploi précédent. La division générale a aussi conclu d’après la preuve déposée que, certes la demanderesse doit composer avec des limitations, elle possède néanmoins une capacité résiduelle. Elle doit donc tenter de détenir un emploi [traduction] « en fonction de ses limitations et de ses problèmes médicaux ». Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

(c) Expériences subjectives

[15] La représentante atteste que la division générale a omis de tenir compte des expériences subjectives de la demanderesse de l’impact de ses symptômes sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation planifiée rémunératrice. Par contre, la représentante n’a pas mentionné la preuve de la demanderesse portant sur ses expériences subjectives et sur l’impact de ses symptômes.

[16] Bien que l’expérience subjective d’un demandeur constitue un élément déterminant dans la décision à savoir s’il ou elle peut être considéré comme souffrant d’une invalidité grave, la jurisprudence établit clairement que cet élément seul n’est pas l’unique moyen de déterminer l’invalidité; des éléments de preuve médicale sont aussi requis.

[17] La représentante s’appuie de décisions rendues par la Commission d’appel des pensions. Dans Chase, la Commission d’appel des pensions a conclu que les expériences subjectives d’un demandeur étaient des facteurs importants, et dans G.B., la Commission d’appel des pensions a indiqué que la preuve principale sur laquelle l’on doit se fonder est la preuve subjective ou la description verbale que fait l’appelant de sa douleur. Toutefois, dans chacun de ces cas, des avis médicaux exhaustifs avaient été présentés à la Commission d’appel des pensions, et dans G.B., la Commission d’appel des pensions a aussi indiqué que les rapports médicaux devaient être étudiés, de même que le témoignage de l’appelant. Dans Chase, l’appelante s’est soumise à tous les traitements médicaux suggérés sur une période de six ans. Ces deux sources laissent tout de même croire que des documents médicaux justificatifs sont requis.

[18] Pour le cas présent, la division générale a clairement déterminé que les éléments de preuve médicale étaient insuffisants. La demanderesse a été suivie par son médecin de famille, a été rencontrée par au moins deux psychiatres, et il a été mentionné qu’elle a fait de la physiothérapie. La division générale a mentionné que ni le médecin de famille, Dr Toma, ni la psychiatre, Dre Thakur, n’ont produit de rapports à jour. La demanderesse n’a pas consulté un rhumatologue et n’a pas passé une IRM, comme il semble qu’on le lui avait recommandé. Sans ces éléments de preuve, la division générale était dans l’impossibilité de convenablement évaluer l’appel parce qu’elle ne pouvait pas connaître les recommandations qui ont été faites, la réaction de la demanderesse aux traitements, les diagnostics et les pronostics donnés par ces praticiens. Bien que la division générale aurait pu tenir compte des expériences subjectives de la demanderesse et de l’effet que ses symptômes ont sur elle, la demanderesse n’aurait pas pu présenter l’opinion d’un expert sur ses diagnostics ou pronostics, ou sur les autres questions que la division générale a considérées pour évaluer la gravité de l’invalidité de la demanderesse.

[19] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen présente une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[20] La demande de permission d’en appeler est refusée.

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